Contenu du sommaire : (Dé)politiser les Jeux olympiques

Revue Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique Mir@bel
Numéro no 158, juillet-août-septembre 2023
Titre du numéro (Dé)politiser les Jeux olympiques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le Mot de la rédaction - Anne Jollet p. 5-9 accès libre
  • DOSSIER

    • Jeux olympiques, enjeux politiques - p. 13-19 accès libre
    • Modèle et contre-modèles olympiques dans l'entre-deux-guerres. - Karen Bretin-Maffiuletti, Benoît Caritey p. 21-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objet de cet article est de retracer l'histoire des « Olympiades ouvrières » et des « Spartakiades » mises sur pied, entre les deux guerres, par l'Internationale sportive ouvrière socialiste et l'Internationale rouge du sport dans le but de faire barrage à l'hégémonie croissante des Jeux olympiques. Ces manifestations sportives ouvrières ont connu un indéniable succès, malgré l'hostilité des pouvoirs publics et la réticence des principaux titres de la presse sportive et de la presse d'information à en parler à leurs lecteurs. À travers elles, les fédérations sportives ouvrières internationales ont dans un premier temps promu un autre modèle sportif, davantage tourné vers la pratique de masse et la fraternité internationale, avant de s'ériger en défenseurs d'un idéal olympique qu'elles estiment dévoyé. L'évolution du discours critique des Jeux olympiques « bourgeois » et de célébration des manifestations ouvrières dans la presse socialiste et communiste, témoigne de ce glissement.
      This article deals with the history of the international workers' games ("International Workers' Olympiads" and "Spartakiads"), set up during the Interwar period by the Socialist Workers' Sport International and the Red Sport International in order to counter the growing hegemony of the Olympic Games. These workers' sporting events were an undeniable success, despite the hostility of the authorities and the reluctance of the main newspapers (specialized in sport or not) to inform their readers about them. The international workers' sport federations firstly used these games to promote an alternative sport culture, focused on mass practice and international fraternity. Then, these workers' organizations became defenders of an Olympic ideal since they considered that it had gone astray. Both evolutions in the Olympic Games criticism and in the workers' events celebration in the socialist and communist press is linked to this shift.
    • De la difficulté de concilier lutte noire pour l'égalité et aspirations olympiques : Lee Evans et les Jeux de Mexico (1968) - François-René Julliard p. 35-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose de retracer l'apprentissage et l'itinéraire militants de l'ancien champion olympique et recordman du monde du 400 mètres, Lee Evans, sur une période brève mais importante pour lui, qui aboutit aux Jeux de Mexico (1968). Evans fait partie des athlètes impliqués dans la mobilisation des étudiants-athlètes noirs du San Jose State College, avant de défendre le projet d'un boycott noir des Jeux. Ses engagements ne vont pas sans déchirements face au coût personnel qu'ils représentent, et ces contradictions culminent à Mexico. Au lendemain du célèbre poing levé de Tommie Smith et John Carlos sur le podium du 200 mètres, Evans, vainqueur du 400 mètres, arbore brièvement le béret des Black Panthers et lève le poing sur le podium avant que l'hymne des États-Unis ne retentisse. Il refuse cependant d'assumer, sur le moment, la dimension politique de son geste.
      This article retraces the apprenticeship and militant itinerary of former Olympic champion and 400-meter world record-holder Lee Evans, over a brief but important period for him, culminating in the Mexico Games (1968). Evans was one of the athletes involved in the mobilization of black student-athletes at San Jose State College, before advocating a black boycott of the Games. For him, these commitments were not without their own inner contradictions, which culminated in Mexico City. The day after Tommie Smith and John Carlos famously raised their fists on the 200-meter podium, Evans, winner of the 400-meter race, briefly wore a Black Panther beret and raised his fist on the podium before the U.S. anthem rang out. At the time, however, he refused to accept the political dimension of his gesture.
    • L'unité du monde sportif africain face à l'olympisme : influences et interdépendances dans la création du Conseil supérieur du sport en Afrique (1960-1966) - Pascal Charitas p. 47-59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après la Seconde Guerre mondiale, l'Afrique est un enjeu pour le mouvement olympique alors que peu de pays ont des Comités nationaux olympiques (CNO) et participent aux Jeux olympiques (JO). De plus, hormis les Jeux méditerranéens (1951) et les Jeux panarabes (1953), une partie de l'Afrique n'est pas représentée au Comité international olympique (CIO) et n'a pas de structure représentative du sport sur le continent. Cependant, en 1960, les indépendances africaines précipitent le processus d'intégration de l'Afrique au mouvement olympique. Il ne s'agit pas seulement pour eux de constituer leurs CNO et de participer aux JO de Tokyo (1964), mais d'organiser un bloc africain olympique afin de créer les premiers Jeux africains (1965) et d'édifier un « monde sportif » africain uni et indépendant du CIO par le Conseil supérieur du sport en Afrique (1966). L'objectif est ainsi de se saisir de l'olympisme comme un espace politique de revendication face à l'apartheid.
      After the Second World War, Africa was an issue for the Olympic movement, while few countries had National Olympic Committees (NOCs) and participated in the Olympic Games (Olympics). In addition, apart from the Mediterranean Games (1951) and the Panarabes Games (1953), part of Africa is not represented on the International Olympic Committee (IOC) and has no representative structure for sport on the continent. However, in 1960, African independence precipitated Africa's integration into the Olympic movement. It is not just a matter of them forming their NOCs and participating in the Tokyo Olympics (1964), but of organizing an Olympic African bloc to create the First African Games (1965) and build a “world”. African sports united and independent of the IOC by the African Sport Council (1966). The objective is thus to seize Olympism as a political space of claim against apartheid.
