Contenu du sommaire : Environnement : face à la longue urgence

Revue Responsabilité et environnement Mir@bel
Numéro no 107, juillet 2022
Titre du numéro Environnement : face à la longue urgence
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Introduction

  • La bataille des confrontations à la longue urgence

    • Se confronter aux limites : les batailles de la longue urgence - Alice Canabate p. 7-10 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'écologisation de la société est aujourd'hui manifeste, tout comme semble l'être la nécessité d'agir sans attendre face à une aggravation permanente de la situation de notre planète. Pourtant, nul consensus ne se dégage sur les chemins à emprunter pour parvenir à infléchir la trajectoire sur laquelle nous sommes. Entre les récits continuistes, qui proposent des solutions technologiques, et les récits qui suggèrent la nécessité d'une rupture et dont l'ambition est de promouvoir la sobriété, les écarts en matière de transformations socio-culturelles sont élevés. Face à cette confrontation aux limites, c'est le projet de la modernité qui est, in fine, interrogé. Derrière ces récits sourdent ainsi surtout des batailles d'orientations politiques et des visions du futur divergentes. Nous nous emploierons ici à en esquisser la ligne de fracture au travers de l'exemple de la décroissance, qui loin de contourner les limites, les accepte et se réorganise en conséquence, et celui de la géo-ingénierie, qui incarne, à l'inverse, un techno-enthousiasme réformateur et conçu comme fonction du niveau de progrès attendu par une croissance verte aux ambitions ordonnatrices.
      The greening of society is nowadays obvious, as is the apparent need to act without delay in the face of a permanent worsening of our planet's situation. However, there is no consensus on the paths to take to change the trajectory we are on. Between the continuist narratives, which propose technological solutions, and the narratives, which suggest the need for a break and whose ambition is to promote sobriety, the gaps in socio-cultural transformations are high. Faced with this confrontation with limits, it is the project of modernity that is ultimately questioned. Behind these narratives, battles over political orientations and divergent visions of the future are above all apparent. We shall endeavour here to sketch out the fracture line through the example of degrowth, which far from circumventing the limits, accepts them and reorganizes itself accordingly, and that of geo-engineering, which embodies, on the contrary, a reforming techno-enthusiasm conceived as a function of the level of progress expected by a green growth with ordering ambitions.
    • Forêt mixte ou forêt accélérée, deux visions de la gestion forestière face au dérèglement climatique… - Pascal Yvon, Franck Jacobée p. 11-15 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'évolution des pratiques de gestion sylvicole a toujours été dictée par les besoins de l'homme en matière de construction, de chauffage et de développement des industries.La période actuelle voit apparaître de nouveaux enjeux avec l'importance croissante des questions environnementales, l'évolution de la demande sociétale, les changements climatiques et leurs conséquences sanitaires.Le bois devenant un matériau de plus en plus recherché, la gestion des ressources correspondantes dans un souci de développement durable place la filière forêt-bois au centre du débat.La foresterie doit faire évoluer ses modèles de gestion et le monitoring associé vers des systèmes plus souples, bien adaptés à une intégration de la diversité et plus réactifs face à une évolution rapide des contraintes et des aléas à la fois économiques et climatiques.Nous voulons croire que l'économie forestière et l'écologie continuent d'apprendre à travailler ensemble, pour le meilleur de nos écosystèmes.
      The evolution of forestry management practices has always been dictated by man's needs in terms of construction, heating and industrial development.The current period sees the appearance of new stakes with the increasing importance of environmental questions, the evolution of the societal demand, the climatic changes and their sanitary consequences.Wood becoming a more and more sought-after material, the management of the corresponding resources in a concern of sustainable development places the forestry-wood sector in the center of the debate.Forestry must change its management models and the associated monitoring towards more flexible systems, well adapted to an integration of diversity and more reactive in the face of rapidly changing constraints and hazards both economic and climatic.We want to believe that forestry and ecology continue to learn to work together for the improvement of our ecosystems.
