Contenu du sommaire : Les temps du travail
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 162, 4e trimestre 2006 |
Titre du numéro | Les temps du travail |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Science et politique - Michel Kail, Richard Sobel p. 5-8
Les temps du travail. Cycles et irréversibilité
- Avertissement - Jean-Pierre Durand, Pierre Rolle p. 9
- Comment re-penser le travail ? - Jean-Pierre Durand p. 11-18
- Un nouveau paradigme en sociologie du travail ? - Pierre Rolle p. 19-37 Les changements auxquels nous assistons dans le domaine du travail obligent à situer différemment les institutions traditionnelles que l'on y rencontre. L'entreprise n'apparaît plus comme le cadre de la division du travail, mais comme un opérateur dans le mécanisme collectif de distribution réciproque des individus et des tâches. L'État démocratique et les « partenaires sociaux » sont les opérateurs d'une socialisation contradictoire, que la mondialisation soumet de surcroît aux alliances et aux concurrences universelles.Comme il est de règle, les méthodes par lesquelles on saisit la réalité sociale doivent aujourd'hui se modifier en même temps que leur objet. Cette exigence paradoxale justifie l'usage de la notion de paradigme, laquelle suppose une cohérence partielle, qui réunit spécifiquement quelques-uns des niveaux et des cycles qui composent le social, mais ne représente aucunement une étape dans une évolution historique.Abstract « On New Paradigms ? »Present changes in the realm of work require us to resituate existing institutions. Companies no longer seem to structure the division of labor, but rather are operators in the collective mechanism of the reciprocal distribution of individual tasks. The democratic state and the « social partners » are the operators of a contradictory socialization that globalization has thrust into a new set of relationships. Methods of apprehending social reality, as well as the object of this process, must be now modified. This paradoxical necessity justifies use of the notion of paradigm, supposing a partial coherence reuniting some of the levels and the cycles that comprise social reality, but not representing any particular stage in historical evolution.
- Quels temps mesure le chronométreur taylorien ? - Jorge Lago p. 39-58 Assistons-nous au commencement d'une nouvelle ère du travail ? Avant d'en décider, il faut prendre garde que la méthode consistant à définir des périodes successives au cours de l'histoire conduit à attribuer un dynamisme propre à chacune, et à dissimuler le mouvement d'ensemble qui, éventuellement, les produit et les entraîne.Les sociologues qui veulent penser notre présent à partir de l'époque précédente se mettent en situation de n'observer rien d'autre que le maintien, la dénaturation ou la désagrégation du taylorisme. Mais qu'est-ce que le taylorisme ? Toutes les interprétations qui ont cherché à lui donner une cohérence et un moteur spécifiques se sont révélées inconsistantes. Pour comprendre cette technique, il faut nécessairement outrepasser les domaines, les objets et les durées d'observation que les praticiens ont en fin de compte fixé aux chercheurs.La séparation, devenue commune, entre la sociologie du travail et celle de l'emploi, exprime et dissimule le refus de décrire par elles-mêmes les relations fondamentales de la production. C'est pourtant en les observant que l'on aura une chance d'échapper aux contradictions que produit l'usage des concepts traditionnels, et qu'on analysera les diverses formes de prescriptions et de mesures qui, selon les temps et les conditions, règlent les rencontres entre les travaux et les capacités de travail.Abstract « What does the Taylorian Chronometer Measure? »Are we witnessing the beginning of a new era of work? Before deciding, it is necessary to take distance from the method that defines successive historical periods by attributing a specific dynamic to each of them and dissimulates the movement of the whole producing them. The interpretations of Taylorism trying to give coherence and specific motor to each period are inconsistent. The now well-known separation between the sociology of work and that of employment expresses and dissimulates the refusal to describe the basic relations of production. However, it is only through observation that there is a possibility of escaping the contradictions produced by the use of traditional concepts in the analysis of the points of contact between production and work.
