Contenu du sommaire : Travail de femmes et inégalités

Revue Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) Mir@bel
Numéro no 90, juillet 2004
Titre du numéro Travail de femmes et inégalités
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Travail des femmes et inégalités

    - Sous la direction de Françoise Milewski et Hélène Périvier accès libre
    • Femmes : « top » modèles des inégalités - Françoise Milewski p. 11 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les discriminations dont les femmes font l'objet dans les pays européens sont à la fois similaires et différentes. Leurs multiples facettes peuvent être analysées à partir d'une typologie de pays, qui aide à dégager les traits communs, mais qui ne rendent compte qu'approximativement des différences produites par des histoires sociales singulières. Les progrès historiques de l'insertion des femmes sur le marché du travail sont indéniables : les taux d'emploi des femmes et des hommes se sont rapprochés. Mais de profondes inégalités demeurent : par exemple, le taux de chômage féminin reste supérieur à celui des hommes dans la plupart des pays, même si les écarts se sont réduits. De nouvelles inégalités sont apparues : précarisation de l'emploi, insertion par des temps partiels, imposés par les employeurs ou contraints par l'insuffisance des modes de garde des enfants, tant en qualité qu'en quantité. Les femmes sont plus vulnérables que les hommes sur le marché du travail, si bien que les formes d'emploi flexibles les concernent davantage. Mais parce qu'elles représentent près de la moitié de la population active (46 % en France, 44 % dans l'Union européenne à 15), c'est l'ensemble du marché du travail qui est atteint. Leur activité est ainsi, tour à tour, un enjeu pour la croissance économique, afin de compenser le recul à venir de la population active, ou un moyen de rendre plus flexibles les marchés du travail. Seule une approche pluridisciplinaire, économique, sociale, politique et institutionnelle peut permettre de comprendre la manière dont se forgent les discriminations en Europe. Les inégalités tiennent d'abord au cadre social dans son ensemble : l'école et la famille dès l'enfance, l'inégal partage des tâches familiales conditionnent la division sexuelle des rôles sociaux et influencent les comportements des femmes elles-mêmes, dans les choix d'orientation, puis dans les représentations qu'elles ont de leur rôle. La sphère professionnelle reproduit des inégalités et en produit de nouvelles. La compréhension des mécanismes à l'œuvre et de l'articulation entre les sphères professionnelle et privée permet de s'interroger sur les moyens de promouvoir l'égalité et sur le rôle des politiques publiques. En particulier, la cohérence des objectifs est questionnée et le débat sur l'efficacité de mesures incitatives ou contraignantes est soulevé.
      Gender discriminations are close but different across European countries. In order to understand how they are built up, it is necessary to appeal to a multidisciplinary approach: economic, social, politic and institutional. At first, inequalities are linked to the social environment: school and family, then the share of domestic tasks creates the gender division of social roles and influences the female behaviour. The professional area reproduces those inequalities, and produces some new ones. Women are alternately a stake for economics growth to compensate the decrease of the labour force, and then they become a mean to introduce more flexibility and precariousness on the labour market. In order to find a way to promote gender equality, it is required to understand the discrimination mechanism. The consistency of public policies and the efficiency of incentives actions have to be studied.
    • Vers l'égalité de genre : les tendances générationnelles sont-elles irréversibles ? - Louis Chauvel p. 69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'analyse globale des écarts entre femmes et hommes en matière éducative, sociale et salariale met en évidence un rattrapage féminin à la fois progressif et régulier. Selon ces tendances, les femmes ont dépassé en 1990 le niveau éducatif des hommes, elles sont assez proches de la parité en termes de niveau socio-professionnel (selon la tendance actuelle, à l'horizon de 2020, et même si différentes professions montrent une claire résistance au changement) et leur niveau de salaire semblerait se rapprocher de ceux de la population masculine (convergence au-delà de 2050). Malgré ces tendances moyennes, qui prêtent à croire en un avenir radieux d'égalité entre femmes et hommes, il s'agit de comprendre un processus essentiel de changement, fondé sur le remplacement des générations : les anciennes, socialisées dans un contexte d'inégalités majeures, laissent la place à de plus récentes marquées par plus d'égalité. L'analyse fine de cette dynamique générationnelle, qui n'est pas linéaire, permet de relativiser cet optimisme et montre que l'avenir est ouvert, voire incertain, si l'on se contente d'un scénario « au fil de l'eau ».
