Contenu du sommaire : Les nouveaux Länder : un cas atypique de la transition ?
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol 33, no 2, juin 2002 |
Titre du numéro | Les nouveaux Länder : un cas atypique de la transition ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Les nouveaux Länder : un cas atypique de la transition ?
- Coordonnateur : Fabienne Boudier-Bensebaa- Avant-propos - p. 5
- La trajectoire de transformation est-allemande : entre sismothérapie et assistanat - Fabienne Boudier-Bensebaa p. 9 Les conditions particulières de la réunification allemande ont conduit à réduire le passage de l'économie centralement planifiée à l'économie de marché dans l'ex-RDA à un problème de rattrapage macroéconomique et à masquer les problèmes systémiques. Notre hypothèse de départ est, au contraire, d'affirmer que les nouveaux Lânder appartiennent comme objet d'étude au champ de la transformation systémique. Après une interrogation sur les fondements des choix faits en matière de transformation systémique en RDA, la question est posée de savoir dans quelle mesure la réunification en a été une condition favorable pour enfin montrer les détours empruntés par rapport à la voie initiale et par rapport à la norme que constitue l'économie sociale de marché.The specific conditions of German reunification have led to reducing the switch from a centrally planned to a market economy in former East Germany to a macroeconomic problem of "catching up". Systemic problems have thus been covered up. Our initial hypothesis affirms, to the contrary, that the new German states should be subjected to studies of a systemic sort. After inquiring into the grounds for the choices made regarding systemic change in East Germany, the question is raised about the extent to which reunification has been a favorable condition. The detours away from initially traced plans and in relation to a social market economy's norms are discussed.
- L'entreprise du peuple et le socialisme en R.D.A. : de l'Histoire comme une ressource - Sandrine Kott p. 25 Dans les sociétés socialistes en général, et en RDA en particulier, l'entreprise nationale constitue une institution centrale du régime. Son indépendance est étroitement limitée par la planification et la toute puissance sur place du parti unique. Elle exerce, par ailleurs, une influence considérable sur la société en tant qu'instance de redistribution des richesses mais aussi parce que, pour ceux qui vivent en RDA, elle se présente comme un instrument de diffusion des valeurs du socialisme et le lieu où se construit l'homme socialiste. De plus en plus étroitement contrôlée, l'entreprise socialiste est toutefois de moins en moins dirigée tandis que l'économie planifiée se révèle incapable d'assurer le bon fonctionnement de l'économie. La survie de cette institution centrale du régime a en réalité dépendu de pratiques et de réseaux informels qui ont été rendus possibles par une sorte de démission larvée des responsables politiques, voire même encouragés par eux. C'est en prenant en compte cette double dimension de la réalité des entreprises de RDA que l'histoire peut se révéler comme une ressource dans la période actuelle.In Communist societies in general and East Germany in particular, state companies were a key institution. Their independence was limited through planning and the single party's omnipotence. State firms also considerably influenced society owing to their role in redistributing wealth. But for those who lived in East Germany, this influence was also felt because these firms were less well managed; and planning proved incapable of running the economy effectively. The survival of this key communist institution depended on informal networks and practices, which arose as political authorities "gave up", sometimes even encouraging their formation. This twofold dimension of the reality of East German firms can turn history into a resource for our own times.
