Contenu du sommaire : Héritages des réformes agraires

Revue Problèmes d'Amérique Latine Mir@bel
Numéro No 79, hiver 2010-2011
Titre du numéro Héritages des réformes agraires
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  • Que sont devenus les bénéficiaires des réformes agraires latino-américaines ? - Evelyne Mesclier p. 7 accès réservé avec indexation
  • Pluralisme institutionnel et reconfigurations de l'ejido au Mexique. De la gouvernance foncière au développement local - Eric Léonard p. 13 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Depuis les années 1930 et la mise en œuvre de la réforme agraire, l'ejido a été au centre du pacte social liant État mexicain et communautés rurales, devenant le socle fondateur de la gouvernance rurale. La réforme de la loi foncière de 1992, qui permet l'individualisation des droits fonciers et dessaisit l'institution ejidale de ses prérogatives de gouvernement politique, autorise une révision radicale de son rôle. À partir d'une étude de cas réalisée dans la région des Tuxtlas, au sud de l'État de Veracruz, l'article décrit les mutations de cette institution au cours de l'histoire récente. Celle-ci s'est adaptée aux nouveaux enjeux de reproduction socio-économique des familles rurales, en (ré)investissant des champs d'intervention dont la nouvelle législation l'excluait a priori. L'analyse pointe la capacité différenciée des autorités des ejidos à construire des dispositifs de fiscalité, à forte dimension informelle, aux ressources orientées vers la mise en place de biens publics locaux.
    Since the 1930s and the implementation of the agrarian reform, the ejido has remained at the core of the social pact tying the Mexican State to rural communities, and became the cornerstone of a new rural governance regime. The 1992 reform of the agrarian law, which set the bases for an individualisation of land rights and disempowered the ejido institutions from any political function, radically put its role in jeopardy. Based on a case study in the Tuxtlas region in southern Veracruz, this paper deals with the mutations of the ejido institution in the course of the last twenty years. It focuses on the processes through which this institution responded to the new issues of rural households' socio-economic reproduction, by (re)assuming functions proscribed by the new law. It particularly examines the uneven capability of ejido authorities to build local fiscal devices in a very informal way so as to provide and maintain local public goods.
  • La participation des bénéficiaires de la réforme agraire à la production de l'espace agricole péruvien : une dynamique remise en cause par le libéralisme ? - Evelyne Mesclier p. 35 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La réforme agraire péruvienne initiée en 1969, radicale mais brève, laissa des marges de liberté à ses bénéficiaires. À partir d'études de cas dans deux régions distinctes, l'article montre que ceux-ci modifièrent les modèles proposés par l'État. Ils privilégièrent l'usufruit individuel, sans exclure totalement les formes collectives d'accès à la terre et d'exploitation, diversifièrent leur production pour profiter de la croissance des marchés urbains, alors qu'ils étaient poussés vers les grandes cultures alimentaires aux prix d'achat contrôlés. Cependant, l'actuelle phase libérale remet en cause leur maîtrise des régulations foncières et les amène parfois à participer dans des conditions risquées à l'agriculture d'exportation encouragée par l'État. Alors que d'autres groupes s'appuient sur des revendications ethniques, les sociétés locales issues de la réforme agraire, composées de populations diverses, peinent à faire reconnaître leurs droits à la gestion du territoire.
    The Peruvian agrarian reform launched in 1969, radical but brief, left spaces of freedom to its beneficiaries. As case studies carried out in two different regions demonstrate, these beneficiaries modified the rules proposed by the State. They focused on individual usufruct while keeping collective modes of access to land property and exploitation. They diversified their crops, and took advantage of urban market growth, despite being encouraged to adhere to a model that privileged the production of lowpriced food. However, the current phase of liberalization threatens their capacity to control the property rights regime at the local level and leads some of them to participate, in risky conditions, in the export-oriented agriculture encouraged by the State. While other groups base their actions on ethnic rights, the beneficiaries of the agrarian reform are often of diverse origins and constitute local societies with little power to make their voices heard with regard to development strategies in their territory.
  • Stratégies paysannes face à l'échec du marché foncier au Guatemala - Ursula Roldan Andrade p. 55 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Le marché des terres au Guatemala fait partie d'une politique agraire impulsée par les organismes internationaux, institutionnalisée en 1999 par le Fonds de terres, dans le cadre des accords de paix. Sa création était censée permettre une redistribution foncière, dans un contexte de concentration extrême, et le développement social, la majorité de la population rurale dépendant de l'agriculture. Plus de dix ans après, son impact se révèle insignifiant. Cependant, quelques groupes paysans ont réussi à surmonter son échec. Ils ont adopté des stratégies leur permettant de forcer les mécanismes du marché des terres, de construire leurs espaces de vie et de faire l'essai de divers systèmes de production, pour garantir leur reproduction sociale et culturelle, en l'absence quasi complète de l'État. Ils développent des capacités à l'échelle locale, dont le renforcement nécessite une transformation radicale de la politique agraire nationale.
    The land market in Guatemala is part of an agriculture policy motivated by international organizations, institutionalized in 1999 through the Land Fund (Fondo de tierras), as a result of the Peace Agreement. This creation was to allow an efficient distribution of land, in a context of great concentration of ownership, and offer social development to local communities in a country where the majority of the population depends on agriculture. More than ten years later, its impact has turned out to be insignificant. However, some peasant groups have manged to overcome the failure of this policy. They adopted strategies which allowed them to force the mechanisms of land market, to establish living spaces, and to test various systems of production, guarantying their social and cultural development, with a near total absence of the State. They develop their local skills, but the reinforcement of these dynamics requires a radical transformation of national agricultural policy.
