Contenu du sommaire : Droit et conflits du travail dans l'Angleterre du New Labour
Revue | L'Homme et la société |
---|---|
Numéro | no 182, 4e trimestre 2011 |
Titre du numéro | Droit et conflits du travail dans l'Angleterre du New Labour |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial. Le renoncement politique à la politique - Michel Kail p. 5-9
Droit et conflits du travail dans l'Angleterre du New Labour
- Droit et conflits du travail dans l'Angleterre du New Labour - Aristea Koukiadaki, Claude Didry p. 11-23
- Marchés du travail, crise financière et réforme : projet d'agenda pour une politique du travail - Simon Deakin, Frank Wilkinson, Victoria Surtees, Claude Didry p. 25-52 Cet article envisage la relation entre les systèmes de droit du travail et les tendances économiques générales dans les économies de marché développées, en intégrant la crise financière récente et la récession qui en a résulté. Certaines formes de réglementation juridique du travail, en particulier en matière de temps de travail et de protection de l'emploi, ont des effets économiques bénéfiques en termes d'emploi et de productivité dans les régimes de marché coordonnés, où figurent à la fois un marché des capitaux et des institutions gouvernementales complémentaires. Dans un régime de marché libéral par contre, les effets sont plus mitigés : sans institutions complémentaires, ces formes de réglementation peuvent induire une croissance de la productivité, mais ceci au détriment de l'emploi. Dans l'ensemble, la proposition selon laquelle la réglementation juridique du travail pèserait sur l'efficience du marché du travail n'est pas établie. Mais les systèmes de droit du travail confronté au néolibéralisme n'ont pas réussi à endiguer la montée des inégalités et le déclin du syndicalisme. Les inégalités salariales et financières croissantes, qui ont pris des proportions plus importantes dans les systèmes de marché libéraux, ont été une des raisons menant à la crise financière de 2009. Dans les conditions actuelles de récession, il y a de bonnes raisons de renforcer la réglementation juridique du travail afin de stabiliser l'emploi et les salaires. À plus long terme, une réorientation du droit du travail, tournant le dos à la politique de flexibilisation, pourrait contribuer au rééquilibrage des économies émergeant de cet échec d'un modèle néolibéral fondé sur la croissance financière. La faiblesse actuelle des syndicats dans de nombreux systèmes rend cette réorientation moins probable, même si de nouvelles occasions d'engagement entre les syndicats, les employeurs et les gouvernements pourraient apparaître si la récession continue.Labour Markets, Financial Crisis and Regulatory Reform : The Emerging Agenda for Labour Law Abstract
This paper considers the relationship between labour law systems and general economic trends in developed market economies, including the recent financial crisis and resulting recession. Certain forms of labour law regulation, in particular working time and employment protection, are seen to have had beneficial economic effects in terms of employment and productivity growth in coordinated market regimes, where complementary capital market and governmental institutions are present. In liberal market regimes the effects of such laws are more mixed ; in the absence of complementary institutions, they may have induced productivity growth but at the expense of employment. Overall, the claim that labour law regulation induces labour market inefficiencies is not made out. Where labour law systems more clearly failed under neoliberalism was in acting as a countervailing force to income inequality and union decline. Growing inequalities of income and wealth, which were most extreme in liberal market systems but were not confined to them, formed part of the background conditions to the financial crisis of 2009. Under current conditions of recession there is a good case for strengthening labour law regulation in order to place a floor under wages and employment. In the longer run, a reorientation of labour law, moving away from a policy of flexibilisation, could contribute to the rebalancing of economies emerging from the failed neoliberal model of financially-driven growth. The current weakness of unions in many systems makes such an outcome less likely than it would otherwise be, although new opportunities for union engagement with both employers and governments may arise as the recession continues. - Déclin et refondation de la négociation collective en Grande-Bretagne - William Brown, Emma Chouvelon, Michel Kail, Claude Didry p. 53-73 Ce texte examine les évolutions dans le rôle des syndicats et de la négociation collective en Grande-Bretagne. Il est clairement établi que, pendant la plus grande partie du siècle précédent, la négociation collective a défini les conditions d'emploi en Grande-Bretagne. Cependant, cette forme de régulation des conditions de travail s'est effondrée depuis les années 1980. L'argument principal de cet article est que l'accord tacite sur lequel reposaient les relations entre employeurs et syndicats a été remis en cause par la concurrence croissante sur le marché des produits, dans un contexte de globalisation. Les politiques des gouvernements conservateurs des années 1980 n'ont fait qu'encourager une tendance plus profonde déjà engagée, et les initiatives du New Labour de 1997 à 2010 n'ont pu enrayer ce déclin durable de la négociation collective. L'horizon qui se dessine aujourd'hui est celui d'une forme de « partenariat social » visant à préparer la régulation législative des conditions de travail.The Retreat and Reshaping of Collective Bargaining in Britain
The paper examines the shifts in the role of trade union recognition and collective bargaining. It is well established that for most of the twentieth century, collective bargaining provided the terms on which labour was commonly employed in Britain. However, the quarter century since 1980 has seen the collapse of collectivism as the main way of regulating employment. The paper's central argument is that the tacit settlement between organized labour and employers was undermined by increasing product market competition. - « Lost in translation » : la représentation des salariés en Grande-Bretagne après la directive européenne « information-consultation » de 2002 - Aristea Koukiadaki, Victoria Surtees, Claude Didry p. 75 La directive 2002/14/CE établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs a autorisé une flexibilité considérable dans sa mise en œuvre. Cette flexibilité a permis au Royaume-Uni une « transposition réflexive » prenant en compte l'évolution des formes de consultation des salariés. Mais cette transposition de la directive a eu des effets limités sur le droit du travail britannique et sur son articulation avec le système de relations professionnelles. Cela tient à la faiblesse du cadre légal établi par le législateur dans le domaine des obligations imposées aux acteurs, dans celui de sa mobilisation devant la justice et dans ses modalités d'utilisation par les syndicats.‘Lost in Translation' : Employee Consultation in the UK after Directive 2002/14/ECDirective 2002/14/EC establishing a general framework for informing and consulting employees allowed considerable flexibility in implementation. The very flexibility of the Directive made it possible for an innovative response to the changing forms of employee consultation in the UK. But the relative weakness of the regulatory design of the national legislation concerning the nature of the legal obligations, the enforcement mechanism and the degree to which legal resources could be utilised by trade unions constrained the re-configuration of labour law and its coupling to the British industrial relations system.
