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Alain Touraine : Une sociologie sans société. Il semble aller de soi que l'objet de la sociologie est l'étude de la société. Pourtant cette idée doit être mise en cause. L'idée de Société s'est formée dans des conditions particulières, au confluent de l'idée d'institution, venue des XVIIe et XVIIIe et de celle d'évolution volontaire des sociétés, venue de la Révolution française et du mouvement des nationalités. L'idée de société n'est responsable ni de la montée des Etats nationaux ni de la recherche d'un nouvel ordre au-delà des bouleversements de l'industrialisation. Aujourd'hui cette dernière figure de l'Un est devenue inutile et la sociologie doit se définir plutôt comme étude des relations et des actions sociales que comme connaissance du Centre et du principe d'unité de la vie des collectivités.

Etienne Géhin : Rousseau et l'histoire naturelle de l'homme social. En dépit de toutes les faiblesses qu'on peut lui imputer aujourd'hui, le "Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes" reste un texte fondamental et d'actualité. Il est fondamental pour qui veut comprendre le système de Rousseau : la théorie de l'éducation et celle de la liberté politique n'y ont de sens qu'ensemble et par rapport à l'histoire que le Discours raconte. Il est fondamental pour qui s'intéresse à la formation de la pensée sociologique, c'est-à-dire au travail de ceux qui l'on rendue possible, fût-ce sans le savoir ni le vouloir, en exhibant les paralogismes inhérents aux métaphysiques de la nature humaine et de la société. Il reste d'actualité parce qu'on y voit l'homme social naître d'une histoire naturelle réglée par le hasard et la nécessité.

Doris Bensimon : Sociologie des judaïcités contemporaines. Bilan et perspectives de la recherche française. En France, depuis une vingtaine d'années, la recherche sociologique et ethnologique appliquée à l'étude des judaïcités contemporaines a connu un développement important. Après un bref bilan des recherches menées en France et leur comparaison avec des études étrangères, sont discutées des difficultés d'ordre méthodologique. L'intérêt méthodologique et théorique de ces recherches dépasse le champ étudié.

Michel Blanc : Le prix de la fidélité. Le phénomène de l'engagement volontaire dans les armées a souvent été étudié à partir de grandes hypothèses macrosociologiques. L'auteur a préféré s'appuyer sur une étude microsociologique de la carrière des sous-officiers de l'armée de l'air et construire, par une méthode inductive, un modèle de simulation des choix stratégiques de ces acteurs sociaux. Les sous-officiers de l'armée de l'air, tant techniciens que militaires, ont une manière de servir qui se comprend bien à l'aide de paradigmes interactionnistes dans lesquels l'individualisme structurel de leurs choix de fidélité ou de défection joue un rôle déterminant par rapport aux divers facteurs idéologiques et normatifs comme la vocation ou l'adhésion aux valeurs militaires.

Michel L. Martin : Le déclin de l'armée de masse en France. Note sur quelques paramètres organisationnels. Le modèle d'armée de masse, fondé sur la mobilisation et la conscription universelle et né de l'idéologie révolutionnaire de la nation en armes, tend, dans le monde occidental, à être remplacé par de nouvelles formes d'organisation militaire plus « volontarisée ». Cet article cherche à montrer l'extension du déclin du modèle d'armée de masse en France en regard de trois systèmes de variables à caractère organisationnel : les effectifs et les fluctuations d'effectifs ; la participation militaire du citoyen à travers la conscription et la mobilisation ; le niveau de différenciation structurelle à travers la division interne du travail, la distribution hiérarchique, la convergence militaro-civile, le rapport combattant / non combattant et la féminisation. Dans une perspective diachronique, il apparaît bien que ce déclin constitue une tendance séculaire ; il demeure difficile toutefois de savoir si cette tendance débouchera sur la constitution d'une armée de métier.