Contenu du sommaire : À quoi servent les experts ?
Revue | Cahiers internationaux de sociologie |
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Numéro | vol. 126, janvier-juin 2009 |
Titre du numéro | À quoi servent les experts ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- À quoi servent les experts ? - Berrebi-Hoffmann Isabelle, Lallement Michel p. 5-12
- Nouveau capitalisme et expertise quotidienne. Entretien avec Richard Sennett (London School of Economics et New York University) - p. 13-20
- La régulation de l'éthique parlementaire : l'institutionnalisation d'un champ d'expertise contesté - Saint-Martin Denis p. 21-37 Cet article explore la problématique de l'autonomisation et de la différenciation de l'expertise dans la régulation de l'éthique parlementaire aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Les organismes de régulation de l'éthique parlementaire opèrent dans un environnement hautement partisan, institutionnellement manipulable, et mobilisent une expertise contestée par les élus, ceux-ci s'estimant être les seuls à disposer de l'expérience pratique et vécue leur permettant de juger les dilemmes éthiques soulevés par la représentation politique. Là où les conflits sont régulés par la politique partisane et les rapports de force, l'expertise peine à se développer.
- Élites intellectuelles et réforme de l'État. Esquisse en trois temps d'un déplacement d'expertise - Berrebi-Hoffmann Isabelle, Grémion Pierre p. 39-59 En suivant un fil chronologique, l'article donne des points de repère sur l'évolution des acteurs et savoirs des experts de la réforme de l'État en France. L'unité de lieu et de milieu des années 1980 autour de figures issues des élites administratives, des cercles universitaires et intellectuels français réunis dans des clubs de pensée a évolué dans les années 1990 vers à la fois une multiplicité d'acteurs privés – Think tanks et consultants internationaux – et une uniformité des méthodes de modernisation publique : le recours à l'importation d'outils de gestion et normes issues du privé. Cet angle d'appréhension chronologique ouvre plus largement sur une analyse de la transformation du monde des élites dirigeantes et des élites intellectuelles nationales. La réforme devenue synonyme d'importation des normes privées dans le secteur public dans les années 1990 a créé un véritable marché international de l'expertise, remettant en cause les ressources des élites traditionnelles françaises en mutation et recomposition aujourd'hui.
- Des pairs aux experts : l'émergence d'un « nouveau management » de la recherche scientifique ? - Vilkas Catherine p. 61-79 Parmi les transformations qui touchent le dispositif public de recherche français, il en est une, dans un espace situé entre savoir et politique, qui demeure inaperçue et que cet article vise à explorer : le rôle renforcé de nouveaux experts proposant sous une forme opérationnelle des compétences destinées à aider décideurs politico-administratifs et gestionnaires dans leurs actions. Issus non plus des laboratoires en sciences exactes et de la nature mais d'une fraction des sciences sociales, économiques et de gestion, parfois de formation ingénieur, ces intervenants, de statuts variés, fournissent diagnostics, concepts et outils censés accroître l'efficacité de la recherche publique. En dépit de leur aspect techniquement neutre, ces contributions, qui s'éloignent souvent du contenu scientifique, favorisent la diffusion d'une conception managériale de la recherche et de son organisation, affaiblissant l'autonomie des professionnels de la science.
- L'institutionnalisation d'une fonction d'expertise et de conseil auprès des élus du personnel - Cristofalo Paula p. 81-98 La reconnaissance de la fonction d'expert auprès des représentants du personnel est un bon analyseur de l'évolution des pratiques syndicales. L'article met en relief les résistances suscitées par cette activité dans le monde militant et l'échec relatif du développement d'une expertise opérationnelle interne aux organisations syndicales. Il pointe le retournement de cette situation grâce à l'externalisation de cette activité par le biais d'organismes autonomes. Le recours à l'expertise se trouve conforté par le caractère instrumental que lui confère son institutionnalisation dans un champ d'activités distinct du monde syndical. Il apparaît aujourd'hui d'autant plus légitime qu'il permet à nombre d'élus de combler certains vides résultant de l'affaiblissement des organisations syndicales.
- Les consultants au coeur des interdépendances de l'espace de la gestion - Boussard Valérie p. 99-113 À partir d'une mise en lumière des liens entre l'univers académique, l'univers du conseil et celui des organisations clientes de ces derniers, cet article s'interroge sur la place et l'influence croissante des consultants dans le monde économique, administratif et même associatif. Il propose de comprendre ces dernières comme le résultat d'une dynamique qui amène chacun des acteurs de ces univers à se comporter en « professionnel », c'est-à-dire à asseoir ses pratiques sur la maîtrise de savoirs, techniques, outils spécialisés et appropriés. Ceux-ci leur permettent de prétendre légitimement intervenir sur la résolution des problèmes organisationnels. C'est en tant qu'experts de ces savoirs que les consultants se présentent. Ils répondent ainsi, tout en la nourrissant, à l'exigence d'une figure professionnelle institutionnalisée par le monde académique et partagée par leurs clients. Cette figure est celle du « manager », réputé seul capable de faire advenir les principes gestionnaires de Maîtrise, Performance et Rationalité.
- La carrière contre le travail ? Savoirs, activités et trajectoires de jeunes experts de la finance et de l'informatique - Lallement Michel, Sarfati François p. 115-130 La finance et l'informatique sont deux secteurs d'activité au sein desquels on a vu fleurir au cours de ces dernières années de nouvelles figures d'experts. L'exploitation d'un matériau accumulé par enquêtes auprès de jeunes salariés du courtage en ligne et d'ingénieurs en informatique montre qu'il y a loin entre le modèle idéal de l'expert (entendu comme professionnel capable d'appliquer rationnellement des connaissances complexes au profit d'autrui) et le rapport concret à l'activité. Il apparaît que, dans la finance comme dans l'informatique, le marché de l'expertise produit des exigences qui peuvent mettre en porte à faux des salariés qui voudraient tout à la fois vivre pleinement leur passion au travail sans pour autant renoncer à faire carrière.
- Des évaluateurs financiers indépendants ? Un impératif de la théorie économique soumis à l'enquête sociologique - Montagne Sabine p. 131-148 L'indépendance des experts évaluateurs en finance, prônée par la théorie financière, ne résiste pas à l'enquête sociologique. La proximité de savoirs et d'expertise et la collusion d'intérêts des évaluateurs et des évalués sont imputables à l'origine financière des firmes considérées, aux incitations économiques qui résultent de leur stratégie entrepreneuriale au sein du champ, ainsi qu'aux tensions auxquelles elles soumettent les professionnels au cours du processus interne d'évaluation. Si la dépendance s'avère donc structurelle, la théorie financière et ses dérivés réglementaires n'en continuent pas moins à défendre l'extériorité des évaluateurs. Les nombreux contre-exemples sont certes reconnus mais sont qualifiés de dysfonctionnements conjoncturels. Cette posture témoigne qu'un enjeu théorique est en cause : le principe de l'extériorité de l'évaluation soutient la croyance dans l'existence d'une valeur fondamentale des titres financiers, pilier de la théorie financière.
- Les frontières de l'expertise - Lima Léa p. 149-155
- Notes de lecture - p. 157-168