Contenu du sommaire : La Corne dans tous ses États
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | Vol. 37, no 146, 1997 |
Titre du numéro | La Corne dans tous ses États |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation - Alain Gascon, Marcel Djama p. 277-279
Identité et histoire
- Les frères ennemis - Michel Perret p. 281-287 L'Ethiopie s'est construite par un lent glissement vers le sud du centre de gravité du pays, du Tigré vers le Choa et les riches terres méridionales. À l'intérieur même du pays amhara, l'opposition Tigré-Choa est restée vivace ; elle est même, depuis 1991, au cœur des rivalités pour le pouvoir. Il reste à construire un nouvel équilibre entre pouvoir central et pouvoir régional, entre centre et périphérie.As Ethiopia formed, its center of gravity has slowly shifted southwards: from Tigray to Shoa and fertile southern soils. Inside the territory inhabited by Amhara, the Tigray/Shoa opposition is still alive. Since 1991, the struggle for power centers around it. A new balance has not yet been reached between central and régional authorities.
- Pouvoir de bénir et de maudire : cosmologie et organisation sociale des Oromo-Arsi - Abbas Haji p. 289-318 En dépit du principe égalitaire de leur organisation sociale et en particulier de leur idéologie égalitaire élaborée, les Oromo connaissaient certaines hiérarchies temporaires et permanentes dont l'origine est attribuée à la perturbation de l'ordre social et cosmique par certains individus qui ont provoqué la malédiction de ceux qui disposent du pouvoir de bénir et de maudire diverses instances : Dieu, les ancêtres, la terre, les Qaallu, etc. La constitution de certaines castes endogames est liée à la malédiction originelle. La notion de bénédiction/malédiction relève de l'autorité politique/morale, servant de mécanisme institutionnel de contrôle social et de maintien des rapports harmonieux entre les hommes et la nature, ainsi qu'entre les hommes et le monde invisible. À travers l'analyse des mythes et des principes de l'organisation sociale (le Gadaa, le Qaallu et la parenté), ce texte met en évidence la logique sous-jacente des rapports sociaux et le fonctionnement global de la société oromo traditionnelle et rend compte du débat récent visant à assimiler le Gadaa à l'État moderne.Despite their social organization's egalitarian principles and ideology, the Oromo have temporary and permanent hierarchies. These are said to originate in the disturbance of the social and cosmic order by individuals who have brought down upon themselves the curses of those powers ancestors, God, the earth, the Qaallu, etc. who have the power to bless and curse. The formation of certain endogamous castes is linked to this original curse. Blessing and cursing thus have to do with moral and political authority, which serves as an institutional means for ensuring social control and maintaining man-kind's harmonious relations with nature and the invisible world. The analysis of myths and principles of social organization (Gadaa, Qaallu and kinship) sheds light on both the rationale underlying social relations and the way traditional Oromo society works. The recent debate for likening the Gadaa to the modem state is reviewed.
- Pour une histoire des Arabes de Djibouti, 1896-1977 - Alain Rouaud p. 319-348 Installés en nombre à Djibouti dès sa création, les Yéménites toujours qualifiés d'« Arabes » ont monopolisé de nombreux secteurs économiques et acquis une influence qui n'a jamais débouché sur une prise de pouvoir politique. Placés entre les « autochtones » afar ou somali et les occupants français, ils se sont, aux approches de l'indépendance, partagés entre partisans du maintien de la présence de ces derniers et sympathisants des revendications nationales.Many Yemeni, who are always called "Arabs", settled in Djibouti when it was founded. They have monopolized several branches of the economy and acquired influence, but never so much as to be able to wield political power. Situated between the French occupants and the Afar or Somali natives, these "Arabs" split, as independence neared, between those who wanted a continued French presence and those who supported demands for nationhood.
