Contenu du sommaire : Musique et relations internationales - II

Revue Relations internationales Mir@bel
Numéro no 156, janvier-mars 2014
Titre du numéro Musique et relations internationales - II
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les musiciens finlandais à Paris au tournant des XIXe et XXe siècles : dans les remous du cosmopolitisme et du nationalisme - Helena Tyrväinen p. 3-20 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le passage par la France joua un rôle clef dans la carrière des trois musiciens finlandais dont l'article retrace les itinéraires. La chanteuse soprano Aïno Ackté (1876-1944) fut engagée par l'Opéra, Ida Ekman (1875-1942), d'origine juive, elle aussi soprano, apparut en tant que soliste des Concerts Colonne. Uuno Klami (1900-1961) fut le compositeur finlandais le plus couronné de succès parmi ceux qui débutèrent dans la période de l'entre-deux-guerres. L'article analyse les modalités de pensée, nationales et cosmopolites, qui orientèrent leurs activités professionnelles à Paris. La montée du nationalisme français dans les premières décennies du XXe siècle est ainsi mise en lumière.
    Finnish musicians in Paris caught between cosmopolitanism and nationalism at the turn of the 19th and 20th centuries. Passage through France played an important part in the careers of the three Finnish musicians whose itineraries are studied in this article. The soprano singer Aïno Ackté (1876-1944) was hired by the Opéra, while the Jewish-born Ida Ekman (1875-1942), also a soprano, appeared as a soloist of the Concerts Colonne. Uuno Klami (1900-1961) was the most successful of the Finnish composers who made their debuts in the inter-war era. This article analyses the nationalist as well as cosmopolitan ways of thinking which guided their professional activities in Paris. The rise of French nationalism during the first decades of the 20th century will thus be revealed.
  • La musique comme ambassadrice ? L'Association française d'action artistique (1922-2006) : bilans et enjeux - Danièle Pistone p. 21-35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Fondé sur des archives et des publications de l'Association française d'action artistique (AFAA), le présent article s'attache à retracer l'évolution de cet organisme – rapidement devenu para-étatique – dans ses rapports avec la musique, à travers la diversification progressive de ses missions et de ses objectifs. Y sont ainsi mis en évidence notamment, outre quelques principes fondateurs, ses enjeux et les principaux résultats obtenus dans le domaine musical, sur notre territoire comme surtout à l'extérieur de celui-ci, du début des années 1920 jusqu'à sa fusion avec l'Association pour le développement de la pensée française et à la naissance de Cultures France en 2006.
    Music as ambassador ? The Association française d'action artistique (1922-2006) : results and stakesBased upon archives and publications of the Association française d'action artistique (AFAA), this paper concerns the evolution of this structure – which soon became close to the French government – from a musical point of view, through the gradual diversification of its duties and objectives. It highlights some of AFAA's founding principles, its stakes and its main achievements in the musical domain, in France and beyond, from the early 1920s until its merger with the Association pour le développement de la pensée française and the birth of CulturesFrance in 2006.
  • La diffusion de l'oeuvre d'Olivier Messiaen aux États-Unis : un révélateur des objectifs de la diplomatie culturelle française - Yves Balmer p. 37-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les archives de l'Association française d'action artistique (AFAA) permettent l'analyse et la compréhension de la diffusion de l'œuvre d'Olivier Messiaen à l'étranger de son vivant. La diplomatie culturelle française a en effet un impact majeur sur la répartition des concerts de l'œuvre de Messiaen hors de France, en raison du financement des voyages des artistes et des subventions pour les tournées. Les États-Unis d'Amérique constituent la première destination de l'œuvre de Messiaen à l'étranger, ce qui correspond aux enjeux géostratégiques connus de la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Cette politique a en outre un impact sur les œuvres interprétées et les lieux de diffusion privilégiés.
    The diffusion of the work of Olivier Messiaen in the United States : revealing the objectives of French cultural diplomacy. The archives of the Association française d'action artistique (AFAA) enable us to analyse and understand the diffusion of the work of Olivier Messiaen abroad during his lifetime. French cultural diplomacy had a major impact on the distribution of concerts of Messiaen's work given outside France, through the funding of travel expenses for artists and also through touring grants. The United States of America was the first destination for Messiaen's work abroad, and corresponds to France's geo-strategical priorities following the Second World War. This policy also had an impact on the works performed and the concert venues chosen.
