Contenu du sommaire : Le monde arabe
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 160-161, 1er-2ème trimestre 2016 |
Titre du numéro | Le monde arabe |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Béatrice Giblin p. 3-4
- Éditorial - Béatrice Giblin p. 5-8
- Hérodote : quatre décennies de lecture pragmatique du monde - Jean-Robert Pitte p. 9-22 Hérodote est l'une des plus singulières aventures intellectuelles de la géographie française contemporaine. Fondée par Yves Lacoste en 1976, cette revue, lue largement en dehors des frontières de la discipline et même par des lecteurs non universitaires cultivés, a refondé la géopolitique qui était devenue taboue au sein des sciences humaines après la Seconde Guerre mondiale. La pensée de son fondateur, Yves Lacoste, a connu une évolution notable. Plutôt idéologue en ses jeunes années, convaincu par les idées véhiculées par le Parti communiste, lui et son équipe ont progressivement évolué vers le pragmatisme, fondant leurs analyses sur l'observation sans a priori de la réalité de terrain. Pour lui, la géographie est une discipline qui ne peut se contenter d'élaborer des lois qui seraient applicables en tous lieux et en tous temps. C'est en cela qu'Hérodote constitue un espace de liberté.Hérodote is one of the most singular intellectual adventures of French geography in the recent times. Founded by Yves Lacoste in 1976, this journal, widely read out of the academic community of geographers, even by simple educated people, refounded geopolitics after the Second World War, tabou since that time. More or less ideologist, close to the ideas of the Communist Party when he was young, Lacoste and his team turned to pragmatism observing and interpretating reality. For him, geography is a complex field far from laws applicable in any place or any time. That's why Hérodote is a liberty corner.
- La géopolitique dans l'enseignement scolaire en France : essor récent et nouveaux enjeux - Laurent Carroué p. 23-40 En France, la place et le rôle de l'histoire et de la géographie dans les programmes scolaires sont très spécifiques. Depuis les débuts de la IIIe République, ils correspondent à un projet politique de construction de l'État, de la nation, de la République et de la démocratie. À partir des années 1980, la géographie scolaire et universitaire a connu une véritable révolution scientifique et épistémologique. La géopolitique joue dans celle-ci un rôle considérable grâce aux travaux d'Yves Lacoste et de l'équipe de la revue Hérodote. Depuis, la profonde rénovation de l'enseignement scolaire en géographie à partir des années 2000 a fait une large place à la géopolitique dans ses programmes scolaires, dans les concours de recrutement des professeurs ou dans les classes préparatoires aux grandes écoles.History and geography play a specific and incredibly important role in the French education system. Since the start of The French Third Republic in 1870, history and geography have contributed to the political construction of the state, nation, republic system, and democracy. In the 1980's, geography taught in schools and universities underwent a scientific and epistemological revolution which tremendously increased the breadth and relevance of the discipline. Geopolitics played an important role in this development due to the work of Yves Lacoste and the authors of the « Hérodote » review. The enormous changes in how geography has been taught since the 2000's created space for geopolitics to be positioned as a crucial element of the discipline. Questions of geopolitics are incorporated into the curriculum in France at every stage along the path to academia or a career in teaching History or Geography. The most obvious of these being ; at the point of entry into higher education, again in highly competitive exams taken to enter the most prestigious institutions (eg. HEC), and finally after the completion of postgraduate education to gain accreditation in the field.
- Dix brèves notations pour quarante ans d'Hérodote - Olivier Bernard p. 41-60 Hérodote a quarante ans. Il appartenait à un témoin de sa naissance, resté depuis un lecteur attentif, d'apporter un témoignage personnel sur ce qui lui est apparu au long des années comme une constante dans l'accomplissement de son double projet initial : réintroduire la réflexion politique dans un champ de savoir qui l'avait répudiée et affirmer l'utilité de la géographie. Née à un moment où la géographie universitaire vivait, incertaine, un brouillage de ses perspectives, la nouvelle revue formée d'une équipe restreinte, sans réels moyens financiers, mais avec le soutien indéfectible de son éditeur d'origine, François Maspero, puis de François Gèze, a gagné son pari : imposer dans le champ des idées une approche géopolitique originale, ne se priver d'aucune thématique, d'aucun domaine d'investigation pour autant qu'ils clarifient les relations de pouvoir dans les territoires et leurs représentations contradictoires, les rivalités entre États, régions, forces militaires, économiques, religieuses, politiques, entre groupes dominants et minorités, au niveau local comme au niveau mondial. L'auteur propose une description des étapes principales du développement d'Hérodote, toutes marquées par la puissante personnalité de son fondateur.Hérodote is 40 years old. It was only fitting that an eyewitness to its birth, who has been a loyal reader ever since, should bear personal testimony to the journal's unrelenting endeavours to accomplish its original, twofold objective : to reintroduce political reflection into a field of learning that had previously rejected it, and to assert the utility of geography. The new journal came into being at a time when the prospects of geography in higher education were unclear. The small team that ran it had very limited financial resources but, thanks to the unwavering support of the original editor François Maspero and his successor François Gèze, their gamble paid off. They successfully imposed an original geopolitical approach and put no limits on the topics they addressed and the areas they investigated, their goal being to clarify regional power relations and the conflicting portrayals of them, and to throw light on the rivalry between states, regions, military, economic, religious and political forces, and dominant and minority groups at local and global level. The author describes the main stages in the development of Hérodote, all of which were marked by the powerful personality of its founder.