    • Les limites d'une approche technique de la confrontation : analyse de la géo-ingénierie - Ilarion Pavel p. 16-18 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les conséquences d'un dérèglement climatique suscitent des propositions de lutte qui impliquent des techniques de plus en plus globales et sophistiquées, notamment la géo-ingénierie. Il s'agit d'un ensemble de technologies qui visent à contrôler le climat terrestre ; elles se déclinent en deux grandes familles : la gestion du rayonnement solaire et l'extraction du CO2 atmosphérique. Ces diverses technologies et l'analyse de leurs limites ont été décrites dans un numéro antérieur de cette revue1. Nous rappelons ici quelques limites et risques de ces technologies et nous présentons quelques réflexions sur les acteurs qui portent ces techniques et sur les exigences de leur gouvernance.
      The consequences of climate disruption are giving rise to proposals to combat them that involve increasingly global and sophisticated techniques, notably geoengineering. Geoengineering is a set of technologies that aim to control the Earth's climate; they fall into two main families: solar radiation management and extraction of atmospheric CO2. These various technologies and the analysis of their limits were described in a previous issue of this journal. We recall here some of the limits and risks of these technologies and we present some reflections on the actors who carry these techniques and on the requirements of their governance.
    • Les imaginaires des Français par rapport aux différentes visions de la longue urgence - Philippe Moati p. 19-22 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Peut-on imaginer un modèle de société idéal qui soit en mesure de constituer un horizon désirable pour une large fraction de la population française ? Un tel modèle serait-il compatible avec l'urgence écologique ? L'Observatoire des perspectives utopiques a soumis à l'évaluation d'un échantillon représentatif de Français trois modèles de société, trois « systèmes utopiques » : une société techno-libérale, une société écologique et une société identitaire-sécuritaire. La société écologique rassemble une majorité de Français. Les modes de vie et de consommation qui lui sont associés rencontrent l'adhésion d'une large fraction de la population. Pour autant, celle-ci se montre également sensible aux dimensions sécuritaires et souverainistes de la société identitaire-sécuritaire.
      Is it possible to imagine an ideal model of society that could constitute a desirable horizon for a large fraction of the French population? Would such a model be compatible with the ecological emergency? The Observatory of Utopian Perspectives submitted three models of society, three ‟utopian systems”, to a representative sample of French people for evaluation: a techno-liberal society, an ecological society and a society based on identity and security. The ecological society brings together a majority of French people. The lifestyles and consumption patterns associated with it are supported by a large proportion of the population. However, they are also sensitive to the security and sovereignty dimensions of the identity-security society.
    • La résilience : une technologie du consentement ? - Thierry Ribault p. 23-28 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dès les années 1940, la notion de résilience est sortie de son champ d'application originel ‒ la physique des matériaux ‒ pour devenir le couteau suisse thérapeutique de la société industrielle. Il n'existe désormais plus aucune catastrophe, personnelle ou collective, dont certains promoteurs de la résilience ne se saisissent en exhortant chacun à faire de sa destruction une source de reconstruction, et de son malheur une source de bonheur. Selon les partisans de l'accommodation, être résilient signifie non seulement être capable de vivre malgré l'adversité et la souffrance, mais surtout être capable de vivre grâce à elles, de grandir et de s'adapter par la perturbation et la rupture, et de faire acte de foi envers elles. En réalité, cette idée est inapplicable dans beaucoup de situations d'exposition toxique, pathogène ou radioactive. L'analyse critique de ces politiques de résilience appliquées à ce type de désastres – de Fukushima à la constitution d'une mission parlementaire sur la résilience nationale, en passant par l'opération militaire « Résilience » pour mener « la guerre contre l'épidémie de Covid-19 » et la loi « Climat et résilience » –, montre comment elles construisent autour de cette notion1 une sorte de nouvelle « religion d'État ». Elle peut néanmoins être aussi utilisée pour détourner l'attention des causes des désastres vers leurs effets ; pour se défocaliser de l'objectivité de la catastrophe et se concentrer sur la subjectivisation de sa gestion et de sa narration ; pour mettre sous le boisseau des affects supposés négatifs, notamment la peur et la colère, au profit d'une survalorisation de ceux supposés positifs, comme la solidarité et la responsabilité. La résilience n'est donc pas une notion détournée, mais un instrument de détournement : elle devient une technologie du consentement.
