Contenu du sommaire : Sociologies françaises au tournant du siècle. Les concurrents du groupe durkheimien. Etudes réunies par Philippe Besnard.

Revue Revue Française de Sociologie Mir@bel
Numéro 1981, 22-3
Titre du numéro Sociologies françaises au tournant du siècle. Les concurrents du groupe durkheimien. Etudes réunies par Philippe Besnard.
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation - Philippe Besnard p. 311-314 accès libre
  • Les continuateurs de Le Play au tournant du siècle - Antoine Savoye p. 315-344 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Antoine Savoye : Les continuateurs de Le Play au tournant du siècle. Trois années après la mort de Le Play, ses continuateurs se divisent en deux tendances, celle de la Société d'économie sociale et celle de la Science sociale. On examine ici les causes de cette scission et la destinée des deux tendances au tournant du siècle. La Science sociale, du fait des orientations scientifiques et des options politiques de ses deux fondateurs, s'isole et connaît une perte d'audience. Constat qui, cependant, doit être nuancé par la prise en considération de la carrière individuelle de certains de ses membres. Quant à la Société d'économie sociale, révisant la méthode monographique de Le Play, elle renoue avec le service de l'État. Elle participe aux travaux de l'Office du travail, embryon de l'appareil d'étude de la société dont l'État se dote progressivement. Au total, les le playsiens, absents de l'institutionnalisation de la sociologie qui s'opère au plan universitaire, concourent à ce mouvement mais dans d'autres secteurs de la société.
    Antoine Savoye : Le Play's continuators at the turn of the century. Three years after Le Play's death his continuators divided into two tendencies, the Society of Social Economy and Social Science. The causes of this split and the fortunes of both tendencies at the turn of the century are studied here. Owing to the scientific orientations and political choices of its two founders. Social Science withdrew to a more marginal position and lost part of its audience - however when the individual careers of a certain number of its members are taken into consideration the situation will not appear quite so clearcut. As far as the Society of Social Economy is concerned, by revising Le Play's monographic method it returned to the tradition of serving the State. It participated in the work of the Office of Labour which was the first form taken by the apparatus set up progressively by the State for studying society. On the whole the followers of Le Play, even though they did not participate in the institutionalization of sociology which took place in the universities, contributed to this same movement in other areas of society.
  • René Worms, l'organicisme et l'organisation de la sociologie - Roger L. Geiger, Marie-France Essyad, Philippe Besnard p. 345-360 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Roger L. Geiger : René Worms, l'organicisme et l'organisation de la sociologie. René Worms s'est montré un remarquable organisateur de la discipline sociologique à ses débuts. En quelques années il a créé et dirigé une revue mensuelle, une association internationale avec congrès et publications périodiques, une collection et une société parisienne de sociologie. Ces institutions, quoique dynamiques et stables, ne semblent pas pourtant avoir beaucoup contribué au développement intellectuel de la discipline. Worms n'a pas su doubler ses activités d'organisateur d'une véritable direction intellectuelle. Il avait de la sociologie une conception éclectique et extensive qui le portait à croire que presque toutes les approches existantes pouvaient se regrouper autour du concept d'organisme social. Or, cette notion, indéniablement utile à la sociologie en ses débuts, est tombée en discrédit total vers la fin des années 1890. D'autre part, Worms s'est entouré de collaborateurs nombreux mais dissemblables dans leur intérêt pour la sociologie. Leurs travaux illustrent les faiblesses de conceptions dépassées de la sociologie et ont complètement méconnu les nouvelles théories prometteuses de leurs contemporains.
    Roger L. Geiger : René Worms, organicism and the organization of sociology. René Worms was a remarkable organizer of the nascent subject of sociology. Within a few years he created and directed a monthly review, an international association with periodic congresses and publications, a book series, and a Parisian sociological society. Yet, in retrospect these vigorous and long-lived institutions seem to have contributed little to the intellectuel development of the discipline. Partly this was due to Worms' inability to join intellectuel leadership to his organizational efforts. His approach to sociology was eclectic and inclusive. Almost all existing approaches, he believed, could be fitted into a framework inspired by the concept of the social organism. As important as this idea was for the early development of sociology, it was nevertheless decisively discredited in the late 1890s. An analysis of the membership of Worms' organizations shows that he united a large and diverse group with varying interests in sociology. Their writings exemplified the weaknesses of past conceptions of the discipline, and largely missed the important new theories being developed by contemporaries.
