Contenu du sommaire
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | Vol. 19, 3, 1988 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La Tchécoslovaquie
- Avant-propos - Jaroslav Krej?i p. 5-7
- Les millésimes de la Tchécoslovaquie - Vladimir V. Kusin p. 9-22 Les quatre grandes dates, remémorées en 1988, illustrent les changements socio- politiques radicaux qui ont marqué sept décennies de l'histoire tchécoslovaque. L'État tchécoslovaque est né en 1918, a été perdu en 1938, a été soumis à un régime communiste en 1948 et à fait l'objet d'un tentative de réforme, éliminée par la force, en 1968. Chacun de ces événements a été fortement influencé par des facteurs extérieurs. Chacun s'est caractérisé par un bouleversement de l'organisation sociale de la société et de la culture politique des nations tchèque et slovaque. Octobre 1918 marque à la fois l'aboutissement du processus d'édification de la nation et l'instauration d'un système démocratique en Tchécoslovaquie. Septembre 1938 (Accord de Munich) est le symbole de l'affaiblissement de la démocratie dans le pays même et en Occident. En février 1948, le communisme tchécoslovaque se transforme en instrument du pouvoir soviétique. Le Printemps de Prague et son annihilitation restent des éléments de référence dans le climat réformiste actuel. La discontinuité de l'histoire tchécoslovaque moderne, résumée par ces quatre millésimes, reflète le sort malheureux des nations d'Europe centrale, qui se sont développées et ont vécu à la frontière de la démocratie et du communisme. Les conditions issues de cette série de changements sont loin d'être satisfaisantes et de nouvelles réorganisations socio-politiques sont en vue.The Anniversaries of Czechoslovakia. The four major anniversaries of 1988 relate to radical social and political changes in the seven decades of independent Czechoslovakia's history. The Czechoslovak state was born in 1918, lost in 1938, transferred under communist rule in 1948, and it saw a reformist attempt thwarted by force in 1968. Every one of these changes was strongly influenced by external factors. Each resulted in a momentous upheaval in the social organization of society and the political culture of the Czech and Slovak nations. October 1918 is remembered both as the culmination of the process of nation building and as the event that ushered in democracy. September 1938 (the Munich Agreement), is recalled as a symbol of the weakness of democracy at home and in the West. February 1948 climaxed the evolution of Czechoslovak communism into an instrument of Soviet power. The Prague Spring and its suppression remain terms of reference in the present reformist climate. The discontinuity of modern Czechoslovak history, epitomized by the four anniversaries, reflects the predicament of Central European nations which developed and practised their statehood on the borderline between democracy and communism. The sequence of changes has not led to a satisfactory state of affairs and further sociopolitical reorganizations are on the horizon.
- Les interactions de l'idéologie, de la politique et de l'économie : le cas de la Tchécoslovaquie - Jaroslav Krej?i p. 23-48 Les interactions de l'idéologie, de la politique et de l'économie dans l'histoire de la Tchécoslovaquie sont analysées sous un triple aspect : la conscience nationale opposée à la conscience de classe ; la fidélité à la nation opposée à la loyauté idéologique ; et l'économie de marché opposée à l'économie imperative. L'évaluation de chacun de ces trois domaines peut différer en fonction des convictions idéologiques de l'observateur. Une analyse empirique, fondée sur les faits et les chiffres, montre cependant qu'une théorisation des interactions entre la « base » et la « superstructure » ne débouche sur rien. L'expérience de la Tchécoslovaquie peut être résumée dans les termes suivants : dès que les croyances religieuses ont cessé de constituer la principale ligne de partage de la structure culturelle et politique de l'Europe centrale, c'est la nationalité, identifiée à la langue, qui est devenue le fondement de l'appartenance à une communauté. Quand les marxistes ont essayé de promouvoir la conscience de classe en tant que ligne fondamentale de partage de l'humanité, ils n'ont connu qu'un succès limité. Le mouvement démocratique a éclaté en fonction de l'appartenance nationale et même le Parti communiste a ultérieurement participé à la course nationaliste aux côtés de la « Patrie du socialisme ». Tant le régime politique que la structure socio-économique de la Tchécoslovaquie ont intégré certains principes idéologiques. La Première république de 1918-1938 était une démocratie parlementaire libérale qui tendait à instaurer une société de bien-être. A plusieurs égards, les valeurs et les traditions de la République française constituaient l'exemple à suivre. Depuis 1948, la Tchécoslovaquie est une dictature à parti unique où tous les moyens de production, d'éducation et de coercition sont contrôlés par le centre. Mais cette métamorphose n'a été nullement due à la contradiction entre les forces productives et les modes de production, si chère à Marx. L'économie de marché d'avant-guerre était relativement efficace mais a connu des fluctuations telles qu'elle n'a jamais fonctionné à plein rendement. L'économie planifiée, introduite en 1948, a plus ou moins fonctionné à pleine capacité mais s'est avérée de plus en plus inefficace et indifférente au consommateur. Le fort nivellement des revenus et des conditions de travail a été contrebalancé par une absence manifeste d'égalité en matière de droits civiques et de libertés. Les énormes efforts réalisés au bénéfice supposé des générations futures