- Quelle place accorder au travail ? - Olivier Cousin p. 59-77 Les nouvelles formes d'organisation du travail reposent sur un paradoxe : les conditions de travail se durcissent et l'autonomie dans l'exécution des tâches et des activités s'accroît. Le paradoxe se résout, le plus souvent, par la mise en exergue d'une nouvelle forme d'aliénation, dont la puissance repose sur le principe de l'engagement contraint et d'une ruse du management avec la notion du gagnant-gagnant. Le paradoxe peut être abordé et analysé sous un autre angle, à partir du travail lui-même, en tentant de comprendre le sens qu'il prend pour les salariés. Conclure à une forme renouvelée de l'aliénation suppose une structure cohérente capable d'imposer et d'articuler une ligne et un mode d'organisation, s'emboîtant parfaitement. Or, dans la réalité, la cohérence n'est qu'apparente et souvent fragile. L'incohérence permet d'envisager une cassure entre les intentions du travail et ce que vivent et éprouvent les salariés. Ce sont deux pièces d'un même puzzle, mais qui parfois s'emboîtent mal. Et c'est ce désajustement qui est à la source de l'expérience des salariés. Il y a un rapport dialectique entre ces deux aspects, qui permet de saisir le paradoxe des nouvelles formes d'organisation du travail.Abstract « Where does work stand? »The new ways of organizing one's work are based on a paradox: whereas working conditions have grown harder, the autonomy in implementing tasks and activities is ever-increasing. A paradox generally solved by highlighting a new form of alienation, whose strength rests with the principle of commitment under coercion laced with the management's crafty use of the notion of splitting the profits fifty-fifty. The paradox can be approached and analyzed from another angle altogether — from the very work at stake —, by attempting to understand what it means for the employees. To come to the conclusion of a new form of alienation requires a coherent structure able to impose and work out organizational lines and methods that fit together to perfection. Now, in concrete terms, consistency can be only apparent, and often transient. Inconsistency enables to hypothesize the existence of a gap between work's purposes and employees' experiences and feelings. The two pieces, that are part of the same jigsaw puzzle, sometimes fit badly, and the employees' experience stem from this very disconnection. The dialectical relation between these two aspects makes it possible to grasp the paradox of the new forms of work organization.
- Du « tout-acteur » à l'analyse des médiations de la contrainte - Gaëtan Flocco p. 79-95 La sociologie des organisations et de l'entreprise a montré que la contrainte salariale et l'autonomie des acteurs pouvaient coexister dans les situations de travail. Cette thèse demeure assurément une avancée au sein de la discipline sociologique. Cependant, certaines limites de cette approche sociologique, comme une focalisation excessive sur l'autonomie des salariés, invite à réorienter l'analyse du travail vers davantage de contextualisation et de prise en compte des médiations des contraintes. Les enjeux scientifiques et politiques d'un tel renouvellement de l'étude du monde du travail et des organisations ne sont pas des moindres : maintenir un pluralisme théorique ; se démarquer des philosophies individualistes et des sociologies exclusivement compréhensives ou encore identifier les déterminants politiques des contraintes du travail.Abstract « From the “Total Actor” to Analysis of the Mediation of Constraint »The sociology of organization and of business enterprise shows that constraints on employees and on the autonomy of individuals coexist in work situations. This conclusion certainly represents progress within the discipline of sociology. However, it is a sociological approach that involves certain limits, such as an excessive emphasis on the autonomy of employees, which requires a reorientation of the analysis of work towards greater contextualization and a taking into greater account the mediation of constraints. The scientific and political issues of this renewal of the sociology of work are important : the maintenance of theoretical pluralism ; the need to take distance from individualistic philosophies and totalizing sociologies ; to identify the political determinants of work constraints.
- Les « savoir-être », un angle mort des débats sur la compétence - Élodie Ségal p. 97 En nous appuyant sur l'étude d'une vingtaine de « chantiers compétences » mis en place dans le secteur industriel, nous mettons en évidence les grandes lignes d'un nouveau mode de rationalisation du travail : celui de la rationalisation de la subjectivité. Au-delà d'une analyse de la « logique compétence » comme mode d'organisation, notre regard se porte sur les réactions des salariés de fabrication. Ces dernières qui vont de la « simulation contrainte » au « retrait », en passant par l'« adhésion positive » et l'« adhésion négative », ne remettent pas fondamentalement en cause ce mode de rationalisation. Bien au contraire, ce modèle d'organisation des entreprises tend à contrôler et à utiliser le travail et surtout le travailleur sous des formes renouvelées. Les notions de « compétence relationnelle », « d'aptitude » et de « savoir-être » semblent devenir les axes forts de cette nouvelle gestion des salariés. Afin de dépasser le discours naturalisant qui fait reposer sur le seul individu ces nouvelles exigences, il nous semble nécessaire de construire des repères collectifs et objectivables aux compétences dites relationnelles.« “Knowing How to Be” : The Blind Spot in Debates about Competence »Studying around twenty « competence sites » established in the industrial sector, we have been able to identify a new mode of rationalization at the work place : the rationalization of subjectivity. Beyond an analysis of « logical competence » as a mode of organization, we looked at the reactions of assembly workers. These reactions, going from « constrained simulation » to « withdrawal », passing through « positive adhesion » and « negative adhesion », do not call into question this mode of rationalization. On the contrary, this type of organization tends to control and use work, and especially the worker, in renewed ways. The notions of « relational competence », « aptitude», and « knowing how to be » seem to have become the dominant elements of this new work management. In order to go beyond the naturalizing discourse founded upon the individual, it seems necessary to establish collective and objective criteria of the competences said to be relational.