      Since the 1940s, the notion of resilience has left its original field of application ‒ the physics of materials ‒ to become the therapeutic Swiss Army knife of industrial society. There is no longer any catastrophe, personal or collective, that some promoters of resilience do not seize upon, urging everyone to turn their destruction into a source of reconstruction, and their misfortune into a source of happiness. According to the proponents of accommodation, being resilient means not only being able to live through adversity and suffering, but above all being able to live through them, to grow and adapt through disruption and disruption, and to take a leap of faith towards them. In reality, this idea is inapplicable in many situations of toxic, pathogenic or radioactive exposure. A critical analysis of these resilience policies applied to such disasters – from Fukushima to the constitution of a parliamentary mission on national resilience, to the military operation ‟Resilience” to wage ‟the war against the Covid-19 epidemic” and the ‟Climate and Resilience” law ‒ shows how they build around this notion a kind of new ‟state religion”. However, it can also be used to divert attention from the causes of disasters to their effects; to defocus on the objectivity of the disaster and to focus on the subjectivization of its management and narration; to put supposedly negative affects, such as fear and anger, under the bushel in favor of an overvaluation of supposedly positive ones, such as solidarity and responsibility. Resilience is therefore not a hijacked notion, but an instrument of detour: it becomes a technology of consent.
  • Métaphysiques et imaginaires de la longue urgence comme aides à penser le présent et le futur

    • Les discours de fin du monde dans l'histoire - Pierre Couveinhes p. 29-34 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Indépendamment des justifications scientifiques qui la fondent, la « longue urgence » s'inscrit dans l'interminable liste des discours de fin du monde élaborés par l'humanité tout au long de son histoire. Qu'ils soient d'origine religieuse, philosophique ou scientifique, ou figurent dans des œuvres de la littérature ou du cinéma, ces discours présentent souvent des traits communs et peuvent être analysés suivant quelques catégories. Certains thèmes, essentiels à certaines époques, semblent disparaître pendant plusieurs siècles, avant de réapparaître sous une forme analogue.L'objet de cet article est de comparer quelques-uns de ces discours en tentant de répondre à ces trois questions :Qu'entend-on exactement par « fin du monde » ?Cette fin du monde est-elle définitive ?Quelles en sont les causes et les modalités ?
      Regardless of the scientific justifications on which it is based, the ‟long emergency” is part of the endless list of end-of-the-world discourses developed by humanity throughout its history. Whether they are of religious, philosophical, scientific origin or appear in works of literature or cinema, these discourses often have common features and can be analysed according to a few categories. Certain topics, essential at certain times, seem to disappear for several centuries, before reappearing in a similar form.The purpose of this article is to compare some of these discourses by trying to answer these three questions:What exactly do we mean by ‟end of the world”?Is this end of the world final?What are the causes and modalities?
    • Les visions religieuses de l'écologie - François Euvé p. 35-38 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Écologie et spiritualité, voire religion, vont souvent de pair, paraissant inverser l'idée d'une inéluctable sécularisation de nos sociétés. Dans cette nouvelle topographie, ce n'est pas le christianisme que l'on met en avant, mais plutôt les traditions orientales comme le bouddhisme. Toutefois, si l'écologie est la science des relations, ce sont effectivement ces liens relationnels que l'on voit se tisser entre les divers courants spirituels. Allant à l'encontre des clôtures dogmatiques, la sensibilité écologique montante incite les religions à retrouver le chemin du dialogue.
      Ecology and spirituality, or even religion, often go hand in hand, seeming to reverse the idea of an inevitable secularization of our societies. In this new topography, it is not Christianity that is put forward, but rather Eastern traditions such as Buddhism. However, if ecology is the science of relationships, it is indeed these relational links that we see being woven between the various spiritual currents. Going against the dogmatic fences, the rising ecological sensitivity incites religions to find the path of dialogue.