ont provoqué une détérioration irréversible de l'environnement.The Interplay of Ideology, Politics and Economics : the Case of Czechoslovakia. The interplay of ideology, politics and economics in the history of Czechoslovakia is demonstrated with reference to three areas : national versus class consciousness ; national versus ideological loyalty ; and market versus command as the leading factors in economy. Each of these confrontations can be evaluated differently according to the ideological stance of the observer. An empirical account, based on facts and figures, shows however, that nothing can be won by theorizing on interaction between a "basis" and a "superstructure". The lesson of Czechoslovakia can be summarized as follows : once the religious loyalties ceased to constitute the main dividing line in the cultural and political structure of Central Europe it was the nationality identified by language which became the rallying point for the sense of communal belonging. When the Marxists attempted to promote the class consciousness as the main divide of humanity, their endeavour had limited impact only. The social democratic movement split according to the national lines early on and later the Communist Party, too, eventually joined the nationalistic race on the side of the "Fatherland of socialism". Both the political regime and socio-economic configuration in Czechoslovakia followed certain ideological precepts. The first republic of 1918-1938 was a liberal, parliamentary democracy with a strong tendency towards building up a welfare state. In several respects the values and tradition of the French Republic were the paradigm. Since 1948 Czechoslovakia has been a one party dictatorship with the centralized command of all means of education, production and compulsion. The transformation was by no means due to the contradiction between the productive forces and the mode of production as had been envisaged by Marx. The prewar market economy operated in principle efficiently but with damaging fluctuations and thus not at full capacity. The post- 1948 planned economy has operated at more or less full capacity but with increasing inefficiency and regardless of the consumer. A significant levelling of incomes and conditions of work has been counterbalanced by conspicuous delevelling of civic rights and liberties. The enormous constructive effort allegedly for the benefit of future generations has created an irreparable legacy of a decaying environment.
- Indépendance, semi-dépendance, dépendance - Vitezslav Velimsky p. 49-63 Les termes d'indépendance, d'auto-détermination et de souveraineté, s'ils ne sont pas synomymes, ont des sens très proches. Ils sont souvent affectés d'une forte charge émotionnelle, positive pour la plupart des gens mais pas nécessairement pour les mêmes raisons. Ces termes sont ainsi prédestinés à entrer dans le vocabulaire « à double sens » en usage en Europe centrale et orientale. Que signifient ces termes pour les dirigeants communistes et leurs inféodés ? Comment la sémantique s'accorde-t-elle avec les événements récents de l'histoire de cette zone médiane de l'Europe ? Telles sont les questions que l'on se pose dans une réflexion introductive. Les nations s'intégrant (ou forcées de s'intégrer) à des alliances militaires ou des blocs économiques étroitement unis doivent s'attendre à perdre en route une part de leur souveraineté. Tant l'Ouest (d'abord) que l'Est de l'Europe ont instauré des structures d'intégration et les organes supranationaux correspondants, à la fois dans le domaine économique (la CEE et le Comecon) et dans le domaine militaire (OTAN et Pacte de Varsovie). Si l'on y regarde à deux fois, cette symétrie est plus apparente que réelle. En outre, les structures d'intégration orientales (économique et militaire) se caractérisent par une forte différenciation entre le rôle joué par l'U.R.S.S. et celui qui est réservé aux États-membres de la périphérie non russe, malgré l'égalité de principe prévue dans les différents traités, déclarations et autres documents. Les développements qui closent cet article sont consacrés à cet aspect du sujet.Independence, Semi-dependence, Dependence. Independence, sovereignty, self-determination are words with closely related, though not identical, meanings. They often are loaded with high emotional charges, positive to most people, but not necessarily for the same reasons. These words are thus predestined to be part of the « doublespeak » vocabulary of East-of-Centre Europe. How is the content of these words perceived by the communist rulers and by those under their domination ? How does semantics square with the events of recent history in this intermediate zone of Europe ? This is the contents of an introductory reflection on the subject. Realistically, nations integrating themselves (or forced to be integrated) into military alliances or closely-knit economic blocks must expect to give up parts of their sovereignty in the process. Both the West (chronologically first) and the East of Europe have set up structures of integration and appropriate supranational bodies, both in the areas of economy (European Communities and Comecon) and in the military field (NATO and Warsaw Pact). At a closer look, this symmetry is more apparent than real. Moreover, in the two Eastern integration structures (economic and military) there is a sharp distinction between the roles played by the Russian heartland and the non-Russian peripheral Member-States, in spite of the formal equality appearing on paper in the wording of the different statements, treaties and other documents. The closing reflections of the present paper are devoted to this aspect of the subject.