      The global analysis of the educational, social and wage inequalities between women and men shows a progressive and regular convergence: the women's level of education reached men's one in 1990, women are close to equality in terms of occupational prestige (they could catch up men in 2020, even if various occupations show clear resistance to change) and their wages would converge later (beyond 2050). In spite of these visions of prospective gender equality, we must underline a cohort process of social change, founded on the replacement of the generations: the old ones, socialized in a context major inequalities, disappear and recent ones emerge, marked by gender equalisation. That age-period-cohort dynamics is less linear than the global one, and shows that future remains open and the optimist prospective view uncertain: progress depends on collective choices and not on an anhistorical trend.
    • L'ouvrière n'est pas la femme de l'ouvrier - Maxime Parodi p. 85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les femmes ont participé dès le début à la société industrielle, et elles s'y maintiennent encore aujourd'hui. La division sexuelle du travail est toutefois particulièrement marquée : les ouvrières travaillent dans des secteurs particuliers — textile, nettoyage, etc. — et à des conditions différentes des ouvriers. Par tradition, elles sont ainsi écartées des travaux de force et sont orientées de manière privilégiée vers des travaux exigeants des gestes répétitifs ; la majorité d'entre elles a un poste d'ouvrière non qualifiée, souvent à temps partiel. Ces vingt-cinq dernières années, elles ont beaucoup plus subi la crise que leurs confrères.
      Women have worked in the industrial sector since the beginning of the industrial era, and they still do. But female workers have to cope with different working conditions than their male colleagues: these conditions are still demanding, but in a different way. Most of the female workers are unskilled and work part time. Moreover, because of the crisis of the textile industry, many of them have been put out of work, especially the unskilled ones.
    • Activité, précarité, chômage : toujours plus ? - Margaret Maruani p. 95 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Entamée au début des années 1960, la féminisation massive du salariat, en France, s'est poursuivie à la manière d'une lame de fond tout au long des années de crise. La pénurie d'emploi n'a pas affecté ce mouvement, mais elle a sérieusement entamé les conditions d'emploi des femmes. Sur-chômage, sous-emploi et pauvreté laborieuse : tel est, pour toute une partie du salariat féminin, le prix de la crise. L'activité féminine prospère, mais à l'ombre du chômage et de la précarité. Partant de ce constat, cet article traite dans un premier temps de la croissance de l'activité féminine en France et en Europe. Il aborde ensuite la question du sur-chômage féminin et du cumul des inégalités avant d'analyser, dans un troisième temps, le développement du sous-emploi et de la pauvreté laborieuse.
      Since the beginning of the 1980's, the feminization of the wage-earnings class has increased, even during the economic crisis. The lack of employment demand has not affected this trend, but it has debased the employment conditions of women. As a consequence, women are more often than men unemployed or under-employed and working poors. This paper deals with the growth of female participation in France and Europe. Then, it focuses on the female unemployment. At last, it analyses the development of under-employment and working poverty.