    • « Ce ne sera pas un bang, mais un long gémissement ». Brèves réflexions sur une catastrophe au ralenti - Jean-Pierre Dupuy p. 39-43 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Ce que nous devons peut-être craindre le plus, ce n'est pas une grande catastrophe qui mettrait par là même fin aux maux de notre époque par notre disparition, c'est, au contraire, une longue prolongation et une accentuation de ceux-ci selon une spirale descendante. L'adaptation au changement climatique reposera sur l'incroyable capacité des êtres humains à s'ajuster aux pires conditions de misère et d'oppression. Est-ce ce que nous voulons ? Ce type de « catastrophe au ralenti » peut très bien se terminer par un effondrement brusque. On étudie ici le cas où plus l'on se rapproche de ce moment, plus on a des raisons objectives de croire que l'on en est éloigné. On en déduit que les optimistes se doivent d'être catastrophistes, précisément parce qu'ils sont optimistes. Inversement, on a des raisons de penser que l'optimisme « exubérant » manifesté de façon récurrente par les agents de la crise, gouvernants compris, se nourrit d'un catastrophisme qui ne dit pas son nom.
      What we must fear most is not necessarily a huge disaster that will put an end to the evils of our time by discarding our species. It is rather that these evils will go on for long periods of time while their effects will be more and more dreadful as they follow a downward spiral. Adaptation to climate change will rest on the incredible capacity that human beings have to adjust to the worst conditions of hardship and oppression. Is it how we want to live? This kind of ‟slow motion disaster” can very well end in a sudden collapse. This paper examines the case in which the closer we get to this moment, the more we have objective reasons to believe that it is farther away from us. We infer from this case that optimists should be alarmists precisely because they are optimistic. Conversely, there are good reasons to believe that the kind of irrational exuberance displayed by the agents of the crisis, governments included, feeds on a diffuse apocalypticism.
    • Hollywood et la crise bioclimatique : de Soleil vert à Dune - Jean-Michel Valantin p. 44-47 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      C'est après la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide que le cinéma américain s'approprie les enjeux liés à la sécurité nationale. Depuis les années 1950, ce processus prend également en compte les risques associés aux changements environnementaux.Mais, depuis le début des années 2000, à mesure que les risques socio-environnementaux montent en puissance et sont pris en compte dans le cadre de la sécurité nationale, ces thèmes commencent à dominer le cinéma, qui les popularise.Par ailleurs, les enjeux liés à la « longue urgence » deviennent centraux dans l'univers des séries télévisuelles. Il en résulte une montée en puissance de l'association des enjeux sécuritaires avec ceux bioclimatiques à Hollywood.
      It was after the Second World War and the Cold War that American cinema began to appropriate national security issues. Since the 1950s, this process has also taken into account the risks associated with environmental change.But since the early 2000s, as socio-environmental risks rise to prominence and are considered in the context of national security, these themes have begun to dominate the cinema, which popularizes them.In addition, issues related to the ‟long emergency” are becoming central to the world of television series. As a result, the association of security issues with bioclimatic issues in Hollywood is increasing.
  • Les modèles de société dans les visions de la longue urgence

    • La biorégion en Île-de-France : une société écologique post-rupture - Loïs Mallet, Benoît Thévard p. 48-52 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Imaginer une société écologique à partir d'un territoire emblématique de la société thermo-industrielle, c'est l'ambition du scénario Biorégion Île-de-France 2050. Développé à l'Institut Momentum, le laboratoire d'idées sur les issues de l'Anthropocène, ce scénario permet d'aider à se figurer le gouffre existant entre un présent en train de mourir et un avenir encore en germe. Dans cet article, nous revenons tout d'abord sur le contexte propice à l'élaboration du scénario considéré et sur la démarche prospective de rupture qu'il véhicule en territoire d'incertitude systémique. Puis nous présentons ce scénario en insistant sur la gouvernementalité biorégionale et le mode de vie écologiste. Enfin, nous discutons du rôle actuel du politique face aux incertitudes et aux risques systémiques en vue de favoriser l'émergence des sociétés biorégionales. Plutôt que de succomber aux autoritarismes, il nous semble primordial d'adopter dès à présent des politiques prévoyantes, propres au catastrophisme et favorisant la vie humaine autonome et joyeuse malgré les catastrophes attendues dans les prochaines décennies que nous qualifions de Trente obscures.