- L'économie est-allemande en transition : une trajectoire singulière entre l'Est et l'Ouest de l'Europe - Rémi Lallement p. 45 Au sortir de l'ex-bloc soviétique, la trajectoire de l'économie est-allemande est profondément singulière, du fait de - et malgré - l'unification allemande. Ceci vaut tout d'abord par rapport à la référence ouest-allemande. L'enjeu est alors d'expliquer comment et pourquoi d'importantes différences de performance et de structure sont appelées à perdurer entre l'Est et l'Ouest de l'Allemagne. Ceci vaut ensuite par rapport aux pays est-européens, même si une telle comparaison est délicate en termes tant statistiques que politiques. Les difficultés persistantes rencontrées dans les nouveaux Lander ne tiennent en tout cas pas qu'aux erreurs de politique économique consécutives à l'unification. Elles relèvent aussi de la problématique de la transition. Elles renvoient en partie à l'héritage de l'ex-RDA et à la nécessité d'un long processus d'apprentissage et d'appropriation des institutions transférées depuis les anciens Lander. Par suite, il est nécessaire de raisonner autrement qu'en termes de réplique du vieux modèle ouest-allemand.Since the Soviet bloc's collapse, the East German economy has been following a quite peculiar trajectory because and in spite of German unification. Taking West Germany as a benchmark, an explanation must be given of how and why major differences in economic performance and structures still persist between the two Germanies. In comparison with other East European countries (and in spite of the statistical hazards and political uncorrectness of such a comparison), persisting difficulties in the new Lander do not only stem from mistakes made in the economic policy of reunification. They also have to do with the transition itself, at least in part with the legacy of the former German Democratic Republic, and with the long learning process necessary for appropriating new institutions transfered from the old Lander. Therefore, the East German economy must not simply be seen as merely replicating the old West German model.
- La Treuhandanstalt et son rôle dans la privatisation est-allemande : un cas exemplaire ? - Joël Massol p. 79 L'article met en évidence les traits spécifiques de la privatisation est-allemande. Il souligne le rôle joué par la Treuhandanstalt (THA), pierre angulaire du processus de transformation des entreprises industrielles de l'ancienne RDA, et expose notamment les logiques multiples, et parfois contradictoires, qui ont présidé aux décisions de la THA entre 1990 et 1994. Il dresse un bilan contrasté de cette institution en examinant les résultats obtenus à la lumière des engagements initiaux. Une étude empirique portant sur un échantillon de 396 entreprises du secteur de la construction mécanique complète ce bilan. Elle montre que les décisions de liquidation, de restructuration et de privatisation prises par la THA sont certes différentes, mais sous-tendues par une logique microéconomique qui n'exclut pas la prise en compte d'autres critères. L'article s'attache enfin à tirer les enseignements de la privatisation est-allemande. Il relève aussi les erreurs et les écueils d'ordre théorique, politique et économique que la voie allemande n'a pas évités et dont les nouveaux Lander portent aujourd'hui encore les stigmates.The Treuhandanstalt (THA) has been the cornerstone in transforming industries in what used to be the German Democratic Republic. Attention is drawn to the various and sometimes contradictory rationales underlying its decisions between 1990 and 1994. The results of the THA's actions are compared with its initial commitments, whence a mixed assessment that is completed by a survey of 396 companies in the mechanic industry. The THA's decisions regarding this industry - whether to shut down, restructure or privatize firms - were, despite their variety, grounded in a microeconomic rationale that did not overlook other criteria. German policy has not avoided making mistakes of a theoretical, political and economic sort, which have left marks on the new Lander. There are lessons to be drawn from this privatization.
- Les restructurations dans les nouveaux Länder : un éclairage venant de l'Est - Jean-François Nivet p. 115 Les travaux consacrés à la dynamique économique dans les nouveaux Lander tendent à considérer cette expérience comme unique et, ainsi, à l'analyser isolément. Les performances macroéconomiques ne sont cependant pas sans lien avec celles observées dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO). Cet article exploite les régularités identifiables dans les PECO pour mieux comprendre les résultats mitigés observés en Allemagne de l'Est, notamment quant aux restructurations. La privatisation par vente à des investisseurs occidentaux comporte des avantages en termes d'incitations internes, absents dans beaucoup de programmes appliqués plus à l'est. Cependant, l'évolution du marché du travail a été fortement contrainte par l'importation des institutions d'Allemagne de l'Ouest. D'autre part, les créations de nouvelles entreprises privées s'avèrent moins nombreuses qu'elles ne l'ont été, par exemple, en Pologne.Considering reunification to be a unique experience, studies of the economy of the new Lander tend to analyze it in isolation. Macroeconomic results can, however, be related to what we observe elsewhere in central and eastern European countries (CEECs). Regularities detected in the latter help us improve our understanding of East Germany's contrasting results, especially in restructuring its economy. Privatization by selling state companies to Western investors has advantages in terms of internal incentives, which are often missing in many programs applied farther east. However, the importation of West German institutions has had a major impact on the labor market. Furthermore, fewer new private companies have been created than, for example, in Poland.