- Droit individuel du travail et mobilisation du droit par les syndicats britanniques - Trevor Colling, Victoria Surtees, Michel Kail, Claude Didry p. 109-138 Ce texte envisage la ‘mobilisation du droit', en se centrant sur les usages des droits individuels du travail par les syndicats comme moyen d'exercer une pression sur les employeurs et de développer l'intervention des salariés sur des questions essentielles dans le travail. Le développement récent d'une législation établissant des droits individuels pour les travailleurs remet en cause l'équilibre entre régulation légale et négociation collective. L'influence syndicale sur les lieux de travail a décliné et les travailleurs font de plus en plus appel à des procédures individuelles allant jusqu'à des actions devant les tribunaux du travail. Cela crée un terrain d'action pour les syndicats, en intervenant aux côtés des salariés, pour démontrer l'efficacité de leur assistance à des adhérents potentiels et développer l'agenda de la négociation collective. La mobilisation syndicale du droit est analysée dans cet article à partir d'études de cas menées dans trois syndicats. Les résultats de ces études montrent un engagement fort sur des enjeux juridiques stratégiques, mais également les obstacles à un usage élargi du droit pour mobiliser les travailleurs comme adhérents potentiels.Individual Employment Rights and Legal Mobilisation by Trade Unions in Britain
The paper explores the idea of ‘legal mobilisation', focusing particularly on the use of individual employment rights by unions to pressurize employers and to galvanise support amongst members for action on key workplace issues. The recent development of statutory individual employment rights in Britain alters the balance between legal regulation and collective bargaining. Union influence in the workplace had declined and workers are more reliant on individualised procedures culminating in claims to employment tribunals. There is potential, though, for unions to play a role in enforcing statutory employment rights, to demonstrate the efficacy of representation to potential members and to augment collective bargaining agenda. Union engagement with the law is explored in this article through detailed case studies conducted in two unions. Findings highlight sustained commitment to strategic legal challenges, but also some substantial obstacles to the broader use of the law to mobilise workers and potential members. - « Des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques » : le conflit de la raffinerie Total à Lindsey - Catherine Barnard, Pierre-Thomas Taponnier, Claude Didry p. 139-161 Le conflit de la raffinerie Total à Lindsey, au début du printemps et de l'été 2009, a soulevé le problème du détachement de travailleurs de l'UE au Royaume-Uni sur un chantier impliquant plusieurs employeurs, dans une période de chômage élevé dans le secteur de la construction au Royaume-Uni et d'aggravation de la récession. Selon les grands titres des journaux, le conflit n'a été résolu que par un accord prévoyant l'embauche d'au moins 100 travailleurs ‘britanniques' sur le chantier. Cela soulève des questions quant à la compatibilité de cet accord avec le droit communautaire. Cet article examine le conflit, les revendications des grévistes et les questions juridiques soulevées.“British Jobs for British Workers” : The Lindsey Oil Refinery Dispute
The Lindsey Oil Refinery dispute in the early Spring and Summer of 2009 raised issues about the posting of EU workers to the UK to fulfill a contract on a multi-employer construction site at a time of high levels of unemployment in the UK construction industry and deepening recession. According to the headlines, the dispute was resolved only with an agreement to hire at least 100 ‘British' workers at the site. This raises questions as to the compatibility of the deal with Union law. This article considers the dispute, the demands of the strikers and the legal issues raised.