    • Ne plus se laisser prendre à leurs Jeux. - Anaïs Bohuon, Lucie Pallesi p. 61-75 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aujourd'hui reconnues avec embarras par les institutions sportives, l'intersexuation et la transidentité remettraient fondamentalement en cause un principe de base de la compétition selon lequel la bicatégorisation sexuée garantirait l'équité, surtout pour la catégorie femmes. Tant d'un point de vue scientifique que socioculturel, la prise en compte de l'identité sexuée par les instances sportives s'avère très insuffisante. Les cas récents et médiatisés de femmes trans ou intersexes exclues des compétitions bousculent la logique jusqu'alors inflexible de la dualité sexuée et renouvellent la controverse. Parce qu'elles sont les premières victimes des mécanismes de maintien du système de la bicatégorisation sexuée sportive, certaines athlètes intersexes et trans créent un contre-discours à celui, hégémonique, de l'équité. Dans les années 1970-1980, l'exclusion de certaines athlètes les a d'abord conduites à se servir du raisonnement des institutions sur la supposée infériorité physique « naturelle » des femmes pour être réhabilitées. Dans les années 2010, une forme de militantisme plus affirmé a émergé avec la mobilisation d'outils juridiques de la part d'athlètes défiant les règlements des fédérations restreignant leur participation, en particulier les seuils maxima de taux de testostérone imposés en catégorie femmes.
      Today recognized with embarrassment by sports institutions, intersex and trans-identity would fundamentally call into question a basic principle of competition according to which the gender bicameralization would guarantee equity, especially for the women category. From both a scientific and a sociocultural point of view, the management of gender identity by sports authorities is very insufficient. The recent and publicized cases of trans or intersex women excluded from competitions shake up the hitherto inflexible logic of sexual duality and renew the controversy. Because they are the first victims of the mechanisms for maintaining the system of gender bicategorization in sport, some intersex and trans athletes create a counter-discourse to the hegemonic one of equity. In the 1970s and 1980s, the exclusion of certain athletes led them to use the reasoning of institutions on the supposed «natural» physical inferiority of women to be rehabilitated. In the 2010s, a more assertive form of activism emerged with the mobilization of legal tools from athletes challenging the rules of federations restricting their participation, in particular the maximum testosterone levels imposed in the women's category.
    • L'autre boycott des Jeux olympiques de Moscou 1980 : quand l'événement sportif nourrit le combat anticommuniste de l'extrême-droite française. - Valentin Guéry p. 77-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article est consacré à la mobilisation oubliée d'une partie de l'extrême droite française anticommuniste lors des Jeux olympiques de Moscou organisés en 1980. Tandis que les mouvements lancés à l'échelle internationale par le gouvernement américain ou en France par les réseaux intellectuels de l'extrême-gauche ont été largement documentés, l'analyse de l'action collective menée par Bernard Antony, entrepreneur de cause anticommuniste, a été occultée. En ce qu'il révèle différents phénomènes inhérents à la saisie de l'opportunité de mobilisation politique par les militants anticommunistes et le poids des normes tacites de l'apolitisme sportif, notre travail propose d'éclairer tout à la fois les ressorts d'action de l'extrême droite française pour nourrir son combat contre le régime soviétique, et l'intrication des liens entre les ordres sportif et politique. Il questionne par ailleurs l'évolution progressive de la position de Jean-Marie Le Pen, passant de défenseur de la cause olympique à fervent soutien au mouvement de « boycottage » soutenu par une grande partie des militants du Front national.
      This article focuses on the forgotten mobilization of a section of the French anti-communist far right movements during the 1980 Moscow Olympic Games. While the movements initiated internationally by the american government, or in France, by the intellectual networks of the far left have been widely documented, the analysis of the collective action led by Bernard Antony, an anti-communist cause-builder, has been overshadowed. By revealing various phenomena inherent to the political mobilization of anti-communist activists, and the weight of tacit norms of sporting apolitism, our work sheds light on both the driving forces behind the actions of the French far right to fuel its fight against the Soviet regime, and the intertwined links between the sporting and political orders. It also examines the gradual evolution of Jean-Marie Le Pen's position, from defender of the Olympic cause to fervent supporter of the "boycott" movement backed by a large proportion of Front National activists.
    • Les Jeux de Paris 2024, une cause sans adversaires ? - Igor Martinache, Olivier Le Noé p. 95-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les méga-événements sportifs comme les Jeux olympiques et paralympiques font l'objet de contestations croissantes en raison de leurs impacts financiers, sociaux ou écologiques. La capitale française, qui doit accueillir la prochaine édition estivale, semble pourtant échapper à ces controverses qui, même si elles existent, ne paraissent guère à même d'ébranler le « consensus olympique ». À partir d'un corpus d'articles de la presse nationale et d'entretiens auprès d'acteurs engagés dans l'organisation de Paris 2024, cet article propose de mettre en évidence non seulement le cadrage médiatique favorable au maintien de ce consensus, mais aussi le travail de mobilisation qui le sous-tend, mené par différentes catégories d'agents sociaux, politiques et administratifs aux intérêts convergents et qui ont incorporé une même disposition à enchanter les Jeux. Face à ces réseaux de circonstance, les oppositions apparaissent au contraire trop dispersées et fragmentées.
      Sports mega-events such as the Olympic and Paralympic Games are increasingly being contested because of their financial, social and environmental impact. However, the French capital, which is due to host the next edition of the Games, seems to have escaped these challenges, which, even if they do exist, hardly seem likely to break the "Olympic consensus". Based on a corpus of articles from the national press and interviews with actors involved in the organization of Paris 2024, this article proposes to highlight not only the media framework that is conducive to maintaining this consensus, but also the mobilization work that underpins it, carried out by different categories of social, political and administrative agents with converging interests who have embraced the same desire to enchant the Games. Faced with these networks of circumstance, the oppositions appear on the contrary too dispersed and fragmented.
  • CHANTIERS

