Contenu du sommaire : Garder le cap de la transition énergie-climat

Revue Futuribles Mir@bel
Numéro no 455, juillet-août 2023
Titre du numéro Garder le cap de la transition énergie-climat
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  • Quelle stratégie postcarbone ? - Hugues de Jouvenel p. 3-4 accès libre
  • Garder le cap de la transition énergie-climat : Prospective dans l'incertitude - Patrick Criqui, Emmanuel Hache p. 5-26 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Pacte vert en 2019, paquet « Fit for 55 » en 2021 (en référence à l'objectif de baisse des émissions carbonées de 55 % d'ici 2030) : au début de cette décennie, l'Union européenne était lancée sur une trajectoire très volontariste en matière de lutte contre le changement climatique. Mais après la crise Covid qui avait laissé penser que des changements de modes de vie orientés vers la sobriété énergétique étaient possibles, le retour à des comportements plus dispendieux et, surtout, le conflit en Ukraine ont considérablement modifié le contexte dans lequel doit s'inscrire la transition énergétique. Comment garder le cap et continuer à se projeter dans l'avenir, et en particulier dans un avenir neutre en carbone, dans une telle situation ? Patrick Criqui et Emmanuel Hache se posent ici la question, et examinent les nouveaux contours de ce contexte devenu très instable pour la transition énergie-climat. Ils font ainsi le point sur les incertitudes de nature géopolitique (négociations climatiques internationales, guerre en Ukraine et tensions entre États, crise énergétique), technologique (progrès technique endogène, ruptures et destruction créatrice, technologies énergétiques et décarbonées, transitions sociotechniques…) et sociétale (leviers de changements collectifs et individuels pour encourager la sobriété). Ils esquissent enfin quatre scénarios distincts en matière de prospective climatique à l'horizon 2050, croisant la dimension plus ou moins coopérative des relations internationales avec la dynamique et le rythme de la décarbonation : une base solide permettant aux planificateurs écologiques d'identifier le(s) futur(s) le(s) plus désirable(s) et de tracer la meilleure trajectoire pour qu'il(s) advienne(nt). S.D.
    With its Green Deal in 2019 and its ‘Fit for 55' package in 2021 (referring to the aim of a 55% reduction in carbon emissions by 2030), the European Union was set, at the beginning of this decade, on a highly proactive trajectory in its fight against climate change. But, after the Covid crisis, which had shown that lifestyle changes in the direction of energy restraint were possible, the return to more wasteful strategies and, most importantly, the conflict in Ukraine substantially changed the context for energy transition. How, in such a situation, are we to stay on course and advance into the future — and, particularly, into a carbon-neutral future? Patrick Criqui and Emmanuel Hache ask themselves that question here and take the measure of this new context, which has become highly unstable for energy/climate transition. They assess the geopolitical uncertainties (international climate negotiations; war in Ukraine and tensions between states; the energy crisis), as well as uncertainties around technology (endogenous technical progress; creative destruction and disruption; energy technologies, including decarbonization; and socio-technical transitions) and those of a societal nature (the levers for individual and collective change to promote energy frugality). Lastly, they sketch out four distinct scenarios when it comes to climate foresight in the years to 2050, combining the more or less cooperative dimension of international relations with the dynamic and pace of decarbonization, all of which provides a solid base enabling ecological planners to identify the most desirable future(s) and work to chart the best course for bringing it(them) about.
  • Captage, stockage et valorisation du CO2 : un nouveau départ - Jean-Pierre Hauet p. 27-31 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans cet article, l'association Équilibre des énergies invite les pouvoirs publics à mettre en place une stratégie de développement à la hauteur des bénéfices que peuvent apporter les technologies de captage, stockage et valorisation du CO2 — CCS / CCU en anglais (Carbon Capture and Storage / and Utilisation) — pour répondre aux enjeux climatiques. En effet, la sidérurgie, la chimie, la production de ciment, de produits pétroliers, de chaleur industrielle ou encore l'agroalimentaire sont autant de filières émettrices de CO2 susceptible d'être capté pour être ensuite transporté, stocké et / ou valorisé, notamment dans des carburants de synthèse bas-carbone à destination des secteurs aérien et maritime. H.J.
