Contenu du sommaire : Variations féministes

Revue Clio : Histoires, femmes et société Mir@bel
Numéro no 58, 2023/2
Titre du numéro Variations féministes
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  • Éditorial - Rebecca Rogers, Michelle Zancarini-Fournel p. 7-14 accès libre
  • Dossier

    • Quand l'organisation municipale fait débat à la Wesleyan Female Educational Institution. : Freetown (Sierra Leone, 1883-1892) - Odile Goerg p. 15-38 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1893, Freetown, établie à la fin du XVIIIe siècle, est dotée d'une municipalité après un long processus qui voit l'amenuisement de la marge d'autonomie concédée aux Sierra Léonais, appelés aussi Créoles ou Krio. Cet article analyse deux débats, organisés dans ce cadre en 1883 et 1892 par la Wesleyan Female Educational Institution, école secondaire méthodiste fondée en 1880 pour les filles de la bourgeoisie. Ces débats reprennent les arguments opposant partisans et détracteurs du projet, mais c'est dans une perspective de genre que je les aborde, vu le lieu et le public spécifique concernés. La prise de parole des élèves et des enseignantes qui les encadrent nous est parvenue par des documents exceptionnels, la publication des débats dans la presse.
      In 1893, Freetown, Sierra Leone, founded in the eighteenth century, was made a municipality by the colonial power. This followed a long process of decline in the margin of autonomy granted to Sierra Leoneans (also known as Creoles or Krios). This article discusses two debates organized in 1883 and 1892 by the Wesleyan Female Educational Institution, a Methodist high school founded in 1880 for middle-class girls. These debates take up the arguments employed by supporters and opponents of the municipality project, which centred on tax arrangements. But the article approaches them from a gendered perspective, given the specific location and audience involved. The press that published the debates gives access to the voices of pupils and their teachers, constituting an exceptional source for historians.
    • Genre et idées politiques. : Les ouvrières en grève en mai-juin 1917 en région parisienne - Léo Baccuet p. 39-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En mai-juin 1917, une centaine de milliers d'ouvrières de différents secteurs économiques de l'agglomération parisienne s'engagent dans un grand mouvement de grève. Si la majeure partie des historien·ne·s l'analysent comme une lutte peu politique, les grévistes sont pourtant porteuses d'idées politiques. Au travers de modes d'organisation, de paroles et d'actions, les travailleuses s'expriment sur la domination masculine au sein du mouvement ouvrier, la division genrée du monde industriel ou encore les normes de genre. Bien que les sources et les formes de l'action collective limitent nos connaissances sur leur pensée, le printemps 1917 nous permet de reconnaître les grévistes comme des sujets politiques qui pensent le genre.
      In May-June 1917, about 100,000 women workers from different economic sectors in the Paris conurbation engaged in a mass strike movement. While most historians interpret this event as a struggle relatively detached from politics, the strikers' movement was nevertheless infused with political ideas. Through their modes of organization, speech and action, these women workers were expressing their awareness of the male domination of the labour movement, gendered divisions in the manufacturing industry, and gender norms. Although the available sources and the logistics of collective action limit what we know about their thought processes, the events of spring 1917 enable us to recognize that the women strikers were acting as political subjects, conscious of gender issues.
    • Un féminisme matérialiste italien à Padoue dans les années 1970 - Andrea Martini p. 59-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article entend dialoguer avec les nombreuses études portant sur les féminismes des années 1970 qui ont été menées ces deux dernières décennies, en partant d'une étude de cas : l'expérience féministe à Padoue, une ville de taille moyenne dans le nord-est de l'Italie. Considéré comme marginal par une grande partie de l'historiographie italienne, en raison de son orientation matérialiste (assez peu répandue dans la péninsule), le féminisme padouan est très souvent considéré seulement comme un élément important dans la construction de la campagne transnationale de l'International Wages for Housework. Mais, l'article voudrait démontrer que se concentrer sur les origines du féminisme matérialiste de Padoue, sur ses relations avec les groupes locaux de la gauche extraparlementaire ainsi que sur son influence sur l'Université locale, pourrait nous éclairer sur l'ensemble des mouvements féministes des années 1970. En outre, cette analyse permet d'avoir une vision plus globale du contexte italien, soulignant le polymorphisme qui caractérisaient les féminismes ainsi que la porosité des frontières entre les différents groupes féministes et les autres acteurs politiques et sociaux appartenant au même écosystème.
      This article seeks to dialogue with the many studies published in recent years on the various feminisms of the 1970s through a case study: the feminist experience in Padua, a medium-sized city in north-east Italy. In the historiography of Italian feminism, the Paduan example has usually been considered marginal, due to its materialist orientation (which was unusual in Italy). It is generally acknowledged only for the role it played in the construction of the International Wages for Housework Campaign. The article argues, however, that by focusing on the origins of Paduan materialist (or neo-Marxist) feminism, on its relationships with the radical-left groups in the city at the time, and on its impact on the local university, new light can be shed on the whole range of feminist movements of the 1970s. Furthermore, this analysis offers a more comprehensive view of the Italian context: it stresses the richness and polymorphism of Italian feminisms and illustrates the porosity of borders between feminist groups and other political and social actors within a given geographical area.
    • « Soutien aux Trois Marias ! » : Sociohistoire d'une mobilisation féministe internationale (1973-1974) - Maira Abreu, Adília Martins de Carvalho p. 79-102 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article reconstitue une mobilisation féministe qui a eu lieu entre 1973 et 1974 en soutien à trois écrivaines portugaises, Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa poursuivies en 1973, au Portugal, pour avoir publié le livre Novas Cartas Portuguesas [ Nouvelles Lettres Portugaises] sous le régime fasciste de Marcello Caetano. Leur procès est considéré par les féministes comme un symbole manifeste de la répression subie par les femmes. Il a suscité un mouvement international, décrit à l'époque comme « La première grande cause du féminisme ». À l'initiative de femmes latino-américaines vivant en France, ces actions de groupes féministes de différents pays ont pris une grande ampleur. Revenir à cette mobilisation nous permet de démontrer la portée internationale des féminismes des années 1970 et de mettre en lumière les répertoires d'action et les formes d'articulation utilisées pour créer un réseau transnational de solidarité. Ce travail nous permet aussi de rendre visible la présence de femmes étrangères dans les groupes féministes en France – et plus largement, leur participation aux mobilisations des années 68.
