Contenu du sommaire : La transition politique en Asie orientale
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol 28, no 3, septembre 1997 |
Titre du numéro | La transition politique en Asie orientale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La transition politique en Asie orientale
- Coordonnateurs : Jean-Pierre Cabestan et Éric SeizeletIntroduction
- La dynamique de la transition politique en Asie orientale - Jean-Pierre Cabestan et Éric Seizelet p. 5
I. Transition et consolidation démocratique en Asie du Nord-Est : les acquis et les défis
- La démocratisation à l'épreuve en Corée du Sud - Bertrand Chung et Éric Seizelet p. 23 Le processus de démocratisation en Corée du Sud, entamé depuis 1987, se trouve à l'heure actuelle dans une impasse. Pourtant, l'avènement du premier président civil depuis 1961 et les mesures de réforme politique prises par le chef de l'État, M. Kim Young-sam, avaient été très favorablement accueillis par l'opinion. La déception a été d'autant plus plus vive que, dans le cadre de la politique dite de "mondialisation", qui a pour but d'accroître la compétitivité des entreprises sud- coréennes, le gouvernement a fait preuve d'une extrême fermeté dans la répression des conflits sociaux. Par ailleurs, la normalisation de la vie politique a été affectée par un regain d'autoritarisme et la multiplication des scandales politico-financiers qui ont éclaboussé jusqu'à la famille du Président. Cette situation délétère ne contribue pas à créer un rapport de force favorable au mouvement réformateur et constitue un obstacle à l'approfondissement de la démocratie.Democratization tested in South Korea. The South Korean democratization process, which started in 1987, has reached a standstill. Public opinion hailed the coming to power of the first civilian president since 1961, as well as the political reforms made by the head of state, Kim Young Sam. But disappointment has grown since, as part of a "globalization policy" intended to boost the competitiveness of South Korean firms, the government has proven its determination to quell social conflict. Moreover, the return to normalcy in politics has been marred by growing authoritarianism and booming political-financial scandals, which have even sullied the President's family. This deleterious situation hinders shifting the balance of power toward the reform movement and keeps democracy from advancing.
- Taiwan ou la démocratisation sous tutelle : heur et malheur de la contrainte - Françoise Mengin p. 43 Dans le cas de Taiwan, la contrainte externe, c'est-à-dire la nécessité de ne pas remettre en cause, ouvertement du moins, le principe de l'unité de la Chine, a favorisé un processus réformiste qui a inscrit les transformations dans la continuité de l'histoire de la République de Chine. Mais, si la Constitution de 1947 a simplement été amendée, les changements n'en ont pas moins été importants : les institutions, fondées sur le pluripartisme et des élections libres et régulières, sont désormais représentatives de la seule population insulaire. L'emprise de la contrainte externe peut toutefois être un facteur de sclérose et conduit, pour l'heure, à envisager la formation de gouvernements de coalition.Taiwan, democratization under supervision : The good and bad sides of a constraint. In the case of Taiwan, an external constraint, the requirement that no doubts be voiced, at least not openly, about the principle of China's unity, has been conducive to a reform process that has placed changes in continuity with the Republic of China's history. Although the 1947 Constitution was simply amended, major changes were made : institutions based on a multiparty system with regular, free elections now represent the island's population, and it alone. However this external constraint may keep Taiwanese politics from making adaptations. For the time being, it has led to the idea of forming coalition governments.
- La démocratie japonaise entre crise et réinvention - Jean-Marie Bouissou p. 63 La démocratie japonaise traverse une profonde crise de légitimité, qui affecte l'ensemble du système politique. Pourtant s'affirme, à partir du local, un renouveau citoyen à travers la multiplication des réseaux associatifs, centrés autour des coopératives autogestionnaires de consommation. Bien que cette évolution soit fragile du fait de leur manque de coordination au niveau national, de l'étroitesse de leur base sociologique et de l'ambiguïté de leurs relations avec les différents pouvoirs, ces formes alternatives de participation imprègnent peu à peu le discours et les pratiques politiques actuelles, qui s'articulent autour des idées de décentralisation et de proximité. Ce mouvement pourrait constituer un contrepoint à l'ultra- libéralisme ambiant et permettrait au Japon de développer une expérience originale à travers laquelle, pour la première fois de son histoire, il participerait à la recomposition de la scène idéologique mondiale.Japanese democracy between crisis and reinvention. Japanese democracy is in the throes of a crisis of legitimacy that has shaken up the whole political system. At the local level however, a growing number of associations centered around self-managed consumer cooperatives are reviving the idea of citizenship. Though still frail, given the lack of coordination at the national level, their narrow social bases and their ambiguous relations with public authorities, these alternative forms of participation in public life are gradually permeating political practices and discourses, which revolve around the ideas of decentralization and proximity. This movement might serve as a counterweight to the ambient far-liberalism. Japan might thus be making an original experiment that, for the first time in its history, would give it a part in changing ideologies at the world-level.