- La différenciation des cultures politiques et sociales dans le mouvement du Printemps de Prague - Zdenek Strmiska p. 65-87 Cette étude porte sur les différences spécifiques à l'intérieur des orientations culturelles et idéologiques des membres de la société tchécoslovaque au cours du Printemps de Prague de 1968. Elle s'appuie sur les résultats des sondages réalisés à cette époque et sur les discours et les textes politiques des porte-parole du mouvement. Dans le mouvement du Printemps de Prague, nous distinguons quatre types fondamentaux d'orientations socio-politiques : 1) Une très large majorité, voire la quasi-totalité de la société, soutient le mouvement au cours de son développement mais le courant de pensée monocratique ou quasi monocratique, lié à la réalité et à l'idéologie antérieures aux réformes, ne disparaît pas de la conscience sociale bien qu'il subisse des modifications. En moyenne, 20 % des enquêtes relèvent de cette catégorie. (2) Le courant réformiste dominant est lié à la direction réformiste du Parti. Ce lien avec le pouvoir, ou plus exactement avec sa majorité réformiste, confère au mouvement des caractéristiques spécifiques qui le distinguent de la plupart des autres mouvements sociaux dans les sociétés de type soviétique. A divers égards, les orientations de ce mouvement sont pluralistes et démocratiques. En même temps, les représentants du mouvement sont attachés à une certaine régulation globale du processus politique et à la création d'un réseau optimal d'organisations sociales et politiques. Vu les conceptions idéologiques de ce courant, nous le désignons comme pluraliste-globaliste, les aspects pluralistes étant largement prépondérants. Selon nos analyses, 45 % en moyenne des personnes appartiennent à ce courant de pensée. 3) Le courant du pluralisme ' intégral s'oppose à toutes les limitations de la démocratie pluraliste et accentue l'importance des garanties institutionnelles de la démocratie et notamment le rôle de l'opposition. La part de ses partisans dans l'échantillon de la population soumis à enquête est de quelque 25 %. 4) La minorité silencieuse est réduite par les influences de cet important mouvement social mais ne disparaît pas pour autant. Son poids est de 10% environ. L'étude s'intéresse également à la production théorique et idéologique liée au mouvement. Elle compare le Printemps de Prague au projet gorbatchévien, enregistre leurs convergences et leurs divergences et aboutit à la conclusion que les deux mouvements, malgré leur parenté, ne sont pas de même nature.Differentiation of Social and Political Cultures in the "Prague Spring". This study deals with specific differences within the cultural and ideological orientations of members of Czech society in the course of the Prague Spring of 1968. It is based on results of surveys carried out at that time and on speeches and political texts by spokespersons for the movement. In the Prague Spring we can distinguish four basic types of socio-political orientation : 1) A very large majority, indeed almost the whole of society supports the movement in the course of its development, but the monocratic or quasi-monocratic current of thought, with its ties to reality and to pre-reform ideology, does not disappear from social awareness although it undergoes modification. Some 20 % of the respondents belong in this category. 2) The dominant reformist current is tied to the reformist leadership of the party ; this link with power, or more precisely with the reformist majority, gives the Movement specific characteristics which distinguish it from the majority of other social movements in soviet-type societies. In many respects, the orientation of this movement is pluralist and democratic. At the same time, the representatives of the movement are attached to the notion of global regulation of the political process and to the creation of an optimal network of social and political organisations. In view of the ideological conceptions of this current, we describe it as "pluralist-globalist", since the pluralist aspects are broadly preponderant. According to our analyses, some 45 % of people belong in this current of thought. 3) The current of integral pluralism is opposed to all restrictions on pluralist democracy and emphasises the importance of institutional guarantees of democracy, above all the role of the opposition. The proportiort of its advocates in the part of the surveyed population which belongs to this current is around 25 %. 4) The silent minority is reduced by the influence of this important social movement but nonetheless does not disappear. Its size is around 10%. The study also examines the theoretical and ideological output associated with the Movement. It compares the Prague Spring with Gorbachev's reforms, records similarities and dissimilarities, and comes to the conclusion that the two movements, despite their origins, are not the same kind.