- Hérodote et le monde arabe ou Hérodote et les Arabes ? Quarante ans d'analyses géopolitiques - Béatrice Giblin p. 61-84 Le thème du monde arabe s'est presque imposé pour l'anniversaire d'une revue de géographie et de géopolitique puisque c'est là que les guerres et conflits géopolitiques sont les plus anciens et les plus nombreux et qu'ils nous concernent le plus directement comme les attentats du 7 janvier et du 13 novembre 2015 l'ont tragiquement rappelé. Avant de revenir sur la façon dont Hérodote a abordé le monde arabe, il est utile de préciser ce qu'on entend par monde arabe. Désormais l'unité des États arabes ne se manifeste qu'à l'ONU où ils votent toujours avec une unanimité remarquable contre Israël car la gravité des divisions qui caractérisent le monde arabe rend toute perspective d'unité politique des plus improbable.Avec le recul du temps et à la relecture des articles d'Hérodote sur les conflits entre Arabes, j'ai réalisé, d'une part, que les conflits arabes sont l'un des thèmes principaux de la revue et, d'autre part, que le choix des thèmes, étaient souvent contre l'air (bien-pensant) du temps et annonçaient les crises à venir. À de nombreuses reprises, Hérodote a abordé une ou plusieurs caractéristiques des situations géopolitiques du monde arabe, et nous revenons sur ces numéros pour retracer l'histoire d'Hérodote et du monde arabe.Choosing the Arab World as a theme almost came as an evidence to celebrate the anniversary of a magazine dealing with geography and geopolitics. Indeed, the oldest and most numerous conflicts take place in that part of the world, and we are directly affected by them, as the recent terrorist attacks on the 7th of January and the 13th of November reminded us. Before dealing with Hérodote's approach of the Arab World, we must determine what we mean by Arab World. Nowadays, The Arab Nations are united only when they vote against Israel during United Nations sessions, for the disagreements which characterize the Arab World undermine any hope of political unity between these nations. Looking back, and after reading again the articles dealing with the Arab conflicts published by Hérodote, I realized the two following facts : on the one hand, the Arab conflicts are one of the main themes of the magazine. On the other hand, the themes we chose often were against the spirit of times and predicted future crises. Many times Hérodote dealt with one or several characteristics of the geopolitical situations in the Arab World, so let's go back to the different editions to recount the story of Hérodote and the Arab World.
- La tourmente arabe - Gilles Kepel p. 85-96 Au plus près des développements récents, mais nourri d'une intime connaissance des mouvements qui animent le monde arabe depuis l'espoir de la renaissance, la nadha, jusqu'à l'échec du panarabisme et la défaite de la plupart des révolutions démocratiques commencées en 2011, Gilles Kepel brosse ici une vaste fresque qui éclaire la complexité de l'échiquier sur lequel se déploie la fitna, la guerre au sein de l'islam, qui n'oppose pas seulement sunnites et chiites, mais aussi, au sein du monde sunnite, les radicaux et les partisans d'une nécessaire relecture des textes, les Frères musulmans et les salafistes, les salafistes saoudiens et Daech, la nouvelle menace. Un échiquier sur lequel interviennent États et acteurs non étatiques arabes, classes et clans, mais aussi des puissances régionales non arabes, Turquie et Iran, et des puissances extérieures, États-Unis, Russie, États européens. Dans ce contexte, moteur de mouvements massifs de réfugiés vers l'Europe, ciblée par des attentats visant, en interne, ce que Daech appelle le « ventre mou de l'Occident », aucun projet mobilisateur ne dessine pour l'heure une sortie par le haut, ni au Moyen-Orient, ni en Europe, où les courants islamophobes se renforcent.Informed by recent developments, and fed by a deep knowledge of the history of Arab movements, from the expected renaissance (nadha) to the collapse of Pan-Arabism and the failure of most of the democratic revolutions launched from 2011, Gilles Kepel analyses here the complex chessboard where fitna, the war within Islam, is today conducted, not only between Sunnis and Shias, but also between radicals and reformists, between the Muslim Brotherhood and the Salafists, between the Saudi Wahhabis and Daech, the new threat. Classes and clans, States and non-state actors are at play, along with regional non-Arab powers (Iran, Turkey) and external powersthe US, Russia and European States. This context of turmoil generates massive movements of refugees going to Europe, which is seen by Daech as the soft belly of the West, and an easy target for home born terrorists. For the time being, no strong mobilisation project seems to emerge for getting out of the impasse, be it in the Middle East, as the Syrian chaos testifies to, or in Europe itself, where Islamophobia is more and more mobilised by populist parties, for electoral gains.
