Contenu du sommaire : La Turquie

Revue Pouvoirs Mir@bel
Numéro no 115, 2005/4
Titre du numéro La Turquie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Clés pour la modernisation des institutions politiques - Oktay Cemil p. 5-23 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    L'auteur essaie d'expliquer les institutions politiques autour de la problématique de la modernisation. Il décrit d'abord brièvement les cadres formels des institutions tels qu'ils sont conçus dans la Constitution actuelle. Il tente ensuite d'analyser la manière dont les Turcs vivent la transformation véhiculée par des mythes ancestraux. Ainsi, se dégage une culture politique, en quelque sorte une Constitution non écrite qui anime et qui traverse la vie politique de la Turquie. C'est ce qui fait, conclut-il, la force et la faiblesse de l'expérience.
    The author uses the problematic of modernization to attempt to explain the Turkish political institutions. He first describes briefly the formal institutional framework as set up by the current Constitution. He then analyzes the way the Turks experience their transformation conveyed by ancestral myths. As a result a political culture emerges, a sort of unwritten Constitution that sustains and defines Turkish political life. According to the author, this accounts for both the strength and weakness of the experiment.
  • État et État de droit en Turquie - Marcou Jean p. 25-40 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    L'histoire de la République turque ne se confond pas avec celle de la démocratie. Elle rejoint avant tout celle de l'État. « L'État turc est une République », dit d'ailleurs le premier article de la Constitution de 1982. L'avènement de la République a signifié la consécration d'un État réformé que l'on s'employait à moderniser depuis plus d'un siècle dans le cadre d'un Empire moribond. Mais cet État réformé devenu réformateur n'était pas à l'origine un État de droit. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale dans le contexte d'un passage un peu précipité à la démocratie que les idées de séparation des pouvoirs et d'État de droit ont commencé à prendre corps. Aujourd'hui, la candidature à l'Union européenne et la nécessité de satisfaire aux fameux critères de Copenhague ont accéléré un processus d'émancipation politique qui révèlent aussi les changements profonds que connaît la société turque depuis une dizaine d'années.
    The history of the Turkish Republic cannot be identified with that of democracy. It is first of all the history of the State. “The Turkish state is a republic” according to the first article of the 1982 constitution. The proclamation of the republic has amounted to the consecration of a reformed State after over a century of attempted modernization within the framework of a moribund empire. But this reformed state, which had become a reforming state, was not at the origin of the rule of law. Only after the second world war, in the context of a rather hasty transition to democracy, did the notions of the separation of powers and the rule of law begin to materialize. Today, Turkey's candidacy to membership of the European Union and the need to satisfy the famous Copenhagen criteria have accelerated a process of political emancipation that also reveals the far-going changes experienced by Turkish society over the last ten years.
  • L'AKP et le paysage politique turc - Chenal Alain p. 41-54 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La victoire électorale du Parti de la justice et du développement (AKP) a surpris les Européens, qui éprouvent quelque difficulté à définir ce parti, improprement présenté comme celui des « islamistes modérés ». S'inscrivant dans la longue et complexe histoire du multipartisme et du système des partis en Turquie, l'AKP se situe pour l'essentiel dans la continuité des efforts entrepris depuis les années 1950 pour faire vivre un centre droit libéral et réformateur opposé à la tradition étatique et « éclairée » issue du kémalisme. Les succès initiaux du gouvernement Erdogan sur la voie de la préparation du pays à la négociation sur l'adhésion à l'Union européenne accréditent l'idée de « démocrates musulmans », même si la dynamique politique semble hésiter après la décision européenne de décembre 2004.
    The electoral victory of the Party of Justice and Development (AKP) has surprised Europeans who have some difficulty in defining this party and improperly present it as the party of “moderate Islamists”. As part of the long and complex history of the Turkish multi-party system, the AKP is basically in keeping with the attempts launched in the 1950s to create a liberal and reformist center-right force opposed to the enlightened statist tradition descended from Kemalism. The initial success of the Erdogan government in the process of preparing the country for the negotiations leading to membership of the European Union substantiate the notion of “Muslim democrats”, even though the political dynamic has tended to falter since the European decision of December 2004.
  • Armée et politique en Turquie ou la démocratie hypothéquée - Balans Jean-Louis p. 55-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La vie politique de la République turque a été marquée depuis plus de quarante ans par les interventions répétées des militaires et une mise sous tutelle des institutions démocratiques. La puissance politique de l'armée peut s'expliquer par les dérèglements d'une démocratie pluraliste qu'elle n'a jamais considérée comme un impératif majeur de la modernisation kémaliste. Elle a aussi des racines historiques profondément ancrées dans la mémoire collective et s'appuie sur une forte légitimité sociale. La tension croissante entre un État centralisé et une société civile de plus en plus rétive à la discipline idéologique peut trouver une solution dans les changements entraînés par la candidature à l'Union européenne. La redéfinition des rapports de l'armée et du pouvoir civil est largement entamée, mais l'institution militaire demeurera une importante force d'influence.