- Niveau d'étude et qualifications : comment les utilise-t-on en Tchécoslovaquie socialiste ? - Joseph L. Porket p. 89-106 Alors qu'officiellement, les dirigeants du Parti tchécoslovaque insistent sur la nécessité du plein emploi et d'une utilisation rationnelle de la force de travail, en pratique cette dernière est irrationnelle sur le plan économique. Quatre décennies après le coup d'État de février, les sureffectifs sont toujours aussi répandus et chroniques ; l'emploi volontaire et involontaire en deçà des capacités est loin d'être négligeable ainsi que l'emploi en dehors de la spécialité (du métier) acquis ; même les personnes qualifiées, employées à un niveau équivalent à leurs capacités, ne sont pas en mesure d'utiliser pleinement la formation obtenue dans le système d'enseignement. Par ailleurs, certaines personnes sont employées au-delà de leur niveau de capacités. Jusqu'ici, les tentatives de rationaliser les effectifs et l'utilisation des qualifications acquises ont pour la plupart échoué. La direction du Parti souhaitant maintenir une variante de l'économie imperative et refusant d'accepter officiellement le chômage, elle sera forcément confrontée à deux problèmes contradictoires : comment garantir l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'œuvre, tant au niveau macro-économique qu'à celui des marchés spécifiques du travail, tout en promouvant une utilisation rationnelle de la population active qu'il s'agisse de temps de travail ou de qualifications ? En outre, un autre problème, difficile à résoudre se posera : comment développer un système efficace de stimulation qui récompense à la fois les qualifications acquises et les performances ?The Use of Educational Qualifications in Socialist Czechoslovakia. Although officially the Czechoslovak party leadership emphasizes the need for full and rational employment, in practice the labour force is employed in an economically irrational way. Four decades after the February takeover of power, overmanning continues to be chronic and general ; voluntary and involuntary employment below skill level is far from negligible, and so is employment outside one's acquired speciality (trade) ; even qualified persons employed at their skill level are not able to utilize their educational qualifications to the full. On the other hand, a number of persons are employed above their skill level. Up to now, attempts to rationalize manning levels and the use of educational qualifications have mostly failed. And since the party leadership wants to maintain a variant of command socialism and refuses to introduce open registered unemployment, in the future too it will face two contradictory problems, namely, that of how to ensure a balance between the supply of and demand for labour at the macro-economic level as well as in particular labour markets, and that of how to ensure a rational utilization of the employed labour force in terms of working time and educational qualifications. In addition, it will face yet another long-standing problem, namely, that of how to ensure an effective incentive system, rewarding both educational qualifications and performance.
- Théorie économique et réforme en Tchécoslovaquie - Lud?k Rychetník p. 107-119 La théorie économique est abordée, dans cet article, sous l'angle de l'auto-réflexion sociale, c'est-à-dire comme élément du modèle que la société se forge et dont elle s'inspire pour se perpétuer et se (trans)former. Les hypothèses concernant la nature de la dynamique sociale constituent un aspect important du modèle. Dans l'immédiat après-guerre, la « voie tchécoslovaque vers le socialisme » avait le sens d'une évolution graduelle et continue des « traditions nationales progressistes ». A la fin des années quarante et au début des années cinquante, cette conception a été remplacée par une politique (plutôt qu'une idée) de rupture avec les traditions nationales et de transplantation des institutions et des expériences soviétiques. On peut se demander si l'on peut considérer les projets actuels de « reconstruction » du mécanisme économique tchécoslovaque comme un retour à la continuité ? Un bref survol des principaux arguments avancés lors des débats théoriques consacrés à l'économie semble indiquer que la réflexion économique vire dans cette direction. A un niveau plus général, on assiste à l'émergence d'une nouvelle analyse du système économique socialiste selon laquelle le socialisme est une étape du développement de l'économie de marché plutôt qu'une rupture radicale avec cette dernière. L'auteur estime, en conclusion que compte tenu des circonstances, la théorie économique sera incapable déjouer le rôle qui lui est dévolu tant qu'elle restera séparée artificiellement et pour des raisons idéologiques de la pensée sociale et économique occidentale.Economie Theory and Economie Reform in Czechoslovakia. In this paper, economic theory is seen as a part of social self-reflection, i.e. a part of the model which society constructs about itself, and uses as a guide in its own maintenance and (trans)formation. The assumptions about the nature of social dynamics form an important aspect of the model. In the immediate postwar years, the "Czechoslovak road to socialism" was understood as a gradual and continuous development of "progressive national traditions". In the late 1940s and early 1950s, this idea was replaced by a policy (rather than idea) of a break with domestic traditions and transplanting of Soviet institutions and taking over Soviet experience. A question is asked whether the present plans of a "reconstruction" of the economic mechanism in Czechoslovakia can be interpreted as a return to the idea of continuity. A brief survey of main lines of theoretical economic discussions suggests that there is a shift in economic thinking in this direction. At a more general level, a new picture of the economic system of socialism is emerging, according to which, socialism is a stage in the development of the market economy, rather than a radical break with it. The paper concludes that, under these circumstances, economic theory will not be able to play its role unless its artificial ideologically motivated separation from Western social and economic thinking ends.