  • Au Nicaragua, la terre a "changé de mains" ! - Hélène Roux p. 71 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Dans la seconde moitié du XXe siècle, la tenure de la terre au Nicaragua a subi des transformations, adaptations à l'évolution de l'économie mondiale mais aussi reflets de choix politiques. À la fois option stratégique et réponse aux revendications paysannes, la question du sujet destiné à porter les changements est déterminante. Le gouvernement sandiniste en misant principalement sur la grande production fit des ouvriers agricoles les bénéficiaires désignés de la réforme agraire, au détriment des petits producteurs. Puis, lors du retour à l'économie de marché, la chute des prix du café à la fin des années 1990 frappa durement le modèle agro-exportateur, ruinant les tentatives des anciens salariés des fermes d'État de maintenir des structures de production héritées de la gestion étatique. La préférence accordée au capital financier empêche la petite et moyenne paysannerie de devenir une force économique mais favorise une reconcentration foncière au profit d'une fraction ascendante de la bourgeoisie.
    In the later half of the 20th century, land tenure in Nicaragua land was the object of transformations as a result of adaptation to the evolution of the global economy, but which also reflected the political choices of governments that implemented them. Because it is both a strategic option and a political answer by the State to the claims of the peasants, the question of the entity that is supposed to carry out these changes is crucial. The Sandinista government's decision to rely primarily on largescale production has made the land worker the designated beneficiary of agrarian reform, to the detriment of small producers. Later, when Nicaragua returned to a market economy, the drop in the price of coffee at the end of the 1990s struck the agro-exportation model hard and ruined attempts by former State farm employees to maintain production structures inherited from the State management. The preference granted to financial capital does not allow small and medium peasantry to reconstitute itself as an emergent economic force, but rather favours a reconcentration of the land for the benefit of an ascending fraction of the bourgeoisie.
  • Varia

    • Elections présidentielles 2010 au Chili : enjeux de la fin des gouvernements de la Concertation et installation d'une nouvelle coalition de droite au pouvoir - Daniel Grimaldi p. 91 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les élections présidentielles de 2010 constituent le changement politique le plus important au Chili depuis la chute d'Augusto Pinochet. Le gouvernement de Michelle Bachelet, malgré une cote de popularité élevée, n'a pu transposer ses succès vers la coalition qui le soutient, la Concertation, ce qui a entraîné la défaite électorale de ceux qui avaient conduit jusqu'ici la démocratisation. La Coalition pour le changement, nouvelle coalition de droite, prend le pouvoir avec à sa tête l'homme d'affaires Sebastián Piñera. C'est une « nouvelle droite », éloignée des stigmates de la dictature et engagée dans des politiques en faveur des secteurs populaires, que ce dernier veut désormais incarner. Cependant, cette coalition, à l'épreuve du pouvoir, se révèle surtout comme un groupe d'hommes d'affaires ayant d'importants conflits d'intérêts avec l'administration publique. Une réorganisation du paysage politique s'impose, gauche et droite se redéfinissant selon de nouvelles lignes d'alliances et avec de nouveaux acteurs.
      The 2010 presidential election represent the most important political change in Chile since the fall of Augusto Pinochet. Despite the success of Bachelet and her high levels of personal popularity, she was not able to ensure a victory for the Concertación, which meant electoral defeat for those who had led the democratization process. A new political coalition of the Right Wing, the “Coalición por el cambio”, came to power, headed by businessman Sebastian Piñera. It represents a “New Right Wing”, which would be positioned far from the stigmatized dictatorship and exhibit a new commitment to policies aimed at the poor and to the social role of the state, and show great openness to human rights issues. Nevertheless, this coalition, put to the test once in power, has demonstrated itself to be an array of business people who face serious conflicts of interest with the public administration. A re-arrangement of the political picture is growing, in which Left and Right must be redefined in the light of new alliances and the emergence of new partisan actors.
    • Les "anges rebelles" : la légitimation de la violence insurrectionnelle dans la révolution bolivarienne - Paula Vasquez Lezama p. 119 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      L'insurrection armée du 4 février 1992, menée par des officiers subalternes de l'armée de terre vénézuélienne, fonde la révolution bolivarienne. Cet événement se caractérise tant par la nouveauté des protagonistes sur la scène politique que par la manière dont, mis en récit, il est justifié et légitimé a posteriori comme mode d'action politique valide. Cet article part d'une brève chronique de ce coup d'État pour ensuite analyser, d'une part, les outils de justification de la violence insurrectionnelle fournis par certains secteurs de gauche et, d'autre part, la manière dont les commandants rebelles se sont emparés de la figure de Simón Bolívar pour alimenter un projet politique nationaliste et idéologiquement éclectique. À partir d'une révision de sources historiographiques et de documents édités avec l'approbation des protagonistes eux-mêmes, il montre les diverses facettes de cette opération de légitimation ainsi que l'ampleur de la rupture de l'ordre politique.
      The armed insurrection of February 4, 1992 conducted by low-ranking officers of the Venezuelan Army is the founding event of the Bolivarian Revolution. This event is characterized both by the novelty of its protagonists on the political scene and by the way it was put into narrative and later justified and legitimized as a mode of valid political action. This article begins with a brief chronicle of the takeover and then analyzes, on the one hand, the tools used by some on the Left to justify the insurgent violence and, on the other hand, how rebel commanders have adopted the figure of Simón Bolívar to nourish a nationalist and ideologically eclectic political project. Based on a review of sources and on a historiographical analysis of documents published with the approval of specific protagonists, this work shows the different facets of the operations of legitimation and the magnitude of the rupture of political order.