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Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | Vol. 6, 1, 1975 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Note de la Rédaction - p. 5
Les réformes économiques en Europe de l'Est
- La réforme économique en Europe de l'Est : bilan d'une décennie - Morris Bornstein p. 9-13 Aux environs de 1960, les pays est-européens, TU.R.S.S. comprise, ont commencé à envisager divers types de réformes économiques destinées à modifier P «économie administrative» traditionnelle, caractérisée par une planification globale centralisée et un contrôle administratif, instauré au cours des années trente en U.R.S.S. et introduite après la seconde guerre mondiale dans les autres pays est-européens. Les projets de réforme ont différé d'un pays à l'autre mais avaient néanmoins certains traits communs : l'augmentation prévue du rôle des forces du marché ; de nouveaux indicateurs financiers comme les ventes, les profits ou la rentabilité ; un rôle plus actif de la monnaie et une autonomie plus grande des entreprises pour l'élaboration et l'exécution de leurs plans de production. Dans la pratique, l'extension, le rythme et l'éventuelle réversibilité des projets de réforme ont largement varié dans les différents pays du bloc, en fonction notamment de luttes constantes entre les adversaires et les partisans de la réforme. Après dix ans de mise en œuvre, il est possible d'analyser les réformes en cours et de discerner leurs conséquences économiques, politiques et sociales. C'est là le sujet des articles de Marie Lavigne, d'Andrzej Korbonski et de Walter D. Connor dont Morris Bornstein dégage les idées et les thèmes principaux.Economie Reform in Eastern Europe : An Appraisal after a Decade. In the early Sixties, the countries of Eastern Europe, including the Soviet Union, began considering different types of economic reforms designed to change the traditional «administrative» direction of the economy, which was characterized by over-all central planning and administrative control. This system was implanted in the USSR during the Thirties and introduced in the other East European countries after the Second World War. In spite of certain differences, the various projects for reform had many common traits: enforcement of the role of market forces and money; new financial indicators, such as sales, profit or rentability; and greater autonomy for firms in the elaboration and execution of production plans. In practice, the pace of implementation, extension and eventually the reversal of the reform projects varied largely in the different countries as a result of the controversy between adherents and opponents of reform. Ten years after their introduction, it is possible to analyze the reforms in effect and their economic, political and social consequences. This is the aim of the articles published by Marie Lavigne, Andrzej Korbonski and Walter D. Connor, the main ideas and themes of which are discussed by Morris Bornstein.
- Les réformes économiques en Europe de l'Est : dix ans après - Marie Lavigne p. 15-50 Les pays socialistes européens ont derrière eux une décennie de réformes économiques. Le propos commun de ces réformes consiste à associer à l'exécution du plan certains des instruments caractéristiques des économies de marché ; le signe le plus visible, quoique trompeur à bien des égards, en est la restauration de la notion de profit. Dans ces «nouveaux mécanismes économiques», on peut s'interroger sur l'équilibre entre trois couples de notions : centralisation-décentralisation, planification-politique économique, efficacité-rentabilité. Première question : si l'on transfère du centre à la périphérie (ou du sommet à la base) certaines compétences de direction, qui sera le bénéficiaire de ce transfert, l'entreprise ou un échelon intermédiaire (union d'entreprises, combinat, grande unité de production) ? La réponse éclaire non seulement sur la structure de l'administration économique, mais sur la forme du marché socialiste : plus l'industrie sera concentrée, et plus l'on se rapprochera d'une forme oligopolistique, avec les avantages mais aussi les dangers inhérents à l'exercice éventuel de pouvoirs de monopole si l'autonomie de l'entreprise est poussée trop loin. Ces risques se manifesteront plus ou moins selon la réponse donnée à la seconde question : que conservera-t-on de la planification imperative antérieure? Quand de nombreux indices planifiés subsistent, freinant les pouvoirs des unités de production, la réforme se trouve partiellement bloquée : l'entreprise, théoriquement intéressée à la bonne réalisation du plan, ne peut organiser librement l'emploi de ses ressources et déterminer son offre et ses débouchés. Si à l'inverse on utilise surtout les «régulateurs indirects» de la politique économique, dans une situation où subsistent des pénuries de biens de production et de consommation, on court le risque de tensions inflationnistes (d'origine interne ou externe) qu'il faut combattre par des mesures plus énergiques inévitablement interprétées comme un recul de la réforme. La troisième question concerne le conflit entre l'intérêt général, qui requiert une gestion avant tout efficace, selon des critères à préciser, et l'intérêt particulier de l'entreprise et de ses membres, qui implique la maximisation du profit, à condition que l'entreprise s'y sente intéressée. L'identification de l'efficacité et de la rentabilité n'est nullement assurée a priori. Une étude comparative de l'état actuel, en 1974, de la réforme dans quatre pays socialistes (U.R.S.S., R.D.A., Pologne, Hongrie) permettra d'apprécier la diversité des réponses à ces questions et des combinaisons possibles.Economie Reforms in Eastern Europe: Ten Years Later. The socialist countries of Europe now have ten years of economic reforms behind them. The general purpose of these reforms has been to combine the execution of plans whith some features of a market economy. The most conspicuous, although somewhat misleading, indication of this trend is the revival of the profit concept. These «new economic mechanisms» raise the question of the equilibrium among three sets of ideas: centralization - decentralization, planning - economic policy, efficiency - profitability. The first question is: who :will benefit certain decision-making power is transferred from the center to the periphery, or from the top to the bottom? Will it be the individual enterprise or an intermediate level (e.g. industrial associations, vertically grouped enterprises of the «kombinat» type, or major enterprises) ? The reply to this question sheds light not only on the structure of the economic administration but also on the nature of the socialist market. The more concentrated an industry, the nearer it approaches an oligopolistic type of market, with the advantages, but also the dangers inherent in monopolistic power if enterprises' independence is pushed too far. These risks are more or less important according to the answer given to the second question: what is exactly retained now from the prior compulsory planning system? When there are many plan target indicators which restrain the autonomy of production units, reform is partially halted. An enterprise, which is theoretically concerned with the successful realization of the plan, is not free to organize its resources and do market research. If, on the other hand, the indirect regulators of economic policy are primarily used, in a situation where there is a scarcity of producers' and consumers' goods, there is a risk of open (and not only repressed as in the preceding case) inflation, of either internal or external origin, that must be countered by more vigourous measures, such measures being inevitably interpreted as a set-back of the reform. The third question concerns the clash between the general interest which calls for efficient management according to criteria to be defined, and the individual interest of the enterprise and its workers which implies a maximization of profits, provided the incentives are strong enough. But efficiency is not necessarily equated with profitability. A comparative study of the present (1974) state of the reforms in four socialist countries (USSR, East Germany, Hungary and Poland) may provide answers which, suprisingly, are not so different as it would seem.