- Les frères ennemis - Michel Perret p. 281-287
Segmentarité et état
- Making Peace in Somaliland - Ioan M. Lewis, Ahmed Y. Farah p. 349-377 Cet article présente les résultats d'une brève enquête de terrain, menée au cours de l'été 1993, sur l'organisation et la progression des initiatives de paix se déroulant en Somalie, au niveau local. Ce travail de terrain, qui s'est accompagné d'une étude de la littérature sur le sujet, repose également sur les publications préalables des deux auteurs. Lorsque le président Siad fut renversé, le National Movement du Somaliland, qui s'appuyait sur les clans Isaaq, mit sur pied un gouvernement intérimaire dans le Nord-Ouest du pays. Cependant l'administration n'avait ni le pouvoir ni les moyens de faire régner l'ordre sur des clans surarmés et indisciplinés. Les initiatives de paix au niveau local, qui débutèrent en 1991, aboutirent progressivement, et à un niveau national, à l'édification d'un réseau de conférences de paix. Utilisant à la fois les structures traditionnelles et la diplomatie, elles réussirent admirablement à restaurer une tranquillité relative et à normaliser l'ensemble des relations sociales. Le processus de paix entrepris à la base, et à un coût minime, obtint des résultats bien meilleurs que les structures plus lourdes et à budget élevé mises en place dans le Sud de la Somalie par les organisations internationales.This paper reports the results of a brief anthropological field study, carried out in the summer 1993, on the organisation and progress of grass-roots peace initiatives in the Somaliland Republic. Fieldwork was supplemented by a literature survey and based on the joint authors' previous extensive research in Somalia. When President Siad's government was overthrown in Mogadishu, the Somaliland National movement, based on the Isaaq clans, set up an interim government in the North-West. This administration did not, however, have the authority or means to impose order amongst the country's unruly and abundantly armed clans. Starting in 1991, grass-roots peace initiatives gradually built up a national network of peace conferences. Using traditional institutions and diplomacy, they succeeded to a remarkable degree in restoring relative calm and normalising inter-clan relations on an impressively wide front. The results of this low budget, locally inspired process were much more impressive than those of the lavishly expensive high profile peace conferences engineered by foreign agencies in southern Somalia.
- Segmentarité et violence dans l'espace somali, 1840-1992 - Gérard Prunier p. 379-401 Souvent décrite comme un trait quasiment pathologique de la société Somalie, la violence doit être vue comme un élément fonctionnel dans une société nomade vivant dans un environnement aride, mais à l'intérieur des règles du xeer qui présupposent une étroite subordination de la violence aux logiques lignagères. À partir du début du XIXe siècle, les transformations culturelles et économiques du monde somali vont amener la violence à changer de sens et à devenir pathologique dans la mesure où elle se détachera de ses règles et de ses logiques anciennes pour devenir un instrument neutre et d'autant plus anomique que les dynamiques de ses anciennes bases claniques subsisteront sans qu'il ne s'y rattache plus de sens. L'introduction de l'État, construction plus mafieuse que rationnelle dans l'espace somali, poussera ce processus jusqu'à un paroxysme qui amènera l'explosion des structures « modernes » et l'implosion des structures « traditionnelles », laissant une société à reconstruire entièrement.Though often described as a nearly pathological characteristic of Somali society, violence should be seen as a functional element in a nomadic society living in an arid environment and under the rules of the xeer, which subordinated violence to "lineage logics". Since the beginning of the 19th century, culturai and economic transformations have changed the meaning of violence and made it pathological. Less and less subject to the old rules, violence tends to become a neutral means that is even more anomic insofar as it is still grounded in the clans but without social meaning. The introduction of the state—more a Mafia than a rational construction—pushed this process to an extreme: it caused "modem" structures to explode and traditional ones to collapse. What is left behind is a society that has to be completely rebuilt.
- Trajectoire du pouvoir en pays somali - Marcel Djama p. 403-428 Cet article aborde, dans une perspective anthropologique et historique, la question des faits de pouvoir dans l'espace culturel somali. Il propose un réexamen du système politique somali, en montrant les réductions opérées par le modèle segmentaire auquel on le limite. L'auteur propose en contrepoint une analyse des phénomènes de centralisation du pouvoir à l'époque précoloniale et une interprétation des processus qui participent à la formation de positions de pouvoir au sein des lignages. Dans la dernière partie, cet article traite des recompositions du champ politique local conjointement à la formation et au déclin de l'Etat moderne.The question of feats of power in the Somali cultural zone is raised from a historical and anthropological perspective. The Somali political System is reviewed so as to show the réductions made by applying the usual segmentary model. To counterbalance this, attention is turned toward both phenomena related to the centralization of power in precolonial times and the processes for forming positions of power within lineages. Realignments in local politics are then examined along with the modem state's formation and décline.
- Making Peace in Somaliland - Ioan M. Lewis, Ahmed Y. Farah p. 349-377
Crises et temporalités
- Dyadic Relation and Market Transaction in an Environment of Economic Depression - Abebe Kifleyesus p. 429-465 Cet article étudie la signification des relations dyadiques entre acheteurs et vendeurs au cours des périodes de guerre et de paix, et évalue l'impact de la guerre sur les relations commerciales dyadiques du temps de paix. Il révèle que ce type de relations loin d'englober l'ensemble de la vie commerciale ne concerne que certains dispositifs économiques et sociaux bien délimités. En examinant la façon dont ceux qui fréquentent le marché utilisent ces relations pour pallier l'instabilité de la situation économique et politique, l'auteur décrit les conditions concrètes de l'effectuation de ces relations. Il montre également la façon dont les vendeurs et les acheteurs sont confrontés à la guerre et à ses dangers immédiats, et examine la manière dont les marchands et les clients tentent de conférer un sens aux difficultés de leur vie quotidienne. Il met enfin l'accent sur le rôle facilitateur de ces relations dyadiques dans les échanges commerciaux en période de guerre.This essay examines the significance of dyadic relationships between buyers and sellers during both peace and war times, and describes how war events affect the process of peace time dyadic trade relations. It suggests that these relationships prevail not so much in all areas of commercial encounters, but rather in those disturbed by specifie social and economie settings. In looking at how market participants use these relationships to make sense of unstable political and economic conditions, this paper lays out the material context within which these social relations exist, presents descriptive and analytic data on market people contending with both the terror of an ongoing war and its immediate dangers, examines how traders and customers attempt to confer meaning on the events of their lives during difficult moments, and investigates how dyadic bonds ease socioeconomic exchange under war conditions.