    For more than forty years, politics in Turkey has been characterized by repeated interventions of the military and a strict supervision of democratic institutions. The political power of the army can be explained by the malfunctioning of a pluralist democracy that it has never considered as a major necessity of the Kemalist modernization process. It also has historical roots firmly established in collective memory and it benefits from a strong social legitimacy. The growing tension between a centralized state and a civil society more and more reluctant to accept any ideological control, may find a solution in the changes produced by the European membership candidacy. The redefinition of the relationship between the army and civil power is well under way, but the military will retain a major influence in the country.
  • La laïcité républicaine et l'islam public - Göle Nilüfer p. 73-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Pour les pays « extra-européens », comme la Turquie ou le Mexique par exemple, l'accès à la modernité est passé par l'adoption du modèle français de la laïcité et non par le processus de sécularisation anglo-saxon. Or, aujourd'hui, avec l'irruption de l'islam public, de l'islam dans l'espace public – comme le montre la question du voile soulevée aussi bien en France qu'en Turquie –, c'est bien la République qui est en jeu et doit s'interroger sur son fondement séculier et mono-culturel. L'expérience turque contemporaine permet d'analyser la relation complexe et conflictuelle entre la laïcité républicaine et la présence musulmane ainsi que d'entrevoir les dangers à confondre espace public et République. La candidature de la Turquie à l'UE fait rebondir le débat et l'amplifie : l'Europe se veut-elle l'expression de frontières destinées à la protéger de ce qu'elle considère « autre », ou veut-elle montrer sa capacité politique à redéfinir ces mêmes frontières en se projetant vers l'avenir ?
    For non-European countries such as Turkey and Mexico, the move toward modernity has meant the adoption of the French model of secularism rather than the Anglo-Saxon process of secularization. Today, however, the emergence of public Islam, of Islam in the public space – as exemplified by the debate about the veil in France as well as in Turkey – represents a challenge for the Republic whose secular and mono-cultural foundation is questioned. The contemporary Turkish experience offers a good opportunity to analyze the complex and tensed relationship between Republican secularism and the Muslim presence and to stress the dangers of confusing the public space and the Republic. The Turkish candidacy to membership of the European Union has revived and amplified the debate: Does Europe want to be a system of boundaries aiming to protect her against what she considers as the “other”, or does she want to show its political capacity to redraw these boundaries by projecting herself into the future ?
  • La transformation économique de la Turquie : une nouvelle ère de gouvernance ? - Ülgen Sinan p. 87-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    L'économie turque a traditionnellement été caractérisée par une grande volatilité, des périodes de croissance substantielle étant suivies d'inévitables et profondes récessions. Cette volatilité est essentiellement le résultat de problèmes de gouvernance politique. La récente crise de 2001 a fourni la motivation nécessaire pour la réforme des structures de gouvernance. L'économie a répondu de façon positive et la Turquie est entrée dans une période de croissance soutenue. À long terme, la croissance économique de la Turquie sera favorisée par l'ouverture de l'économie, des facteurs démographiques positifs et des niveaux de productivité comparables à ceux des pays d'Europe centrale et orientale. Cependant, le principal défi viendra des transformations structurelles concernant la structure duale de l'économie et le poids décroissant de l'agriculture. Le rôle de l'UE sera essentiel en tant que point d'ancrage favorisant la consolidation des réformes ainsi que pour ouvrir la voie à un rythme de croissance forte et soutenue. L'UE bénéficiera également d'une Turquie qui sera devenue un moteur régional de croissance.
    The Turkish economy has traditionally been characterized by high volatility with periods of significant growth followed inevitably by deep recessions. This volatility has been essentially due to a problem of political governance. The last crisis of 2001 provided the necessary impetus for reforming governance structures. The economy responded positively and Turkey has entered a period of sustained growth. In the long term, economic growth in Turkey will be fueled by the openness of the economy, positive demographic factors and productivity levels which compare favorably with the countries of Central and Eastern Europe. The main challenge will, however, be one of structural transformation addressing the dual structure of the economy and reducing the weight of agriculture. The role of the EU will be essential as an anchor helping to consolidate the reforms and to pave the way for a sustainable and high growth pattern. The EU will also benefit from a Turkey that has become a regional engine of growth.