  • Histoire de psychologies sociales perdues. Le cas de Gabriel Tarde - Ian Lubek, Erika Apfelbaum p. 361-395 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Ian Lubek : Histoire de psychologies sociales perdues : le cas de Gabriel Tarde. En examinant les psychologies sociales perdues de Gabriel Tarde, on suggère un mode d'approche et des hypothèses aux historiens, sociologues ou psychosociologues des sciences désireux d'étudier Tarde ou d'autres psychosociologues et, plus généralement, tout rameau d'une discipline disparu de son histoire. Après un bref survol de l'œuvre de Tarde et du mode de développement de ses thèses, quatre tentatives spécifiques pour définir une psychologie sociale tardienne sont examinées. La plus élaborée, l'interpsy- chologie, n'eut qu'un faible écho en France comme en Amérique du Nord. Pour expliquer cet échec, on avance cinq hypothèses prenant en compte des facteurs historiques et institutionnels: 1) le débat Tarde/ Durkheim comme conflit de paradigmes/ exemplaires ; 2) l'absence de paradigme/communauté autour de Tarde qu'auraient facilité la promotion et l'enracinement institutionnel de ses idées ; 3) l'incompatibilité entre le climat socio-politique et la perspective de Tarde ; 4) le barrage linguistique et culturel entravant la migration trans-atlantique ; et 5) le caractère vague du statut épistémologique des théories interactionnistes au sein des sciences sociales positivistes.
    Ian Lubek : History of lost social psychologies : the case of Gabriel Tarde. In examining the "lost social psychologies" of Gabriel Tarde, a research format and set of guiding hypotheses are offered to historians, sociologists and social psychologists of science, interested in studying Tarde, other lost social psychologists, or more generally, any branch of a discipline which has "disappeared" from historical accounts. After a brief overview of Tarde's life-work and style of system-building, four specific attempts to create a Tardean social psychology are examined. The most mature formulation, the "interpsychology", had little impact in France and North America, and five hypotheses are offered to guide research about the historical and institutional factors at work : (1) the debate with Durkheim represented a clash of paradigm/exemplars ; (2) there was a lack of a Tardean paradigm/community to promote and institutionalize his ideas ; (3) Tarde's perspective may not have been compatible with the socio-political ethos ; (4) linguistic and cultural barriers may have prevented trans-atlantic migration of the ideas ; and (5) interactionist theories had an epistemologically vague status within positivistic social sciences.
  • Origines de la psychologie sociale en France. Développements souterrains et discipline méconnue - Erika Apfelbaum p. 397-407 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Erika Apfelbaum : Origines de la psychologie sociale en France : développements souterrains et discipline méconnue. La psychologie sociale fut longtemps une discipline méconnue, mais nullement inexistante, comme en attestent les diverses tentatives, pour la plupart isolées et indépendantes entre elles, de rendre compte directement et spécifiquement des rapports individu/société. Pour comprendre la place relativement marginale qu'elle a occupée pendant longtemps, l'examen de la fin du XIXe siècle est une période critique ; s'y jouent entre autres l'autonomie et l'émancipation de la psychologie et de la sociologie au sein de l'institution universitaire et leur professionnalisation notamment à travers la mise en place de revues spécialisées. L'examen du cas de Binet, à la fois comme directeur de revue et comme simple chercheur, sert, en outre, à illustrer comment les questions sociales ont progressivement pénétré la psychologie et entrouvert la porte de la psychologie à la psychologie sociale.
    Erika Apfelbaum : Origins of social psychology in France : secret developments and a misunderstood discipline. Although social psychology had been in existence for some time, it largely remained an unrecognized discipline. The various attempts made specifically and directly to account for the relationship between individual and society attest to social psychology's presence, although these attempts were generally isolated and not inter-connected. An examination of the critical period at the end of the nineteenth century is necessary if we are to understand the relatively marginal place which social psychology has long occupied. Among the factors at work were the attempts by psychology and sociology at the turn of the century to emancipate themselves and achieve autonomous status within the university structure, while at the same time promoting a professional group, notably through the creation of specialized journals. The case study of Binet, both as a journal editor and as an individual researcher, is used moreover to illustrate how the "questions sociales" progressively entered psychology and partially opened the door of that discipline for social psychology.