- Le poids du nombre - Alain Gascon p. 467-500 La Corne de l'Afrique est bouleversée, depuis plus de vingt ans, par des crises politiques, claniques et « ethniques » sur un fond de sécheresses récurrentes provoquant disettes et famines. L'article propose une analyse comparative des révolutions et des réformes agraires en Somalie, en Ethiopie et en Erythrée, souvent présentées hâtivement comme des copies « africaines » du système soviétique. Les systèmes traditionnels de tenure, qui, en Ethiopie, ont échappé à l'impact des colonisations européennes, écartaient les pouvoirs politiques de la transmission et de l'attribution des tenures. Les régimes militaro-marxistes, urbains, ont voulu contrôler les paysans et les éleveurs en s'octroyant le droit de donner et de reprendre la terre. Ils ont profité de l'affaiblissement des sociétés rurales fragilisées par les sécheresses pour les déposséder et mieux relever, disaient-ils, le défi de la croissance de la population. La détérioration continue de la situation alimentaire, les déplacements forcés de population et la reprise des combats ont détaché de la population des régimes autoritaires qui avaient proclamé la réforme agraire. Les autorités nouvelles annoncent la privatisation prochaine des terres tout en s'efforçant de maintenir un secteur étatisé. Pour le moment, les gouvernements maintiennent le statu quo craignant les troubles agraires et l'accélération de l'exode rural : le contrôle de la terre reste entre les mains des communautés locales.For more than 20 years now, the Horn of Africa has been disrupted by political, clannish and « ethnie » crises against a backdrop of recurrent droughts that have brought along food shortages and famines. A comparative analysis is proposed of land reforms and revolutions in Somalia, Ethiopia and Eritrea, which are often hastily presented as « African » copies of the Soviet System. Traditional Systems of land tenure (which, in Ethiopia, were not affected by European colonization) kept political authorities out of matters related to the transmission and attribution of tenures. By seizing the right to give and take back land, Marxist, military urban governments wanted to have a grip over the people who raised livestock or worked the land. Taking advantage of the fact that droughts had weakened rural societies, these governments took the land in order to they claimed to better deal with population growth. The ever worsening food situation, the forced displacement of people and the resumption of combat led to a break between the people and the authoritarian governments that had proclaimed land reform. New authorities have announced that land will soon be privatized, although they are also trying to retain a state-owned sector. For the time being, governments are maintaining the status quo; for they fear agrarian unrest and an ever growing emigration from rural areas. Control of the land still lies in the hands of local communities.
- Dyadic Relation and Market Transaction in an Environment of Economic Depression - Abebe Kifleyesus p. 429-465
Chronique bibliographique
Analyses et comptes rendus
- Fichtl, Reinhard &ampamp; Admasu Adi. - Honeybee Flora of Ethiopia - Gascon Alain p. 501-504
- Gallais, Jean. - Les Tropiques, Terres de risques et de violences - Gascon Alain p. 504-508
- Gascon, Alain. - La Grande Éthiopie, une utopie africaine. Éthiopie ou Oromie, l'intégration des Hautes Terres du Sud - Perret Michel p. 508-510
- Kutschera, Chris. -Érythrée, Eritrea - Gascon Alain p. 510-512
- Le Houerou, Fabienne. - L'épopée des soldats de Mussolini en Abyssinie, 1936-1938. Les "Ensablés" - Rouaud Alain p. 512-517
- Mohamed Salih, M.A. &ampamp; Wohlgemut, Lennart, eds. - Crisis Management and the Politics of Reconciliation in Somalia. Statements from the Uppsala Forum, 17-19 January 1994 - Gascon Alain p. 517-522
- Samatar, Ahmed I., ed. - The Somali Challenge. From Catastrophe to Revewal ? - Marchal Roland p. 522-523
- Simons, Anna. - Networks of Dissolution. Somalia Undone - Djama Marcel p. 523-526
- Ouvrages reçus - p. 527-530