- L'économie est-allemande entre transfert institutionnel, dépendance du sentier et hybridation - Agnès Labrousse p. 137 Douze ans après la réunification, l'économie est-allemande ne ressemble guère au modèle rhénan. Loin de constituer un solide Mittelstand, les entreprises des nouveaux Lànder sont de petite taille et fragiles. Dépendantes des marchés locaux et de l'État, elles n'ont rien de champions à l'exportation. De même, l'étroitesse de la base industrielle est-allemande contraste-t-elle avec le poids du secteur industriel à l'Ouest. Prisonnières d'une approche en terme de rattrapage, les théories de la transition semblent de peu de secours pour rendre intelligibles les caractéristiques émergentes de l'économie est-allemande. Celles-ci ne peuvent être comprises que si le transfert institutionnel, caractéristique centrale du mode est-allemand de sortie du communisme, est endogé- néisé au sein du cadre théorique. Est donc proposé ici un modèle explicatif axé sur différents niveaux institutionnels et organisationnels et leurs dynamiques différenciées de changement. À la lumière de ce cadre théorique, les effets du transfert institutionnel sur l'économie est-allemande s'avèrent plus ambigus qu'il n'a été postulé jusque-là. L'évolution de l'économie est-allemande, loin de suivre un modèle linéaire de rattrapage, est sujette à des phénomènes de dépendance du sentier à la fois par rapport au choc de la réunification et au socialisme. L'interaction entre règles informelles héritées du socialisme et règles formelles ouest-allemandes est source de processus d'hybridation dessinant des configurations organisationnelles et institutionnelles originales.Twelve years after German reunification, the East German economy still does not resemble Rhineland capitalism. Instead of the strong West German Mittelstand, there are fragile microcompanies; instead of export-champions, firms dependent on local markets and orders for their goods and services from the state; instead of a large, competitive industrial sector, a very small one. The transfer of West German formal institutions did not led to a replication of the West German capitalism. To understand why, the institutional transfer - a key factor in East Germany's emergence from Socialism - must be placed in a multilevel theoretical framework for grasping its impact on the economy and especially on organizational dynamism. This impact can thus be seen as more ambiguous than is usually admitted. Far from the assumptions underlying the transition paradigm, the East German case is not to be understood as a mere catching-up. The evolution of the economy in the east is "path-dependent", i.e., affected lastingly by the shock of reunification and the period of Socialism. The interaction between the informal rules inherited from Socialism and West German formal rules has given rise to a hybridization that is producing original organizational and institutional forms.
- Derrière la vocation continentale de l'économie septentrionale italienne, une trajectoire de retour à la Mitteleuropa des Habsbourg - Clotilde Champeyrache p. 169 Dans cette contribution, nous analysons le développement de liens économiques privilégiés entre l'Italie septentrionale et des pays d'Europe centrale (Allemagne et certains PECO). Derrière les dynamiques favorisées par la construction européenne, nous mettons en évidence l'existence d'une trajectoire historique reliant le nord de l'Italie à l'aire géographique de la Mitteleuropa des Habsbourg et remontant à la période pré-unitaire (1860). Dans une optique d'inspiration evolutionniste, nous étayons la thèse de la trajectoire historiquement déterminée en évoquant trois "verrouillages", à savoir : l'influence du réfèrent local ; la corrélation supposée entre voie allemande et succès économique ; la rémanence de l'intégration nord-italienne à la sphère de la Mitteleuropa.The development of economic relations between northern Italy and some central European countries (including Germany) is analyzed. Underlying the momentum impelled by the construction of Europe is a history linking northern Italy to the geographic zone corresponding to the Hapsburg's Mitteleuropa prior to the peninsula unification (1860). An evolutionary perspective is adopted to back up the thesis of a historically determined trajectory. Three lock-in are brought to light: the influence of the local referent; the supposed correlation between the "German path" and economic success; and the afterimage of northern Italy's integration in Mitteleuropa's sphere.
