Contenu du sommaire : Réfugiés climatiques, migrants environnementaux ou déplacés ?
Revue | Revue Tiers-Monde |
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Numéro | no 204, octobre-décembre 2010 |
Titre du numéro | Réfugiés climatiques, migrants environnementaux ou déplacés ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Réfugiés climatiques, migrants environnementaux ou déplacés ?
- Du consensus de la catastrophe à la surenchère médiatique ? Introduction - Luc Cambrézy, Véronique Lassailly-Jacob p. 7-18
- De la sauvegarde de la planète à celle des réfugiés climatiques : l'activisme des ONG - Sylvie Ollitrault p. 19-34 L'intérêt pour la protection de l'environnement est né grâce à l'activisme des ONG soutenu par les institutions internationales. Bien que les conférences internationales aient été en deçà des espérances des ONG, ces dernières ont su déployer un véritable savoir-faire en matière de lobbying et de technique de communication : l'événement – même décevant – est relayé mondialement. En particulier, à l'occasion du Sommet de Copenhague (décembre 2009), les ONG ont fait preuve d'une habileté remarquable en mettant en scène les « réfugiés climatiques ». Après un historique de la mise sur l'agenda international de la question environnementale, l'objectif de cet article est d'analyser les stratégies que les ONG adoptent pour dramatiser le péril qu'encourt la planète et mettre en avant des problématiques qui unifient le pôle environnemental et le pôle humanitaire.From Safeguarding the Earth to the Protection of Climate Refugees: the Activism of NGOs. The idea of environmental protection emerged thanks to the activism of NGOs, supported by international institutions. Although international conferences have not lived up to the hopes of many NGOs, they continue to mobilize international public opinion with regard to sustainable development and climate change. They have developed a real capacity for attracting the media and putting on pressure by lobbying in the international arena. In particular, at the Copenhagen Conference (December 2009), NGOs showed great wisdom in placing the spotlight on climate refugees. After a historical perspective on the activism of NGOs on the international level, the aim of this article is to analyse the strategies that NGOs adopt to both dramatise the danger that threatens the planet and emphasize the issues that link humanitarian and environmental sectors.
- Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux » - Christel Cournil p. 35-54 La question de la définition et de la protection des réfugiés environnementaux ou des réfugiés climatiques apparaît de plus en plus fréquemment dans les rapports des organisations ou agences onusiennes, dans les travaux des experts, des chercheurs et des universitaires, ainsi que dans la littérature grise des ONG. La « qualification » de ces mouvements de population varie selon les personnes ou les organismes qui s'expriment. Aujourd'hui, aucun instrument juridique ne définit et n'offre une protection directe, lisible et pertinente pour l'ensemble des réfugiés environnementaux : elle reste à construire. Dès lors, notre contribution analysera les principales pistes prospectives actuellement discutées dans les milieux universitaires, politiques, associatifs et d'experts. Le degré de réalisme, la pertinence et la faisabilité de ces pistes juridiques seront interrogés.Emergence and Feasibility of Protection Systems for “Environmental Refugees” at Issue. The question of the definition and protection of environmental refugees and climate refugees is becoming more and more widespread in reports and publications from both UN agencies and organizations, experts, researchers and academics, as well as in NGO literature. The “qualification” of these movements of population varies between persons or organizations who are involved in this topic. Today, no legal instruments define or provide direct protection that is comprehensible and relevant to all environmental refugees: they remain to be created. Our contribution will therefore analyze the main prospective avenues currently being discussed in the academic and political worlds, and by associations and experts. The degree of realism, relevance and feasibility of these legal avenues will be put at issue.
