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Revue | Gérer et comprendre (Annales des mines) |
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Numéro | N° 107, mars 2012 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Réalités méconnues
- Les corps ne mentent pas. Une traversée éthique des technologies de la surveillance - Nathalie Grandjean et Claire Lobet-Maris p. 4 À travers les différents programmes-cadres de l'Union européenne, le statut et la responsabilité des sciences humaines dans les projets de R&D technologique ont évolué. D'une position assez externe et en surplomb où il leur revenait d'évaluer les politiques de R&D ou d'analyser les impacts légaux, sociaux, économiques ou éthiques de certaines technologies, les sciences humaines sont aujourd'hui conviées au « banquet technologique » pour y jouer un rôle d'acteur à part entière. Au centre de cette invitation, il y a la question de l'acceptabilité sociale des choix technologiques. Sous la forme d'un récit narratif, les auteurs reviennent sur l'intervention, située et pragmatique, d'une équipe de chercheurs en sciences humaines dans un projet européen de développement d'un système multimodal de surveillance intelligente.Bodies do not lie: An ethical journey into surveillance technology
Through EU framework programs on research and development, the status and responsibility of the “human sciences” have evolved. The latter used to occupy an outside position as the expertise for evaluating R&D policies or assessing the legal, social, economic or ethical impact of techniques. Nowadays, they are invited to participate in designing innovations, the social acceptability of technological choices being the grounds for this invitation. This review, in the form of a narration, examines the situated, pragmatic intervention by a team of social scientists in a European project for developing a smart multimodal surveillance system. - La gestion des bonnes pratiques au sein d'une firme multinationale : le cas de Lafarge - Alexandre Perrin p. 16 Dans cet article, nous étudierons la gestion de bonnes pratiques entre les cinquante-sept unités organisationnelles de la firme multinationale Lafarge. Ces connaissances codifiées, accessibles sur une base de données (Lotus Notes) permettent aux employés de consulter et de proposer des pratiques innovantes en matière d'amélioration de la qualité de la production et de la relation avec le client. L'analyse d'un récit de transfert impliquant les émetteurs et les récepteurs d'une bonne pratique fait ressortir trois éléments clés dans la gestion de la bonne pratique (dont, notamment, le rôle prépondérant du coordinateur au sein de la firme multinationale). Nous discuterons enfin des compétences nécessaires à l'exercice de cette fonction de coordinateur.Managing “good practices” in a multinational firm: The case of Lafarge
The management of “good practices” between the 57 organizational units of Lafarge, a multinational firm, is examined. This codified knowledge, accessible through a data base (Lotus Notes), has enabled employees to consult and propose innovative practices for improving the quality of production and relations with clients. An analysis of a transfer involving the “emitters and receivers of good practices” brings to light three key factors in this management, in particular the predominant role played by the coordinator inside the firm. The skills necessary for playing this role are discussed. - La gestion des exploitations agricoles : un état des lieux de la recherche en France - Philippe Jeanneaux et Hélène Blasquiet-Revol
- Les corps ne mentent pas. Une traversée éthique des technologies de la surveillance - Nathalie Grandjean et Claire Lobet-Maris p. 4
L'épreuve des faits
- "Jouer ce n'est pas travailler" et autres stéréotypes en management : une expérience pédagogique - Bénédicte Vidaillet p. 42 Cet article rapporte l'analyse d'une expérience pédagogique menée pendant dix ans sur 86 groupes d'étudiants d'un cours de management des ressources humaines. L'expérience décrite permet de mettre en évidence les stéréotypes d'étudiants déjà formés au management en ce qui concerne notamment le rapport au travail et à la motivation des personnes qu'ils seront amenés à encadrer, ainsi que le rôle de la hiérarchie. Elle fait apparaître à quel point ces étudiants ont intériorisé un mode de subjectivité libéral qui teinte profondément leur compréhension des situations de travail. Enfin, elle permet de situer les difficultés et les enjeux des enseignements en gestion autour de la capacité à élaborer des pratiques qui tiennent compte des réalités du travail.Work is not play, and other stereotypes in management: An educational experience