- Réorganisations administratives ou réformes du système - Eugène Zaleski p. 51-61 Le terme «réforme» est équivoque. Il peut signifier n'importe quel changement introduit par les autorités ou des changements substantiels mettant en cause le système. Marie Lavigne opte pour le premier terme, tout en décrivant surtout les essais des réformes profondes du système. Les préférences pour un système de planification administrative perfectionné, amènent Marie Lavigne à considérer la concentration des pouvoirs au sein des unions et grandes organisations en U.R.S.S., en Pologne et en Allemagne de l'Est comme une relance de la réforme. Elle critique cependant le même phénomène en Hongrie qui pratique une planification basée sur le marché et estime que leur survie est due aux contrôles. Mais il s'agit de contrôles fiscaux et de l'emploi d'instruments économiques. On peut donc influencer l'activité des entreprises sans recourir aux ordres administratifs impératifs. Marie Lavigne adopte le même raisonnement au sujet de l'inflation dans les pays de l'Est. Les pays à planification administrative ? U.R.S.S., Pologne, Allemagne de l'Est ? arrivent par la force même du système à contenir l'inflation. La Hongrie ne le fait qu'en adoptant des contrôles directs. Les succès des pays à planification administrative dans le freinage de l'inflation ne sont cependant que relatifs, mais le baromètre utilisé par Marie Lavigne, l'indice officiel des prix n'est pas concluant. Quant à la Hongrie, dans ce domaine aussi, le contrôle se fait avec des instruments économiques, ce qui prouve que le socialisme de marché est viable. Marie Lavigne estime aussi que le souci d'efficience doit inévitablement réduire l'autonomie de l'entreprise et le souci de justice doit restreindre l'effet de la motivation du profit. Le profit ne devrait donc pas être un véritable moteur de l'économie socialiste. Dans la mesure où elle se place dans l'optique d'une planification administrative, Marie Lavigne n'a pas de difficulté à démontrer les insuffisances du profit. Mais la solution qu'elle propose ? une identification par «ambition socialiste» des chefs d'entreprise avec l'ensemble de la société est utopique. C'est un mélange du bâton et de la carotte qui fait marcher les gens. La nécessité d'admettre le profit comme un des critères importants de succès a d'ailleurs été reconnue officiellement dans tous les pays de l'Est et les limitations qui sont apportées à ce critère en Hongrie ne mettent pas en cause son utilité, et encore moins le socialisme de marché.Economie Reforms versus Reorganization of Centralized Management. The term «reform» being equivocal, it can signify changes brought about through the use of administrative power or fundamental ones which modify the system itself. The former approach is favored by Marie Lavigne, although she also discusses some of the attemps made to modify the system. The author's preference for improving central planning brings her to a favorable evaluation of the concentration of power in the USSR, Poland and the G.D.R. as a means of revitalizing the Economic Reforms and to criticism of the market techniques employed in Hungary. Eugène Zaleski differs with Marie Lavigne on this point and believes that the "Hungarian experiment proves in itself that firms' activities can be controlled through the use of fiscal and other economic instruments without the intervention of central power. Marie Lavigne adopts the same reasoning with regard to inflation in the East European countries. The Soviet Union, Poland and the G.D.R. attempt to contain inflation through imperative central planning while Hungary uses market controls. The success with which inflation is checked in these countries is only relative, but Marie Lavigne's use of the official price index as a success indicator is hardly conclusive in the reporter's opinion. On the contrary, Hungary in its attempt to curb inflation through the use of economic mechanisms confirms the viability of market socialism. In the socialist context, the aim for efficiency should reduce the firm's autonomy and the aim for justice should restrain the profit motivation according to Marie Lavigne. Profit should not, therefore be the dynamic force of a socialist economy. From the administration's point of view, Marie Lavigne has little difficulty pointing out the insufficiencies of profit, but the solution she proposes ? management's identification with «socialist ambition» and with society at large ? is utopie. Profit has, moreover, been officially recognized in the East as one of the chief success indicators and the limitations placed on it as an indicator in Hungary, in no way refute its utility or that of market socialism.