    In this article, the ‘Équilibre des énergies' Association calls on the political authorities to implement a development strategy that is commensurate with the potential of Carbon Capture and Storage/Utilization (CCS/CCU) technologies, as a way of meeting the challenges of climate change. Steelmaking, chemicals, cement production, petroleum products, process heating and, indeed, the agrifood business are all industries which emit CO2 that can be captured and subsequently transported, stored and/or utilized, particularly in low-carbon synthetic fuels for air and sea transport.
  • Le défi de l'économie circulaire : Pour une nouvelle approche - François Grosse p. 33-48 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Nos consommations matérielles, dans le monde, ne cessent de croître et entraînent corrélativement une consommation croissante de matières premières. Or, les gisements concentrés de celles-ci risquent d'être rapidement épuisés et le recours inévitable à des gisements à plus faible teneur est lui-même très coûteux, notamment en énergie. Nombreux sont les décideurs et experts qui s'imaginent que le recyclage plus systématique de ces matériaux permettrait de réduire sensiblement nos besoins en matières premières vierges. Mais c'est un leurre, montre ici François Grosse, car nous ne produisons pas assez de déchets ; ceci, d'abord et surtout parce que nos consommations d'hier sont très inférieures à nos consommations d'aujourd'hui ; ensuite parce que nous ne sommes pas dans des sociétés du jetable, mais dans des sociétés d'accumulation… Le recyclage n'est donc pas une solution ; il faut nous orienter vers une économie circulaire dont la mise en œuvre passe par deux conditions : d'abord, celle de réduire le rythme de croissance de nos biens matériels pour réduire nos ponctions sur les matières premières ; ensuite, celle d'imposer que la production de nouveaux produits et équipements comporte au moins 80 % de matières recyclées. La démonstration de François Grosse, amplement illustrée d'exemples, révèle l'ampleur du défi et le changement radical qu'impose un développement qui se voudrait vraiment durable. H.J.
    Our material consumption across the world has been constantly growing and brings with it a correspondingly increased consumption of raw materials. Yet the concentrated deposits of such materials run the risk of being quickly exhausted and the inevitable recourse to less dense reserves is itself very expensive, particularly in energy terms. There are many decision-makers and experts who imagine that the more systematic recycling of these materials would make it possible to appreciably reduce our need for virgin materials. But, as François Grosse shows here, this is an illusion, since we do not produce enough waste. This is the case first and foremost because our levels of consumption in the past were much lower than they are in the present. Second, we live not in throwaway societies, but accumulative ones… So recycling is not a solution. We have instead to move towards a circular economy, for which there are two preconditions: first, reducing the pace of growth of our material goods to reduce the call we make on raw materials; second, insisting that the manufacture of new products and equipment consists of at least 80% recycled material. François Grosse's demonstration, copiously illustrated with examples, reveals the extent of the challenge and the radical change required to achieve genuinely sustainable development.
  • La planification écologique et l'usage des sols en France : Changement de paradigme et onde de choc - Jean Haëntjens p. 49-63 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Ce numéro paraît en tout début d'été, alors même que de nombreuses régions françaises sont soumises à des aléas climatiques depuis déjà plusieurs mois (sécheresses et incendies précoces…), rappelant que le changement climatique est une réalité et qu'il faut poursuivre les actions visant à l'endiguer. L'Union européenne et la France ont engagé une transition écologique ambitieuse, visant la neutralité carbone en 2050, et dans ce cadre, un des objectifs affichés est de réduire l'artificialisation des sols — le « zéro artificialisation nette » ou ZAN. On a bien pris conscience du rôle fondamental que jouent les sols dans la gestion des dérèglements écologiques et climatiques, et c'est essentiel, mais comme le montre ici Jean Haëntjens, les usages des sols couvrent de nombreux secteurs d'activité et de nombreux champs des politiques publiques. La planification écologique relative aux sols constitue donc un véritable changement de paradigme, qui va ouvrir de nouvelles opportunités aux territoires, mais également se heurter à des résistances et des contradictions de la part des usagers (agriculteurs, entreprises du bâtiment, producteurs d'énergie, ménages…). Cet article présente les divers enjeux inhérents à la transition écologique appliquée au foncier et à la gestion des sols, et les perspectives qui en découlent selon différents scénarios de planification écologique (ceux envisagés en France par l'ADEME, l'Agence de la transition écologique). Une équation complexe dont la résolution ne pourra probablement pas satisfaire toutes les parties concernées… S.D.