- La démocratisation à l'épreuve en Corée du Sud - Bertrand Chung et Éric Seizelet p. 23
II. Les communismes asiatiques entre l'économie socialiste de marché et l'orthodoxie politique
- La transition politique en Chine populaire : la libéralisation amorcée peut-elle accoucher d'une démocratisation ? - Jean-Pierre Cabestan p. 95 Aujourd'hui, la direction du Parti communiste est engagée dans une réforme des structures politiques qui affiche comme unique objectif le "perfectionnement de la démocratie socialiste" dont jouissent déjà les Chinois, par opposition à la "démocratie parlementaire occidentale", qui reste aux yeux des autorités de Pékin synonyme de "démocratie bourgeoise". Depuis Tiananmen (1989), deux réformes sont privilégiées : l'accroissement des pouvoirs des assemblées populaires et les élections villageoises. Certains estiment, en Chine comme à l'étranger, que ces réformes sont susceptibles de favoriser à terme une véritable démocratisation du régime. Rien n'est plus incertain. En dépit de la tenue ici et là d'élections plus concurrentielles, la quasi-totalité des assemblées et la grande majorité des villages restent contrôlés par les cadres du Parti. Toutefois, ces consultations ont contribué à renforcer l'influence des nouvelles élites (entrepreneurs privés) que le Parti communiste, comme le Kuomintang à Taiwan dans les années soixante, s'efforce d'attirer à lui. Cette évolution participe donc de l'affaiblissement de l'organisation du Parti, aujourd'hui beaucoup plus vulnérable aux multiples corporatismes régionaux et sectoriels. S'il introduit une certaine dose de pluralisme au sein de l'appareil, privilégiant les groupes économiques les plus puissants, ce phénomène risque de favoriser l'avènement en Chine populaire non pas d'une démocratie mais d'une ploutocratie à la fois autoritaire, bureaucratique et corporatiste.The political transition in Communist China : Can the underway liberalization give birth to democracy ? The Chinese Communist Party's leadership has launched a reform of political structures with the single objective of "perfecting the socialist democracy" that the Chinese already enjoy, as opposed to "Western parliamentary democracy", which the authorities in Peking still see as synonymous with "bourgeois democracy". Since Tiananmen in 1989, two reforms have had priority : increasing the powers of popular assemblies and holding village elections. Some observers, in China and abroad, think these reforms may eventually democratize the political system. But nothing is less certain. Despite competitive elections held here and there, Party officials still control nearly all assemblies and the large majority of villages. Nonetheless, these elections do strengthen the influence of new elites (private entrepreneurs), which the Communist Party is trying to attract (like the Kuomintang in Taiwan during the 1960s). This tends to weaken the Party's organization and make it much more vulnerable to regional and special interests. Although it does introduce a degree of plurality into the Party machine, but by giving privileges to the economically most powerful groups, this phenomenon risks installing not a democracy but an authoritarian, bureaucratic plutocracy.