- Un bilan amer pour l'Égypte : quarante ans de croissance rentière, au prix de la désagrégation sociale et de la dépendance extérieure - Marc Lavergne p. 97-122 Depuis le milieu des années 1970, l'Égypte est entrée dans une voie nouvelle, entre libéralisation économique et alignement diplomatique sur l'Occident. Une première étape, sous le règne d'Anouar el-Sadate, a été celle de la paix avec Israël et de l'infitah (ouverture économique) en phase avec l'essor des pays pétroliers voisins de la péninsule Arabique et de la Libye. Cette orientation, symbolisée par le dénigrement du haut barrage d'Assouan, héritage de Nasser et de l'amitié égypto-soviétique, a favorisé l'urbanisation rapide du pays, l'émigration massive de la jeunesse vers les pays riches voisins, et une réislamisation politique conduisant à l'éclosion d'une intense activité terroriste. Après l'assassinat d'Anouar el-Sadate en octobre 1981, la même politique est suivie par son successeur, Hosni Moubarak. Surfant sur une prospérité rentière, celui-ci accentue le clivage sociospatial du pays, en tentant d'insérer l'Égypte dans la mondialisation. Il concentre ainsi le développement économique hors du delta et de la vallée, dans des villes nouvelles créées dans le désert, ainsi que le long du canal de Suez et des rivages de la Méditerranée et de la mer Rouge. Face à la résistance croissante de la majorité de la population, il maintient parallèlement un régime autoritaire et répressif. Le 25 janvier 2011 éclate un soulèvement de la jeunesse urbaine qui obtient avec l'aide de l'armée la chute du régime. Mais l'avènement démocratique n'est qu'un intermède, la majorité issue des Frères musulmans se révélant incapable d'apporter le remède attendu aux maux de l'Égypte, la pauvreté et le chômage. Sous la conduite du général Abdelfattah el-Sissi, l'armée, acteur économique autant que militaire, a vite repris le contrôle des affaires du pays. L'Égypte cherche désormais son salut dans une alliance étroite avec ses bailleurs de fonds du Golfe, aux prises avec un contexte régional menaçant.Since the mid 1970's, Egypt entered a new era, between economic liberalization and diplomatic steam lining with the West. A first step, under the leadership of Anwar al Sadat, was the peace treaty with Israël and the so-called « infitah » (economic opening), linked with the boom of oil producing countries in the Arabic peninsula and Libya. This orientation, symbolized by the the critics against the Aswan High Dam, legacy of Nasser and the Egypt-Soviet friendship, boosted the urban growth of the country, the mass migration of the youth toward the wealthy neighboring countries, and a political re-islamization, triggering an intense terrorist activity. After the assassination of Anwar al Sadat in October 1981, his successor Hosni Mubarak, follows the same policy. Surfing on a rentier prosperity, he reinforces the socio-spatial rift of the country, through his move to insert Egypt in the globalization process. Therefore, he focuses economic development out of the delta and the Valley, in new towns built in the desert, away from the countryside and the urban chaos of big metropolises, aswell as along the Suez canal and the Mediterranean and Red Sea shores. Faced with the growing resistance of the majority of the population, he maintains an authoritarian and repressive regime. On the 25 of January, 2011 bursts an upheaval of the urban youth which, with the support of the Army, ends up with the fall of the regime. But this democratic outcome will be short lived, since the majority represented by the Muslim Brotherhood will prove unable to solve as expected the plagues of Egypt, poverty and unemployment. Under the guidance of General Abdelfattah al Sissi, the Army, being an economic as much as a military actor, swiftly took back the lead of the country. Egypt now seeks its salvation in a close alliance with its financial backers of the Gulf, which are concerned by an alarming regional context.
- Syrie : de la révolution laïque et démocratique à Daech - Fabrice Balanche p. 123-142 En 2011, il était communément admis que Bachar el-Assad allait tomber après quelques mois de contestation comme un fruit mûr, que la révolte syrienne était pacifique, laïque et démocratique, et qu'il n'existait aucun danger de radicalisation car la société civile syrienne allait s'opposer à toute dérive. Le communautarisme qui structure la société syrienne était complètement nié par les chercheurs en sciences sociales, tout comme la réislamisation, à tendance salafiste, de la société syrienne depuis les années 1990. De plus, il était clair, dès 2011, que Bachar el-Assad allait bénéficier d'un soutien sans faille de la Russie et de l'Iran, ce qui lui permettrait de résister à une insurrection rapidement soutenue par les ennemis de l'Iran. Une partition de facto du territoire se met en place L'objectif de l'armée syrienne n'est plus de reprendre l'ensemble du pays, mais de sécuriser sa zone en éliminant les poches rebelles qui s'y trouvent. Au final, il n'existe pas de bon scénario en Syrie, le pire est sans doute encore devant nous car nul ne semble en mesure de maîtriser Daech.In 2011, everybody agreed on the fact that Bachar El Assad's regime was about to fall apart after a few months of contestation, and that the Syrian revolution was a pacific, non-religious and democratic one. Everybody believed there were no risk of radicalization, for Syrian civil society was supposed to be opposed to any kind of drift. Comunautarianism, which is structuring Syrian society, was completely denied by the researchers in social sciences, and so was the Salafist re islamization of the Syrian society that began in the 90's. Moreover, it was clear that from 2011, Bachar El Assad was going to benefit from a total support from Russia and Iran, which would allow him to resist an insurrection backed by Iran's enemies. A de facto partition of the territory appears. The aim of the Syrian army is not taking the control over the country anymore, but to restore security by eliminating the rebel areas. In the end, there is no good scenario for Syria, and the worst might be still to come for no one seems to be able to control the Daech situation.
- « Pourquoi devrions-nous combattre Daech ? » Ressources et dynamiques de la mobilisation des tribus sunnites d'Irak - Myriam Benraad p. 143-158 À l'heure où la guerre contre l'État islamique se poursuit, cet article propose une analyse du facteur tribal en Irak en interrogeant sa capacité à stabiliser, ou non, ce pays. La question du tribalisme et de ses manifestations, passées comme présentes, demeure méconnue. Or, depuis la chute du régime de Saddam Hussein au printemps 2003, les tribus ont occupé une place centrale dans le paysage sociopolitique et militaire post-baathiste, dont elles reflètent les ambiguïtés et les contradictions. Tantôt pacifiques, en marge du soulèvement armé, tantôt adossées à certains groupes djihadistes comme l'État islamique, les tribus ne sauraient être tenues en marge de l'analyse ; constat d'autant plus évident qu'elles ont, entre 2006 et 2008, pris les armes aux côtés des États-Unis. Dans un contexte d'offensive sur des pans entiers des territoires irakien et syrien, et d'une réponse militaire globale qui peine à se coordonner avec les acteurs de terrain, la stratégie du « réveil des tribus » (Sahwa) est-elle reproductible pour vaincre l'État islamique ? Selon quelles modalités, quelles perspectives de succès mais aussi quels risques ?At a time when the war against the Islamic State continues, this article analyses the tribal factor in Iraq by querying its capacity to stabilize, or not, this country. The issue of tribalism, through both its past and present manifestations, indeed remains unknown. Since the fall of the Saddam Hussein regime in the spring 2003, the tribes, however, have occupied a central place in the post-Baathist socio-political and military landscape, of which they reflect the ambiguities and contradictions. Sometimes peaceful, on the sidelines of the armed uprising, sometimes leant on some jihadist groups such as the Islamic State, the tribes cannot be kept on the margins of the analysis; an assessment all the more obvious that, between 2006 and 2008, the tribes took up arms alongside the United States. In the context of an offensive in whole parts of the Iraqi and Syrian territories, and of a global military response struggling to coordinate with field players, is the “tribal awakening” strategy (Sahwa) reproducible in order to defeat the Islamic State? Depending on which terms, which prospects for success but also which risks?