    • Les femmes françaises face au chômage : une inégalité en déclin - Bruno Coquet p. 117 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'inégalité des femmes et des hommes face au chômage est souvent dénoncée dans la littérature économique. Les pays industrialisés présentent à cet égard des situations variées, mais l'inégalité au dépens des femmes est caractéristique des économies sud-européennes. En France, l'inégalité des sexes face au chômage est souvent invoquée pour symboliser les difficultés que rencontrent les femmes sur le marché du travail, en particulier pour trouver un emploi lorsqu'elles décident d'être actives. Nous utilisons plusieurs indicateurs pour mesurer l'écart entre femmes et hommes face au chômage, au cours des quarante dernières années. L'inégalité apparaît plus nuancée que ne le véhiculent les discours stéréotypés : 1) elle s'est effectivement amplifiée jusqu'au milieu des années 1980 ; 2) de nombreux indicateurs relativisent son ampleur actuelle ; 3) depuis le début des années 1990, l'inégalité se réduit rapidement. Décomposée par groupes d'âge, l'inégalité suit des tendances similaires : elle baisse rapidement depuis une quinzaine d'années ; jusqu'au début des années 1990, les jeunes femmes étaient les plus affectées par le chômage, mais en quinze ans leur situation s'est pratiquement rééquilibrée ; aujourd'hui, l'essentiel de l'inégalité se concentre sur les âges intermédiaires (25-49 ans), pour lesquels le comblement de l'écart est réel, mais moins rapide. Enfin, nous analysons l'inégalité en décomposant, d'une part les caractéristiques de demandeurs d'emplois (par sexe, type de contrat recherché, temps partiel ou complet, etc.), d'autre part les caractéristiques des emplois créés. Si on met de côté la rémunération et la qualité des emplois trouvés, les structures d'offre et de demande apparaissent très similaires. Ce résultat est cohérent avec la convergence des taux d'emploi et de chômage des deux sexes, contribuant également à relativiser l'inégalité face au chômage.
      Gender gaps in unemployment are rarely described in economic literature, but often used to demonstrate how difficult it is for a woman to find a job as easily as a man, when deciding to become active. Covering the last four decades, most of the indicators tone down the inequality; moreover, after widening until the mid 1980's, the gap has been narrowing rapidly since the beginning of the 1990's. We also address the gender gap by age, with similar results: a sharp decline during the last fifteen years, especially for young women. Finally, the gender gap in unemployment does not reveal a mismatch between the characteristics of job seekers (e.g. number of women or men competing for jobs, type of contracts, full or part-time work, etc.), and the structure of employment creations, which numerically favour women.
    • Écarts de salaires entre les femmes et les hommes en Europe. Effets de structures ou discrimination ? - Sophie Ponthieux et Dominique Meurs p. 153 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les pays de l'Union européenne en 2000, les salaires féminins représentent de 80 % à 95 % des salaires masculins en termes horaires, de 65 % à 80 % en termes mensuels. On propose une mesure des composantes de l'écart des salaires mensuels dans dix pays de l'Union européenne (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, France, Italie, Irlande, Grèce, Portugal et Royaume-Uni). Une méthode standard est appliquée pour évaluer d'abord, dans ces écarts de salaires, ce qui n'est pas attribuable à des différences de caractéristiques des individus et/ou des emplois qu'ils occupent ; c'est ce que l'on appelle « discrimination salariale ». Le reste de l'écart est lui-même décomposé en quatre éléments : capital humain, nombre d'heures de travail, secteur/qualification des emplois, et une composante secteur public. L'enseignement majeur est la grande disparité des pays, dans l'amplitude des écarts des salaires mensuels, dans la composition de ces écarts et dans la combinaison de ces deux indicateurs : un écart élevé ne va pas forcément de pair avec une forte discrimination salariale. En ce qui concerne les quatre composantes de l'écart expliqué, la différence la plus forte provient, sans surprise, du nombre d'heures de travail, nettement supérieur pour les hommes, et ce dans tous les pays étudiés. Un autre effet, celui-ci favorable aux femmes, est quasi-général : celui de l'emploi dans le secteur public. La part de chacune des composantes n'est cependant pas uniforme d'un pays à l'autre ; l'objectif commun de resserrer les écarts de salaires entre les femmes et les hommes ne saurait donc être atteint par des politiques publiques identiques dans tous les pays. Toutefois, partout se pose la question des « choix » offerts aux femmes. Les dispositifs fiscaux, l'offre de garde d'enfants ou les modalités du congé parental peuvent s'avérer désincitatifs, en particulier si les caractéristiques des emplois sont peu attractives. On peut aussi souligner qu'il y a sans doute à gagner du côté du partage des responsabilités familiales au sein des couples ; la réduction des inégalités sur le marché du travail passe aussi par des changements hors du marché du travail.