    • Abolir les passeports ? Les gouvernements contre l'opinion - Speranta Dumitru p. 113-129 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le régime international des passeports obligatoires, tel qu'il existe aujourd'hui, est introduit durant la Première Guerre mondiale. Après l'Armistice, la Société des nations tente de l'abolir, mais plusieurs gouvernements temporisent. Cet article analyse la façon dont on réclame, dans la presse française de l'entre-deux-guerres, la suppression des passeports. Ressenti comme une « vexation », le passeport est jugé « inutile » après la guerre. Pourquoi ne le supprime-t-on pas alors ? Parmi les raisons de son maintien, on explore ici l'hypothèse d'une « utilité politique » : le régime des passeports obligatoires permet aussi aux gouvernements de contrôler l'activité transnationale des opposants politiques.
      The international system of obligatory passports, as it exists today, was established at the beginning of the First World War. After the Armistice, the League of Nations tried to abolish it, but several governments delayed it. This article analyzes how the French press of the interwar period called for the abolition of passports. Seen as a "vexation", the passport was deemed "useless" after the war. So why wasn't it abolished? Among the reasons for maintaining passports, we explore the hypothesis of political “utility”: the regime of obligatory passports enabled governments to refuse passports and thus to control the transnational activity of political opponents.
  • MÉTIERS

    • Aux sources de l'histoire
    • Transmettre l'histoire
      • Questions à Marie-Clémence Andriamonta-Paes sur le film-documentaire Fahavalo - p. 139-148 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Le 7 octobre 2023, à l'occasion des Rendez-vous de l'histoire à Blois, les Cahiers d'histoire co-organisaient la projection du documentaire Fahavalo. Madagascar 1947, sorti en salles en 2018, en présence de Marie-Clémence Andriamonta-Paes, sa réalisatrice. Ce film est le fruit d'un long travail de recherche et de collectage de la mémoire des derniers témoins malgaches du soulèvement de 1947-1948 contre le pouvoir colonial français. Les Cahiers d'histoire reviennent sur la genèse d'une œuvre remarquable et essentielle, qui a vocation à faire sortir de l'oubli cet épisode méconnu des luttes anticoloniales.
        On October 7, 2023, on the occasion of the « Rendez-vous de l'histoire in Blois », the Cahiers d'histoire co-organised the screening of the documentary Fahavalo. Madagascar 1947, released in 2018, in the presence of Marie-Clémence Andriamonta-Paes, its director. This film is the result of a long work of research and collecting the memory of the last Malagasy witnesses of the uprising of 1947-1948 against the French colonial power. The Cahiers d'histoire review the genesis of a remarkable and essential work, which aims to bring out of oblivion this unknown episode of anti-colonial struggles.
  • DÉBATS

  • LIVRES LUS

  • UN CERTAIN REGARD

  • LES CAHIERS RECOMMANDENT...