- Géopolitique du Yémen à l'aube du XXIe siècle - David Rigoulet-Roze p. 159-176 Le Yémen, surnommé jadis l'Arabia felix (l'« Arabie heureuse ») mériterait plutôt aujourd'hui l'appellation d'Arabia infelix (l'« Arabie malheureuse »). Ce « vieux » pays par son histoire, à défaut d'apparaître comme un véritable « État » du fait des forces centrifuges structurelles fragilisant un pouvoir central qui a toujours été structurellement faible, fait de plus en plus figure aujourd'hui de failed state (« État failli ») avec une division Nord-Sud qui se trouve réactualisée. Il est désormais plongé dans les affres d'un conflit de plus en plus confessionnalisé entre la milice clanique « houthie » d'obédience chiite zaïdite, supposément soutenue par Téhéran, et un pouvoir légitime incarné, dans le prolongement de la transition houleuse de 2012, par le président Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier n'a pu que s'en remettre, pour espérer pouvoir se réinstaller dans la capitale Sanaa qu'il avait été contraint de fuir sous la pression « houthie », à l'aide d'une coalition militaire arabo-sunnite explicitement anti-houthie constituée par l'Arabie saoudite, Une situation chaotique qui profite immanquablement à la mouvance extrémiste sunnite d'AQPA (Al-Qaïda dans la péninsule Arabique), voire à l'« État islamique ».The Yemen, formerly called “Arabia felix” (“happy Arabia”) would today deserve the reversed name of “Arabia infelix” (“unfortunate Arabia”). This ancient country by its history, fails to appear to be a real “State”. The structural centrifugal forces which enfeebled the central power, which was always structurally weak, appears today more and more a “failed” State with a north-south division which updated. It is henceforth plunged into the torments of a conflict, ever more confessional, between the “houtie” militant clan of Shiite “zaïdite” obedience, allegedly supported by Tehran, against a legitimate power embodied by the president Abd Rabbo Mansour Hadi, following the stormy transition of 2012. He hoped now to be able to reinstall in the capital Sanaa that he had been forced to flee due to the houthie pressure. He could but solicit an Arab-Sunni military coalition, explicitly anti-houthie constituted by Saudi Arabia, A chaotic situation which benefits inevitably the Sunni extremist sphere of influence of AQPA (Al-Qaeda in the Arabian Peninsula as well as the “Islamic State” (ISIS).
- L'Arabie saoudite, un État à risque - Olivier Da Lage p. 177-194 Le royaume dont hérite en janvier le roi Salman, qui succède à son demi-frère Abdallah, est confronté à la poussée au Yémen des rebelles houthis, soutenus par l'Iran, aux négociations sur le nucléaire iranien qui sont sur le point d'aboutir malgré l'opposition de Riyad, à la progression en Irak et en Syrie de l'État islamique qui s'en prend désormais ouvertement au pouvoir saoudien et à la baisse continue des cours du pétrole. Bien qu'âgé de 79 ans et en mauvaise santé, le nouveau roi surprend en écartant les proches de son prédécesseur et en confiant l'essentiel du pouvoir à son plus jeune fils Mohammed Ben Salman, qui mène à partir de mars une guerre contre les houthis au Yémen. Mais les résultats incertains de cette guerre, l'accord intervenu en juillet entre l'Iran et les puissances occidentales, la chute continue du cours des hydrocarbures et l'absence de soutien apparent à Mohammed Ben Salman au sein de la famille Al-Saoud laissent penser qu'en ce début 2016 la situation du royaume est plus périlleuse qu'à l'avènement du roi Salman un an auparavant.By succeeding his half-brother Abdullah, King Salman inherited a kingdom facing many threats. The thrust of the Iranian-supported Huthi rebels in Yemen ; the negotiations on the Iranian nuclear program which appear about to conclude in spite of stiff opposition on the part of Riyadh ; the progression in Iraq and Syria of the Islamic State which now openly challenges the Saudi regime and the persistent fall in oil prices. Despite his advanced age -79- and his frail health, the new king has made surprisingly bold moves by sidelining officials close to his predecessor and by giving carte blanche to his youngest son Muhammad bin Salman, who, from March 2015 onwards, has led a war in Yemen against the Huthis. However, the uncertain outcome of this war, the agreement reached in July between Iran and the Western powers, the ongoing fall of oil prices and the absence of apparent support for Muhammad bin Salman within the al-Saud family suggest that, at the dawn of 2016, the situation of the kingdom is fraught with far more peril than just a year earlier when Salman acceded to the throne.