- Réponse à E. Zaleski - Marie Lavigne p. 63-65
- Les aspects politiques des réformes économiques en Europe de l'Est - Andzrej Korbonski p. 67-98 Cet article entend examiner les réformes économiques en Europe de l'Est essentiellement en tant que phénomène politique plutôt qu'économique. Les réformes elles-mêmes sont analysées de deux points de vue : comme variable dépendante ou résultat final d'une série de processus politiques, économiques et sociaux se produisant dans divers pays est-européens et comme variable indépendante ou composante majeure du processus de changement politique et de modernisation. Les réformes économiques en tant que variable dépendante sont la conséquence de transformations survenues dans certains secteurs fondamentaux et qu'on peut résumer sous les rubriques suivantes : « divisions au sein du parti », « assouplissement politique» et «difficultés économiques». L'auteur analyse de manière assez détaillée les changements apparus dans ces domaines et tente en même temps d'en délimiter les causes principales. Puisqu'il serait irréaliste de considérer les réformes uniquement comme une fin en soi ou comme un phénomène isolé, il faut aussi les examiner en relation avec les différents processus qui constituent ensemble le processus de développement politique ou de modernisation. Ainsi, les réformes sont analysées au niveau interne dans le contexte de trois aspects du développement politique ? participation, différenciation structurelle et autonomie des sous-systèmes ? et sur le plan externe dans le cadre des alliances politiques, en insistant sur le Pacte de Varsovie et le Comecon. Aux questions posées par cette étude ? qui s'est produite la première : la libéralisation économique ou politique ? Existait-il véritablement en Europe de l'Est une dichotomie entre les réformes économiques et politiques? ? on répondra qu'en règle générale, l'assouplissement politique et la libéralisation économique se sont produits plus ou moins simultanément. Les variables qui ont influencé la libéralisation économique ont aussi contribué au progrès de l'assouplissement politique et vice versa. Cependant, il semble utile de considérer que le phénomène de libéralisation économique et politique se compose de deux étapes ou cycles, liés l'un à l'autre par les réformes économiques qui constituent 1' « événement-clé ». La différence essentielle entre les deux étapes n'est pas tant l'apparition de nouvelles variables que la possibilité pour les variables initiales d'exercer une influence accrue et par là de renforcer les transformations subies par les conditions de départ, transformations qui ont déclenché le processus de modernisation en Europe de l'Est.Political Aspects of Economie Reforms in Eastern Europe. The purpose of this paper is to examine economic reforms in Eastern Europe primarily as a political rather than an economic phenomenon. The reforms themselves are analyzed from two points of view: as a dependent variable or as the end-product of a series of political, economic, and social processes taking place in several East European countries, and as an independent variable or as a major component in the process of political change and modernization. Economic reforms as a dependent variable resulted from changes in some key areas which can be subsummed under the headings of «divisions within the party», «political decompression» and «economic difficulties». The paper analyzes in some detail the changes in these areas attempting at the same time to disaggregate the major causal factors. Since it would be unrealistic to consider the reforms simply as an end in itself or as taking place in a vacuum, they must also be viewed as being linked with several processes which taken together constitute the process of political development or modernization. Thus the reforms are analyzed internally in the context of three aspects of political development ? participation, structural différenciation and subsystem autonomy ? and externally in the context of alliance politics with emphasis on the Warsaw Pact and Comecon. The answer to the questions posed by the paper: which came first ? economic or political liberalization and was there a real dichotomy between East European economic and political reforms ? is that as a rule both the political and economic relaxations occurred more or less simultaneously. The same variables that influenced economic liberalization also governed the progress of political decompression, and vice versa. Altogether, it appears useful to view the process of economic and political liberalization as consisting of two stages or cycles with the economic reforms as the key «event» linking the two cycles. The major difference between the two stages seems to be not so much the appearance of new variables on the scene as the ability of the original variables to exert greater influence and thus to reinforce the change in the initial background conditions that triggered of the process of modernization in Eastern Europe.
- Commentaire sur « les aspects politiques des réformes économiques en Europe de l'Est » - Vladimir V. Kusin p. 99-105 Dans le contexte est-européen, le terme « réforme » a une série de significations qui va de l'amélioration partielle à un transfert du pouvoir et un changement du système, que ce soit sur un plan technocratique ou au niveau de l'autogestion. Il ne semble pas exister de relation causale simple et directe entre les réformes politique et économique et vice versa bien que de toute évidence elles s'influencent mutuellement. Les tentatives réformistes sont motivées par des «facteurs de changement» nés à l'intérieur et en dehors du système, notamment la recherche de l'efficience économique et politique et les relations avec le monde extérieur. Les diverses expériences et théories ? essentiellement celles de la Yougoslavie, de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie ? sont en voie de se fondre dans une politique réformiste globale qui consiste à réaliser un socialisme démocratique par le transformation pacifique du système existant.The range of meaning of the term «reform» in the East European context extends from partial improvement to devolution of power and systemic change either on a technocratic or self-management level. There does not seem to exist any simple and direct causal relation between political and economic reform or vice versa, although the two obviously influence each other. Reformist attempts are motivated by «factors of change» generated within and outside the system, including a search for economic and political efficiency and relations with the outside world. The various experiences and theories ? notably those of Yugo- slavia, Poland, Czechoslovakia and Hungary ? are in the process of coalescing into a general reformist policy which can be subsumed under the target heading of democratic socialism achieved through a peaceful transformation of the existing system.