- Les migrants climatiques et l'accueil des réfugiés en France et en Europe - Luc Legoux p. 55-67 L'expression « réfugiés climatiques » a envahi la sphère médiatique et semble faire consensus alors même que le questionnement principal des parties prenantes s'étend de « comment protéger ces émigrants » à « comment se protéger de ces immigrants ». L'expression est utilisée par les uns pour tenter de protéger les immigrants climatiques en leur offrant un statut inspiré de celui des réfugiés. C'est oublier que le statut de réfugié, peu contraignant pour les États, a été créé pour leur permettre de contrôler les flux liés à l'asile et que le droit de l'asile n'est pas un droit à l'asile. L'expression est acceptée par les autres qui y voient une opportunité de dépolitiser le concept de réfugié et de diffuser l'idée que tous les réfugiés devraient pouvoir être protégés dans leur propre pays ou à proximité. La fermeture des frontières européennes aux réfugiés est ainsi justifiée.Climate Migrants and Asylum for Refugees in France and in Europe. Today, the term “climate refugee” is widely promoted in the media and is also the result of a consensus of opinion, while the main issues addressed by this term include “how can we protect these emigrants” and “how can we be protected from these immigrants”. On the one hand, some people use the term in order to try to protect climate migrants by offering them a status inspired by the Geneva Convention refugee status. However they forget that refugee status is not constraining for States. The status was created to allow States to control migrations linked to asylum. It means that the right of asylum is not a right to asylum. And on the other hand, other people view the term “climate refugee” as an opportunity to depoliticize the concept of refugee and to circulate the idea that all refugees should be protected in their own country or close by. Closing off the European borders to refugees would then be justified.
- Le réchauffement climatique à l'origine de la crise du Darfour ? : La recherche scientifique menacée par le déni de la complexité - Marc Lavergne p. 69-88 La crise du Darfour est certes due à un déséquilibre croissant entre population et ressources qui exacerbe les tensions entre groupes tribaux pour l'accès à la terre et à l'eau. La dégradation de l'environnement est un processus constaté, depuis plus d'un demi-siècle, faute, en grande partie, d'efforts de développement rural. La crise déclenchée en 2003 est donc le résultat de la révolte des populations contre la négligence et l'exploitation du Darfour par l'élite au pouvoir, issue de la vallée du Nil. Mais la fuite éperdue des villageois rescapés des massacres déclenchés par l'armée et les janjawids`renvoi id="re2no61" idref="no61" typeref="note"b1`/renvoib n'a eu pour but que la survie immédiate. Les camps de déplacés n'offrent pas de possibilités de poursuivre une activité agro-pastorale. L'alternance de cycles climatiques montre certes une tendance à la diminution des précipitations. Mais celle-ci a eu des précédents dans l'histoire, et rien ne permet à ce stade de la lier au réchauffement climatique. Les déplacements d'urgence de populations à l'occasion de crises aiguës, comme en 1984-1985 ou en 2003-2004, sont donc plutôt causés par la stagnation économique et sociale dont cette région est victime.Is Global Warming the Root Cause of the Darfur Crisis? Scientific Research at the Risk of denying Complexity. The Darfur crisis is admittedly the result of a growing discrepancy between population and resources which has led to heightening tension between tribal groups over access to land and water. The degradation of the environment has been observed for over half a century, due to a large extent to the lack of rural development efforts. The crisis that erupted in 2003 is therefore the outcome of a revolt of the population against the neglect and exploitation of Darfur by the Nile riverine elites. However, the flight of the villagers who escaped massacre by the army and its janjaweed militias only aimed at ensuring their immediate survival. The displaced persons camps do not provide any possibility of continuing agro-pastoralist activities. The alternation of climate cycles does indeed show a tendency toward the diminution of rains. But this has occurred several times in the past, and nothing allows it to be linked at this stage with global warming. The emergency displacements of population occurring during peak food crises as in 1984-85 or during war operations as in 2003-4, can therefore rather be attributed to the economic and social stagnation of which this region has been the victim.