- L'Arabie saoudite à l'épreuve de la transition de pouvoir - Kamal Kajja p. 195-208 La question de succession en Arabie saoudite revêt une grande importance pour les Al-Saoud mais également pour leur allié américain. Cette question a été par le passé la cause de rivalités et de luttes pour le pouvoir au sein de la famille royale saoudienne. La mort du roi Abdallah le 23 janvier 2015, et le véritable « coup de force » réalisé par Salman Ibn Abdul Aziz au lendemain de son avènement sur le trône saoudien ont ainsi marqué le retour en force du clan Soudeiri. Un retour qui s'est manifesté à travers une concentration des pouvoirs entre les mains de ce clan et une « neutralisation » des clans rivaux. Cette transition, survenue sur fond d'énormes bouleversements géopolitiques qu'a connus la région du Moyen-Orient, s'annonce problématique et risque d'exacerber les luttes fratricides au sein des Al-Saoud. Ceci n'a fait que relancer le débat sur la question de succession et les rivalités de pouvoir au sein des Al-Saoud.The succession issue in Saudi Arabia is of great significance to al-Saud and also to their American ally. This Issue was by the past the reason of rivalries and struggles for power within Saudi Royal Family. The Death of King Abdallah in january 23, 2015 and the real « takeover » made by Salman Ibn Abdul Aziz just after becaming to the Saudi Throne, had marked the come back of Soudeiri Clan. A come back wich had been illustrated by a concentration of powers between the hands of this Clan and a « neutralization » of the rival Clans. This Transition happened in time of great Geopolitical upheavels, wich occured in the Middle East, would be problematical and might exarcerbate infighting within al-Saud. This relaunched the debate about the succession issue and power game within al-Saud.
- Daech et les médias : coulisses d'un mariage forcé - Rawaa Augé p. 209-222 Tout acte terroriste a besoin d'être médiatisé, et tout média a besoin de couvrir l'actualité. De ce binôme est né le couple terrorisme et médias, produit d'un mariage forcé. Daech, quoique plus autonome du fait des réseaux sociaux, a toujours besoin de la couverture médiatique pour « crédibiliser » l'ampleur de sa menace. Le groupe semble mener une stratégie bien calculée pour imposer sa présence aux médias qui, de leur côté, font face à une crise de gestion du contenu propre à Daech.Every terrorist act needs media coverage to exist, and every media needs to cover the news to exist. From this equation, the couple “terrorism and media” is born, product of a forced marriage. Daech, or ISIS, even though more autonomous through social media, still needs its media coverage to obtain “credibility” of the threat it presents. The group seems to implement a very well calculated strategy to impose its own content on media. Media outlets, from their end, seem to face a management crisis when it comes to dealing with ISIS' own content.
- Le cyberespace, troisième front de la lutte contre Daech - Frederick Douzet(D) p. 223-238 Par une stratégie brillante d'exploitation des ressources du cyberespace, Daech a réussi à délivrer sa propagande à un large public, contrôler l'agenda médiatique, recruter de nouveaux adeptes, organiser leurs mouvements et coordonner ses actions. L'organisation utilise les coins sombres du cyberespace, ses ressources technologiques et ses flous juridiques, pour échapper aux armées et forces de l'ordre avec un remarquable savoir-faire. Cet article explore l'extrême complexité de la lutte contre Daech via le cyberespace et propose une méthodologie expérimentale pour apporter une première contribution à la compréhension de la géographie de la propagande dans le cyberespace, en lien avec le territoire.ISIS has developed a brilliant strategy to exploit the resources of cyberspace in order to deliver its propaganda to huge masses, control the media agenda, recruit new fighters and organize and coordinate its actions. The organization uses the dark corners of cyberspace, its technological resources and legal loopholes in order to escape law enforcement and armed forces with an impressive savoir-faire. This paper explores the extreme complexities of the fight against ISIS through cyberspace and offers an experimental methodology for a spatial analysis of its online propaganda.
- Les Arabes chrétiens, miroirs des échecs politiques du monde arabe - Pierre Blanc p. 239-258 Depuis plus d'un siècle, la situation des Arabes chrétiens constitue un révélateur des dynamiques du monde arabe. Au tournant du XIXe siècle, ils n'ont eu de cesse de s'engager dans le mouvement culturel de renaissance arabe qui était vecteur d'émancipation après plusieurs siècles de tutelle ottomane. Par la suite, ils ont été très présents dans les formations politiques qui, du nationalisme au socialisme, dépassaient les clivages communautaires. Cependant, les échecs politiques des pouvoirs nationalistes et socialistes ont fait place à l'affirmation progressive d'un islamisme très diversifié dans ses formulations et plus ou moins agressif envers les chrétiens ou les musulmans déviants.Cet article revient sur les représentations des chrétiens chez certains islamistes qui menacent leur insertion dans les sociétés arabes, voire leur survie dans certains cas. Il aborde aussi les dynamiques d'insertion politiques des chrétiens qui ont précédé cette montée en puissance de l'islamisme, puis il analyse leur situation actuelle.For over a century, the situation of Christian Arabs has been a revealer of the Middle East dynamics. At the turn of the 19th century, they engaged in the cultural movement of Arab renaissance that was an emancipation vector after several centuries of Ottoman rule. Subsequently, they were very active in political formations, Nationalism and Socialism, that were a way to overcome the communitarian divisions. However, the political failures of nationalist and socialist powers have given way to the gradual assertion of Islamism in its diverse formulations which are more or less aggressive towards Christians or Muslims deviant. This article discusses the representations of Christians among certain Islamists that threaten their integration in Arab societies, even survival in some cases. It also discusses the political dynamic insertion of Christians that preceded the rise of Islamism and finally it analyzes their current situation.