- Marché, organisation, réseau : l'économie de la société et la problématique communiste et post-communiste. Quelques réflexions dans une perspective luhmannienne - Louis Baslé p. 197 II s'agit de tester la validité méthodologique et théorique de la théorie sociologique de N. Luhmann. Cette théorie repose sur l'idée de système auto-poïétique et auto-référentiel, tout système s'auto-définissant comme différence d'avec son environnement. Ce test sera appliqué aux problèmes de la disparition (presque achevée) des formes soviétiques d'économie et des dynamiques évolutives divergentes et erratiques qui s'ensuivent. L'économie, selon Luhmann, est un système autonome comme les autres systèmes de la société (droit, politique, etc.). Cette différenciation en systèmes émergents est typique de la modernité. Le système de l'économie s'auto-reproduit par l'enchaînement des paiements, le médium étant l'argent, et il oscille entre variété (liberté et indétermination) et redondance (contrainte et décision hiérarchiques). Le projet communiste consiste, tout en refusant la différenciation, à vouloir moderniser par la maîtrise politique de toute la société, maîtrise exercée par le parti unique. Le système politique tente un couplage trop brutal avec le système économique - réduit dès lors à une machine asservie (ou triviale) -, ce qui invalide l'enchaînement des paiements, détruit l'anticipation probabiliste des agents et aboutit, d'une part, à l'asphyxie et, d'autre part, à la multiplication des réseaux et des relations de clientèle, seuls remparts contre le manque de variété. Le communisme n'est pas un système qui pourrait être comparé à un autre système. C'est d'abord, par rapport à la modernité, une protestation interne et une auto-description critique. C'est ensuite une tentative de développement moderne - sans l'inévitable différenciation - mise en œuvre dans des pays "irrités" et perturbés par le défi de la modernité. L'échec du communisme et les façons d'en sortir dépendent du contexte historique et culturel eu égard à la différenciation fonctionnelle, lequel contexte déterminera largement les diverses voies de sortie.How methodologically and theoretically valid is Luhmann's sociological theory based on the idea of an "autopoietic", self-referential system? Every system is said do define itself as a difference with its environment. This theory is tested in relation to the (now nearly) extinct Soviet economies and the divergent, erratic patterns that have ensued. According to Luhmann, the economy is a self-contained system, like other systems in society (law, politics, etc.), this différenciation into systems being typical of modernity. The economic system reproduces itself through the chaining of payments, using money as a medium. It swings back and forth between variety (freedom and indeterminacy) and redundancy (constraint and hierarchical decision-making). Refusing differentiation, Communism sought to modernize the economy by exercising, through a single party, political control over all of society. The political system tried to command the economic system, running it like a machine. This broke the chain of payments, undermined actors' probability-based expectations and stifled the economy. In turn, patronage networks proliferated, since they were the only defense against the lack of variety. Communism is not a system that can be compared to another system. In relation to modernity, it represented an "internal protest" and a "critical self-description". It was also an attempt, undertaken in countries "irritated" and disturbed by the challenge of modernity, to achieve modern development without the inevitability of differentiation. Following the collapse of Communism, the ways of "exiting" from it depend on the historical and cultural context with regard to functional differentiation.
Revue des livres
- Françoise Daucé – L'État, l'armée et le citoyen en Russie post-soviétique - Isabelle Facon p. 239