      In this paper, we propose an analysis of the monthly wage gap in ten of the EU countries (Austria Denmark, France, Germany, Greece, Ireland, Italy, Portugal, Spain and the United-Kingdom). We use a standard methodology in order to measure the part of the gap which results from male-female differences in endowments and jobs, and the part that can't be attributed to these differences, often referred to as "wage discrimination". The first component is then itself broken down into four parts: "human capital", "number of hours", "industry and skill level of the jobs", and "public sector".
      The ten countries differ significantly in the size of the gap; the decomposition shows that they differ also in the composition of this gap. Moreover, it appears that a large wage gap is not always associated with a high share of wage discrimination. With regard to the composition of the explained part of the gap, it appears at first– as could be expected–, that the greatest difference stands in the number of hours of work, neatly higher for men than it is for women, in all the countries. Another effect, this one in favor of women, is that of working in the public sector. The size and effect of each of the components is nevertheless unequal between countries; in terms of public policies, it suggests that the way towards closing the gap is not unique.
    • Inégalités de salaires entre femmes et hommes et discriminations - Yves de Curraize et Réjane Hugounenq p. 193 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En quelques décennies, la population active s'est féminisée, mais les femmes reçoivent toujours en moyenne un salaire inférieur à celui des hommes et le sexe reste un déterminant significatif de la position professionnelle. Le différentiel de salaires constaté est-il dû à des pratiques discriminatoires ? À partir de la méthode d'Oaxaca-Blinder (1973) et de ses développements, de nombreux travaux économétriques ont cherché à mesurer la part du différentiel de salaires attribuable à la discrimination. En adoptant une définition restreinte de la discrimination — à emploi égal, salaire inégal — ces études montrent qu'une part du différentiel de salaires est bien due à des pratiques discriminatoires. Mais une part plus importante encore pourrait leur être attribuée si l'on pouvait réellement prendre la mesure des effets sur les salaires des multiples dimensions des pratiques discriminatoires. Par exemple, la discrimination à l'école ou à l'embauche peut affecter la structure des emplois occupés et donc la distribution des salaires, mais on ne peut dire quelle est l'ampleur des effets de ces mécanismes sur les distributions d'emplois et de salaires observées. D'autre part, on peut se demander pourquoi les femmes sont discriminées. La discrimination à l'encontre des femmes n'est pas comparable à la discrimination raciale. Ainsi, l'interaction entre la sphère domestique et la sphère productive joue un rôle important dans la discrimination sexuelle par ses effets sur les choix des femmes elles-mêmes et sur les comportements des employeurs.
      Labour force participation of women has increased substantially during the last decades, but women's wages are still on average lower than men's. Following the Oaxaca-Blinder decomposition method (1973), numerous econometric studies show that part of the differential is determined by discrimination defined as– equal pay for equal work– But this part could be larger if the measure of discrimination were taking into account the multidimensional character of this process: for example the effect on earning and occupational distribution of discrimination stemming from school treatment of boys and girls or from occupational barriers. Why women would be discriminated? Interaction between household and market activities plays an important role within the sources of sexual discrimination. It affects women's choices on the job market as well as employers' behaviours relative to women.
    • Emploi des mères et garde des jeunes enfants en Europe - Hélène Périvier p. 225 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse la relation entre l'offre de modes de garde et l'emploi des mères de jeunes enfants en Europe. On distingue les gardes extérieures à la famille (crèches, assistantes maternelles...) de celles issues des congés parentaux qui permettent aux parents de s'occuper eux-mêmes de leur enfant pendant un certain temps. Concernant la première catégorie, il existe une grande disparité en Europe. Les pays offrant un système de garde accessible financièrement et de qualité sont également ceux dans lesquels les mères de jeunes enfants sont les mieux insérées sur le marché du travail. Depuis la directive européenne de 1996, tous les pays d'Europe proposent un congé parental. Cependant, les modalités d'application (indemnisation, flexibilité, durée...) varient fortement d'un pays à l'autre, si bien qu'il peut être un frein à l'insertion des mères sur le marché du travail (France), ou bien être un moyen de leur permettre d'avoir une carrière plutôt continue (Suède). S'il est admis que la générosité du système de prise en charge de la petite enfance va de pair avec une participation élevée des mères au marché du travail, le sens de cette corrélation fait toujours débat. Dans un contexte où les tâches domestiques sont principalement assumées par les femmes, aucune avancée majeure ne pourra être faite en matière d'égalité des sexes si les pouvoirs publics n'offrent pas des modes de garde de qualité et accessibles financièrement à tous les ménages. Il s'agit d'une condition nécessaire, mais certes pas suffisante, à l'insertion des femmes à l'égal des hommes sur le marché du travail.