- Les élites du Parti communiste vietnamien face à la doi moi - Christian Lechervy p. 95 Depuis dix ans, la politique de réforme initiée par le VIe Congrès du Parti communiste (PCV) consiste en une série d'ajustements de procrastination. Si depuis la réunification du pays en avril 1975, le corps doctrinal de la politique économique n'a jamais cessé d'évoluer et de s'adapter, les règles d'ordonnancement du jeu politique apparaissent, elles, figées alors même que le Parti, l'État et le gouvernement ne cessent de changer de direction ces dix dernières années. Les ajustements quotidiens de l'encadrement de la politique économique ont défini une nouvelle forme de praxis d'un État socialiste, au travers des mécanismes socialistes de marché, mais ces reformulations sont encore insuffisantes pour garantir la pérennité de la croissance économique. Déstabilisatrices par nature, les réformes qui s'engagent à l'issue du VIIIe Congrès doivent répondre non seulement à des impératifs macro-économiques, mais également sociaux. Dès lors, les débats au sein de la place Ba Dinh reprennent de la vigueur et pourraient bien se révéler fondateurs de nouvelles légitimités pour ceux qui vont succéder à la génération des dirigeants issus des trois conflits paroxysmiques de la Guerre froide.The Vietnamese Communist Party's elite and the doimoi. For ten years now, the reform policy launched by the sixth congress of the Vietnamese Communist Party (VCP) has consisted of a series of procrastinations. Even though, since the country's reunification in April 1975, the doctrine underlying economic policy has been continually adapted, the rules for politics seem to have frozen despite the many changes made in Party, state and government's orientations during the past ten years. Daily adjustments in economic policy have defined a new form of praxis for a Communist state through socialist market mechanisms ; but these reformulations do not yet suffice to guarantee that economic growth will be sustained. The reforms coming out of the VCP's eight congress must respond to social as well as macroeconomic requirements. Hence, debates in Ba Dinh Square have heated up and might lay the grounds for a new legitimacy for those who will fill the places left vacant by the generation of leaders who arose out of the three paroxysmal Cold War conflicts.
- "Succession dynastique" et communisme de pénurie : la crise du régime nord-coréen - Éric Seizelet p. 131 Le régime nord-coréen est désormais acculé. Diplomatiquement isolé, économiquement ruiné par des décennies de planification bureaucratique qui ont aggravé les effets désastreux des catastrophes climatiques de ces dernières années, politiquement et socialement déstabilisé par le doute qui s'empare peu à peu des élites et les pénuries qui frappent la population, la nouvelle direction qui s'est installée au pouvoir après la disparition de Kim Il-sung lutte non seulement pour la survie du système, mais aussi et surtout du pays lui-même. Confrontée au double défi de l'impasse actuelle et du risque de déstabilisation induit, à terme, par la mise en place des réformes, la Corée du Nord multiplie, en direction de la communauté internationale, des signes contradictoires de crispation et d'apaisement qui traduisent des luttes de pouvoir et d'influence à Pyongyang."Dynastical succession" and the Communism of shortage : The crisis of the North Korean régime. The North Korean regime has reached a dead end. The new leadership, which has succeeded Kim II Sung, is diplomatically isolated, economically ruined by decades of bureaucratic planning (which has only added to the aftermath of recent disastrous flooding) and politically as well as socially destabilized since the elite itself has gradually come to have doubts and the population has felt the brunt of shortages. This leadership is fighting not only for the system's survival but also for the country's own existence as an independent entity. North Korea now faces a twofold challenge : the crisis of its régime and the destabilization that reforms might eventually set off. For these reasons, the signals it is sending toward the international community are contradictory. They reflect political infighting in Pyongyang.
- La transition politique en Chine populaire : la libéralisation amorcée peut-elle accoucher d'une démocratisation ? - Jean-Pierre Cabestan p. 95
III. L'autoritarisme en question : les régimes politiques du Sud-Est asiatique et la poussée des revendications démocratiques
- La société birmane face à la question institutionnelle - Guy Lubeigt p. 157 Depuis l'arrêt du processus démocratique en 1990, la junte militaire birmane tente de légitimer son pouvoir par la nécessité de maintenir la cohésion nationale dans une société traditionnelle, pluri-ethnique et multi-culturelle en s 'appuyant sur les croyances bouddhiques profondément enracinées dans le pays. Pourtant, les militaires s'avèrent incapables d'assurer le développement socio-économique de l'Union birmane et se trouvent confrontés à un mouvement de contestation démocratique au sein de la jeunesse et à une résistance permanente de la base monastique, la haute hiérarchie bouddhiste demeurant inféodée au régime. L'enlisement des discussions relatives à la future Constitution n'a pas empêché la junte de poursuivre sa politique d'intégration régionale en direction notamment des pays de l'ASEAN. Cependant, si une transition vers la démocratie n'est pas d'actualité, une partie de l'Armée, consciente de l'isolement du régime, pourrait pousser ce dernier à s'assouplir.Burmese society and the question of institutions. Since the democratic process was stopped in 1990, the Burmese military junta has been trying to legitimate its power by referring both to the need to maintain national unity in a traditional, multiethnic, multicultural society and to the country's deeply rooted Buddhist beliefs. However, the military has turned out to be unable to provide for the Burmese Union's social and economic development. It is now confronted with a democratic protest movement among young people and ongoing resistance from monks (The top Buddhist hierarchy still submits to the government). The stalemate in discussions about the future constitution has not kept the junta from pursuing a policy for integrating the country in the region (especially in ASEAN). Even though a transition toward democracy is not on the agenda, part of the army, conscious of the country's isolation, might exercise pressure to make the junta soften its position.
