Contenu du sommaire : Émanciper et produire

Revue Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique Mir@bel
Numéro no 155, octobre-décembre 2022
Titre du numéro Émanciper et produire
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le Mot de la rédaction - Anne Jollet p. 5-9 accès libre
  • DOSSIER

    • Émanciper et produire : les relations entre socialismes et coopératives de production dans une perspective internationale - p. 13-22 accès libre
    • La Deuxième Internationale face à la question coopérative, 1889-1914 - Andrea Benedetti p. 23-37 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Deuxième Internationale (1889-1914) expérimente des difficultés à définir ses relations avec le mouvement coopératif, puisque les divergences d'ordre théorique entre ses partis affiliés se cristallisent autour de trois questionnements : faut-il considérer les coopératives comme les prémices de l'ordre socialiste à venir ? Entre parti et coopératives, doit-il exister une unité organique ou une autonomie organisationnelle ? Les partis nationaux demeurent-ils souverains, ou bien les instances de l'Internationale peuvent-elles leur dicter une ligne de conduite en matière coopérative ? Si les premiers congrès négligent le coopérativisme, dès 1900, le Bureau socialiste international, animé par une équipe de coopérateurs socialistes belges, adopte une approche graduelle et pragmatique pour resserrer les liens entre partis et coopératives. Le congrès de Copenhague de 1910 s'occupe finalement de la question coopérative, mais doit adopter une résolution équilibriste et qui reste sans lendemain.
      The Second International (1889-1914) experiences difficulties in defining its relations with the cooperative movement, since the theoretical differences between its affiliated parties crystallize around three questions: should cooperatives be considered as a premise of the future socialist order? Should there be an organic unity or organizational autonomy between the party and the cooperatives? Do the national parties remain sovereign, or can the authorities of the International dictate to them a line of conduct in cooperative matters? If the first congresses neglected cooperativism, from 1900 the International Socialist Bureau, led by a team of Belgian socialist cooperators, adopts a gradual and pragmatic approach to strengthen the links between parties and cooperatives. The Copenhagen congress of 1910 finally deals with the cooperative question but has to adopt a balancing resolution which remains without a future.
    • Les coopératives de production au service des coopératives de consommation : le cas de la coopération socialiste en Belgique (1872-1983) - Julien Dohet p. 39-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Belgique, le mouvement coopératif se développe à partir du dernier quart du 19e siècle comme l'ossature, la colonne vertébrale d'un mouvement ouvrier socialiste où la forme « parti » sera à la fois le fruit d'un regroupement et la force centralisatrice et dirigeante des autres composantes que sont les mutuelles, les syndicats et les coopératives. Les coopératives sont au cœur du développement du socialisme en Belgique et lui donnent une puissance économique importante. Au-delà d'un aspect logistique, pour les socialistes belges « [La coopérative] apparaît (…) comme une sorte de réalisation embryonnaire du socialisme, qui prépare les esprits à concevoir un ordre social très différent du régime capitaliste actuel ». Le mouvement coopératif belge reprend les principes arrêtés par les pionniers de Rochdale, mais y ajoute une obligation : celle d'adhérer au Parti ouvrier belge (POB) et d'affecter une partie des bénéfices à la propagande socialiste. Cet ajout différencie clairement le modèle coopératif belge de celui des autres pays. Une autre spécificité est de s'être développé quasi exclusivement sur le modèle de la consommation, les rares coopératives de production venant alimenter celle-ci.
      In Belgium, the cooperative movement developed since the last quarter of the 19th century as the backbone of a socialist workers' movement where the party form will be both the fruit of a grouping and the centralizing and leading force of the other components that are mutuals, unions and cooperatives. Cooperatives are at the heart of the development of socialism in Belgium and give it significant economic power. Beyond a logistical aspect, for the Belgian socialists « [The cooperative] appears (…) as a kind of embryonic realization of socialism, which prepares minds to conceive a social order very different from the current capitalist regime ». The Belgian cooperative movement adopted the principles laid down by Rochdale's pioneers, but added an obligation to join the Belgian Workers' Party (POB) and to allocate part of the profits to socialist propaganda. This addition clearly differentiates the Belgian cooperative model from that of other countries. Another specificity is to have developed almost exclusively on the consumption model, the few production cooperatives feeding it.
    • Les promoteurs des associations de travailleurs, Russie tsariste et soviétique, 1905-1930. Contribution à l'histoire des socialismes dits « utopiques ». - Anna Safronova p. 57-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les idées et les pratiques des socialistes de l'association ont influencé les décisions politiques des bolcheviks, bien que ces derniers ne reconnaissent pas la légitimité des idées politiques de leurs concurrents. Fondé sur des sources d'archives et des sources imprimées, l'article restitue le réseau d'acteurs qui constituent le socialisme de l'association en Russie de 1905 à 1929, et inscrit leurs idées et leurs pratiques dans un contexte sociopolitique plus large. Les personnes qui prônent les associations de travailleurs comme un moyen de leur émancipation ne se sont pas structurées en un mouvement social autonome, doté d'une étiquette politique communément acceptée, ni d'une organisation centrale. Malgré sa position marginalisée, ce réseau d'acteurs a contribué à la construction socio-économique du nouveau régime après 1917.