      This article reconstructs the feminist campaign that took place between 1973 and 1974 in support of three Portuguese writers: Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta and Maria Velho da Costa. They were put on trial in Portugal in 1973 for having published Novas Cartas Portuguesas [ New Portuguese Letters] during the fascist regime of Marcello Caetano. Feminists considered their trial a symbol of the repression directed against women. It provoked an international movement, described at the time as “the first major feminist cause”. On the initiative of Latin American women living in France, the coordinated campaigns by feminist groups in different countries took on a major dimension. Examining this extensive mobilization reveals the international scope of feminisms of the 1970s and highlights the repertoires of action and the connections established to create a transnational network of solidarity. This study also renders visible the presence of women from other countries in feminist groups in France and, more broadly, their participation in the mobilizations of the years following 1968.
    • Un mouvement ou plusieurs ? : Les féministes et l'intersectionnalité des luttes en Inde depuis les années 1970 - Caroline Michon p. 103-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Inde, la question de l'identité qui est au cœur du processus d'élaboration du mouvement indien des femmes depuis les années 1970, met à jour les paradoxes et les évolutions du mouvement, dans un contexte de globalisation du genre. Considérée dans un premier temps comme source de politisation et d'unicité, l'identité femme est sujette, depuis les années 1990, à un processus de déconstruction et de demande de reconnaissance du caractère intersectionnel de l'identité, de la part de femmes appartenant aux communautés subalternes. Dans la ville de New Delhi, ces débats prennent la forme d'une lutte pour la juste représentation des problématiques de caste, de classe et d'identité de genre dans un contexte où l'ONGéisation reproduit des rapports de pouvoir inégaux.
      In India, the question of identity, which has been at the heart of the building process of the Indian women's movement since the 1970s, highlights the paradoxes and evolutions of the movement, in a context of gender globalization. Initially seen as a source of politicization and oneness, women's identity has been subject, since the 1990s, to a process of deconstruction and demands for recognition of the intersectional nature of identity emanating from women belonging to subaltern communities. In the city of New Delhi, these debates have taken the form of a struggle for the just representation of the issues of caste, class, and gender identity, in a context where NGOization has reproduced unequal power relations.
    • ¡ Maestras ! « Femmes aux pantalons », des salles de classe aux barricades : (Oaxaca, Mexique, 2006-2022) - Julie Métais p. 121-139 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'occasion d'un épisode insurrectionnel en 2006 à Oaxaca au Mexique (l'Assemblée populaire des peuples de Oaxaca, APPO), des enseignantes s'engagent et expérimentent les dilemmes et les paradoxes liés à leur ancrage social et politique spécifique au sein de la société locale et nationale. Croisant les questions de genre, de travail et de mobilisation, nous proposons d'éclairer cet engagement politique spécifique des maestras mexicaines grâce à une double démarche, régressive et ethnographique. Cette approche de la politisation qui lie le temps long et les activités routinières permet dès lors de replacer l'expérience politique de ces femmes dans le cadre plus large des rapports sociaux de sexe au Mexique.
      This article discusses women's political participation in the 2006 insurgent episode in Oaxaca, Mexico (when the city was occupied by the Popular Assembly of the Peoples of Oaxaca, APPO), from the perspective of the singular experience of women schoolteachers. This article highlights how women teachers experienced dilemmas and paradoxes related to their specific social and political embeddedness in local (and national) society. Bringing together questions of gender, employment and active protest, the aim is to explore the specific political commitment of the Mexican maestras through a dual approach, regressive and ethnographic. This approach to politicization, linking the long timespan and routine activities, will allow us to situate the political experience of these women in the broader framework of gender relations in Mexico.
    • À la maison ou dans la rue : La place des femmes dans les générations « pro-vie » en Belgique (1968-2023) - Anne-Sophie Crosetti p. 141-160 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 2023, des jeunes femmes du mouvement « pro-vie » français et belge se déclarent « féministes pro-vie ». Cette posture marque un décalage politique considérable par rapport à celle portée, dans le milieu « pro-vie », par les organisations historiques et symbolise un renouvellement certain. Les militant·es d'hier ne sont plus celles et ceux d'aujourd'hui, et leur argumentaire a aussi été métamorphosé. L'étude socio-historique du mouvement « pro-vie » belge – Pro Vita et Gloria – sert de cas d'étude à la compréhension de cette dissonance générationnelle, en questionnant la « place des femmes ». Cette notion renvoie d'une part à la division genrée du travail militant et aux « arrangements de genre », à savoir la manière dont la vision des rapports de genre évolue, à travers les questions reproductives, spécifiquement la contraception et l'avortement, et comment cette vision conditionne en partie cette place et révèle, en filigrane, l'évolution de tout un mouvement. Fondé sur des archives, des entretiens et des observations, l'article revient, dans un premier temps, sur la sociologie des militant·es et sur la division genrée du travail militant. La deuxième partie met au jour les rapports de genre sous-tendant la vision des normes reproductives idéales défendues par les deux organismes. Enfin, la dernière partie offre une hypothèse expliquant la stratégie discursive différenciée entre les deux groupes étudiés.
      In 2023, some young women in the French and Belgian “pro-life” movement defined themselves as “pro-life feminists”. Their stance marks a considerable political shift in relation to the one adopted by the historic “pro-life” organizations and symbolizes a certain renewal. The activists of yesterday are no longer those of today, and their arguments have also undergone a transformation. A socio-historical survey of Belgian “pro-life” groups – Pro Vita and Gloria – will serve as a case study for understanding this generational dissonance, by questioning the “place of women” inside it. This notion refers on the one hand to the gendered division of activist campaigns and to their “gender arrangements”, i.e., the way in which the vision of gender relations has evolved through reproductive issues, specifically contraception and abortion, and on the other how that vision has partly conditioned the place of women campaigners, bringing to light by default the evolution of an entire movement. Based on archives, interviews and observation, the article starts by examining the sociology of activists and gendered divisions within the activist campaign. The second section reveals the gender relations underlying the vision of ideal reproductive norms defended by the two organizations. Finally, the last section offers a hypothesis explaining the different discursive strategies of the two groups studied.
  • Archive