The analysis of an educational experience over ten years involving 86 groups of students in a course on human resources has brought to light the stereotypes that students with an education in management formed about the relation to work, the staff's role and the motivations of the persons they will eventually manage. We thus see the extent to which these students have interiorized a “liberal mode of subjectivity” that thoroughly colors how they understand work situations. This analysis relates the difficulties and issues of education in management to the ability to develop practices that reckon with the real world of work. - L'encouragement à l'auto-entrepreneuriat est-il une bonne politique publique pour l'esprit d'entreprendre et la création d'entreprises ? - Alain Fayolles et Brigitte Pereira p. 52 Pour de nombreux pays, une manière de lutter contre le chômage consiste à développer l'esprit d'entreprendre et la création d'entreprises. En France, la voie privilégiée passe par l'abaissement des barrières administratives et réglementaires. Le point d'orgue des politiques publiques récentes semble bien être l'auto-entrepreneuriat, dont on ne cesse de louer les vertus. Dans cet article, qui juxtapose deux points de vue, celui du juriste et celui du gestionnaire, nous montrons que ce régime suscite des interrogations majeures sur la manière d'encourager et de développer la création d'entreprises, et donc l'emploi. En premier lieu, l'auto-entrepreneuriat concerne une variété de publics et de besoins dont une partie, seulement, relève de la création d'entreprises au sens strict de cette expression. En second lieu, loin de libérer l'initiative et la dynamique entrepreneuriales, le cadre législatif les réfrène et les enferme. Enfin, cette politique publique contribue au développement quantitatif d'une forme contrainte d'entrepreneuriat – la création d'entreprise par nécessité – dont quelques études récentes montrent la faible capacité à pérenniser les emplois créés et à assurer la survie des jeunes organisations qui en sont issues. Nous avançons dans notre conclusion des suggestions pour reconsidérer la manière dont on peut encourager dans notre pays le comportement entrepreneurial, y compris celui des demandeurs d'emploi.Is a public policy of self-entrepreneurship good for entrepreneurialism and the creation of businesses? Several countries have chosen to take up the fight against joblessness by fostering entrepreneurialism and thus stimulating the creation of businesses. The approach adopted in France has led to lifting the administrative and regulatory obstacles to becoming an entrepreneur. The advantages have been praised of “self-entrepreneurship”, a recurrent theme in recent public policies. This article juxtaposes the viewpoints of a jurist and a manager. “Self-entrepreneurship” raises serious questions about how to stimulate the creation of businesses and thus of jobs. First of all, it concerns a variety of persons and needs, only part of which, strictly speaking, have to do with setting up a business. Secondly, far from “freeing” private initiative and propelling an entrepreneurial dynamics, the legislative framework deters and restricts initiatives. Finally, this public policy leads to the quantitative development of a “forced” form of entrepreneurship — business creation by necessity — that, as a few recent studies have shown, has little potential for creating lasting employment and ensuring the survival of these young organizations. The conclusion formulates suggestions for reconsidering how France can foster entrepreneurial behaviors, even among job-seekers.
- "Jouer ce n'est pas travailler" et autres stéréotypes en management : une expérience pédagogique - Bénédicte Vidaillet p. 42
En quête de théorie
- Le développement collectif de compétences interculturelles dans le contexte d'une organisation binationale : le cas d'Arte - Christoph Barmeyer et Eric Davoine p. 63 La recherche en management interculturel se focalise souvent sur les incidents critiques dans les interactions interculturelles et ne met que rarement en avant l'aspect constructif de ces interactions qui peuvent contribuer au développement de compétences interculturelles.La compétence interculturelle a fait l'objet de nombreuses définitions et de nombreux modèles, qui se limitent souvent à une approche individuelle de la compétence, alors que la compétence interculturelle est avant tout observable dans des interactions sociales contextualisées. Notre article vise à montrer que la compétence interculturelle peut être le produit d'un apprentissage collectif et que certains contextes sont particulièrement favorables à cet apprentissage. Nous présenterons le cas emblématique de la chaîne de télévision européenne ARTE, basée à Strasbourg, et que l'on peut qualifier de « laboratoire d'inter-culturalité ».The collective development of intercultural competence in a binational organization: The case of Arte
Research on intercultural management has often focused on critical incidents in intercultural interactions. It has seldom drawn attention to the constructive aspect of these interactions, which help develop “intercultural competence”. Intercultural skills, defined variously, figure at the center of several models, which are often restricted to an individualistic approach even though the skills in question are observable mainly during contextualized social interactions. Intercultural skills might come out of group learning processes, which certain contexts favor. The exemplary case of Arte, a European TV channel located in Strasbourg, is presented as a “laboratory of interculturalism”.
