Contenu du sommaire : La sociologie française dans l'entre-deux-guerres. Etudes et documents réunis par Philippe Besnard
Revue | Revue Française de Sociologie |
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Numéro | 1985, 26-2 |
Titre du numéro | La sociologie française dans l'entre-deux-guerres. Etudes et documents réunis par Philippe Besnard |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation - Philippe Besnard p. 199-201
- Les métamorphoses du durkheimisme, 1920-1940 - Johan Heilbron p. 203-237 Johan Heilbron : Les métamorphoses du durkheimisme, 1920-1940. La sociologie française dans l'entre-deux-guerres se présente sous une forme paradoxale. Marginal du point de vue institutionnel, le durkheimisme bénéficiait d'un prestige exceptionnel tout en étant progressivement abandonné ou contesté par une nouvelle génération. Pour comprendre cette évolution, deux ensembles de relations sont analysés : premièrement, les transformations du réseau durkheimien et en particulier le clivage de plus en plus aigu entre professeurs et chercheurs et, deuxièmement, la crise du recrutement qui aboutit à un processus de redéfinition de la sociologie, fondé sur la rupture avec le durkheimisme, changement souvent décrit comme le passage de la sociologie « classique » à la sociologie « moderne ».Johan Heilbron : The metamorphoses of Durkheimism, 1920-1940. Between the two World Wars French sociology presents itself in a paradoxical form : marginal from an institutional point of view, Durkheimism enjoyed exceptional prestige while being at the same time progressively challenged or abandoned by the young generation. In order to understand this evolution, we analyse two sets of relations : first of all the transformations in the Durkheimian network, and in particular the everwidening chasm between teachers and researchers, and, secondly, the crisis in recruitment which ultimately led to a process of redefining sociology, founded on the break with Durkheimism, a change that has often been described as the passage from « classic » to « modern » sociology.
Documents
- Lettres de Mauss à Radcliffe-Brown - Marcel Mauss, Philippe Besnard p. 239-243
- Wette, wedding. Un texte inconnu de Mauss - p. 245-246
- Un conflit au sein du groupe durkheimien. La polémique autour de La Foi jurée - Philippe Besnard p. 247-255
- La mutation du mouvement le playsien - Bernard Kalaora, Antoine Savoye p. 257-276 Bernard Kalaora et Antoine Savoye : La mutation du mouvement le playsien. Le mouvement le playsien, très actif avant 1914, connaît une désaffection croissante. Au sortir de la guerre, ses écoles sont en crise. Celle-ci se traduit, sur le plan de l'activité scientifique, par la suspension des recherches collectives et de l'enseignement entraînant l'appauvrissement, voire l'arrêt, des publications. L'œuvre sociologique est cependant poursuivie, à titre personnel, par quelques individualités qui lui donnent ses derniers développements. Elle est même l'objet d'une reconnaissance tardive par la sociologie universitaire convertie à la recherche empirique. Les écoles le playsiennes, vers 1930, parviennent à enrayer leur déclin mais au prix d'un repli sur l'action sociale à laquelle elles se cantonnent quasi exclusivement. Leurs initiatives et leur influence sont particulièrement sensibles dans deux domaines : la politique familiale et l'organisation du monde agricole.Bernard Kaloara and Antoine Savoye : The mutation of the Le Play Movement. The Le Play movement, quite active prior to 1914, is experiencing growing disaffection. At war's end its schools were in crisis, a situation reflected on a scientific level in the suspension of collective research and teaching, which in turn led to the impoverishment, indeed cessation, of its publications. Sociological investigation was pursued nevertheless, on a private basis, by a number of individualities who are responsible for its latest developments. It has even been recognised, albeit belatedly, by academic sociology converted to empirical research. Towards 1930 the Le Playsien schools succeeded in checking their decline, although at the price of having to channel their activities almost exclusively into social action. Their initiatives and influence have been particularly impressionable in two fields : family policy and the organisation of the farming world.