- Tuvalu, un laboratoire du changement climatique ? : Une critique empirique de la rhétorique des « canaris dans la mine » - François Gemenne p. 89-107 Le petit archipel de Tuvalu, dans l'océan Pacifique Sud, est souvent présenté comme une Atlantide en devenir, un symbole annonciateur des impacts futurs du changement climatique. Cet article vise à contraster cette perception occidentale avec celle des habitants du Tuvalu, ainsi qu'avec celle des habitants qui ont émigré en Nouvelle-Zélande. L'article met en évidence les risques de la rhétorique des « canaris dans la mine » pour les processus locaux d'adaptation au changement climatique, à Tuvalu et dans les petits États insulaires en général.Tuvalu, a Laboratory for Climate Change? An Empirical Critique of the “Canaries in the Coalmine” Rhetoric. The small archipelago of Tuvalu, in the South-Pacific Ocean, is often portrayed as an Atlantis in the making, a symbol of future climate change impacts. This article aims at contrasting this Western perception with the perception of Tuvalu's inhabitants, as well as of those who have migrated to New Zealand. The article highlights the risks of the ‘canaries in the coalmine' rhetoric for local processes of adaptation to climate change, both in Tuvalu and in small island states at large.
Varia
- L'étonnante diversité des ressources en eau à Hombori : Entre contrastes environnementaux, pratiques locales et technologies extérieures - Fabrice Gangneron, Sylvia Becerra, Amadou Hamath Dia p. 109-128 Cet article propose de mettre en lumière la diversité des ressources en eau d'une commune sahélienne à l'aide d'indicateurs sociaux et environnementaux. Elle repose sur la complémentarité des ressources endogènes et des ressources exogènes. Toutes sont essentielles pour satisfaire les besoins des populations au fil de l'année. Néanmoins, les pompes à motricité humaine imposent un mode de gestion qui bouscule les règles locales d'accès à l'eau et peut conduire à leur abandon. Finalement, nous montrons qu'au-delà de tout déterminisme technologique, les ressources modernes/exogènes ne semblent pas en voie de supplanter toutes les autres.The Surprising Diversity of Hombori's Water Resources: Between Environmental Contrasts, Local Practices and Outside Technologies. This paper proposes to highlight the diversity of water resources in a sahelian community with the help of social and environmental indicators. This diversity is based on the coexistence of endogenous resources and exogenous resources. All of these resources are essential to satisfy population needs all year round. Nevertheless, manual pumps impose management methods which disrupt local organization rules for access to water and can lead users to give up these resources. Finally, we demonstrate that beyond any technological determinism, modern/exogenous resources are not likely to replace all of the others.
- La résistance à la « bonne gouvernance » dans un État africain. : Réflexions autour du cas congolais (RDC) - Pierre Jacquemot p. 129-146 La « bonne gouvernance » est au cœur des politiques de développement préconisées par les institutions internationales. Pourtant, dans les États fragiles comme la RDC, sa mise en oeuvre se heurte à de fortes résistances. Les formes élémentaires de la corruption comme les pratiques délictuelles les plus élaborées sont enchâssées dans un contexte de production et de répartition des rentes publiques. La « prédation » des ressources concourt au processus de transformation de l'État dans le sens de l'informalisation des services publics. Elle est une « anomie ». La mise en place de nouvelles institutions reposant sur un État impartial et des services publics efficaces est d'autant plus ardue qu'elle un changement radical du mode de gestion politique et économique.Resistance to Good Governance in an African State, the Case of the DRC. Good Governance is at the heart of new policies in development. Yet, especially in fragile States, it comes up against strong resistance. Corruption cannot be confined to a single bad governance issue. Both elementary forms of corruption and the most sophisticated ones involving huge amounts of money, are deeply rooted in the production/distribution process established since the 1960s. Predation can take on violent aspects in areas of conflict. It has converted the DRC State to an informal social and political system with regard to the way in which it delivers public goods. The fight for new institutions now on the agenda is hard, due to extreme social habits. To succeed, a true and sustainable change in political and economic management is needed.