    This issue is coming out at the very beginning of summer, when many French regions have already been experiencing the vagaries of a changing climate for several months (droughts and early season fires etc.), reminding us that climate change is a reality and that action has to be taken to curb it. The European Union and France have begun an ambitious ecological transition, aiming for carbon neutrality by 2050. Within that framework, one of the declared objectives is to reduce the de-naturing of soils — so-called ‘Net Zero Artificialization' or ZAN. We have acquired an awareness of the fundamental role played by soils in the management of ecological and climate disruption, which is essential, but, as Jean Haëntjens shows here, soil usage covers many sectors of activity and public policy areas. This means that ecological planning on soil matters represents a real paradigm shift that will open up new opportunities for regional and local authorities, but will also meet resistance and opposition from users (farmers, building firms, energy producers, households etc.). This article lays out the various issues inherent in the ecological transition as it is applied to land and to soil management, and the perspectives that ensue in the different ecological planning scenarios (those envisaged in France by ADEME, the ecological transition agency). This is a complex equation and its resolution will probably not be able to satisfy all parties concerned…
  • Vers la ville stationnaire ? : Réflexions autour du livre de Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva - Julien Damon p. 65-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    S'inscrivant dans le prolongement de l'article de Jean Haëntjens sur les usages des sols à l'heure de la transition écologique, Julien Damon jette ici un coup de projecteur bienvenu sur un ouvrage qui, prônant « la ville stationnaire », va à contre-courant des analyses dominantes en matière d'urbanisme. Ses auteurs — Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva — estiment en effet que dans le contexte écologique actuel, l'ère de la « mégapolisation » a vécu et qu'il faut désormais repenser le modèle urbain dans une optique de maintenance plutôt que de construction : réhabiliter, faire du neuf dans l'ancien, mieux répartir, encourager la « démobilité » pour limiter les déplacements inutiles ; bref, optimiser les évolutions amorcées suite aux crises Covid et énergétique pour envisager, sinon une décroissance, au moins une stabilisation du développement urbain. Julien Damon présente les arguments de cet ouvrage, sérieux et très documenté, militant en faveur de la ville stationnaire. S.D.
    Following in the wake of Jean Haëntjens' article on land use in a time of ecological transition, Julien Damon throws a welcome spotlight on a work which, by advocating a “stationary city”, runs counter to the dominant analyses in the field of urban planning. Its authors — Philippe Bihouix, Sophie Jeantet and Clémence de Selva — take the view that in the current ecological context, the era of “megapoliticization” is over and we need to rethink the urban model with an eye now to maintenance rather than construction. The aim should be to rehabilitate, to create the new within the old, to better distribute, and to encourage “demobility”, so as to limit needless travel; in short, we need to optimize the developments that started after the Covid and energy crises and to look towards, if not degrowth, then at least a stabilization of urban development. Julien Damon expounds the argument of this serious and copiously documented work which makes the case for the stationary city.
  • La modernisation à la chinoise : Entre stratégie nationale et projet global - Benoît Vermander p. 75-86 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La volonté de la Chine d'affirmer un leadership global et de diffuser largement sa vision du monde, notamment au regard du modèle occidental de développement, n'est plus un mystère. Mais quelle est donc cette alternative qu'elle entend incarner face au modèle occidental encore dominant ? Aux yeux de Pékin, le processus de modernisation basé sur le capitalisme a débouché sur « l'impérialisme et l'exploitation, les tensions entre les peuples, la généralisation de la violence ». Il s'est traduit par la rupture avec la nature, par le culte de l'hédonisme et la primauté accordée aux désirs individuels. Au contraire de cela, la conception de la « modernisation » à la chinoise entend permettre « au peuple entier d'être prospère, restaurer l'harmonie entre l'homme et la nature, promouvoir un développement pacifique ». Voici certes une vision de nature à séduire nombre de pays non convaincus par l'American way of life et en panne de vision d'un avenir désirable ! Cet article écrit après le 20e Congrès du parti communiste chinois, marqué par la nouvelle ligne prescrite par Xi Jinping, vise à expliquer ce que « la modernisation socialiste chinoise » entend offrir comme alternative au modèle dominant des États-Unis. Quelles sont les valeurs fondées sur son histoire multiséculaire, et leur instrumentalisation au service de finalités de nature à conforter son influence, sinon à séduire les pays en panne d'avenir ? L'auteur, fort au fait des raisons profondes auxquelles se réfère la Chine d'aujourd'hui, et de sa conception de la modernité, nous éclaire utilement sur les valeurs qu'elle entend promouvoir et sa capacité à les incarner. H.J.