      Imagining an ecological society based on a territory that is emblematic of the thermo-industrial society is the ambition of the Île-de-France 2050 Bioregion scenario. Produced by the Momentum Institute, the think tank on the issues of the Anthropocene, it helps us to imagine the gulf between a present that is dying and a future that is still in the making. This article begins by reviewing the context in which the scenario was developed and its prospective approach of rupture in a territory of systemic uncertainty. The scenario is then presented with an emphasis on bioregional governmentality and the ecological way of life. Finally, we discuss the current role of politics in the face of systemic uncertainty and risk in order to foster the emergence of bioregional societies. Rather than succumbing to authoritarianism, we argue that it is essential to adopt foresighted policies now that are appropriate to catastrophism and that promote autonomous and joyful human life despite the catastrophes expected in the coming decades, which we describe as the Dark Thirty.
    • Washington, le Pentagone et le changement climatique : culture politique et militaire et pratiques stratégiques - Jean-Michel Valantin p. 53-56 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis un quart de siècle, l'armée américaine et les nombreuses agences liées à la sécurité nationale des États-Unis développent une culture des risques et des enjeux géopolitiques, stratégiques, opérationnels et tactiques liés au changement climatique.Cette culture est composée de travaux de prospective, de retours d'expérience suite au nombre croissant de chocs climatiques qui impliquent l'intervention de l'armée américaine tant sur le territoire américain qu'en Irak, en Asie-Pacifique ou en Arctique.Cette culture et cette expérience sont partagées de façon constante avec les institutions politiques, en particulier avec le Sénat et la Chambre des représentants, et font émerger une conscience collective et un corpus de connaissances commun à la Défense et à la sécurité nationale et au monde politique américain.
      For a quarter of a century, the US military and the many agencies linked to US national security have been developing a culture of geopolitical, strategic, operational and tactical risks and issues related to climate change.This culture is composed of foresight work, feedback from the increasing number of climate shocks that involve U.S. military intervention both on U.S. soil and in Iraq, the Asia-Pacific and the Arctic.This culture and experience is shared on an ongoing basis with political institutions, particularly the Senate and the House of Representatives, and creates a collective awareness and body of knowledge common to the Defense and National Security and the American political world.
    • Récits et responsabilités : délibérer des preuves de futurs souhaitables - Bernard Reber p. 57-61 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les récits peuvent motiver, représenter des actions et les responsabilités associées. Dans la prospective, les narrations soutiennent la délibération des choix collectifs faits pour le futur. Elles offrent des « preuves de futurs ». Elles ne prédisent pas, mais informent des modèles d'aide à la décision. Ces narrations soutiennent des scénarios pessimistes (apocalyptiques) ou optimistes (eschatologiques), qui sont plus anciens que la collapsologie contemporaine. Elles représentent une polyphonie de responsabilités, que les uns et les autres doivent endosser pour une aventure comme celle d'une transition écologique juste. L'expérience de la Convention citoyenne pour le climat est abordée ici à partir de ces questionnements. Elle n'a pas laissé une grande place aux récits, aux incertitudes, aux querelles sur le futur et à leur évaluation à l'aune de la justice sociale, avec les conflits d'interprétation qu'elle comporte. De plus, d'autres capacités communicationnelles et rhétoriques n'ont pas été mis en œuvre, alors qu'elles permettent la confrontation critique, la conversation politique et la délibération, et d'arriver à des jugements « tout bien considéré ».
      Narratives can motivate, represent actions and associated responsibilities. In foresight, narratives support the deliberation of collective choices for the future. They offer ‟evidence of futures”. They do not predict but inform decision support models. These narratives support pessimistic (apocalyptic) or optimistic (eschatological) scenarios, older than contemporary collapsology. They represent a polyphony of responsibilities, which everyone must assume for an adventure like that of a just ecological transition. The experience of the Citizens' Climate Convention is discussed here in the light of these questions. It did not leave much room for narratives, uncertainties, quarrels about the future and their evaluation in terms of social justice with the conflicts of interpretation that it entails. Moreover, other communicative and rhetorical capacities have not been put to use, even though they allow for critical confrontation, political conversation, deliberation and for arriving at ‟all things considered” judgements.