- De l'utopie à la société « pragmatique » : conséquences sociales des réformes économiques en Europe de l'Est - Walter D. Connor p. 107-141 La fin de la seconde guerre mondiale a vu naître un nouvel ordre politique dans les pays est-européens : un ordre qui, en raison de ses fondements idéologiques et de son accent posé sur la transformation de l'homme et de la société, peut être qualifié d' « utopique ». Une première expression de cette utopie s'est concrétisée dans l'économie administrative de type soviétique, exportée de son pays d'origine et greffée sur les nouveaux Etats socialistes. Dans cet article, qui traite des principales conséquences sociales de la réforme économique dans les pays de l'Est, on considère la réforme comme un processus de démantèlement de l'économie administrative ? un processus rendu nécessaire depuis que l'on a reconnu la fausseté de l'utopie promise et l'incapacité des méthodes économiques qui lui sont liées à répondre aux besoins économiques actuels des Etats socialistes. Tout comme les conséquences sociales de l'économie administrative ont, dans une grande mesure, modelé la vie quotidienne en Europe de l'Est, de même les conséquences de la réforme promettent de transformer cette vie. L'article se concentre essentiellement sur la réforme hongroise ? le Nouveau mécanisme économique ? entreprise depuis 1968. Elle est considérée comme un «cas» intéressant éventuellement les autres pays socialistes dont les réformes ne sont pas encore allées aussi loin. En Hongrie comme ailleurs, l'économie administrative s'est caractérisée par un niveau de vie peu élevé, un certain égalitarisme des salaires versés accompagné d'une sécurité de l'emploi, une offre insuffisante de biens de consommation et de services et un problème chronique du logement. La logique de la réforme ? et il s'agit peut-être de l'un de ses effets les plus critiques ? met en danger l'égalita- risme (encore qu'à ce niveau peu élevé des salaires moyens) et la sécurité de l'emploi (fondée sur la tolérance d'un sous-emploi déguisé et une faible productivité du travail), qui ont suscité la plus grande part du soutien, quel qu'il soit, apporté aux régimes est-européens par la classe ouvrière. La menace d'une différenciation accrue des revenus, des critères d' «efficience», s'élève contre une forme «populiste» d'égalitarisme répandue au sein de la classe ouvrière qui semble accorder plus d'importance à l'égalité des résultats qu'à l'égalité des chances. Ces phénomènes de même que d'autres conséquences de la plus grande liberté octroyée aux lois d'un quasi-marché (par exemple, un accroissement des revenus paysans par l'augmentation des prix des produits, une différenciation des conditions de logement à mesure que ce dernier tend à devenir un bien « marchand » et non plus « social », etc.) entraînent des transformations dans la situation des couches sociales, jusqu'ici relativement stable. Ces changements sont matière à controverse et la réforme a aussi bien ses partisans (les économistes qui en sont à l'origine, l'intelligentsia et certains autres groupes conscients de ses avantages futurs) que ses détracteurs. Ces derniers forment un groupe extrêmement varié, comprenant de nombreux fonctionnaires de l'administration et des chefs d'entreprise qui se sentent menacés par l'introduction de nouvelles exigences et de nouveaux critères de succès auxquels ils ne sont pas habitués ; de simples ouvriers qui voient dans la réforme une menace envers leur situation matérielle relativement privilégiée et leur rôle esymbolique ; et peut-être la « nouvelle gauche », c'est-à-dire une partie de l'intelligentsia opposée au pragmatisme régnant, qui semble tendre vers une « société de consommation » socialiste. Il est indéniable que la réforme a eu des conséquences, du moins en Hongrie. Que celles-ci soient devenues irréversibles est un autre problème. Le sort de la réforme économique, déjà très avancée en Hongrie mais beaucoup moins dans les autres Etats membres du Pacte de Varsovie, dépend non seulement de l'équilibre interne des forces politiques en ce qu'il influence le consensus sur les conséquences sociales de la réforme, mais aussi de l'attitude de PU.R.S.S. Jusqu'ici les Soviétiques n'ont pas réagi de manière défavorable. Cependant, l'indice d'un mécontentement des autorités envers certaines conséquencee du Nouveau mécanisme économique, exprimé lors du plénum du parti socialiste ouvrier hongrois en mars 1974, pourrait refléter une préoccupation non seulement des responsables hongrois, mais aussi du gouvernement soviétique, face aux résultats potentiels de l'abandon de l'utopie au profit du pragmatisme.The outcome of World War II brought a new political order to the nations of Eastern Europe : an order which, due to its ideological bases and emphasis on transformation of man and society, may be called "Utopian". A primary expression of this Utopia was the Soviet-style command economy, transported from the land of its invention and grafted onto the new socialist states. This essay, which deals with the broad social consequences of economic reform in East Europe, views reform as a process of dismantling the command economy ? a process called forth by the recognition that the promised Utopia is false, and that the economic arrangements linked with its attainment fail to meet the contemporary economic needs of the socialist states. Just as the social consequences of the command economy have shaped, to a significant degree, everyday life in East Europe, so do the consequences of reform promise to change that life. The main focus of the essay is on the Hungarian reform ? the New Economic Mechanism ? in effect since 1968, as a "case" with potential relevance for other socialist states whose reforms have not yet gone so far. The command economy, in Hungary as elsewhere, was marked by low living standards, a certain amount of egalitarianism in economic rewards combined with job security, an underprovisioning of the service and consumer goods sectors, and chronic problems of housing shortage. Perhaps most critically of all its impacts, the logic of reform challenges the egalitarianism (though at low average pay levels) and job security (rooted in a tolerance for disguised underemployment and low labor productivity) which have provided much of whatever working-class support exists for the East European regimes. The threat of increased income differentials, of "efficiency" criteria, confronts a "populist" form of