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Jean-Paul Frick : Les détours de la problématique sociologique de Saint-Simon. L'appréciation de l'œuvre de Saint-Simon suscite des jugements contradictoires. Si certains le considèrent comme un véritable novateur, d'autres lui dénient le simple titre de penseur. La véritable issue d'un tel débat se joue peut-être dans les textes de l'Empire, ceux qui sont apparemment les moins « sociologiques » de l'auteur et où pourtant il entreprend d'édifier un discours sur la légitimité de la problématique sociologique. Cette légitimité s'enracine curieusement dans un discours sur l'ordre du monde, appelle un détour cosmologique destiné à fonder la dimension « physiologique » de l'ordre social qui sera précisément la base décisive Sur laquelle s'édifieront toutes les démarches ultérieures de Saint-Simon.

Bernard Boëne : Les décisions américaines en matière de défense. Comment les sociologues y contribuent. La sociologie ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui si un grand nombre de sociologues n'avaient apporté, entre 1941 et 1945, leur contribution à l'effort de guerre américain : beaucoup de travaux aujourd'hui classiques sont nés de cette collaboration imposée par les circonstances. Cet âge d'or a pris fin en même temps que la seconde guerre mondiale. L'article examine les aspects culturels, institutionnels et pratiques des rapports, limités et souvent difficiles, entre décideurs (politiques ou militaires) et chercheurs en sciences sociales aux Etats-Unis depuis cette période, en mettant un accent particulier sur le passé récent. Il dresse une liste des acteurs de l'aide à la décision militaire : « consommateurs » et « producteurs » de recherche sociologique. Il propose une typologie de leurs relations et s'efforce d'évaluer l'utilité et l'influence des travaux effectués dans ce cadre. Il aborde brièvement le débat sur le fonctionnement de l'armée de métier, débat qui oppose sur la place publique économistes et sociologues, respectivement soutenus par le ministère et les commissions parlementaires. L'étude est prolongée par la présentation succincte de plusieurs contributions jugées représentatives de ce type de recherche.

Lucie Tanguy : Savoirs et rapports sociaux dans l'enseignement secondaire en France. Etudié en tant qu'instrument de reproduction sociale, l'appareil scolaire l'est rarement en tant qu'instrument de distribution des connaissances bien que ces fonctions s'accomplissent simultanément. Mais comment l'école remplit-elle cette tâche qui lui est dévolue dans toutes les sociétés industrielles développées ? Programme-t-elle le même type de connaissances dans toutes ses filières en les distribuant inégalement en tranches plus ou moins grandes ou bien y programme-t-elle des connaissances différentes et de quelles différences s'agit-il ? L'analyse procède à partir des catégories générales qui président à l'organisation de tout procès de scolarisation : le temps, le nombre de matières programmées et les modalités de leur programmation dans l'examen, l'orientation dominante des savoirs constitutifs des diverses filières d'enseignement général et technique. Elle fait apparaître que cette distribution se fait sur le mode d'une division qui tend à s'infléchir par les changements qui affectent le statut de certaines catégories de savoirs et les rapports entre technique et culture légitime véhiculée par l'école.

Nicolas Dodier : La maladie et le lieu de travail. L'article se propose d'étudier suivant quelles logiques la maladie individuelle s'inscrit dans les interactions du lieu de travail. A partir d'entretiens réalisés auprès de 25 personnes des catégories employés et cadres, l'auteur analyse le processus d'évaluation morale de l'individu malade ou désigné comme tel par les autres personnes du lieu de travail. Il met en évidence l'importance dans ce processus de la possibilité qu'a l'individu de moduler son travail (au niveau des horaires et de l'intensité), et il montre le rôle de deux critères importants de jugement : le fonds d'arrêts-maladie et le fonds de morbidité. La maladie individuelle peut d'autre part être utilisée comme prétexte pour justifier des stratégies qui prennent en fait leurs racines dans l'ensemble des rapports de travail. De manière générale, c'est la position morale de l'individu sur son lieu de travail que la maladie met en jeu au cours des interactions sociales.

Wlodzimierz Panków : L'« été polonais » : un système de pouvoir en crise. L'analyse des causes des événements polonais d'août 1980 se concentre ici sur les faiblesses et les contradictions internes à l'appareil de pouvoir : principes de constitution de l'ensemble des organisations, dominé par le « parti d'un type nouveau », coupure progressive avec les aspirations de l'ensemble de la population et la méconnaissance de l'état des besoins réels. Une crise de légitimité grave, issue des difficultés économiques croissantes comme de la consommation ostentatoire des responsables du Parti, prive ce système déjà mal informé de la coopération des forces économiques et sociales du pays. La situation particulière de la Pologne (traces moins profondes du stalinisme, persistance d'une église avec ses réseaux de sociabilité, secteur agricole encore indépendant, ouverture relative sur l'étranger...) et la suite des événements depuis 1956, avec l'expérience qu'ont pu acquérir les participants expliquent, de leur côté, la physionomie des manifestations du mécontentement et leur multiplication dans différents secteurs de la société. Le début des événements de 1980 suivit le congrès du Parti où il apparaît évident que le système était incapable de se réformer de l'intérieur.