Contenu du sommaire : Langues et nations (XIIIe-XVIIIe siècles)
Revue | Revue française d'histoire des idées politiques |
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Numéro | no 36, 2e semestre 2012 |
Titre du numéro | Langues et nations (XIIIe-XVIIIe siècles) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Études
- Langues et nations XIIIe-XVIIIe siècles - Béatrice Guion p. 227-232
- Langue et nation en Angleterre à la fin du moyen âge - Christopher Fletcher p. 233-252 Quelle est la relation entre langue et nation en Angleterre à la fin du Moyen Âge ? On identifie la langue anglaise au peuple d'Angleterre dès le XVIIIe siècle, et le roi se sert de cette association puissante. Mais au même moment, la langue française, déjà la langue de la noblesse, devient la langue de la loi et du Parlement anglais. Cet article explore cette situation complexe où les identités sociales, professionnelles et nationale s'entrecroisent, notamment dans les requêtes au Parlement.How were language and nation related in late Middle-Age England ? The identification of the English language with the English people goes way back to the 13th Century and such a powerful association was widely used by the English kings. At the same time, however, French which already was the language of the aristocracy, became the language of law courts and Parliament. The aim of this paper is to explore this complex situation where social, professional and national identities intermingle, having more particularly in view the petitions to the Parliament.
- Diversité linguistique, identités et mythe de l'empire à la fin du moyen âge - Gisela Naegle p. 253-279 Dans l'Empire médiéval avec ses parties italiennes, la grande diversité linguistique avait des répercussions importantes sur l'identité de ses habitants. La Bulle d'or de Charles IV de 1356 constate l'importance de connaître la langue de ses sujets. Ceci vaut particulièrement quand l'empereur était également roi d'Espagne, de Bohème ou de Hongrie La discussion sur la nationalité de Charlemagne et des « vrais » Francs pose la question de savoir à partir de quand on peut parler de « Français » et d'« Allemands ». Intensifié par les auteurs humanistes, ce débat leur fit découvrir et valoriser les qualités de leur langue maternelle ; néanmoins le milieu savant resta longtemps profondément imprégné par la langue latine.In the Middle Age, the Empire comprised Italian territories and its large linguistic diversity had strong repercussions on the identities of its inhabitants. Charles IV's Golden Bull in 1356 acknowledged the importance of knowing the languages of the subjects of the Empire, all the more so since the Emperor was also King of Spain, Bohemia or Hungary. The debate about the “nationality” of Charles the Great and of the “true Franks” raises the question of when we may begin to speak of “the French” and “the Germans”. As the debate intensified among humanists, they were brought to discover and promote the qualities of their mother tongues. Tthe scholarly circles, though, were to remain steeped in Latin for a long time.
- Réflexions sur l'identité italienne dans la « question de la langue » au XVIe siècle - Silvia D'Amico p. 281-308 Au XVIe siècle la langue littéraire du Trecento florentin devient un modèle prestigieux pour toutes les nations européennes qui sont en train de définir leur unité à travers l'affirmation de la langue vernaculaire par rapport au latin. À travers les ouvrages de Castiglione, Bartolomeo Carli Piccolomini, Gabriele Simeoni, Benedetto Varchi et grâce à l'édit de 1561 d'Emmanuel-Philibert, nous pouvons constater l'impact politique de la « question de la langue » et son lien fondamental avec l'identité nationale.In the 16th century, the literary language of the Florentine Trecento became a prestigious model for all the European nations which were defining their identities by favoring the use of their native tongues over that of latin. Works of Castiglione's, Bartolomeo Carli Piccolomini's, Gabriele Simeoni's, Benedetto Varchi's and Emmanuel-Philibert's 1561 edict, show the political impact of the “linguistic question” and its fundamental relation to national identity.
- Défense et illustration de la langue et de la nation françaises : Par les juristes de la fin du XVIe siècle - Catherine Magnien-Simonin p. 309-325 Par l'ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier impose en 1539 la « langue commune » à l'administration du royaume ; avec la Défense et illustration de la langue française, Du Bellay lance en 1549 le manifeste d'une génération de poètes résolument français. Cette représentation éclipse le rôle capital joué par des juristes humanistes, provinciaux ou Parisiens, qui ont cru en la langue française et ont voulu qu'elle devienne celle d'un droit national, bien français et que viendra entériner l'édit de Saint-Germain-en Laye en 1679.The Ordinance of Villers-Cotterêt signed in 1539 by Francis I prescribed the use of the “common language” in all official documents ; Du Bellay's Defense and Illustration of the French Language, was published in 1549 as the manifest of a whole generation of resolutely French poets. This representation, though, obscures the essential role played by those humanist jurists from Paris and the provinces, who had faith in the French language and wanted it to become the language of a national and decidedly French legal system, a wish the Edict of Saint-Germain-en-Laye was to fulfill in 1679.