Hors dossier
- Des règles européennes pour étayer les régulations nationales : retour sur la négociation d'un accord européen dans le secteur des chemins de fer - Hervé Champin p. 163-195 L'article porte sur le processus d'élaboration d'un accord européen, mis en œuvre par directive, régulant les conditions de travail des cheminots qui assurent la circulation de trains internationaux. Il cherche à examiner comment des intérêts communautaires ont pu se constituer, tant dans le camp patronal que syndical, en dépit des clivages traversant ces deux groupes d'acteurs. L'article montre tout d'abord que l'accord constitue le produit d'un travail législatif de près d'une décennie, au cours duquel les partenaires sociaux ont débattu de la forme que pourrait prendre une régulation européenne dans leur secteur, au croisement de l'impulsion issue de l'élaboration d'une législation communautaire sur le temps de travail et de l'anticipation d'une européanisation des trafics ferroviaires. En examinant la dynamique de la négociation, il souligne ensuite l'existence d'une autre forme d'imbrication entre négociation collective et législation, plusieurs textes légaux ayant été mobilisés par la délégation patronale pour cadrer les débats avec son homologue syndical. Il conclut à l'existence dans ce secteur d'un niveau européen de relations professionnelles, apte à produire des règles étayant les régulations sectorielles nationales.Buttressing National Regulations through European Rules : the Negotiation of a European Agreement in the Railway Sector. This article deals with the elaboration process of a European agreement, implemented by directive, which regulates the working conditions of railwaymen in international trains. It seeks to explain how community level interests have emerged, on the employer's as well as on the trade union's side, despite divisions existing within those two groups of actors. The article shows on the one hand that the agreement is the outcome of a ten-year legislative work, which allowed social partners to debate on the possible form of a European regulation in their sector, driven by the impulses of the elaboration of European legislation on working time and of the anticipated Europeanization of railway traffics. By examining the negotiation process, it shows on the other hand that collective bargaining and legislation interwove differently, as the employers mobilized several existing pieces of legislation to set a framework for the negotiation with trade unions. It lastly reveals that a European level of industrial relations, capable of creating rules to buttress national industrial relations systems, has emerged in the sector.
- Du droit au logement au droit à la ville : de quel(s) droit(s) parle-t-on ? - Jean-Pierre Garnier p. 197-217 Forgé par le sociologue Henri Lefebvre il y une quarantaine d'années, le concept de droit à la ville n'a cessé depuis lors de faire l'objet d'interprétations réductrices, de falsifications et de pseudo-concrétisations, de la part des gouvernements, des municipalités et des professionnels de l'urbanisme. De nos jours, il s'est converti en un slogan parmi d'autres servant à légitimer leurs politiques urbaines. En exposant les fondements et les implications sociologiques, philosophiques et politiques de ce droit, et en rappelant la perspective de transformation radicale de la société capitaliste où il s'inscrivait, cet article vise à en restituer le caractère plus que jamais subversif.From the right to housing till to the right to the city : of which right do we speak and by what right ?Coined by the sociologist Henri Lefebvre some forty years ago, the right to the city hasn't stopped from that time being misinterpretated, misrepresented and deceitfully implemented on the part of governments, municipalities and professionals of town-planning. Nowadays, it has been turned into a demagogic slogan among others in order to legitimate their urban policies. By setting out the sociological, philosophical and political grounds of this right, and recording the prospect of radical transformation of the capitalist society with which it was in keeping, this article aims at restoring its more than ever subversive sense.
- Les cosmopolitismes migratoires : les transmigrant(e)s méditerranéen(ne)s entre licite et illicite - Alain Tarrius p. 219-233 L'article décrit un nouveau type de « transmigrants » post-coloniaux, postsocialistes et post-fordistes en Europe, aux Amériques et en Asie du Sud-Est, apparu ces quinze dernières années. L'approche classique ne suffit plus qui considère un « migrant-objet », il faut une nouvelle approche d'un migrant-sujet de son déplacement. Ces transmigrants circulent en Europe le long de « territoires circulatoires ».Trois exemples sont analysés : à l'Est méditerranéen, les transmigrants afghans, à l'Ouest, les transmigrants maghrébins, au pourtour méditerranéen, les transmigrantes pour le travail du sexe.Un cosmopolitisme migratoire est en train de naître, mixte de métissage et de cosmopolitisme interindividuels.The Migratory cosmopolitisms : the Mediterranean People in Migrating between Licit and Illicit
This paper describes a new type of people in migrating, a post-colonial, post-socialist and post-fordist type, existing over the last fifteen years in Europe, North America, South America and Southeast Asia. The classical approach to this new type, the migrant as object, is no more appropriate, a new one is required, the migrant as subject of his own travelling. This people in migrating are moving in Europe along « moving territories ».The paper analyses three exemples : the Afghan people in migrating in the Mediterranean eastern, the North African people in migrating in the Mediterranean western and the prostitute in migrating on the sides of the Mediterranean Sea.A migratory cosmopolitism is arising, a mixture of interindividual interbreeding and cosmopolitism.
- Des règles européennes pour étayer les régulations nationales : retour sur la négociation d'un accord européen dans le secteur des chemins de fer - Hervé Champin p. 163-195
Note critique
- De la solubilité des classes sociales à travers le prisme post-colonial made in USA - Jean-Pierre Garnier p. 235-242
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 243-254