      Working parents have two main solutions for their children : as far as these outside childcare options are concerned, European countries have generally implemented collective childcare systems public or private. The second solution is the parental leave; it can be either positive or negative on female participation to the labour market: it depends on its length, flexibility, indemnification... It is admitted that the most generous countries in terms of childcare systems are also those who have the highest mothers' employment rate. But the sense of the correlation is still debated. In a context where women still are in charge of domestic and family tasks, this paper concludes that it will not be possible to succeed in gender equality without implement available, affordable childcare systems.
    • Débat sur le congé parental : emploi des femmes et charges familiales. Repenser le congé parental en France à la lumière des expériences étrangères - Hélène Périvier p. 259 accès libre
    • Les systèmes de retraite et les femmes. En France, en Allemagne et en Italie - Carole Bonnet, Odile Chagny et Paola Monperrus-Veroni p. 343 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'Allemagne, la France et l'Italie ont mis en œuvre depuis le début des années 1990 des réformes des systèmes de retraite destinées à contenir les effets du vieillissement démographique sur la hausse du poids des retraites. Cet article vise à apporter des éléments permettant d'amorcer la réflexion sur un éventuel impact différencié de ces réformes selon le genre. En effet, les inégalités entre les femmes et les hommes qui s'observent sur le niveau de pension et l'âge de liquidation reflètent à la fois les inégalités sur le marché du travail, mais aussi certaines caractéristiques des régimes. L'article propose une analyse comparée des systèmes de retraite des trois pays qui, au-delà de leur référence commune à une logique d'inspiration bismarckienne, présentent de fortes spécificités nationales, notamment pour ce qui est des modèles sociaux de référence. L'approche choisie est avant tout institutionnelle. Elle compare les modalités générales de calcul des droits, en mettant l'accent sur l'impact des durées d'activité et des profils de carrière sur le montant des pensions, ainsi que sur leurs modalités de liquidation. L'article présente également les mécanismes correcteurs (minima contributifs, périodes assimilées, avantages familiaux) visant à rééquilibrer les conditions d'accès aux droits de retraite pour tenir compte des charges familiales et des aléas de carrière. Les dispositions relatives aux pensions de réversion sont aussi analysées. La réponse à la question de l'orientation des réformes n'est pas aisée, car le durcissement des règles (allongement de la durée d'assurance) s'est accompagné de l'extension d'un certain nombre de dispositifs (tels les avantages familiaux) ou de la modification d'autres, en particulier des droits dérivés. Un certain nombre de conclusions peuvent néanmoins être tirées. Il ne ressort pas de logique commune aux réformes mises en œuvre dans les trois pays. Si les réformes conduites en Allemagne visent clairement à encourager la constitution de droits individuels pour les femmes, les réformes italiennes n'introduisent que peu de dispositions visant à compenser la baisse des taux de remplacement. L'encouragement à la constitution de droits individuels en France s'accompagne du maintien de la logique familialiste.
      Focusing on gender issues, this paper compares old age pension systems in Germany, France and Italy and assesses the recent reforms. General rules for calculating pensions and the incidence of work behaviour and wage levels on the benefit's level are described. Entitlements aimed at mitigating gender inequalities caused by child care and work behaviour are presented, as well as the main provisions of survivor's pensions. Although pension systems are based in the three countries on pay-as-you-go models in the Bismarkian tradition and contain some Beveridge components, a precise understanding of the systems is helpful to understand the role played by the gaps inherited from the labour market and by pension systems in explaining the gender gap in old age benefits level. The main conclusion concerning reforms is that no common approach can be found among the three countries, at least as far as individualisation of women's pension rights is concerned.