  • Les minorités en Turquie - Bozarslan Hamit p. 101-112 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Partant des susceptibilités de la Turquie concernant le statut des minorités, cet article souligne, dans un premier temps, que les questions minoritaires émergent dans l'Empire ottoman dans le sillage des réformes dites de Tanzimat (1838). Il analyse ensuite le statut des minorités arménienne, grecque et juive, seules à être reconnues comme telles par le traité de Lausanne. Il insiste, en troisième lieu, sur l'importance d'autres minorités linguistiques ou confessionnelles, notamment kurde et alévie, qui ne disposent d'aucun statut juridique. Enfin, l'article suggère que les blocages de la Turquie sur ces dossiers complexes sont étroitement liés à la faiblesse de la « construction nationale turque ».
    Starting from the touchy reaction of Turkey regarding the status of its minorities, the author first stresses that the questions related to minorities emerged within the Ottoman empire in the aftermath of the Tanzimat reforms of 1838. Secondly, he analyzes the status of the Armenian, Greek and Jewish minorities, the only ones recognized as such in the Treaty of Lausanne. He then emphasizes the importance of other linguistic or religious minorities, in particular the Alevis and the Kurds, who do not benefit from any juridical status. Lastly, the author suggests that the blockages existing in Turkey around these complex issues are closely linked to the weakness of “Turkish national construction”.
  • Les atouts de la politique extérieure de la Turquie - Billion Didier p. 113-128 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La Turquie possède d'incontestables atouts dans le déploiement de sa politique extérieure. Bien que son projet fondamental reste l'adhésion à l'Union européenne, sa position géographique, à l'épicentre de plusieurs aires géopolitiques, l'oblige à multiplier les contacts et les initiatives. Tout en restant un partenaire important des États-Unis, elle n'en mesure pas moins les dangers que la politique unilatéraliste de Washington engendre dans son voisinage et n'hésite pas à s'y opposer. Désormais, il faut évaluer les initiatives diplomatiques de la Turquie comme émanant d'une puissance régionale qui s'affirme et reste consciente de ses intérêts nationaux.
    Turkey possesses undeniable assets in the development of its foreign policy. Even though its fundamental goal remains membership of the European Union, its geographical position, at the epicenter of several geographical areas, forces her to multiply its contacts and initiatives. While remaining an important partner of the United States, it is nevertheless aware of the risks Washington's unilateralist policies create in its region and it does not hesitate to oppose them. In future, Turkey's diplomatic initiatives should be assessed as emanating from an assertive regional power that remains aware of its national interests.
  • Pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. La vieille Europe malade et le jeune homme turc - Étienne Bruno p. 129-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La Turquie est déjà en Europe tant sur le plan commercial que géostratégique et la campagne électorale avant le référendum sur le traité constitutionnel – qui a systématiquement utilisé la peur comme argument – a montré la mauvaise foi et l'ignorance de la classe politique sur ce sujet. Or notre intérêt, cynique, est que la Turquie soit une alliée de l'Europe en tant que « pont » aussi bien vers le monde arabo-musulman que vers l'Asie.
    Turkey already belongs to Europe as far as trade and geo-strategic considerations are concerned. The electoral campaign preceding the referendum on the constitutional treaty, in which fear was systematically used as an argument, illustrated both the bad faith and ignorance of political leaders on this point. Yet our cynical interest dictates that Turkey become an ally of Europe, as a “bridge” toward both the Arab-Muslim world and Asia.
  • Contre l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. L'Union européenne de nos mérites - Goulard Sylvie p. 139-151 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Un débat public sur les frontières de l'Union européenne n'a jamais eu lieu. Les Européens ne savent notamment pas pourquoi l'Europe devrait englober la Turquie. Trop de questions importantes ne sont pas résolues : l'UE n'a pas les institutions requises, elle n'a pas un budget suffisant. Ses politiques seraient donc en péril. À trop s'élargir, l'Union européenne qui était censée renforcer la capacité d'action de ceux qui en composent le cœur, devient subrepticement un outil de stabilisation de sa périphérie. C'est d'autant moins justifié que la promotion des « valeurs européennes », si souvent mises en avant, laisse à désirer : pusillanimes sur le génocide arménien, plus préoccupés de business que de droits des femmes ou de liberté religieuse, peu regardants sur la laïcité, gouvernants et institutions communautaires ne sont plus à la hauteur des exigences morales des Pères fondateurs de l'Europe politique.
    There has never been any public debate about the borders of the European Union. In particular, Europeans do not know why Europe should include Turkey. There are too many important unresolved questions : the EU does not have the required institutions, its budget is not sufficient, so Turkey's entry would imperil its policies. By overstretching itself, the European Union, which was supposed to strengthen the ability to act of its core members, is surreptitiously becoming a tool for the stabilization of its periphery. This is all the less justified as the oft-vaunted promotion of “European values” leaves much to be desired : fainthearted about the Armenian genocide ; preoccupied with business rather than with the rights of women or religious freedom; little concerned about secularism, European leaders and institutions no longer live up to the moral demands of the founding fathers of political Europe.
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