      Based on archival and print sources, the article reconstructs the network of actors who constituted association socialism and places their ideas and practices in a broader socio-political context. This paper argues that the ideas and practices of associationist socialists influenced the policy decisions of the Bolsheviks, despite the fact that the latter did not recognize the legitimacy of the political ideas of their opponents. Those who advocated workers' associations as a means of workers' emancipation did not structure themselves into an autonomous social movement with a commonly accepted political label and a central organization. Despite their marginalized position, this network of actors contributed to the socio-economic construction of the new regime after 1917.
    • SCOP qui peut ! - Maxime Quijoux p. 73-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans l'ombre des années 1968, la décennie 1980 constitue une époque riche d'expériences ouvrières encore méconnues. Mêlant à la fois pouvoirs publics et syndicats, cette période marque aussi l'affirmation de la Confédération générale des SCOP de France (CGSCOP). Depuis son institutionnalisation à la fin du 19e siècle, cette structure est demeurée relativement marginale parmi les organisations représentatives des travailleurs. Il s'agira au cours de cet article de revenir sur cette séquence peu connue, mais décisive dans la compréhension des projets de transformation sociale de cette période. Dans un premier temps, nous verrons par exemple que s'intéresser à la coopération ouvrière à la fin des années 1970 est loin d'être l'apanage de la gauche : elle constitue une « utopie œcuménique » intégrant nombre d'acteurs politiques de droite, en particulier dans un double contexte de promotion de l'entreprise et de crises industrielles. Dans un deuxième temps, nous chercherons à comprendre les effets de la victoire des socialistes en 1981 sur le mouvement coopératif de production. La CGSCOP n'est alors pas la seule à investir le terrain coopératif. Elle est rejointe par la CGT, qui cherche une parade contre la multiplication des faillites d'entreprise. Dans un dernier temps, nous verrons comment cette appropriation tous azimuts de la coopération suscite une multitude de tensions et de désillusions, conduisant à la marginalisation rapide d'une conception ouvriériste de l'autogestion. En somme, c'est moins l'entreprise collective qu'une certaine forme de pouvoir populaire qui ferme le cycle des « années 1968 ».
      In the shadow of the 1968s, the 1980s was a period rich in workers' experiences that are still little known. Combining both public authorities and trade unions, this period also marked the affirmation of the “Confédération Générale des SCOP de France” (CGSCOP). Since its institutionalisation at the end of the 19th century, this structure has remained relatively marginal among the organisations representing workers. This article will look back at this little-known but decisive sequence in understanding the social transformation projects of this period. Firstly, we will see, for example, that an interest in workers' cooperation at the end of the 1970s was far from being the prerogative of the left: it constituted an 'ecumenical utopia' that included a number of right-wing political actors, particularly in the dual context of the promotion of the enterprise and industrial crises. Secondly, we will try to understand the effects of the Socialist victory in 1981 on the production cooperative movement. The CGSCOP was not the only one to invest in the cooperative field. It was joined by the CGT, which was looking for a response to the increasing number of company bankruptcies. Finally, we shall see how this all-out appropriation of cooperation gave rise to a multitude of tensions and disillusionment, leading to the rapid marginalisation of a workers' conception of self-management. In short, it was not so much the collective enterprise as a certain form of popular power that closed the cycle of the 1968s.
    • Les coopératives sandinistes et zapatistes : deux idées du socialisme - Bernard Duterme p. 91-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Entre le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) de la révolution nicaraguayenne et l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) de la rébellion chiapanèque, les ressemblances le disputent aux dissemblances. Au cœur de ces deux expériences d'obédience socialiste, les formes coopératives occupent une place déterminante, en matière de production agricole notamment. Sur quels idéaux et méthodes convergent ou divergent-elles ? Les contextes distincts suffisent-ils à expliquer leur bilan respectif ?
      Between the Sandinista National Liberation Front (FSLN) of the Nicaraguan revolution and the Zapatista National Liberation Army (EZLN) of the Chiapas rebellion, there are many similarities and differences. At the heart of these two socialist experiences, cooperative forms play a key role, particularly in agricultural production. On what ideals and methods do they converge or diverge? Are the different contexts sufficient to explain their respective results?
  • CHANTIERS