    • Les enjeux pour l'emploi féminin de la stratégie européenne pour l'emploi - Olivier Thévenon p. 379 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le développement de l'emploi féminin est enjeu majeur pour les pays de l'Union européenne. D'une part, il constitue une réserve de main-d'œuvre qualifiée indispensable à la croissance économique. D'autre part, il offre une réponse au problème du financement des retraites, en rétablissant un équilibre entre le nombre d'actifs et d'inactifs. Enfin, il permet de limiter le risque de pauvreté d'une partie de la population, en particulier les enfants. La Stratégie européenne pour l'emploi (SEE) a été instaurée dans le but d'encourager les États membres à mettre en place un cadre favorable au développement de l'activité féminine ; elle fixe des objectifs directeurs concernant l'augmentation des taux d'emploi féminin et accessoirement celle de l'offre de services de garde des enfants. Toutefois, la capacité des pays à atteindre cet objectif demeure incertaine dans la mesure où des situations variables sont issues d'héritages de régimes d'« État Social » différents (conservateur, libéral ou social-démocrate). De plus, la SEE reste muette à propos de dimensions qui sont pourtant impliquées dans ce développement : la qualité des emplois créés, celle des services de garde offerts, l'organisation du travail, la flexibilité du temps de travail et la garantie de l'attractivité de l'emploi pour le travailleur secondaire dans le couple. Les options suivies peuvent varier sensiblement et avoir des effets qualitatifs et quantitatifs différents sur le développement de l'emploi féminin, la prise en charge du développement des enfants et la combinaison de cet emploi avec la formation de la famille. Limiter la stratégie à un objectif visant les taux d'emploi apparaît insuffisant pour garantir en Europe un développement généralisé de l'emploi féminin, qui soit à la fois massif et qualitativement satisfaisant. L'adoption d'un ensemble plus large d'objectifs peut être souhaité, nécessitant dans ce cas une coopération plus étroite des pays membres de l'Union.
      The development of female employment is a major concern of European Union countries and is one specific target of the European Employment Strategy: 60% of the female working age population should be employed in 2010. However, the capacity to meet this objective differs across countries, especially because their Welfare State heritage differs widely (conservative, liberal or social democratic regimes illustrate these differences). Furthermore, the EES remain silent on several issues related to the development of female employment: the quality of jobs and childcare services created, the organization of the workplace to ensure both flexibility and security, the way to both support families and guarantee payment from work. In all these areas, different options can be chosen, with different quantitative and qualitative social outcomes. In such context, the objectives agreed by European Union members should be extended.
    • Contre l'individualisation des droits sociaux - Henri Sterdyniak p. 419 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le projet de l'individualisation des droits sociaux est porté par deux courants. Pour les féministes, l'objectif est de détruire les vestiges du modèle patriarcal et de garantir l'indépendance économique des femmes. Pour les libéraux, le bas niveau du taux d'emploi en France s'explique par la faiblesse des gains du travail pour les femmes mariées. Ils se rejoignent pour réclamer que le système soit réformé pour inciter les femmes à travailler en pénalisant celles qui restent au foyer. L'individualisation des droits ne nous semble pas une bonne piste de réforme. Le système fiscalo-social doit respecter la volonté des familles de mettre en commun leurs ressources. La familialisation permet de verser des transferts sociaux équitables et correctement ciblés et de prélever des impôts qui tiennent compte des capacités contributives. L'individualisation se traduirait par une réduction du niveau de vie des familles les plus pauvres et une dégradation de la redistributivité du système. Nous avons à faire un choix politique entre le modèle où la société ne reconnaît que des individus et celui où elle reconnaît les familles et les solidarités librement décidées entre adultes égaux en droits et en devoir, assumant la charge de l'éducation de leurs enfants. La première partie de l'article discute des principes généraux de l'individualisation et de la familialisation. La deuxième présente les propositions d'individualisation. Sous ce terme, se cachent deux projets différents ; soit les droits sociaux sont offerts à tous (universalisation) ; soit ils sont réservés à ceux qui ont cotisé (individualisation contributive). La troisième présente les éléments de familialisation du système français. En ce qui concerne la maladie, l'universalisation rend périmé le débat sur l'individualisation ; il faut cependant veiller à ce que les assurances privées n'individualisent pas les droits. L'assurance chômage et les prestations de retraites sont individualisées, à l'exception des pensions de réversion, dont le principe devrait être repensé et les modalités unifiées. Les prestations de solidarité et l'impôt sur le revenu doivent rester familialisés. Les personnes vivant seules devraient bénéficier de 1,33 part fiscale. Le poids de l'IR devrait être accru pour augmenter la progressivité et la familialisation. Les effets désincitatifs au travail jouent surtout pour les personnes seules ou les couples bi-inactifs ; ils seraient atténués si la tendance des entreprises à proposer des emplois non-qualifiés à mi-temps et celle de l'assurance chômage à limiter le nombre de chômeurs indemnisés étaient enrayées.