  • Gustave Le Bon, prophète de l'irrationalisme de masse - Yvon J. Thiec p. 409-428 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Yvon J. Thiec : Gustave Le Bon, prophète de l'irrationalisme de masse. L'œuvre de Gustave Le Bon en matière de psychologie collective relève d'une tradition anti-révolutionnaire et a-démocratique (représentée par Taine) en un temps où la société de masse apparaît et où le processus démocratique s'affermit. La "Psychologie des foules" est plus une critique conservatrice des changements qui affectent l'ordre social et politique à la fin du XIXe siècle qu'une tentative réelle de constitution d'une discipline nouvelle dans le champ des sciences sociales. Son succès, à l'époque, tient à l'importance accordée à la psychologie et à des théories telles que la suggestion hypnotique dans l'explication des comportements humains. Le Bon met en lumière la part d'irrationnel irréductible présent dans la psychologie de masse : c'est peut-être la caractéristique essentielle de sa pensée qui influencera les conceptions de certains auteurs élitistes (Michels, Pareto).
    Yvon J. Thiec : Gustave Le Bon, prophet of mass ir rationalism. Gustave Le Bon's work in the area of collective psychology belongs to a tradition both anti-revolutionary and undemocratic (as represented by Taine) at a time when mass society is emerging and the democratic process is growing stronger. His "Psychology of Crowds" is more a conservative criticism of the changes affecting the social and political order at the end of the 19th century than a genuine attempt at constituting a new discipline in the field of the social sciences. The success it met with at the time can be explained by the important place it reserved for psychology and certain theories such as hypnotic suggestion in its explanation of human behaviour. Le Bon sheds light on the irréductible irrational element that is present in mass psychology : this may well be the essential characteristic of his thought which will influence the ideas of certain elitist authors (Michels, Pareto).
  • Les sciences d'Etat entre déterminisme et libéralisme. Emile Boutmy (1835-1906) et la création de l'Ecole libre des sciences politiques - Pierre Favre p. 429-465 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pierre Favre : Les sciences d'État entre déterminisme et libéralisme. Emile Boutmy (1835-1906) et la création de l'École libre des sciences politiques. La discipline spécifique qu'est en France la science politique trouve une de ses origines dans une institution privée d'enseignement supérieur : l'École libre des sciences politiques. Cette école est fondée en 1871 par Emile Boutmy, personnage alors obscur. La capacité de Boutmy de conduire au succès son école tient à une position sociale très particulière qui lui donne la possibilité de mobiliser en faveur de son projet, après le choc de la défaite de 1870, des personnes représentatives de diverses forces sociales (aristocratie et haute bourgeoisie», libéraux, protestants, etc.). Mais le succès de l'École n'est assuré que par la substitution d'un programme de formation professionnelle au projet scientifique initial. Boutmy à l'origine concevait les sciences politiques à l'exemple des sciences de la nature, car les phénomènes sociaux lui paraissaient obéir à un strict déterminisme. Trente années plus tard, l'École propage les Sciences d'État nécessaires à la formation des fonctionnaires libéraux.
    Pierre Favre : State sciences between determinism and liberalism. Emile Boutmy (1835-1906) and the creation of the Ecole libre des sciences politiques. Political science in France as a specific discipline can locate one of its origins in a private institution of higher learning : the "Free School of Political Science", founded in 1871 by a then little known personality, Emile Boutmy. Boutmy's success in establishing his school can be explained by his own very particular social position which, after the shock of the 1 870 defeat, enabled him to rally to his project people who represented various social forces (the aristocracy, and upper bourgeoisie, Liberals and Protestants, etc.). But the continuing success of his school was only ensured by the replacement of the initial scientific project by professional training. Boutmy's first idea of the political sciences was based on the example of the natural sciences, for he considered that social phenomena were subject to a rigid determinism. Thirty years later his School could be seen disseminating the State Sciences necessary for training liberal civil servants.
  • Résumés (français, anglais, allemand, espagnol, russe) - p. 467-480 accès libre