    • Un entretien retrouvé de Natalie Zemon Davis dans la revue italienne Memoria (1983) : Propos recueillis par Judy Coffin et Robert Harding (Radical Historical Review, 1980) - Jean-Claude Zancarini p. 161-194 accès libre avec résumé
      Cet entretien a été mené en 1980 par Judy Coffin et Robert Harding, l'une alors doctorante et l'autre enseignant en histoire française à Yale University. Il a été publié dans Radical History Review en 1980 (no 24, p. 115-139), sous le titre « Politics, Progeny and French History » et traduit une première fois en italien par Barbara Verni, dans la revue italienne Memoria (no 9, 1983, p. 79-93), sous le titre plus sobre « Intervista a Natalie Zemon Davis ». C'est à partir de cette dernière version, redécouverte par Michelle Zancarini-Fournel en travaillant sur cette revue aujourd'hui disparue, que la revue Clio FGH propose ici une traduction en français, y ajoutant des notes pour éclairer le contexte politique et académique des États-Unis dans lequel Natalie Zemon Davis a vécu ses premières années d'apprentissage et de carrière, ce que rend nécessaire l'éloignement temporel vis-à-vis de l'époque de l'entretien originel qui a été également consulté. Natalie Zemon Davis, née aux États-Unis en 1928 décrit ici sa trajectoire scolaire, militante et professionnelle, ainsi que les raisons de son intérêt pour l'histoire du genre (qu'elle désigne déjà ainsi), une dizaine d'années avant la parution du tome 3 de l'Histoire des femmes en Occident qu'elle a codirigé avec Arlette Farge. La formidable indépendance d'esprit et l'insatiable curiosité de cette historienne hors norme infusent à cet entretien une incroyable fraicheur à laquelle toutes celles et ceux qui font aujourd'hui des recherches sur les femmes et le genre pourront se ressourcer.
  • Portrait

  • Clio a lu « Variations féministes »

  • Comptes rendus divers

  • Clio a reçu - p. 243 accès libre