    There is no longer any mystery about China's desire to assert global leadership and disseminate its vision of the world widely, particularly by comparison with the Western model of development. But what is this alternative it intends to advance in opposition to the still dominant Western model? As Beijing sees it, the process of modernization based on capitalism has resulted in “imperialism and exploitation, tensions between peoples and the general spread of violence.” It has led to cutting people off from nature, to the cult of hedonism and to primacy being granted to individual desires. Contrary to that, the Chinese-style conception of “modernization” aims to enable “the entire people to be prosperous, to restore harmony between man and nature, and promote peaceful development.” This is definitely a vision likely to be attractive to a number of countries that are not persuaded by the American way of life and that lack a vision of a desirable future! This article, written after the 20th Congress of the Chinese Communist Party, seen to follow the new line laid down by Xi Jinping, aims to explain what “Chinese Socialist modernization” intends to offer as an alternative to the dominant US model. What are the values that emerge from its centuries-long history and how are they to be drawn on as ways of reinforcing China's influence or appealing to the countries that currently see no future for themselves? The author, well-versed in the deep reasoning that informs present-day China and in its conception of modernity, offers valuable insight into the values it intends to promote and its ability to exemplify them.
  • Chronique européenne

    • L'Europe face au retour des blocs - Jean-François Drevet p. 87-94 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Comme l'a montré à plusieurs reprises Jean-François Drevet dans ses dernières chroniques, le retour de la guerre sur le Vieux Continent place l'Union européenne face à de nouveaux défis et, surtout, face à elle-même : ses choix politiques, les valeurs qu'elle promeut et s'efforce de défendre, ses alliances… Tout ce qui a été pas à pas institué depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, dans une optique de coopération économique (initialement basée sur l'énergie) et de maintien de la paix, se trouve aujourd'hui menacé, et c'est à une situation de confrontation de blocs antagonistes qu'elle doit désormais faire face. Tout autour de l'Union, la démocratie semble reculer : les printemps arabes ont fait long feu, la Turquie reste sous la coupe d'un président autoritaire, la Russie avance ses pions en Ukraine et rallie d'autres pays contestant les valeurs occidentales (Chine incluse) ; les sanctions économiques ont des conséquences palpables pour les citoyens européens (crise énergétique, inflation…) ; le défi migratoire demeure, etc. Comme le montre ici Jean-François Drevet, la donne a changé et l'Union doit rapidement revoir sa copie en matière de coopération avec ses périphéries. Son statut particulier sur l'échiquier mondial et ses valeurs humanitaires demeurent des atouts, mais sans agilité diplomatique ni révision de sa stratégie à l'international, elle risque de perdre tout crédit — au risque de se torpiller elle-même ? S.D.
      As Jean-François Drevet has shown several times in his recent chronicles, the return of war to European soil faces the EU with new challenges and, more especially, forces it to look at itself — its political choices, the values it promotes and strives to defend, its alliances etc. Everything instituted since the Second World War along the lines of economic (initially, energy-based) cooperation and the preservation of peace is under threat today, and the EU now faces a situation of antagonistic blocs confronting each other. All around the EU, democracy seems to be in retreat: the Arab Springs fizzled out; Turkey remains under the sway of an authoritarian president; Russia is making inroads into Ukraine, bringing on board with it other countries opposed to Western values (including China). Economic sanctions are having tangible consequences for European citizens (the energy crisis, inflation etc.) and migration still remains a challenge… As Jean-François Drevet shows here, the overall situation has changed and the EU has to move quickly on revising its approach to cooperation with the countries in its periphery. Its special status on the global scene and its humanitarian values remain assets, but without diplomatic agility and a revised strategy for its international dealings, it is in danger of losing all credit — and perhaps even of sabotaging itself.
  • Actualités prospectives

  • Lu, vu, entendu