egalitarianism widespread among the working class, to whom equality of opportunity seems not so important as equality of result. These, and other consequences of allowing freer play to quasi-market mechanism (such as increased peasant incomes via higher produce prices, differentiation in housing as it moves toward becoming a "market" rather than a "welfare" item, etc.) imply changes in the hither to relatively stable positions of social strata. Such changes are matters of controversy, and reform has both its defenders (reform economists themselves, the professional intelligentsia and certain other groups who perceive benefits forthcoming) and its opponents. The latter is an especially mixed group, encompassing numerous political functionaries and enter- prise managers who see their positions threatened by the introduction of new demands, and new and unfamiliar performance criteria, as well as rank-and-file workers who see reform as a threat to their relative material and symbolic status, and, perhaps, "New Left" intelligentsia as well, opposed to a pragmatism which seems to aim at a socialist "consumer society". The consequences of reform, in Hungary at least, are real : whether they are, as yet, irreversible is another question. The fate of economic reform, already far advanced in Hungary, less so in the other Warsaw Pact states, depends not only on the internal balance of political forces as it affects the consensus on reform's social consequences, but also on the position of the USSR. The Soviet attitude has thus far been benign, but indications of official discontent with some consequences of the NEM, at the March 1974 HSWP plenum, may indicate not only domestic, but also Soviet, concerns with the potential results of replacing Utopia with pragmatism.
- Négociation de groupe et participation en Pologne - Alexander Matejko p. 143-162 Afin de comprendre l'état actuel des négociations entre les divers grands groupes sociaux de la Pologne contemporaine, il ne suffit pas de connaître les mécanismes du communisme de type soviétique. La tradition historique locale explique également beaucoup de choses. Il ne faut jamais oublier que la Pologne est l'un des rares pays d'Europe où l'aristocratie a toujours été très nombreuse et particulièrement influente. La Pologne a été pendant des siècles un Etat aristocratique où non seulement les rois étaient élus mais où les cercles puissants de la haute noblesse dépendaient eux aussi, dans une large mesure, du soutien de la moyenne et de la petite noblesse. Il est donc très compréhensible que l'idéologie nationale polonaise est encore fortement influencée par les valeurs et les modèles sociaux issus de l'aristocratie et cultivés ensuite par l'intelligentsia. Il existe une longue tradition de divisions socio-culturelles profondes entre les divers groupes de la population, de tendances élitistes répandues, d'une dévotion à l'égard des mythes populaires nationaux, d'une sélectivité des contacts sociaux, d'une attitude chaleureuse envers les amis et les hôtes mais d'une réserve ou même d'une méfiance envers les étrangers ainsi qu'une attitude distante envers les autorités du pays. La démocratisation du système polonais contemporain apparaît comme une solution particulièrement tentante. Cependant, il semble presque impossible de concilier le système politique autoritaire, fondé sur une idéologie et le pouvoir d'un parti unique, avec l'auto-administration locale et la liberté de l'initiative collective. Toute transformation organisationnelle orientée vers la stimulation de l'esprit d'entreprise et de la volonté publique se heurte tôt ou tard aux aspects totalitaires du système en vigueur. Dans certains cas, la démocratie locale ne fonctionne tout simplement pas parce que personne ne se préoccupe réellement de confronter la théorie et la réalité. Les créateurs d'un projet donné sont trop contents du produit de leur imagination pour en surveiller l'application dans la pratique sociale. Les représentants élus ou nommés de la population sont intéressés avant tout à s'assurer le maximum de pouvoir possible sans se préoccuper des desiderata du public. Les personnes situées au bas de la hiérarchie se taisent de peur que les choses n'empirent.Group Bargaining and Participation in Poland. In order to understand the current state of bargaining between various large social groups in present day Poland it is not enough to be acquainted with the mechanism of the Soviet style communism. The local historical tradition also explains a lot. It is necessary to always remember that Poland is one of the few countries in Europe in which the gentry used to be very numerous and at the same time particularly influential. Poland constituted for centuries a gentry commonwealth in which not only kings were elected, but where even the powerful aristocratic circles were dependent to a large extent on the support of the lower and the middle gentry. It is therefore quite understandable that the Polish national ideology even now is still under a strong influence of the values and social patterns originated by the gentry and afterwards cultivated by the intelligentsia. There is a long tradition of deep socio-cultural divisions between various strata, widespread elitist inclinations, devotion to popular national myths, selectivity of societal contacts, a warm attitude towards friends and guests, but a distance or even prejudice towards strangers, a reserved attitude toward formal authorities. The democratization of the whole Polish present day system becomes a very tempting solution. However, it seems almost impossible to reconcile the authori- tiarian political system, based on a single ideology and one Party rule, with the local self-government and freedom of collective initiative. Any new organizational project oriented towards stimulation of entrepreneurship and public will becomes effectively challenged sooner or later by the totalitarian aspects of the whole system. In several cases local democracy just does not work because nobody really bothers to confront the blueprint with the reality. Originators of a particular project are just too happy with the product of their imagination and therefore neglect to attend to how it works in social practice. The elected or nominated représentants haves vested interests in gaining as much power as possible without bothering with the common will. People at the bottom of the hierarchy keep quiet because they fear that things will turn worse.