- Évolutions socioreligieuses en Inde. : Entre durcissements et médiatisation - Djallal G. Heuzé p. 147-163 Prenant acte du long mouvement de la Vague safran (1983-2005), cet article analyse les nouvelles tendances de l'hindouisme culturel et national en Inde. Le surgissement de nouveaux « gourous thérapeutiques » dans le Nord ; le développement d'une mouvance tentée par l'action armée au Maharashtra et l'avancée de la « théologie de la prospérité » au Gujarat sont tour à tour mis en scène. Enrichissement, violence et santé : de nouvelles inflexions des « modernités » au Sud ?The Concepts of Development in Turkey. This article is based on a field survey on “the idea of development in Turkey” carried out between 2008 and 2010. It shows that the internal categories of collected speech are structured around two opposite entrances, and that their line of fracture is located precisely at the crossing between economic and non-economic fields. In other words, a taxonomy of concepts expressed in the form of two large perpendicular axes can be conceived, one corresponding to the field of economics, quantifiable, measurable (neoliberal ideas, moderate muslim and leftist), the other to the cultural, qualitative of non-measurable fields (Kemalist and Muslim radical conceptions).
- Les conceptions du développement en Turquie - Levent ÜNSALDI p. 165-180 Le présent article est tiré d'une enquête de terrain sur « l'idée du développement en Turquie » réalisée entre 2008 et 2010. Il en ressort que les catégories internes des discours recueillis se structurent autour de deux entrées opposées l'une à l'autre et que leur ligne de rupture se situe précisément à l'intersection de l'économique et du non économique. En d'autres termes, une taxinomie de conceptions qui s'exprime sous forme de deux grands axes perpendiculaires peut se concevoir, l'un correspondant au domaine de l'économique, du quantitatif, du mesurable (conceptions néolibérale, musulmane-modérée et gauchisante), l'autre, à celui du culturel, du qualitatif, du non mesurable (conceptions kémaliste et musulmane-radicale).
- La solidarité vue par l'« économie sociale et solidaire » - Pepita Ould Ahmed p. 181-197 Depuis les années 1990, on assiste à un renouvellement des mots consacrés au développement. Parmi ces mots, figurent ceux de « solidarité » ou de « solidaire », et particulièrement celui « d'économie solidaire ». Cette terminologie est proclamée dans tous les discours académiques, institutionnels et politiques, que ce soit par les mouvements militants et intellectuels de gauche mais aussi, paradoxalement, par les institutions financières internationales. Ce constat a de quoi surprendre dans la mesure où les mots sont l'expression de la manière dont sont définis les problèmes du développement, et donc les priorités et les politiques à mener dans les pays concernés. Cet article se propose de revenir sur la référence au « solidaire » et sur ses déclinaisons actuelles en économie afin de mettre au jour ce qui se cache derrière ce qualificatif. Une attention particulière sera portée à l'« économie sociale et solidaire » qui réunit autour d'elle un certain nombre de chercheurs porteurs, à travers cette appellation, d'un projet théorique et politique d'alternative économique.Solidarity as Seen by the Social Economy. Since the 1990s, we have seen a renewal of words dedicated to development. Among these words, we can single out “solidarity”, and especially “social economy”. This terminology is used in all academic, institutional and political speeches, not only by militant movements and left-wing intellectuals but also, paradoxically, by international financial institutions. This is surprising, insofar as words are the expression of the way in which development issues and, therefore, the priorities and policies to be carried out in the countries concerned, are defined. This article suggests taking a fresh look at the term of “solidarity” and at the ways it is currently used in economics, in order to reveal what lies behind this term. Particular attention will be paid to the “social economy”, a term which brings together a number of researchers who support, a theoretical and political project based on an economic alternative.
- Analyses bibliographiques - p. 199-214
- Ouvrages sur le développement diffusés en France de janvier à août 2010 - p. 216-222
- L'étonnante diversité des ressources en eau à Hombori : Entre contrastes environnementaux, pratiques locales et technologies extérieures - Fabrice Gangneron, Sylvia Becerra, Amadou Hamath Dia p. 109-128