- Les réfugiés au Liban, entre accueil et déracinement - Liliane Buccianti-Barakat p. 259-272 Au cours du XXe siècle, le Liban a reçu plusieurs vagues de réfugiés venus des pays voisins : Arméniens, Palestiniens, Égyptiens, Syriens et Irakiens.Depuis mars 2012, le Liban reçoit un flux continuel de réfugiés syriens et irakiens qui représentent aujourd'hui près de la moitié de la population libanaise (estimée à 4 millions d'habitants). Les autorités libanaises, échaudées par le précédent palestinien, n'ont pas voulu construire, à l'instar de la Turquie et de la Jordanie, des camps pour les accueillir et a confié la gestion du problème aux ONG et organisations internationales. Sous l'égide du HCR, ces dernières tentent, dans la mesure de leurs moyens (financiers), d'améliorer les conditions de vie de ces réfugiés.Le conflit en Syrie semble devoir durer et la législation libanaise en matière migratoire et d'asile est obsolète. Le poids des réfugiés déstabilise le gouvernement et pose un problème pour la paix sociale. La situation divise fortement les communautés et les partis politiques dont les alliances sont calqués sur la situation en Syrie. Ces dissensions politiques se traduisent, sur le terrain, par une dégradation de l'économie, la résurgence de la violence, des attentats et une déliquescence des structures de l'État. Si l'accueil s'éternise, le pire est à craindre.In the 20th century, Lebanon was a haven for people from neighboring countries : Armenians, Palestinians, Egyptians, Syrians and Iraqis. Since March 2012, Lebanon received a constant flow of Syrian and Iraqi refugees. In 2015, they represent nearly half of the Lebanese population (estimated at 4 million). The Lebanese authorities, scalded by previous Palestinian nabka, did not want to build camps, like in Turkey and Jordan, to welcome them. They entrusted the management of this problem to NGOs and international organizations which are helping as much as they can, with the help of the UNHCR, to improve the living conditions of these refugees. The conflict in Syria seems to last and Lebanese legislation on migration and asylum, is obsolete. The extent and duration of refugees in the country causes a problem to the government and threatens social peace. The situation is dividing Lebanese communities and political parties whose alliances are following the evolution of Syrian's situation. Nowadays, Lebanon is facing political divisions, a major economy crisis, violence in the streets...
- La Palestine, les Arabes et le monde arabe : entre rivalités et représentation - Leïla Shahid, Béatrice Giblin, Pierre Blanc p. 273-286 Parmi les responsabilités politiques qu'elle a endossées, Leïla Shahid fut représentante de l'Autorité palestinienne en France et en Belgique. Parvenue à la fin de sa carrière de diplomate engagée, elle livre ici un regard sur le monde arabe et sur les liens particuliers qu'il entretient avec la cause palestinienne. Pour Leïla Shahid, le monde arabe existe aujourd'hui, notamment au travers la vitalité de ses sociétés civiles dont les soulèvements connaissent des fortunes diverses. Historiquement, ces sociétés ont été très tournées vers la cause palestinienne, qui a constitué pour elles un facteur unificateur, par-delà les rivalités interétatiques qui divisent l'espace arabe. Leïla Shahid revient sur les ressorts de cet attachement qui participe entre autres de la valeur spirituelle de la Terre sainte et du combat national palestinien. De leur coté, les États arabes ont tenté d'instrumentaliser cette cause pour asseoir leur légitimité mais sans pour autant servir le nationalisme palestinien car la popularité et l'autonomie des leaders palestiniens les ont longtemps inquiétés. Au-delà de cette dichotomie entre peuples et États arabes, Leïla Shahid s'attache à revenir sur la vitalité des dynamiques internationales en direction de la Palestine : celle qui vient de la diaspora et celle d'un mouvement internationaliste attaché au caractère juste de la cause palestinienne. Elle s'attache aussi à démontrer l'impératif d'une solution en vue de paver la voie à la paix dans la région.Among the political responsibilities she has endorsed, Leila Shahid was representative of the Palestinian Authority in France and Belgium. Having reached the end of her career as a diplomat, she analyses the Arab world and its special ties with the Palestinian cause. For Leila Shahid, the Arab world exists today, notably through the vitality of its civil societies whose uprisings are experiencing mixed fortunes. Historically, these societies have been very oriented towards the Palestinian cause, which constituted a unifying factor for them, beyond inter-state rivalries that divide the Arab region. Leila Shahid talks about the origins of this attachment that stem inter alia from the spiritual value of the Holy Land and the Palestinian national struggle. For their part, Arab States have attempted to exploit this cause to establish their legitimacy, but without serving Palestinian nationalism because the popularity and the autonomy of Palestinian leaders have long worried them. Beyond this dichotomy between the States and the peoples, Leila Shahid emphasizes on the vitality of the international dynamics towards Palestine : that which comes from the diaspora and that of the internationalist movement attached to the Justice of the Palestinian cause. She also demonstrates the need for a solution to pave the way for peace in the region.
- Printemps et hiver arabes dans les territoires palestiniens - Lætitia Bucaille p. 287-300 Le processus de paix, dont l'esprit est bel et bien enterré depuis plus d'une douzaine d'années, ne semble plus intéresser la communauté internationale. La « guerre des couteaux » a cependant relancé l'attention du monde sur Jérusalem et certains estiment qu'elle préfigure une « nouvelle intifada ». Pour comprendre ce mode d'action actuel, la première partie de cet article revient sur la temporalité des luttes palestiniennes contre Israël et en montre l'inefficacité, du fait de l'incapacité des Palestiniens à produire des modes de combat contre Israël et à s'inscrire dans une stratégie politique. En même temps qu'elle reflète le désespoir et le désarroi d'une société, elle ternit l'image des Palestiniens dont la violence semble « sauvage ». La Palestine, foyer de tensions historique au Moyen-Orient, semble aujourd'hui reléguée par les soulèvements et les guerres civiles de la région. La question palestinienne subit effectivement une marginalisation ; elle n'échappe pas pour autant aux logiques de radicalisations et de polarisation en cours dans la région.The pacification process, which is in fact buried for a dozen years, doesn't seem to get the attention of the international community anymore. Yet, the “Knives of Jerusalem” have drawn the world's attention back on the Israelian capital and some people think we are on the verge of a “new Intifada”. In order to understand this phenomenon, the first part of this article will deal with the chronology of the Palestinian struggles against Israel and show their inefficiency, because of the Palestinians' incapacity to produce efficient ways to fight Israel, and of their inability to place themselves in a clear political strategy. All this reflects how the Palestinian society is despaired, and at the same time, how the Palestinian people's image is damaged, for their use of violence is seen as a “brutal” reaction. Today, Palestine, home of historical tensions in the Middle East, seems to be relegated to a position of secondary importance by the revolts and the civil wars in this region. Indeed, the Palestinian question is marginalized ; yet, the radicalization and polarization processes witnessed in the Middle East are affecting this nation.