- La réforme économique en Europe de l'Est : bilan d'une décennie - Morris Bornstein p. 9-13
Articles
- La crise énergétique en Pologne et ses rapports avec la politique économique et sociale - Claude Simon p. 163-198 L'auteur se propose de rechercher dans quelle mesure la crise énergétique mondiale commencée fin 1973 peut expliquer les diverses mesures restrictives, la hausse des prix et l'aggravation du déficit de la balance commerciale au cours de l'année 1974 en Pologne. Dans une première partie, consacrée au bilan énergétique des pays du C.A.E.M., il apparaît que, dans l'immédiat, cette communauté économique dans son ensemble se suffit à elle-même, surtout grâce aux ressources de l'U.R.S.S. dont les livraisons, de pétrole notamment, sont faites à des prix constants, valables jusqu'à la fin de 1975. Cependant, dans quelques pays, l'insuffisance des investissements dans l'énergie électrique depuis la fin de la guerre a créé parfois des situations de pénurie. Par contre, à moyen terme, la situation est moins claire : en effet, d'une part, les centrales nucléaires en nombre important, n'entreront en service qu'à la fin des années 1980 et, d'autre part, les disponibilités en pétrole de PU.R.S.S. ne paraissent pas, dans la connaissance actuelle des réserves, suffisantes pour continuer au même rythme l'expansion des exportations, même vers ses partenaires du C.A.E.M. ; au surplus, leur mise en valeur pose des problèmes technologiques et de financement qui font l'objet de négociations difficiles avec les pays occidentaux. Aussi PU.R.S.S. incite-t-elle ses associés à développer dès maintenant les achats de pétrole aux autres pays producteurs. Dans le cas particulier de la Pologne, examiné ensuite, ce pays ne dispose que de faibles ressources en pétrole et en gaz naturel, en revanche, sa production croissante de houille et de lignite permet des exportations en progression constante et à des prix en augmentation à l'égard de clients occidentaux; il n'en demeure pas moins que dans son bilan énergétique la Pologne dépendra de plus en plus des importations. Les conséquences de cette situation et le rapport de celle-ci avec certaines difficultés actuelles sont analysés dans la troisième partie. Tout d'abord, les deux trains de mesures prises en novembre 1973 et en décembre 1973 pour économiser l'emploi de l'essence, du fuel et aussi des autres matières premières sont justifiés par la nécessité de redresser la balance commerciale ; elles ont aussi un caractère préventif en vue du renchérissement attendu des importations de ces produits au cours des années prochaines et s'inscrivent d'ailleurs dans le cadre plus vaste de lutte contre le gaspillage des matières premières menée depuis des années sans succès décisif jusqu'à présent. Mais l'analyse de la balance commerciale prouve que la détérioration de son bilan, essentiellement avec les pays occidentaux développés, et ce depuis 1971, tient à la politique du nouveau gouvernement (nommé après les événements de décembre 1970) tendant à améliorer le niveau de vie et plus encore à moderniser rapidement l'équipement industriel du pays par des achats massifs à l'Ouest. Ce changement de la politique commerciale joint à un endettement extérieur croissant s'est produit malencontreusement au moment où augmentaient les prix des matières premières et des produits finis, livrés par le monde occidental, et le rapport des termes de change n'a fait qu'empirer en 1974. Simultanément, et en partie sous la pression de la base, le gouvernement a adopté le 19 janvier 1974 un vaste programme de mesures sociales ? relèvements catégoriels des salaires, amélioration des prestations sociales et des retraites, etc., ainsi qu'en faveur de l'agriculture ? la plupart en avance sur l'échéancier fixé en 1971-1972, d'un tel coût financier qu'il a fallu augmenter substantiellement certains prix de sorte que l'indice des prix de détail de biens et de services a augmenté de 0,7 % du dernier trimestre 1973 au second trimestre de 1974, fait exceptionnel dans les pays de l'Est. Cette hausse a été justifiée par la redistribution des revenus et c'est le cas évidemment de l'augmentation des prix de l'essence de 70-80 % puisque les prix du brut qui est totalement importé de 1'UJl.S.S., de même que la plus grande partie des produits traités, n'ont pas changé en principe. Aussi, face au danger d'inflation, les autorités ont lancé de nouvelles campagnes pour l'accroissement de la productivité, l'abaissement des prix de revient, la concentration des investissements et la discipline dans les salaires. On trouvera en annexe le détail des mesures d'économie des carburants et des matières premières et, surtout du programme social : à l'occasion de celui-ci, de nombreuses précisions chiffrées ont été données que l'on ne trouve pas ? ou difficilement ? dans les publications statistiques officielles.The Energy Crisis in Poland and its Impact on Social and Economie Policy. The question raised in this article is to what degree can different restrictions, the rise in prices and the increased deficit of Poland's balance of trade for the year 1974, be attributed to the world energy crisis, whose effects began to be felt in 1973. The first part of the analysis is devoted to the CEMA energy balance. For the present the bloc appears self-sufficient, mainly due to fuel deliveries from the USSR which are assured at fixed prices through 1975, notwithstanding that certain countries suffer from a penury of electric energy due to the lag in investments in this area since the end of the war. However, the middle term situation appears less clear; an important number of nuclear installations will not be in service until 1980, and the Soviet Union's fuel excess does not seem sufficient, in view of present reserves, to continue increasing exportations at the present pace, even to the CEMA countries. In addition to this, the exploitation of certain resources is encountering technological and financial difficulties which depend to some extent on dealings with the West. Hence, the USSR is encouraging her CEMA partners to develop trade agreements with other petroleum exporting countries. Poland is in a particular situation. Although lacking petroleum and natural gas resources, an increased coal production enables her to export more and more to the West at higher prices. In spite of this, Poland's energy