  • Le Conseil international de la musique et la politique musicale de l'Unesco (1945-1975) - Anaïs Fléchet p. 53-71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Symbole de paix et d'harmonie universelle, la musique intégra très tôt les programmes de l'Unesco. En 1949, la fondation du Conseil international de la musique constitua le point de départ d'une politique ambitieuse associant soutien à la création contemporaine, développement de l'éducation artistique et défense de la diversité musicale du monde. Cette nouvelle tribune musicale internationale n'échappa pas aux troubles de son temps et fut parcourue de fortes tensions liées à la Guerre froide et à la décolonisation. Première étude sur le sujet, cet article analyse les objectifs stratégiques, les principales réalisations et les conceptions de la musique défendues par le CIM, de sa création à la présidence emblématique de Yehudi Menuhin au début des années 1970.
    The International Music Council and the musical policy of Unesco (1945-1975)As a symbol of peace and universal harmony, music became part of Unesco's cultural programs at an early stage. Founded in 1949, the International Music Council (IMC) was the first step of an ambitious policy of support for contemporary creation, the development of artistic education and the promotion of musical diversity. Yet this new musical forum did not escape contemporary conflicts and was subject to strong tensions in the Cold War and decolonization contexts. This article represents the first attempt to examine the strategic objectives, main achievements and conceptions of music defended by the IMC, from its beginnings to the emblematic presidency of Yehudi Menuhin in the 1970s.
  • Tournées musicales et diplomatie pendant la Guerre froide - Didier Francfort p. 73-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'histoire drôle selon laquelle un quatuor soviétique est un orchestre symphonique revenant de tournée est emblématique de l'impact diplomatique et politique des tournées de musiciens. La périodicité et l'ampleur des tournées musicales reflètent l'alternance de phases de tension ou de détente dans les relations entre blocs. L'itinéraire de personnalités musicales de premier plan – ressortissants occidentaux profitant de leur passage dans le bloc soviétique pour soutenir des dissidents, musiciens profitant d'une tournée pour « choisir la liberté » ou apparemment exploités par la propagande soviétique – prouve une forme de capacité d'insoumission de la société. L'organisation des tournées de musiciens soviétiques à l'époque de la Guerre froide et le passage presque concomitant de virtuoses ou de chefs d'orchestre occidentaux dans le Bloc soviétique a marqué un moment tout à fait particulier des relations internationales au début des années 1960. Cette coïncidence suffirait à prouver une certaine autonomie de l'histoire culturelle par rapport à l'histoire diplomatique. C'est presque au moment de la crise des fusées et de la construction du mur de Berlin que les autorités soviétiques ont su orchestrer une vaste noria de musiciens destinée à démontrer leur volonté de paix et de rapprochement des peuples par la culture. Loin de se plier à ce dessein de propagande, les musiciens ont cherché à exploiter les espaces de liberté, même les plus réduits.
    Musical tours and diplomacy during the Cold War
    The amusing anecdote that a Soviet string quartet is a symphony orchestra coming back from a tour is emblematic of the diplomatic and political impact of touring musicians. The periodicity and range of musical tours during the Cold War reflects the alternating periods of tension or détente in the relations between the two blocs. The itinerary of top musicians – musicians from the West who took advantage of their presence within the Soviet bloc to support dissidents, musicians taking advantage of tours to “choose freedom”, or musicians seemingly exploited by Soviet propaganda – is proof of a form of society capable of insubordination. The organization of tours by Soviet musicians at the time of the Cold War, and the almost concomitant passage of Western virtuosos or conductors through the Soviet bloc, marked a very particular moment in international relations at the beginning of the 1960s. The coincidence is enough to prove that there was a certain autonomy in cultural history in relation to diplomatic history. Virtually at the time of the Cuban Missile Crisis and the construction of the Berlin Wall, the Soviet authorities managed to orchestrate a vast noria of musicians destined to show their desire for peace and for nations to be brought closer together through culture. Far from bowing to this image of propaganda, the musicians tried to make the most of stretches of freedom, even the smallest.
  • L'Orchestre de Paris et Daniel Barenboïm dans l'Argentine du général Videla (1980) : la musique et le silence de la mort - Esteban Buch p. 87-107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La tournée de l'Orchestre de Paris en Argentine en juillet 1980 sous la direction de Daniel Barenboïm, organisée par des institutions musicales indépendantes mais envisagée par les autorités comme un moyen d'intensifier les relations bilatérales, devait constituer un exercice plutôt classique de diplomatie culturelle. Or, malgré un triomphe artistique incontestable, l'entreprise allait dérailler à la veille de la fête du 14 juillet, suite au choix de certains musiciens de se solidariser avec les desaparecidos, les victimes disparues de la répression illégale. Cet incident diplomatique, peut-être le plus grave de l'histoire des relations franco-argentines pendant la dictature issue du coup d'État du 24 mars 1976, illustre des conceptions divergentes du rôle de la musique dans les relations internationales, tout en relançant l'interrogation sur l'éventuelle signification politique des œuvres musicales elles-mêmes, par exemple la Cinquième Symphonie de Mahler, jouée au Teatro Colón de Buenos Aires.