    • Les États-Unis et le concept de génocide. Esquisse d'une relation difficile. - Julien Zarifian p. 109-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objectif de cet article est de retracer et analyser la mise en place du rapport complexe que les États-Unis entretiennent avec la notion de génocide, afin d'en cerner les tenants et les enjeux politiques, géopolitiques et mémoriels. Dès les premiers débats pour la conceptualisation du crime de génocide, consécutifs à la Shoah et débouchant sur la Convention de 1948 de l'ONU, dans lesquels les États-Unis s'investissent fortement, il est clair que la définition du terme recouvre des enjeux importants. Puis, alors que les États-Unis ne ratifient cette convention qu'en 1988, c'est ensuite l'utilisation du terme (parfois liée à l'intervention diplomatique ou militaire pour empêcher les massacres lorsqu'ils ont lieu) ou la mémorialisation des génocides passés qui posent question. L'article aborde la position des autorités américaines vis-à-vis des principaux cas de violence de masse des 20e et 21e siècles, et la met en parallèle avec les difficultés des États-Unis à mémorialiser les pages sombres de leur propre histoire nationale.
      The goals of this article are to trace and analyze the complex relationship that the United States has built with the notion of genocide and to identify its political, geopolitical and memorial aspects. From the first debates on the conceptualization of the crime of genocide after the Holocaust and until the ratification of the UN Convention in 1948 (debates in which the United States was heavily involved), it was clear that the definition of the term genocide was a difficult and sensitive matter. Since 1948, even while the United States did not ratify this convention until 1988, the use of the term raised questions. These uses were often related to possible diplomatic or military interventions to prevent ongoing massacres and to commemorative activities. This article discusses the position of U.S. authorities vis-à-vis the major cases of mass violence during the 20th and 21st centuries and contrasts it with the difficulties of the United States in memorializing the dark pages of its own national history.
  • MÉTIERS

    • Aux sources de l'histoire
    • Transmettre l'histoire
      • Indigénat et Nouvelle-Calédonie - Gwénael Murphy p. 131-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Cet article présente la recension de L'Indigénat. Genèses dans l'empire français. Pratiques en Nouvelle-Calédonie. Cet ouvrage conséquent et rigoureux, traitant d'un sujet complexe, est rédigé par Isabelle Merle et Adrian Muckle, deux éminents spécialistes de l'histoire coloniale de l'Océanie. Alors qu'actuellement, en France, l'opinion semble prévaloir sur la réflexion et l'esprit critique, les auteurs proposent une analyse fine de l'indigénat. Cette « exception en droit », érigeant l'arbitraire en ordinaire, tient à la fois de l'histoire du droit, de l'histoire politique et surtout de l'histoire sociale.
        This article presents the review of L'Indigénat. Genèses dans l'empire français. Pratiques en Nouvelle-Calédonie. This substantial and rigorous work, talking about a complex subject, is written by Isabelle Merle and Adrian Muckle, eminent specialists in the colonial history of Oceania. While in France opinion seems to prevail over reflection and critical thinking, the authors suggest a fine analysis of the indigénat. This « exception in law », which makes ordinary something arbitrary, falls at the same time under the history of law, the political history and more particularly under the social history.
  • DÉBATS