balance depends to an ever increasing extent on importations. The consequences of this situation and present difficulties are analyzed in the third part of the article. First, the two series of restrictions placed on the use of fuel and raw materials in November and December 1973, in a effort to adjust the balance of trade seem justified since they are also designed, in the larger framework of the struggle against the waste of raw materials, to have a certain stabilizing effect on future price rises for these products. An analysis of the balance of trade indicates that Poland's unbalanced commercial activity with the West since 1971, is due to the policies of the new government (in office since the events of December 1970) aimed at improvement of the standard of living, and rapid modernization of the country's industrial equipment through massive purchases from the West. The changes in policy along with increased foreign indebtedness unfortunately coincided with the rise in the prices of industrial goods and raw materials in the West and an increasingly lower rate of exchange which has continued to fall since 1974. Spontaneously, and partly under pressure from the population, the government, on January 1974, adopted a vast program of social reforms ? increased wages, social security, pensions, etc. and aid to agriculture. The greater part of these increases were higher than those fixed by the budget at the beginning of the Five Year Plan. The financial burden was such that it became necessary to increase certain prices, which are reflected in the index of retail prices for goods and services by an increase of 0.7 °/o between the last quarter of 1973 and the second quarter of 1974, exceptional in the Eastern bloc. But the redistribution of incomes and the increase in gasoline prices of 70 to 80 °/o are mainly responsible, since the price of crude oil, which is entirely imported from the USSR, as well as those of most of the refined products, have not, in principle, changed. Faced with inflation the authorities have launched new productivity campaigns to lower the cost of production and are also encouraging concentration of investments and salary control. The annex includes many interesting data, concerning the social reforms, as well as the economic restrictions on carburants and raw materials which are not easily obtainable elsewhere.
- Recherche scientifique et humanisme - Michèle Saint Marc p. 199-205 Après un rappel des définitions de la science, l'auteur insiste sur les caractères de la Recherche Scientifique qui en font toute la difficulté et aussi tout l'intérêt. Le marginalisme de la Recherche par rapport à la Science officielle résulte de la mise en contestation tactique des principes apparemment les plus assis de la Science officielle dans le but de mieux approcher la vérité. Il en résulte de nombreuses difficultés. Tout d'abord au niveau des personnes, le chercheur étant le vérificateur parfois dénonciateur des théories admises par tous, sa situation n'est pas confortable. Ennemi de ceux qu'il dénonce, peu entouré car seul avec son équipe dans la voie vers une «vérité plus vraie», il est un homme intellectuellement souvent isolé. Il doit cependant avoir le courage de s'auto-critiquer et de s'auto-réformer. Sur le plan financier, le chercheur est aussi dépendant qu'il est isolé sur le plan intellectuel. L'expérimentation de ses théories, la publication de ses résultats sous son propre nom, dépendent souvent de ceux mêmes qu'il conteste intellectuellement. En effet, mis à part le secteur privé où ce sont les perspectives de profit qui servent de critère de financement, les commissions qui distribuent le financement des recherches et statuent sur la carrière des chercheurs, sont composées, à part quelques représentants des chercheurs, de représentants de la science officielle. Ces problèmes sont communs à tous les pays, collectivistes ou capitalistes. Partout, le chercheur doit pour faire progresser la science, lutter contre lui-même pour éviter l'autosatisfaction et contre le conservatisme naturel officiel. De grande rigueur intellectuelle, courageux pour s'imposer, scrupuleux, inventif, le chercheur est un travailleur d'élite. L'auteur cherche ensuite à dépasser le clivage classique entre sciences exactes et sciences humaines qui ferait des secondes un produit de luxe subalterne. L'essor actuel des sciences humaines est, au contraire, le signe d'une promotion de la personne humaine bien utile dans des sociétés qui s'interrogent sur la finalité de la croissance économique.Scientific Research and Humanism. After defining the term «science» the author sets forth the «characteristics» of scientific research. To her mind, marginal research as opposed to official research results from concerted disagreement with the most accepted tenets of official research in an effort to get to the facts. Inevitably, countless difficulties arise. At the personal level, the researcher, as the verifier and often the defector from generally accepted theories, is in an uncomfortable situation. Enemy of those whose theories he condemns, he is often isolated intellectually in his quest for truer truth. He must, therefore have the capacity of self-improvement and self-criticism. Financially the researcher is as helpless as on the intellectual plane. Putting his theories to experiment, publishing his findings, he often depends on the goodwill of those he criticizes. Apart from research in the private sector where effectiveness serves as the criterion for financing, the commissions and other organisms responsible for attributing grants and which have the last word concerning his future are most often, adamant adherents to the canons of officialdom. This situation exists to varying degrees in both capitalist and collectivist societies. In the cause of science, the researcher must thence war with hinself to escape the evils of self-contentment and official conservatism. With rigorous intellectual objectivity, invention and the courage of this convictions he is, in short, a «travailleur d'éliteA In the author's opinion, the rift between exact and human sciences must be bridged, otherwise, the human scientist becomes a sort of gilted under-dog. Today's ever-growing interest in the human sciences proves that the case of the individual in society is a major determinant of economic growth.