    • Jugements et institutions en France et aux États-Unis : y aura-t-il demain un droit de la longue urgence ? - Corinne Lepage p. 62-67 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les défis écologiques et, en particulier, le dérèglement climatique, sont des sujets de plus en plus saisis par le droit. La longue urgence, c'est-à-dire l'effet à très long terme mais irréversible, impose un traitement urgent.Le droit s'accommode mal non seulement de l'incertitude sur le long terme qui rend difficile l'établissement du lien de causalité, mais aussi de l'irréversibilité, surtout si celle-ci dépasse la durée de vie humaine.Ce constat explique l'apparition de concepts nouveaux, comme le principe de précaution, et la montée en puissance de la probabilité en lieu et place de la certitude. Ces difficultés transparaissent dans la jurisprudence française récente, comme les affaires de la Faute-sur-Mer, de l'immeuble dit « Le Signal » ou encore l'incinérateur de Maincy. Trois affaires qui ont conduit à des évolutions notables de la jurisprudence.Le droit n'est pas le seul à être interpellé par ce sujet de la longue urgence, puisque les institutions politiques s'interrogent également sur le point de savoir si les démocraties ont la capacité de répondre à cet enjeu vital. Si une réponse positive est envisageable, elle ne le sera que si la recherche de justice dans la répartition de l'effort, une démocratie plus implicative, plus participative à tous les niveaux et, enfin, un nouvel imaginaire deviennent les nouveaux fondements d'une vie démocratique renouvelée.De profondes transformations sont déjà en cours avec l'apparition de déclarations de droit souple, comme la Déclaration universelle des droits de l'humanité, et le développement d'une justice climatique qui va jusqu'à reconnaître le droit des générations futures.
      Environmental challenges, and in particular climate change, are increasingly being addressed by the law. The long urgency, i.e. the very long-term but irreversible effect, requires urgent treatment.The law does not take kindly to long-term uncertainty which makes it difficult to establish a causal link. It does not take kindly to irreversibility, especially if it exceeds the human lifespan.This explains the appearance of new concepts such as the precautionary principle and the rise of probability in place of certainty. These difficulties are reflected in recent French case law, such as the cases of La Faute-sur-Mer, the Signal, and the Maincy incinerator, three cases that have led to significant changes in case law.It is not only the law that is challenged by this subject of the long emergency, since political institutions are also questioning whether democracies have the capacity to respond to this vital challenge. If a positive response is possible, it is only insofar as justice in the distribution of effort, a more implicative democracy and finally a new imaginary become the new foundations of this renewed democracy.And, profound transformations are already underway with the emergence of soft law declarations such as the Universal Declaration of Human Rights and the development of climate justice that goes so far as to recognise the rights of future generations.
  • La longue urgence sur les territoires aujourd'hui

    • L'assurance au défi de la « longue urgence » - Jean-Louis Bancel, Roland Nussbaum p. 68-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les besoins sociétaux au regard des services d'assurance vont croissant et exigent l'engagement collaboratif des acteurs dans un système intégré de gestion des risques. Ainsi, l'affirmation croissante d'une longue urgence du point de vue de l'assurance vient en réponse aux enjeux de société relatifs au climat et à l'environnement. Ils s'accompagnent de dispositifs de gestion des risques associant différents acteurs, publics et privés, au bénéfice d'une meilleure assurabilité.Pour accroître cette dernière, le secteur de l'assurance expérimente des adaptations et envisage des modifications de ses bases techniques. Cela amène à envisager pourquoi et comment l'assurance est impactée. Cela va-t-il conduire à la résorption progressive de la capacité d'intervention de l'assurance, ou à l'émergence de nouveaux paradigmes en matière assurantielle ?
      Societal needs towards insurance services are increasing and require collaborative engagement of stakeholders, in an integrated risk management system. Therefore, the increasing call at a long urgency from the perspective of insurance comes in answer society assets in relation to climate and environment. They come along risk management devices together with different public and private actors for the sake of better insurability.In order to increase insurability, the insurance sector experiments adaptations and foresees modifications of its technical bases. This brings to consider why and how insurance can be impacted? Does this lead to a progressive resorption of the inventive capacity of Insurance? Or to emerging new paradigms for Insurance.
