Contenu du sommaire : Un tournant performatif ?

À partir de la notion de mode d'existence développée par Gilbert Simondon et surtout par Etienne Souriau, il est possible d'aborder la question de la technique sans se laisser arrêter par la présence excessive de l'un de ses résultats : les objets techniques. On peut alors essayer de définir le mode propre de la technique comme un mouvement, un projet, un plissage, une forme très particulière de transcendance, qui n'a pas reçu en philosophie le traitement que mérite son importance et son ubiquité. La notion d'instauration proposée par Souriau permet de reprendre à nouveau la question de la construction mais délivrée des ambiguïtés du constructivisme.

Cet article introduit la notion de ventriloquie, conçue métaphoriquement comme le processus par lequel des interlocuteurs animent ou font parler des figures (le nom que les ventriloques utilisent pour parler des mannequins qu'ils manipulent), des figures qui sont elles-mêmes censées animer ces mêmes interlocuteurs en situation d'interaction. Ventriloquiser des figures (par exemple, des valeurs, des principes, des règles, des faits etc.), c'est se mettre à parler en leur nom et ainsi gagner en autorité en donnant du poids à son propos. Des phénomènes de pouvoir peuvent ainsi être identifiés dans l'interaction sans qu'il faille s'éloigner d'une approche performative et interactionniste du social.

Pour comprendre le processus d'idéation en publicité, c'est-à-dire les modalités d'émergence des idées de campagnes, l'article interroge les appuis de cette activité à partir d'une enquête ethnographique dans une agence. Partant du principe que les individus comme les choses sont dotés d'une agentivité potentielle dans l'action, nous étudions en particulier le rôle performatif des choses dans la création publicitaire. Il apparaît que les objets peuvent être porteurs d'intuitions, mises à l'épreuve dans des conversations ou dans des dialogues intérieurs où d'autres types d'objets performent à leur tour l'activité. Le processus d'idéation est fait d'interactions entre individus, représentations, conventions et différents types d'objets, et se déploie dans une dynamique temporelle circulaire.

Cet article propose d'étudier comment Progressive Grocer, une revue de la presse des affaires spécialisée dans l'épicerie, s'y prend pour replier les mots sur la pratique. Pour les épiciers de terrain, l'irruption de l'écrit dans leur pratique avant tout manuelle pose problème, et la mise à disposition d'un langage capable de « parler leurs gestes », d'exhiber les « choses » dont on leur parle sous forme de photographies, de dessins et d'illustrations, voire comme nous le verrons de « montrer leurs paroles » s'offre comme un moyen de surmonter cette difficulté.

L'analyse sociologique des objets graphiques qui ordonnent l'environnement se concentre généralement sur les ajustements effectués pour les constituer en ressources pour l'action, faisant des usages le principal ressort de leur performativité. À partir du cas de la signalétique du métro, cet article renverse cette perspective et se focalise sur l'activité d'aménagement des lieux. Il cherche ainsi à éviter de considérer les artefacts graphiques comme des objets inertes, et de faire de l'immuabilité une propriété intrinsèque de l'écrit. Il montre au contraire l'importance cruciale du travail de maintenance qui entretient au jour le jour les qualités spatiales et matérielles des objets et leur assure une force performative sans cesse réactualisée.

Cet article vise à pouvoir rendre compte des effets que suscitent les apparitions de personnes distantes et du rôle des dispositifs par la médiation desquels ces apparitions s'accomplissent (sonnettes, sonneries téléphoniques, fenêtres ‘pop-up', notifications, etc.). En revisitant les théories de la performativité, il montre comment élaborer une définition élargie de la performativité permet de comprendre les effets performatifs de telles occurrences, qui impliquent des médiations artefactuelles. Cette approche « techno-pragmatique » est appliquée au cas des sonneries téléphoniques. L'article met en évidence au niveau des sonneries téléphoniques une « crise de la sommation », de portée plus générale, et qui découle de la tension entre l'exigence d'accessibilité et de connectivité, et le souci des individus de se préserver.

Comment concevoir l'action des images ? Cette réflexion se propose de mettre à distance le concept d'effet auquel il est fréquent d'avoir recours pour mesurer l'impact des images. Il s'agit bien plutôt ici, de penser l'opérativité des signes et de spécifier la définition du concept d'effet en référence à la théorie austinienne des actes de parole. La difficulté consiste à penser l'action des images sur le modèle d'actes de langage au sens large. Cette réflexion théorique qui fait référence à l'approche pragmatiste du langage, s'appuie sur l'analyse d'un exemple emprunté aux images de reportages télévisés. Elle interroge un acte de langage particulier : la révélation par l'image, à partir de l'annonce de la capture de prisonniers de guerre sur les chaînes télévisées, irakienne, transarabes, américaines et françaises et la manière dont le sens en a été performé par différents publics.

Depuis la fin des années 1980 s'est développée en France et dans le monde une nouvelle vision des transports qui place des solutions technologiques au cœur d'un appareillage associant la recherche académique, l'industrie et les ministères des transports. On montre comment les Systèmes de Transport Intelligents (ITS) deviennent un enjeu de modernité dans laquelle des acteurs, souvent au sein d'associations internationales, construisent une représentation des cadres de la mobilité des hommes et des marchandises le plus souvent en dehors de controverses sociales tout en attribuant au marché le soin de régler les externalités négatives de la mobilité. Les produits et services sur lesquels se décline la vision des ITS restent dépendants des formes de partenariat entre les acteurs des sphères publiques et privées. Cet article présente aussi les acteurs et réseaux quasi épistémiques de cette construction et suggère que les ITS annoncent la mise en place de nouvelles normes et contrôle de la mobilité plus que de nouvelles inscriptions spatiales des déplacements.