- Un demi-siècle de saignée - Karel Hruby p. 121-141 Ces cinquante dernières années, la tradition démocratique a subi en Tchécoslovaquie trois vagues de répression : la répression nazie (à la suite de l'Accord de Munich en 1938), la répression stalinienne (après le coup d'État communiste de 1948) et la « normalisation » (après l'élimination du Printemps de Prague en 1968). Dans les trois cas, on a cherché avant tout à annihiler l'héritage du philosophe et humaniste, T.G. Masaryk, premier président de la République tchécoslovaque. La répression nazie se fondait sur la haine raciale et nationale et s'est illustrée par une cruauté inouïe et la liquidation physique de nombreux représentants de l'esprit de la nation. La répression stalinienne était alimentée par la haine de classe et le phari- saïsme idéologique ; elle a essentiellement cherché à manipuler la vie intellectuelle et à l'orienter dans une seule direction ; mais le meurtre organisé faisait également partie de sa panoplie. La troisième vague de répression, qui est toujours en cours, est l'expression de rivalités politiques. Elle ne tend pas à la liquidation physique des non-conformistes mais les empêche de travailler dans leur domaine intellectuel, souvent les prive de moyens d'existence décents et leur font subir toutes sortes de vexations. Malgré ces diverses répressions, la liberté de penser n'a pu être totalement éliminée. Même dans les secteurs les plus affectés de la culture tchécoslovaque, à savoir la philosophie, la sociologie et l'histoire, la volonté de résistance a été remarquable. A chaque fois que la tension se relâchait, fût-ce pour peu de temps (par exemple, en 1945-1948 ou à la fin des années soixante), l'activité créatrice resurgissait. Ces derniers dix ans, les activités intellectuelles indépendantes ont pu s'exprimer le plus efficacement par l'intermédiaire du « samizdat ». Une situation aussi anormale exige des solutions exceptionnelles. La Charte 77, une association assez lâche, qui ose exprimer des vues et des valeurs différentes, sert de phare dans ce qu'on peut encore décrire avec Arthur Koestler comme la nuit à midi.Fifty Years of Bleeding. In the last fifty years the democratic tradition in Czechoslovakia has been exposed to three waves of repression : the Nazi (as a result of the Munich Agreement in 1938), the Stalinist (after the February communist putch in 1948) and the "normalization" (after the supression of the Prague Spring in 1968). In all three cases it was first and foremost the legacy of the philosopher and humanist, the first president of the Czechoslovak republic, T.G. Masaryk, which was to be annihilated. The Nazi repression was motivated by racial and nationalistic hatred and was marked by extraordinary cruelty tending towards physical liquidation of the representatives of the national spirit. The Stalinist repression was fuelled by class-based hatred and ideological self-righteousness ; its main aim was to manipulate intellectual life reducing it to one direction only ; but judicial homicide was also in its portfolio of repressive measures. The third wave of repression which is still going on is an expression of political rivalry. It does not aim at physical liquidation but deprives the nonconformists of work in the field of their intellectual capacity and often of a decent existence in general ; they are subjected to various kinds of harassment. In spite of all these repressions free thought could not be fully suppressed. Even in the most affected branches of Czechoslovak culture such as philosophy, sociology and historiography, the power of resistance is remarkable. Every period of relaxation, however short it might have been, such as the 1945-48 period or the late 1960s, brought an upsurge of free creative activity. In the last ten years independent intellectual activity has found its most effective means of expression in the "samizdat" literature. The unnatural situation requires uncustomary measures in order to cope with it. The Charter 77, a loosely knit association daring to voice alternative views and valuations within the frame of law, has become the beacon in what still can be described with Arthur Koestler as the Darkness at noon.
Note
- Le cumul emploi-retraite en Tchécoslovaquie : une synthèse des dispositions législatives récentes - Francis Kessler p. 143-147
- Résumés des articles - p. 149-157