- Le développement collectif de compétences interculturelles dans le contexte d'une organisation binationale : le cas d'Arte - Christoph Barmeyer et Eric Davoine p. 63
Autres temps,... autres lieux
- Un "éléphant blanc" en pleine révolution française : les grandes tables de logarithmes de Prony comme substitut au cadastre - Jean-Louis Peaucelle p. 74 Les projets qui n'aboutissent pas, bien qu'ils aient consommé d'importantes ressources, ne sont hélas pas chose rare. Si le domaine scientifique est un terreau sur lequel de tels projets prospèrent, c'est parce qu'ils acquièrent une aura qui cache l'échec aux yeux de responsables de plus haut niveau. Sous la Révolution française, un projet de ce type a été mené durant onze ans sous la responsabilité de Gaspard de Prony, avec pour finalité de calculer des logarithmes avec une très grande précision. Malgré la mobilisation d'une centaine de personnes, le Bureau du Cadastre n'a rien produit. Prony a masqué cet échec avec une habileté remarquable par ses témoignages qui omettaient ses propres défaillances en matière de qualité des chiffres et qui rejetaient la responsabilité de l'arrêt du projet sur ses supérieurs, au niveau gouvernemental.A white elephant during the French Revolution: Prony's logarithm tables
Projects that end nowhere after having consumed a large quantity of resources are not, unfortunately, so hard to find. Science is a field where such projects have flourished, because an aura surrounds them that hides failure from the authorities exercising oversight. During the French Revolution, one such project, with the objective of calculating logarithms with a very high degree of precision, thrived for eleven years under Gaspard de Prony's leadership. Despite the mobilization of about a hundred persons, the Bureau du Cadastre came up with nothing. Prony cleverly hid the failure in his reports and accounts. They omitted saying anything about his own shortcomings in handling numbers and blamed higher-ups at the level of the government for shutting down the project. Débats
- Le concept de la compétence interculturelle est-il un concept utile ? - Yves-Frédéric Livian p. 87 Si la mondialisation accroît bien le nombre des contacts et des échanges interculturels, il convient d'examiner de manière critique les enseignements que l'on retire habituellement du « management interculturel », des enseignements de plus en plus déconnectés de la réalité actuelle. Cet article réexamine la notion de compétence interculturelle, qui serait un pré-requis indispensable à la réussite des affaires internationales.D'une part, cette notion accorde trop d'importance à la relation individuelle de communication et repose sur une hypothèse d'intercompréhension difficile à appliquer dans la réalité. Elle néglige le contexte politique et institutionnel de la négociation internationale et n'intègre pas la dimension collective.D'autre part, les « savoir-faire » censés être requis (ouverture, souplesse, patience...) vont à l'encontre des caractéristiques actuelles du management interne des grandes entreprises (contraintes, normalisation, centrage sur les résultats à court terme).Enfin, ces « compétences » ne paraissent aucunement une condition de réussite du développement fulgurant, auquel nous assistons aujourd'hui, des entreprises internationales des pays émergents (indiennes et chinoises, notamment).L'étape actuelle de la mondialisation nécessite une révision des thèses « interculturelles », essentiellement issues du développement des entreprises internationales des pays du Nord dans les années 1980.Is “intercultural competence” a useful concept?
Although intercultural contacts, exchanges and transactions are increasing owing to globalization, the lessons usually drawn from “intercultural management” must be critically examined since they are ever less connected to reality. The idea that “intercultural competence” is an indispensable precondition for success in international affairs is reviewed. For one thing, this concept assigns too much importance to individual communications and is underlaid by a hypothesis of mutual comprehension that is hard to apply in reality. It overlooks the political and institutional context of international negotiations, and slights the collective dimension. For another, the supposedly needed “know-how” (openness, adaptability, patience...) is the opposite of the current characteristics of the internal management of big firms (standardization, focus on short-term results, constraints). Finally, these intercultural skills are not at all a condition for success — for the phenomenal development of international firms from emergent countries, India and China in particular. The current phase of globalization calls for revising “intercultural” hypotheses, which mainly took shape while international firms from countries in the North were growing during the 1980s. - Pas de coopération internationale sans prise en compte des cultures. Commentaire à propos de "la compétence interculturelle est-elle un concept utile ?" - Sylvie Chevrier p. 95
Mosaïques
- Les mystères de la fiabilité. A propos de l'ouvrage de Christian Morel, Les décisions de l'absurde II, Sociologie des décisions hautement fiables, Paris, Gallimard, 2012 - Michel Berry p. 98
- Ces entreprises qui font la Chine. A propos de l'ouvrage de Dominique Jolly, Ces entreprises qui font la Chine, Paris, Editions Eyrolles, 2011 - Vincent Boly
- Coopérer : donner, recevoir, rendre. A propos du livre de Norbert Alter, Donner et prendre - La coopération en entreprise, Paris, La Découverte, 2009 - Arnaud Tonnelé
Auteurs
- Biographie des auteurs - p. 105
Résumés étrangers
- Anglais, allemand et espagnol - p. 109