    • La Red Team Défense : quand la science-fiction permet aux armées françaises d'explorer le futur - Marie Roussié, Cédric Denis-Rémis, Jean-Baptiste Colas p. 75-78 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Agir demain s'écrit au présent pour de nombreuses organisations. Une temporalité anticipée particulièrement vive au niveau du ministère des Armées qui doit répondre à l'impératif de défense de la Nation, tout en respectant un cycle long d'ingénierie et la contrainte de la planification militaire. Mais regarder vers le futur est un exercice délicat et les erreurs de projection sont légion. Conscient de ces difficultés, le ministère des Armées s'est doté depuis 2020 d'un programme de recherche original : la Red Team Défense. Au cœur de ce projet se trouve un commando d'un nouveau genre composé exclusivement d'auteurs, de scénaristes et d'illustrateurs de science-fiction. Ces différents intervenants ont la mission sérieuse d'imaginer des scénarios d'adversité pour la France et de menace pour ses intérêts à horizon 2030-2060. L'objectif est de bousculer les armées pour conduire aujourd'hui les discussions nécessaires à la gestion des urgences de demain.
      Acting tomorrow is written in the present for many organizations. This anticipated temporality is particularly acute in the Ministry of the Armed Forces, which must respond to the Nation's defense imperative, while respecting a long engineering cycle and the constraints of military planning. But looking into the future is a delicate exercise and projection errors are legion. Aware of these difficulties, the Ministry of the Armed Forces has had an original research program since 2020: the Red Team Defense. At the heart of this project is a new kind of commando composed exclusively of authors, scriptwriters and illustrators of science fiction. These different actors have the serious mission of imagining scenarios of adversity for France and threats to its interests in 2030-2060. The objective is to shake up the armies in order to conduct today the discussions necessary to manage tomorrow's emergencies.
    • Feux de forêt et réchauffement climatique : la Sécurité civile face aux « méga-feux » - Luc Mahler p. 79-84 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les feux de forêt et d'espaces naturels surviennent depuis quelques années sur tout le territoire. Les flammes ravagent des surfaces de plus en plus étendues, attisées par la chaleur, la sécheresse ou une tempête. On constate notamment une augmentation des incendies de végétation en période hivernale.Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) sont fortement concernés par le réchauffement climatique et, d'après une étude de l'Agence européenne pour l'environnement, les feux d'espaces naturels, et donc la sollicitation des « soldats du climat », vont devenir encore plus importants. Ce phénomène inéluctable exige l'adaptation de la réponse capacitaire des SDIS, dans une collaboration étroite entre l'État et les élus locaux, ainsi que la formation et la mobilisation de tous les acteurs de la Sécurité civile, en y incluant les citoyens au travers d'actions de sensibilisation. Face à la multiplication de ces crises naturelles, et dans un but d'entraide avec les autres pays du Bassin méditerranéen également touchés par ce phénomène, la France demeure un acteur majeur de la coopération européenne en la matière.
      Forest and natural area fires have been occurring for several years throughout the country. The flames are ravaging increasingly large areas, fanned by heat, drought or storms. In particular, there is an increase in vegetation fires during the winter period.The departmental fire and rescue services (SDIS) are strongly affected by global warming and, according to a study by the European Environment Agency, fires in natural areas, and therefore the demand for ‟climate soldiers”, will become even more important. This unavoidable phenomenon requires the adaptation of the SDIS response capacity, in close collaboration between the State and local elected officials, as well as the training and mobilization of all Civil Security actors, including citizens through awareness-raising actions. Faced with the increasing number of these natural crises, and with the aim of helping other Mediterranean countries also affected by this phenomenon, France remains a major player in European cooperation in this area.