    The Orchestre de Paris and Daniel Barenboim in General Videla's Argentina : On Music and the Silence of Death Conducted by Daniel Barenboim, the tour of the Orchestre de Paris in Argentina in July 1980, organised by independent musical institutions but seen by the authorities as a way to improve bilateral relations, was supposed to be a rather traditional example of cultural diplomacy. However, its artistic success did not prevent tension developing on the eve of the July 14th celebrations, due to the choice of some of the musicians to show solidarity with the desaparecidos, victims of illegal repression who had disappeared. This diplomatic incident, arguably the most serious between the two countries during the dictatorship which followed the coup d'état of March 24th 1976, is an illustration of diverging conceptions of the role of music in international relations. It also re-launches the debate on the possible political meaning of music itself, namely Mahler's Fifth Symphony, performed at the Teatro Colón in Buenos Aires.
  • Chansons humanitaires, dépolitisation des conflits et moralisation des relations internationales à la fin de la Guerre froide - Luis Velasco Pufleau p. 109-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La transformation de l'action humanitaire dans les dernières décennies du XXe siècle, après la guerre dite du Biafra, marque la fin du tiers-mondisme et accompagne la reconfiguration géopolitique survenue à la fin de la Guerre froide. Elle transforme également l'utilisation symbolique de certaines pratiques musicales en démocratie, des chansons faisant partie des campagnes de communication des organisations humanitaires à partir de la famine provoquée par la guerre civile éthiopienne entre 1983 et 1985. Cet article propose une analyse des principales caractéristiques des chansons humanitaires, considérées ici comme faisant partie de dispositifs de politique symbolique plus larges, et du rôle de celles-ci dans le processus de moralisation des relations internationales à la fin de la Guerre froide.
    Humanitarian songs, the de-politicisation of armed conflicts and the moralisation of international relations at the end of the Cold War. The transformation of humanitarian action during the last decades of the 20th century following the so-called Biafra war, marked the end of the Third World and accompanied the geopolitical reconfiguration of the end of the Cold War. It also transformed the symbolic use of certain musical practices in democracy, some songs becoming part of the communication campaigns by humanitarian organisations following the famine caused by the Ethiopian civil war between 1983 and 1985. This paper analyses the main characteristics of humanitarian songs, considered here as part of larger symbolic political mechanisms, together with the role of these songs in the moralisation process of international relations at the end of the Cold War.
  • Les relations musicales entre la Chine et l'Europe depuis les années 1980 : un équilibre délicat entre marché et dirigisme - Gilles Demonet p. 125-137 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'ouverture de la Chine à la musique occidentale est ancienne, mais les mutations profondes que ce pays a connues depuis les années 1980 ont eu des conséquences sur ses échanges musicaux avec l'Europe, qui se sont traduits notamment par l'édification de nouvelles salles de concerts et dans une politique culturelle dont les lignes directrices reflètent souvent des préoccupations plus générales. Malgré une volonté affirmée d'ouverture, les usages et la réglementation en vigueur rendent souvent difficiles la venue en Chine d'artistes et de professionnels européens de la musique. Par ailleurs, les échanges demeurent largement tributaires des initiatives publiques et sont loin de s'inscrire dans une réelle logique de marché. Enfin, il convient de souligner l'absence de réciprocité, l'ignorance de l'Europe à l'égard de la diversité et de la richesse des musiques chinoises, mais aussi la variété des expérimentations menées au cours des dernières années afin de les réduire.
    Musical relations between China and Europe since the 1980s : a delicate balance between market logic and dirigisme. The opening of China to Western music goes back a long time, but the profound changes that the country has experienced since the 1980s had an impact on its musical exchanges with Europe, notably the building of new concert halls, and a cultural policy which often reflected broader concerns. Despite a declared commitment to openness, Chinese customs and regulations often make it difficult for European artists and professionals to travel to China. Moreover, exchanges remain heavily dependent on government initiatives and are far from being an integral part of a real market logic. Finally, it is worth noting the absence of reciprocity, the ignorance of Europe with regard to the diversity and richness of Chinese music, but also the variety of experiments conducted in recent years in order to reduce them.
  • Conclusions - Robert Frank p. 139-145 accès libre
  • Notes de lecture - p. 153-167 accès libre