- Quand les sionistes puis les Israéliens pensent les Arabes - Frédéric Encel p. 301-318 Du fait d'un conflit presque séculaire entre Israël et, avant lui, le mouvement sioniste, d'une part, les groupes et États arabes proche-orientaux d'autre part, on a trop tendance à croire que le rapport des premiers aux seconds a toujours incarné une hostilité totale et irréductible.Or, à ses débuts, le nationalisme juif, à la fois est-européen, non militariste, laïc et progressiste, ignorait tout des cultures et aspirations arabes ainsi que de l'islam, en Palestine ottomane comme ailleurs. Les premiers heurts des années 1920-1930, puis les guerres de haute intensité des décennies suivantes orienteront les représentations israéliennes vers plus d'hostilité. Pourtant, elles seront plurielles, traduisant la diversité du « camp » arabe ; druzes, maronites du Liban et bédouins du Néguev et de Galilée seront perçus différemment des Arabes musulmans majoritaires, puis, suite aux accords de paix avec l'Égypte, la Jordanie et dans une moindre mesure l'Autorité palestinienne, le « complexe de Massada » de l'isolement total et définitif s'atténuera plus ou moins.Depuis quelques années, la perception de l'adversaire arabe s'est muée en adversaire musulman, évolution essentialiste et religieuse s'inscrivant tout à fait dans celle de la région tout entière.Because of an almost centenarian conflict between Israel and before its creation the zionist movement on the one hand, the Arab and middle-eastern groups and states on the other hand, we too often tend to believe that the relations between the two have always been absolutely hostile and unsolvable.However, the Jewish nationalism at its beginnings was both east-European, non-military, secular and progressive. It didn't know a clue about the Arab aspirations and Islam within the ottoman Palestine and elsewhere. The first frictions during the 1920's and the 1930's and the high intensity wars of the following decades guided the Israeli perceptions towards more hostility. Those wars were various and reflect the diversity of the Arab camp : the Druses, the Maronites of Lebanon and the Beduins of the Negev and Galilee are seen as different from the majority of Arab Muslims. Moreover, the peace agreements with Egypt, Jordan and to a lesser extent the Palestinian Authority have more or less eased the so-called “Massada complex” of total and definitive isolation of Israel.Since a few years the perception of an Arab enemy turned into a Muslim enemy: this religious and essential development fits exactly into the development of the region as a whole.
- Les Arabes, les Turcs ; si loin, si proches - Nora Seni p. 319-336 Cet article s'attache à repérer les représentations par lesquelles, de la fin de l'Empire ottoman à aujourd'hui, la Turquie et les Turcs pensent et perçoivent le monde arabe. L'imaginaire qu'ils nourrissent à son égard varie avec les mutations du paradigme identitaire par lequel la Turquie s'autodéfinit. Ce texte précise dans un premier temps ce qu'il faut entendre par la notion de paradigme ou de matrice identitaire et montre comment ce paradigme évolue parallèlement aux relations entre l'Europe et l'Empire ottoman puis entre l'Europe et la Turquie contemporaine. L'article montre que de la distance avec l'Europe dérivent les positionnements pro-occidentaux ou pro-arabo-islamiques de l'Empire finissant et de la République turque. Dans les années qui ont suivi 2007-2008, pendant lesquelles la France de Nicolas Sarkozy et l'Allemagne d'Angela Merkel ont multiplié les déclarations déniant à la Turquie toute vocation à intégrer un jour l'UE, Recep Tayyip Erdogan, entamant une révolution culturelle sur la scène domestique, a abandonné progressivement les principes de mixité, de libertés laïques, et tenté d'inscrire la Turquie au sein d'un monde islamique-arabe dont la Turquie disputerait le leadership à l'Arabie saoudite. D'un « orientalisme ottoman » serait-on passé, après un siècle d'ambition occidentale, à un orientalisme turc ?This article deals with the representations used by Turcs and Turkey from the end of the Ottoman Empire till today to think about the Arab world. The imaginary developed about it depends on the identity paradigm Turks have about themselves. This paper tries to show how the status and place of Arabs shifts alongside the evolution of this paradigm. It shows how from the distance Turkey has with Europe derives its pro-occidental or pro-oriental orientation. In the years that fallow 2007-2008 Sarkozy's France and Merkel's Germany multiplied declarations against Turkey's ambition to join the EU. Turkey's will to belong to the Islamic world and hopefully be considered as a major player took shape at that time. Does this mean that Turkey has crossed a secular and pro occidental century that led it from “Ottoman orientalism” to “Turkish orientalism”.