- Concept et sondages d'opinion publique en Union Soviétique - Georges Mink p. 207-218 Ce n'est pas avant les années soixante que le concept d' « opinion publique » (obsëestvennoe mnenie), en tant que phénomène sociologique méritant d'être analysé et différant peut-être des doctrines socialistes en vigueur, a commencé et autres. Bien que depuis lors les recherches en ce domaine aient été effectuées à être admis en U.R.S.S. sous l'influence de chercheurs comme Uledov, GriSin officiellement, on tente de montrer ici qu'il s'agit d'un « concept importé », adapté aux besoins de la doctrine marxiste-léniniste. La croissance économique et l'émergence de nouvelles couches sociales ont provoqué des conflits économiques et sociaux qui nécessitent à leur tour un diagnostic sociologique. L'Etat demeure le porte-parole de l'intérêt public mais on tolère un certain degré d'autonomie et de diversité de l'opinion publique, qui modifie les rapports structurels entre le pouvoir et la conscience sociale. Celte nouvelle approche implique des changements d'abord sur le plan scientifique ? le développement de la recherche empirique ? ensuite au niveau de la pratique économique ? la perception des différenciations sociales, des réserves à l'égard du dogme de l'identité de l'intérêt collectif tant du point de vue de l'individu que de celui de l'Etat. A travers de telles recherches, aussi limitées soient-elles, les caractéristiques de la société se précisent : Yhomo sovieticus avec ses croyances, ses stéréotypes et son comportement apparaît pour la première fois. Il devient possible de déterminer sa conception du monde et de comprendre un peu mieux ce qui le pousse à la dissidence ou au non-conformisme. Le développement actuel des sondages d'opinion publique, sous l'égide du pouvoir en place, s'explique, entre autres, par la raison suivante : quand le communisme aura été réalisé, l'opinion publique devrait être en principe autodisciplinée et capable de remplacer l'appareil d'Etat. Cet article tente avant tout de déterminer si la recherche sociologique sera handicapée et arbitrairement limitée au cas où la dissidence à l'égard du dogme en vigueur depuis plus de cinquante ans prenait trop d'ampleur.Concept and Public Opinion Polls in the Soviet Union. It was not until the sixties that the concept of «public opinion» (obshchestven- noe mnenie) as a sociological phenomenon meriting analysis and perhaps differing from the accepted socialist doctrines in vigor began to be accepted in the USSR, under the impulsion of social scientists such as Uledov, Grishin and others. Although research in this field has been officially carried on since that time, the present study attempts to demonstrate that it is an «imported concept», adapted to the needs of Marxist-Leninist doctrine. Economic growth and the emergence of new social strata have engendered economic and social conflicts which in turn require sociological diagnosis. Although the State remains the spokesman of the public will, a certain degree of autonomy and variety in public opinion are tolerated which modifies the structural relationship between power and the social conscience. To this new approach changes are implicit, first, on the scientific level ? the development of empirical research ? and second, in socio-economic practice ? the perception of social differentiations, reservations regarding the dogma of collective will identity from the point of view of the individual, as well as that of the State. Via such research, even though limited as it is, the outlines of the society take form; homo sovieticus with his beliefs, stereotypes and behavior appears for the first time. It becomes possible to assess his perception of the world, understand a little better the reasons for his dissidence or his non-conformity. One of the motives behind the development of public opinion polls today, directed under the aegis of the power in command, is that when the communist stage is attained, public opinion should theoretically be self-disciplined and capable of replacing State machinery. The working hypothesis of this study is the attempt to ascertain whether research in this area will be impaired and arbitrarily limited if dissent regarding the dogma, which has been existant for more than fifty years, should appear too great.
- La crise énergétique en Pologne et ses rapports avec la politique économique et sociale - Claude Simon p. 163-198
Revue des livres
- Janusz Zielinski, Economie Reforms in Polish Industry - Aleksander Smolar p. 221-229
- Patrice Gelard, L'administration locale en U.R.S.S. - Georges Mond p. 230-231
- L. Kos-Rabcewicz-Zubkowski, East European Rules on the Validity of International Commercial Arbitration Agreements - Nicolas Mateesco-Matte p. 232-233
- Résumés des articles - p. 235-251