    • Les Pays-Bas face à la montée des eaux : quelle stratégie pour le long terme et comment répondre aux différents enjeux ? - Robert Slomp, Yann Friocourt p. 85-89 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Malgré leur longue histoire en matière de protection contre les inondations, les Pays-Bas se retrouvent, comme d'autres pays, confrontés aux défis du changement climatique et de l'accélération de la montée des eaux. À quoi faut-il se préparer ? Comment ? Jusqu'à quand pourra-t-on retarder les décisions et à partir de quand deviendront-elles inéluctables ? Comment faire pour que les solutions prises aujourd'hui ne deviennent pas la cause des problèmes d'après-demain ? La stratégie néerlandaise actuelle est basée sur la prévention des inondations grâce aux digues, aux dunes et à divers ouvrages d'art. Mais les premiers éléments de l'accélération de la fonte des glaciers en Antarctique posent la question de la pérennité de cette stratégie. C'est donc dès maintenant que la société néerlandaise doit prendre des décisions difficiles qui vont l'engager pour les cent prochaines années. Comment gérer ces enjeux sur le long terme quand l'économie et le développement urbain exigent des résultats à court terme ?
      In spite of their long experience with flood protection, the Netherlands face just as many challenges as any other country with respect to climate change and sea level rise. What to expect? How to prepare? When? How long can decisions be postponed and when is it too late? What decisions are right and will not cause their own future problems? Flood protection in the Netherlands relies on prevention through levees, dunes, dams, and beach nourishments. However, indications of an acceleration of ice melt in Antarctica raise the question of how long this strategy can last. The Dutch society can no longer postpone re-evaluating its flood protection strategy and taking difficult decisions whose consequences will be felt for the coming century. How can long-term stakes be dealt with as well as possible when economy and urban development request short-term profits?
    • Le(s) temps des catastrophes nucléaires - Franck Guarnieri, Aurélien Portelli p. 90-93 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima ont donné lieu à des interprétations que nous proposons de décrypter au prisme des conceptions du temps. Selon l'hypothèse soutenue, la question du rapport au temps se révèle essentielle pour saisir le sens accordé à ces catastrophes. En Occident, Tchernobyl et Fukushima ont suscité des constructions imaginaires qui renvoient à une conception linéaire du temps. Au Japon, l'interprétation de Fukushima s'inscrit en partie dans cette temporalité, sans pour autant épuiser l'imaginaire temporel dans lequel est saisie la catastrophe, qui s'ouvre sur une idée de renaissance, se référant ainsi à une conception cyclique du temps.
      The nuclear accidents of Chernobyl and Fukushima have given rise to interpretations that this article proposes to decipher through the prism of conceptions of time. According to the hypothesis, the question of the relationship to time is essential to understand the meaning of these catastrophes. In the West, Chernobyl and Fukushima have produced imaginary constructions that refer to a linear conception of time. In Japan, the interpretation of Fukushima is partly inscribed in this temporality, without exhausting the temporal imaginary in which the catastrophe is captured, which opens on an idea of rebirth, thus referring to a cyclical conception of time.
  • Hors dossier

    • Adapter les villes : Paris à l'épreuve du dérèglement climatique - Celia Blauel p. 94-98 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En 2015, Paris a été l'une des premières villes au monde à adopter une stratégie d'adaptation. Pour la Capitale, il s'agit de renforcer sa stratégie climatique, de viser tant les objectifs d'atténuation, indispensables pour être à la hauteur de l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050, que ceux d'adaptation aux effets du dérèglement climatique qui sont désormais perceptibles à l'échelle de l'Île-de-France. Sur la base d'une vaste étude relative aux « vulnérabilités et robustesses de Paris face au dérèglement climatique et [à] la raréfaction des ressources naturelles », la Capitale a bâti sa stratégie. Elle est devenue un pilier de la transformation de la Ville lumière. Elle repose sur trois axes : la refonte de la vision urbaine, la sécurisation des circuits d'approvisionnement et le rôle à jouer par les citoyens en la matière.
      In 2015, Paris was one of the first cities in the world to adopt an adaptation strategy. For the Capital City, it is a question of strengthening its climate strategy, addressing mitigation targets, which are essential to meet carbon neutrality by 2050, but also adaptation to the effects of climate change which are now perceptible at the scale of the Ile de France Region. Paris built its strategy on the basis of a vast study relating to the ‟vulnerabilities and robustness of Paris in the face of climate change and the scarcity of natural resources”. It has become a roadmap to transform the City, based on three pillars: the redesign of the urban vision, the securing of supply circuits, the role of citizens.