    • Un Lénine peut en cacher un autre - Dimitris Fasfalis p. 145-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La chute du socialisme réel en Europe de l'Est a entraîné une transformation radicale de l'ordre symbolique dans ces pays, à commencer par l'effacement, la destruction ou, plus simplement, le lent abandon des monuments de l'époque soviétique. Les statues de Lénine ont été en première ligne dans ce processus de réinvention nationale. Partant du corpus de photographies de Niels Ackermann et Sébastien Gobert, le présent article se propose d'explorer les significations multiples des statues renversées de Lénine. Paradoxalement, cet iconoclasme postcommuniste a ouvert, complexifié et actualisé les significations de ces monuments soviétiques, là où ses partisans voulaient consacrer leur triomphe idéologique. Pour ce faire, le corpus photographique de Niels Ackermann et Sébastien Gobert est croisé avec des concepts tirés des travaux de Patrick Boucheron, Pierre Bourdieu, Enzo Traverso, Michael Hardt et Toni Negri, ainsi qu'avec des témoignages recueillis par Svetlana Alexievitch. L'auteur tient à préciser que l'article a été rédigé avant l'invasion russe en Ukraine.
      The fall of real socialism in Eastern Europe has brought about a radical transformation of the symbolic order in these countries, beginning with the wiping out, destruction or, more simply, the slow abandonment of the monuments of the Soviet era. The statues of Lenin have been at the forefront of this process of national reinvention. Based on the corpus of photographs by Niels Ackermann and Sébastien Gobert, this article explores the multiple meanings of the overturned statues of Lenin. Paradoxically, this post-communist iconoclasm opened up, complicated and updated the meanings of these Soviet monuments, where its supporters wanted to consecrate their ideological triumph. To do this, the photographic corpus of Niels Ackermann and Sébastien Gobert is put in relation with concepts drawn from the work of Patrick Boucheron, Pierre Bourdieu, Enzo Traverso, Michael Hardt and Toni Negri, as well as with testimonies collected by Svetlana Alexievitch.
    • Une remise de décoration au caractère hautement problématique : les Klarsfeld, Perpignan et Louis Aliot (RN) - Didier Monciaud p. 157-168 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Serge Klarsfeld et sa femme Beate, figures incontournables de la mémoire de la Shoah, en acceptant de se déplacer à Perpignan pour y être décorés par le maire Rassemblement national, Louis Aliot, ne participent-ils pas à la normalisation de ce parti héritier du Front national, parti d'extrême droite ouvertement raciste et xénophobe ? Après rappel des engagements politiques de Louis Aliot comme ceux du FN-RN, cet article présente quatre prises de position d'historiens et d'associations qui s'inquiètent des effets d'une telle dérive. Le débat mérite d'être posé alors que le RN se présente comme une force majeure capable d'accéder au pouvoir en France.
      By agreeing to travel to Perpignan to be decorated by Louis Aliot, RN mayor, do the essential figures of the memory of the Shoah that are Serge Klarsfeld and his wife Beate participate in the normalization of the RN party, successor of the extreme right party “National Front”, openly racist and xenophobic ? After recalling the political commitments of Louis Aliot and those of the FN-RN, this article presents four positions of historians and associations worried about the effects of such a drift. The debate needs to be conducted while the RN presents itself as a major force capable of gaining power in France.
  • LIVRES LUS

  • UN CERTAIN REGARD

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