      Both neo-classic economists and feminists defend social and fiscal rights individualisation as a way to incite married women to work by penalising inactive ones. According to us, this is not a good reform direction. Individualisation would reduce both the income of the poorest families and the redistributive capabilities of the system. Only a family-based system can allow the distribution of adequate social allowances, especially to family with children, and tax according to the "contributive capacity" principle. In the French system, health insurance is universal, while unemployment and retirement allocations are individual. Social allowances and taxation are and must stay family-based. France has preserved both a satisfactory birth rate and a high and growing level of female activity. Work disincentives weight on unskilled people living alone or in a bi-inactive couple, but not especially on married women: they must be corrected by labour-market reforms.
    • Acquisition de droits sociaux et égalité entre les femmes et les hommes - Marie-Thérèse Lanquetin, Marie-Thérèse Letablier et Hélène Périvier p. 461 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En France, les droits sociaux s'acquièrent de deux manières : soit par le statut d'ayant droit obtenu à titre principal via le mariage, soit par son propre travail. Concernant le premier, l'augmentation du nombre de divorces a fragilisé la situation de certains ayants droit et soulève la question de la pertinence de ce statut. Concernant le second, les femmes étant moins insérées sur le marché du travail que les hommes, elles ont de facto des droits propres moindres. Les retraites constituent le point d'orgue de ces inégalités. La récente réforme des retraites a permis de montrer que les pensions perçues par les femmes étaient bien inférieures à celles perçues par les hommes. Cette situation s'explique en partie par les tâches domestiques et parentales qui pèsent sur elles et rendent leurs parcours professionnels plus chaotiques que ceux des hommes. Les compensations qui ont été introduites pour atténuer l'effet des charges familiales sur l'acquisition des droits sociaux font l'objet de discussions. La difficulté consiste à compenser les charges familiales, sans pour autant enfermer les femmes dans le rôle qui leur est traditionnellement attribué. Le droit international des droits de l'Homme insiste sur « l'indivisibilité » des droits civils, politiques et des droits économiques et sociaux. Mais repenser les droits sociaux dans cette perspective comporte des difficultés que la France n'a pas encore totalement levées, faute d'avoir intégré pleinement le principe d'égalité entre femmes et hommes. En revanche, des mesures visant à garantir une répartition plus équitable du travail domestique et marchand entre les femmes et les hommes peuvent et doivent être mises en place dès maintenant.
      In France, social rights can be either derived rights, obtained through the marriage, or direct rights given by employment. According to the growth of divorces, the first one should be revised. Concerning the second one, as women are less integrated on the labour market than men, they gain less social rights. For example, the pensions received by women are inferior to the men's one. Women are still in charge of the domestic tasks so that they interrupt their careers, or reduce their working time. It is difficult to compensate the family burden without confine them within their traditional role. A lot of actions can be implemented in order to encourage a fairer share of domestic work between women and men.