- Quel mode de gouvernement pour les nouvelles relations Science-Industrie ? - Caroline Lanciano-morandat p. 115-134 Les liens entre les unités de recherche académique et les entreprises sont présentés dans les discours dominants actuels comme un élément de la maîtrise de l'économie. Si les relations étaient, auparavant, réglées à partir d'une disjonction institutionnelle entre la science et l'industrie, quel mode de gouvernement est imaginable si ces rapports se développent au point d'arriver à un appareillage unique ? Dans ce contexte, de multiples expériences de rapprochement entre les unités académiques et industrielles sont menées comme celles des plateformes biotechnologiques. Cet article analyse les nouveaux agencements productifs, les nouveaux conflits, les nouveaux pouvoirs, les nouvelles conditions de travail et d'emplois observés dans un de ces dispositifs techniques et humains en tant que prémices de ceux qui pourraient exister dans l'avenir.« What Mode of Governance for the New Relations between Science and Industry? »In the dominant discourse, the links between academic research groups and businesses are presented as an element important for the economy. If, before, these relations were governed by an institutional disjunction between science and industry, what mode of governance can be imagined if they become components of a single institutional apparatus? In this context, different experiments in the fusion of academic and industrial groups have been carried out in the field of biotechnology. Analysis of the new modes of production, the new conflicts, the new powers, and the new working conditions observed in one of these technical and human units elucidate what could exist in the future.
Hors dossier
- Acteurs solitaires ou solidaires dans l'entreprise d'aujourd'hui - Marie Rebeyrolle p. 135-155 Une résignation en voie de globalisation face à des conditions de travail qui ne cessent pourtant de se durcir peut laisser songeur. Deux facteurs peuvent cependant contribuer à comprendre cette absence de contestation. Le premier renvoie à la suprématie de l'idéologie libérale et à sa déclinaison en entreprise autour des « valeurs » d'égalité, de responsabilité, de liberté, de prise de risque... Le second facteur concerne la dynamique à l'œuvre dans les relations de travail qui tend à souder chaque groupe autour d'un « secret », aussi banal soit-il, grâce auquel chacun, en le taisant, signe son appartenance au groupe. Dans une telle configuration, il devient alors impossible de rompre ce silence et risquer l'exclusion, le bonheur promis par le libéralisme se posant en horizon indépassable, gage d'une jouissance dont la réalisation ne cesse toutefois d'être différée au profit d'une souffrance que l'individu porte seul, au nom et pour prix de sa solidarité au groupe.« Alone or together in business today »Global acceptance of ever increasing harder working conditions leaves you with something to think about. Two elements could contribute to comprehend this lack of controversy. The first refers to supremacy of liberal ideology and it's meaning to enterprise around « values » of equality, responsibility, freedom, taking risks... The second element concerns working relationship dynamics that try to unify each group around a « secret ». Each member confirms his or her adherence to the group without revealing this « secret ». In such a circumstance, it becomes impossible to break the silence as well as risking being excluded. The promise of bliss liberalism makes itself an impassable horizon as well as a pledge of possession doesn't stop making it in reach, thus being replaced by sufferance that each person carries alone in name price to be paid of his or her solidarity to the group.
- Acteurs solitaires ou solidaires dans l'entreprise d'aujourd'hui - Marie Rebeyrolle p. 135-155
Note critique
- La globalisation du monde - Louis Moreau de Bellaing p. 157-161
9
- Revue des revues - Thierry Pouch p. 163-178
- Comptes rendus - p. 179-188