- L'Iran et le monde arabe : une rivalité dépassée ? - Bernard Hourcade p. 337-364 La rivalité entre Iraniens et Arabes, ou l'opposition sunnite/chiite, est souvent donnée comme un facteur explicatif majeur de la géopolitique du Moyen-Orient. La guerre Irak-Iran (1980-1988) fut la première confrontation directe entre l'Iran et ses voisins arabes depuis le viie siècle. Les populations iranienne et arabe entretiennent des relations de bon voisinage dans le golfe Persique (Dubaï) ou en Irak (Najaf). Du Maghreb à Oman, les relations entre États sont diverses et fondées sur la politique. L'Iran, craignant d'être encerclé, a toujours voulu disposer d'une zone d'influence au-delà de ses frontières. Depuis la révolution de 1979 l'Iran a été marginalisé, mais les États de la péninsule Arabique se sont imposés comme les nouveaux acteurs dominants de la région, les nouveaux « gendarmes du Golfe ». La rivalité n'est pas ethno-religieuse entre l'Iran et le monde arabe, mais plus globale, entre deux puissances émergentes : la République iranienne et les monarchies pétrolières.The rivalry between Iranians and Arabs or the Sunni/Shiite opposition is often given as a major factor in the geopolitics of the Middle East. The Iran-Iraq war (1980-1988), was the first direct confrontation between Iran and its Arab neighbors since the seventh century. The Iranian and Arab populations maintain good relations in the Persian Gulf (Dubai) or Iraq (Najaf). From Maghreb to Oman, relations between states are diverse and based on politics. Iran, fearing to be surrounded, always wanted to have a zone of influence beyond its borders. Since the 1979 revolution Iran is marginalized, but the states of the Arabian Peninsula became the new dominant players in the region, the new “Gendarmes of the Gulf.” The rivalry is not ethno-religious, between Iran and the Arab world, but much global, between two emerging powers, the Republic of Iran and the oil monarchies.
- Les droits des femmes en Tunisie : acquis ou enjeux politiques ? - Hafidha Chekir p. 365-380 Depuis le départ de Ben Ali, le 14 janvier 2011, certaines voix se sont élevées pour remettre en cause les droits des femmes tels que reconnus et garantis dans le code du statut personnel, en particulier les militants et dirigeants du mouvement islamiste Ennahda. Mais la société civile a réagi à chacune de leurs tentatives et s'y est fortement opposée. Quant à la parité qui est une revendication des mouvements féministes à travers le monde, elle a bien été défendue et mise en pratique durant les premières élections de l'Assemblée nationale constituante d'octobre 2011, mais elle s'est, en même temps, heurtée à une opposition farouche qui en a limité les résultats positifs. L'obtention de la majorité au sein de l'Assemblée nationale constituante du parti islamiste Ennahdha a fait craindre aux femmes la perte de leurs droits et les ont incitées à une vigilance permanente pour obtenir la constitutionnalisation de leurs droits, ce qu'a entériné la Constitution de 2014, victoire d'un combat séculaire.Since Ben Ali's departure on January the 14th, 2011, women's rights in Tunisia, as reckoned and guaranteed in the personal status' code, have been questionned by some public figures, especially the leaders and partisans of Ennahda, an islamist movement. But civil society reacted to every single attempts from them and deployed a strong opposition. Parity, one of the main revendications of feminist movements all around the world, appeared to have many defensors during the first elections for the Constituent National Assembly in October 2011 and was then applied, but at the same time, a strong opposition restricted its positive effects. Ennahda, The Islamist Party, achieved majority at the Constituent National Assembly : women then feared to lose their rights, which encouraged them to be permanently watchful concerning the institutionalization of these very rights. The latter were ratified by the 2014's constitution, a victorious ending for this secular fight.
- L'Algérie dans le monde arabe - Fayçal Metaoui p. 381-410 Fayçal Metaoui rappelle combien l'Algérie appartient au monde arabo-musulman. Aussi, après l'indépendance, le nouvel État a-t-il soutenu le panarabisme d'Abdel Nasser à partir d'une idéologie socialiste et a décidé l'arabisation du pays. L'Algérie est un membre actif de la Ligue arabe et travaille sur le plan diplomatique à renforcer ses rapports avec tous les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Quant à la dimension amazighe de l'Algérie, elle fut niée pendant vingt ans par le régime militaire de Boumediène, mais depuis les années 2000 la langue tamazight est reconnue comme langue nationale. Quant aux mouvements islamistes radicaux, personne n'y est favorable ni en Kabylie ni dans d'autres régions du pays.Fayçal Metaoui reminds us how much Algeria belongs to the Arab-Muslim world. Therefore, after the Independence was won, this new Nation backed Abdel Nasser's pan-Arabism on the base of a socialist ideology, and decided to proceed to the arabization of the country. Algeria is an active member of the Arab League, and on the diplomatic level, this Nation tries to reinforce its relationships with every country in North Africa and the Middle East. As for the amazigh condition of Algeria, it was denied during two decades by the Boumediène's military regime, but since the last decade, tamazight has been considered as one of the national languages. As for the radical Islamist movements, they found a strong opposition in Kabylia and several other regions.
- Daech dans la Libye fragmentée - Jean-Yves Moisseron, Rafaa Tabib p. 389-410 Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, la Libye s'est enfoncée dans un profond chaos suite à l'échec d'un projet d'unité nationale. Deux grandes alliances se sont reconstitutées et se sont institutionnalisées sous la forme de deux parlements et deux gouvernements en guerre autour des deux sources d'hydrocarbures. Ces deux alliances sont cependant fragiles et en compétition pour contrôler le sud du pays face aux Touaregs et aux Toubous eux-mêmes engagés dans un profond conflit. Cette fragmentation fait le jeu de Daech qui s'est installé à l'interface des deux gouvernements et présente un risque majeur de propagation à l'ensemble des pays de la région qui sont peu résilients face à une crise d'une telle envergure. Accepter la scission de fait qui apparaît comme un fait durable permettra d'envisager des solutions de sortie de crise ou d'endiguement des dangers.Since the Kadhafi's regime fall, Libya dropped down in a deep chaos due to the failure to establish a valid national unit plan. Two large tribal blocks emerged and solidified through political institutions. Two parliaments and two governments warred against each other and try to control the two main oilfields. Those two alliances are fragile. They compete to take control of the south of the country where Tuaregs and Tubus are in conflict. The scission and the fragmentation of the country pave the way to ISIS, which settled in the interface of the two territories. This involves a major risk of dissemination to all the neighboring countries that are low resilient to a danger of such a magnitude. To accept the scission de facto which seems to be a durable fact, may open to innovative solutions to stem the danger.
- Hérodote a lu - p. 411-417