- Histoires de formes : statistiques et sciences sociales avant 1940 - Alain Desrosières p. 277-310 Alain Desrosières : Histoire de formes : statistiques et sciences sociales avant 1940. La quantification des sciences sociales met en œuvre des formes statistiques relativement standardisées, connues et enseignées en France à partir de l'entre-deux-guerres, trente ans après leur mise au point par les statisticiens anglais. Les modes de raisonnement et d'interprétation du monde social associés à l'usage des statistiques ne peuvent être appréciés complètement que si ces formes sont replacées dans le contexte institutionnel et intellectuel où elles sont nées. En France, une tradition de statistique administrative, décrivant pour les besoins de l'Etat la population et la vie économique, est représentée par la Statistique générale de la France et ses recensements quinquennaux. Par ailleurs, une autre tradition, en partie distincte, se perpétue : la statistique morale, héritière de Quetelet, constitue une des sources de Durkheim. Elle est centrée sur les notions d'homme moyen, de type et de norme. En Angleterre, en revanche, les questions posées à partir de la problématique darwinienne par Galton et ses successeurs ont permis de créer un univers intellectuel d'un type nouveau, privilégiant les distributions par rapport aux moyennes, les corrélations et les causalités par rapport aux régularités. L'accueil et l'interprétation donnés en France à ces innovations, entre 1890 et 1940, résultent des particularités des divers espaces institutionnels et intellectuels où elles ont été connues.Alain Desrosières : Histories of forms : statistics and the pre-1940 social sciences. The quantification of the social sciences makes use of relatively standardised statistitical forms which have been known and taught in France since the period between the two World Wars, thirty years after their development by British statisticians. The modes of reasoning and interpreting the social world linked with the usage of statistics can be fully appreciated only by replacing these forms in the institutional and intellectual context from which they issued. In France, a tradition of administrative statistics, which describes the population and economic life for the needs of the State is represented by the SGF and its five-year censuses. Apart from that, a second, partly distinct tradition has established itself : moral statistics, the continuator of Quetelet, constitutes one of Durkheim's sources. It is axed on the notions of average man, of type and norm. In Great Britain, on the contrary, the questions formulated by Galton and his successors working from the Darwinian propositions have made possible the creation of a new-style intellectual universe, privileging distributions with respect to means, correlations and causalities with respect to regularities. The reception and interpretation given these innovations in France between 1890 and 1940 result from the specific characteristics of the different intellectual and institutional spaces where they came to be known.
- La Fondation Rockefeller et les sciences sociales en France, 1925-1940 - Brigitte Mazon p. 311-342 Brigitte Mazon : La Fondation Rockefeller et les sciences sociales en France, 1925-1940. La Fondation Laura Spelman Rockefeller puis le Département des sciences sociales de la Fondation Rockefeller eurent pour programme le développement ou la création d'institutions de recherches en sciences économiques et sociales, aux Etats-Unis et en Europe. En France, les responsables de la Fondation constatèrent au milieu des années vingt une carence institutionnelle considérable dans ce domaine. Après avoir suscité, et rejeté, un vaste projet de Marcel Mauss, la Fondation Rockefeller décida de procéder par étapes pour créer les premiers embryons de centres de regroupement et de coordination des recherches en sciences sociales. Ce travail, sur le point d'aboutir en 1938 dans le projet de création d'un vaste Institut national des sciences sociales, fut interrompu par la guerre. Les orientations thématiques et méthodologiques préconisées par la Fondation Rockefeller eurent pour effet d'accorder une priorité plus grande aux recherches empiriques dans la sociologie française à la fin des années trente.Brigitte Mazon : The Rockefeller Foundation and the social sciences in France, 1925-1940. The Laura Spelman Rockefeller Foundation, followed by the Social Sciences Department of the Rockefeller Foundation, were charged with developing or creating research institutions for the economic and social sciences in the United States and in Europe. The Foundation authorities noted an important institutional deficiency in this field in France around the mid-Twenties. Once it had instigated and then rejected a vast project conceived by Marcel Mauss, the Rockefeller Foundation decided to proceed by stages in order to create the first centres, concentrating and coordinating research in the social sciences. This task, which in 1938 was on the verge of materialising in the form of a vast national institute for the social sciences, was interrupted by the war. As a result of the thematic and methodological orientations recommended by the Rockefeller Foundation, greater priority was accorded to empirical research within French sociology at the end of the Thirties.
Documents
- Les sciences sociales à Paris vues par Marcel Mauss - Marcel Mauss, Philippe Besnard p. 343-351
- Les sciences humaines et la préhistoire du CNRS - Olivier Dumoulin p. 353-374 Olivier Dumoulin : Les sciences humaines et la préhistoire du CNRS. La naissance d'une recherche systématiquement organisée par l'Etat conditionne, en partie, l'évolution des sciences humaines dans l'entre-deux-guerres. L'insertion progressive de ces disciplines dans les institutions qui précèdent la naissance du CNRS, en 1939, est un gage de la reconnaissance de leur statut scientifique. Cette conquête au sein de la Caisse des recherches scientifiques (1921), de la Caisse nationale des sciences (1930) puis de la Caisse nationale de la recherche scientifique (1935), va de pair avec une professionnalisation croissante des sciences de l'homme. En revanche, la crise universitaire transforme ces nouvelles institutions en refuge pour les disciplines canoniques menacées par la rigueur budgétaire (histoire, philosophie) au détriment des disciplines peu insérées dans le cursus universitaire, sociologie, anthropologie.Olivier Dumoulin : The social sciences and the prehistory of the C.N.R.S. (French National Research Centre). The rise of systematic, State-organised research partially conditioned the evolution of social sciences during the period between the two World Wars. That these disciplines were progressively included in the institutions which preceded the founding of the C.N.R.S. in 1939 is a token of recognition of their scientific status. This advance within the framework of the Caisse des recherches scientifiques (1921), the Caisse nationale des sciences (1930), and finally the Caisse nationale de la recherche scientifique (1935) was accompanied by a growing professionalisation of the social sciences. On the other hand, the university crisis transformed these new institutions into a refuge for canonical disciplines threatened by budgetary rigour (history, philosophy) to the detriment of disciplines such as sociology or anthropology, which were not well introduced into the university curriculum.
- Résumés (français, anglais, allemand, espagnol) - p. 375-382