Contenu du sommaire : Des femmes sur l'Afrique des femmes.

J. M. Bujra —~~ Production, propriété, prostitution: la politique du sexe à Atu.~~ L'économie agricole de cette île swahili est basée sur la propriété foncière individuelle et la culture de produits d'exportation. Les femmes n'ont, en principe, pas accès aux instruments du pouvoir économique, mais sont parvenues, en relation conflictuelle avec les hommes, à s'assurer un pouvoir économique propre en émigrant pour se prostituer. Cette émigration, qui intéresse à peu près 50 % de la population féminine, contribue plus à l'économie locale que celle, sensiblement équivalente, des hommes, dans la mesure où les migrantes investissent à Atu dans la construction de maisons où s'installer à leur retour. Il existe une certaine forme de prostitution sur place mais elle reste très différente, aussi bien socialement qu'économiquement, de celle pratiquée au cours de la migration à Mombasa. Le phénomène paraît remonter aux transformations économiques résultant de la suppression de l'esclavage et du déclin du commerce avec l'Arabie. La polygynie synchronique a cédé la place à la polygynie diachronique, en relation avec l'incidence élevée des divorces, d'où la nécessité pour les femmes de posséder leur propre maison, dans un système résidentiel centré sur des groupes féminins. En dépit de la tradition islamique, les ex-prostituées sont assez bien acceptées socialement. On peut arguer que les femmes, réduites à la dépendance économique, cherchent à y échapper en utilisant leur capital sexuel comme arme défensive.

M. Etienne — ~~Femmes et hommes, pagnes et colonisation : la transformation des relations de production et de distribution chez les Baule de Côte d'Ivoire.~~ La production, chez les Baule, est fondée sur la division sexuelle du travail. L'époux considéré comme ayant l'initiative d'une production, ou comme ayant fourni la matière première, est « propriétaire » du produit et, une fois les besoins familiaux satisfaits, en assure la distribution — quitte, le cas échéant, à y faire participer son conjoint. Les femmes cultivent le coton et le filent et donc, bien que les tisserands soient des hommes, contrôlent la circulation des pagnes. En raison de la valeur de prestige de ces pagnes, qui les soustrait au circuit de l'économie de subsistance, les hommes ont intérêt à acheter du fil hors du groupe de production conjugal ; mais, puisque les producteurs sont des femmes, la relation demeure du même ordre. La colonisation a provoqué la dislocation de ce type de relation, notamment en introduisant la fabrication industrielle des textiles, la culture commerciale du coton et d'autres denrées, ainsi que l'économie de marché. Les pagnes artisanaux restent une marchandise de prestige mais peuvent être désormais fabriqués par les hommes, avec des filés industriels Le commerce des pagnes industriels est également entre leurs mains puisque, grâce aux cultures commerciales — auxquelles participent les femmes —, ils disposent du capital nécessaire. Les ouvrières des filatures et des tissages contribuent ainsi doublement à leur propre aliénation. Elles sont désormais placées dans une relation de dépendance et non plus d'interdépendance.

C. Dinan - ~~Pragmatistes ou féministes ? Femmes célibataires cadres à Accra.~~ L'effet de l'urbanisation sur le statut des femmes africaines divise les observateurs entre « optimistes » et « pessimistes », leurs conclusions paraissant souvent impressionnistes et entachées d'ethnocentrisme. L'auteur a donc préféré aborder le sujet dans la perspective de la stratégie des rôles et intentions. Elle étudie dix-sept cas de femmes akan, célibataires ou divorcées, occupant des emplois supérieurs ou exerçant des professions libérales. Dans un système de valeurs qui continue à privilégier le mariage et la maternité, le célibat reste un choix temporaire qui permet à ces femmes de renforcer leur position dans leur lignage, surtout du côté de la parentèle féminine. Tout compte fait, la modernisation paraît avoir, pour ce groupe restreint, un effet objectivement bénéfique.