- Le paradoxe philippin : rétablissement d'un régime démocratique ou restauration d'un régime oligarchique ? - Antoine Gazano p. 189 La démocratie philippine était et reste fortement personnalisée. Le "pouvoir populaire" de la révolution de février 1986 n'a abouti qu'au départ de Ferdinand Marcos : il n'a jamais pu se structurer organiquement. Si le processus électoral a joué un rôle réel dans la sélection du personnel politique, il a également permis la résurgence des grandes familles provinciales, autrement dit la démocratie élitiste et clientéliste. Le Congrès, immuablement dominé par l'élite traditionnelle, s'est montré peu enclin à l'adoption des réformes d'envergure, annoncées dans la Constitution de 1987. Les problèmes qu'il incombe au président Ramos de régler sont les mêmes que par le passé : inégalités économiques, conflits fonciers qui subsistent en raison de l'échec de la réforme agraire, industrie encore majoritairement dominée par les monopoles, corruption de la classe politique et élite plus concernée par ses intérêts personnels que par le bien-être public. En réalité, deux éléments font défaut aux Philippines : la continuité des politiques et le sens de l'intérêt national. Le chef de l'État devrait faire abstraction du système existant, démanteler les monopoles et intégrer le phénomène de mondialisation de l'économie, sans pour autant perdre de vue les réformes politiques et sociales indispensables à la liquidation de toutes les formes de contestation armées.The Philippine paradox : Restore a democratic or an oligarchie system ? Democracy in the Philippines used to be, and still is, personalized. The "people's power" of the February 1986 revolution forced Ferdinand Marcos out, but was unable to build a structure. Elections have served to choose among politicians, but they have also opened the way for big provincial families to re-emerge in an elitist, patronage democracy. Rigidly controlled by the traditional elite, the Congress has not made much haste toward adopting the sweeping reforms laid down in the 1987 Constitution. The problems President Ramos has to solve have not changed : economic inequality ; land disputes (which still arise because land reform has not worked) ; an industry still mainly in the hands of monopolies ; political corruption ; and an elite more concerned with its personal interests than the public good. Two things are lacking in the Philippines : continuity in policy and the sense of a national interest. The head of state should disregard the existing system, dismantle monopolies and take account of economic globalization ; but he should not lose from view the political and social reforms indispensable for putting an end to armed uprisings.
- Indonésie : autoritarisme, développement et démocratie - Françoise Cayrac-Blanchard p. 209 En Indonésie, le président Suharto, 76 ans, est au pouvoir depuis plus de 30 ans. Détenant un pouvoir quasi-absolu, il réprime toute opposition comme subversive. Malgré des succès économiques certains, le mécontentement grandit en raison de l'accroissement des inégalités sociales, de la corruption et du népotisme. L'aspiration à plus de démocratie s'est traduite récemment par de graves troubles sociaux. S 'étant distancié de l'armée, qu'il garde sous son contrôle, Suharto s'appuie sur l'islam qui, en plein renouveau, nourrit de nouvelles ambitions. Ce que l'armée juge dangereux pour l'unité nationale. Bien que divisée et affaiblie, elle entend conserver un rôle dominant.Indonesia : Authoritarism, development and democracy. In Indonesia, President Suharto, now 76 years old, has held office for more than 30 years. With nearly absolute power, he has quelled opposition and sees it as subversive. Despite the economy's success story, discontent is rising along with swelling inequality, corruption and nepotism. Democratic aspirations recently spurred riots all over the country. Having taken distance from the army, though he keeps it under his own control, Suharto is leaning on Islam, which is undergoing a revival and fueling new ambitions. The army sees this as a danger for the nation's unity. Though divided and weak, it intends to keep control.
- La société birmane face à la question institutionnelle - Guy Lubeigt p. 157
Revue des livres
- Social Policy and Economie Transformation in Uzbekistan, Edited by Keith Griffin - Wladimir Andreff p. 229