- Langue(s) et nation(s) dans une monarchie composite : L'Espagne à l'époque moderne - Alexandra Merle p. 327-346 Cet article examine les rapports entre langue et nation dans le cas particulier de la monarchie espagnole, qui se distingue à l'époque moderne par la variété de ses possessions et celles des langues vernaculaires qui y sont parlées, et par une tension constante entre cohésion et séparation, y compris dans la seule péninsule Ibérique. Il s'agira de savoir d'une part si les progrès indéniables de la langue castillane répondent à une politique menée par la couronne, et s'ils vont de pair avec le développement d'une « idée de nation », et d'autre part si la préservation d'autres langues vernaculaires, notamment dans les territoires de la couronne d'Aragon, a une portée « nationaliste ».Within the larger scope of the relations between language and nation this paper examines the case of the Spanish monarchy whose particularity in modern times lies in the diversity of their possessions in which a large variety of languages were in use, and which were submitted to a constant tension between cohesion and separation, including the Iberian Peninsula itself. The purpose here is to decide whether on the one hand the undeniable progress of the Castilian language resulted from a royal policy accompanying the growth of an “idea of nation” and whether, on the other hand, the preservation of other vernacular languages, more particularly in Aragonese territories, bore a “nationalist” significance.
- Langue et nation : l'invention du « siècle de louis le grand » - Béatrice Guion p. 347-363 Les contemporains de Louis XIV s'accordent à célébrer dans le « siècle de Louis le Grand » un double apogée, politique et littéraire, qui permet à la France d'égaler, voire de surpasser, la Rome d'Auguste : on croit pleinement réalisée la translatio imperii et studii, thèse soutenue de longue date par les érudits gallicans. La conviction de l'excellence de la langue, dont on s'accorde à juger, après 1650, qu'elle a atteint un point de perfection ; on s'accorde aussi a voir, dans le « génie de la langue », une expression du « génie français ».King Louis XIV's contemporaries all agreed that the “Century of Louis the Great” marked and apex both political and literary, which allowed France to equal, and even excel Augustus' Rome : it was believed that the translatio imperii et studii, an old these held by Gallican scholars, had been completed. It was also agreed that the French language had reached perfection by the 1650s and that the “genius of the language” expressed the “French genius”.
- Qu'est-ce que l'esprit d'un peuple ? : Langue universelle et langue « nationale » en Allemagne au tournant du XVIIIe au XIXe siècle - Tristan Coignard p. 365-381 Les rapports entre langue et nation dans l'espace germanophone sont marqués par une longue quête de cohésion. Écrivains et philosophes ont entrepris de lever les contradictions multiples qu'ils ont pu rencontrer : entre une langue commune et des dialectes germaniques, entre la langue allemande et la langue française, entre la tentation du particularisme et l'ambition d'incarner le général. La vision d'une nation homogène a peu à peu cédé le pas au concept de peuple qui permet de recentrer la quête identitaire autour des valeurs portées par une langue unique.The relations between language and nation in German-speaking area have been marked by a long quest for cohesion. Writers and philosophers attempted to resolve the numerous contradictions they stumbled on : between a common language and various Germanic dialects, between German and French, between a tendency to particularism and the ambition to embody universality. Step by step, the vision of an homogeneous nation gave way to the concept of “people”, allowing for a redirecting of the quest for identity in view of the values conveyed by a single language.
- Leibniz étymologie et origine des nations - Frédéric de Buzon p. 383-400 Leibniz a publié en 1710 un essai portant sur les indices fournis par les langues dans l'étude des origines des peuples, à partir de l'étymologie et de comparaisons. Il présente une théorie de la naturalité du langage ainsi que du nom propre, entendu comme nom commun dont la signification est inintelligible par les locuteurs d'une région déterminée et témoignant d'une présence passée de locuteurs d'une langue oubliée. L'Essai sur l'origine des Français (1715) apparaît comme une application de ces principes à une question classiquement disputée.In 1710, Leibniz published an essay on how one could find clues about the origins of peoples by studying etymology and comparing languages. Leibniz built up a naturalist theory of language and proper nouns, construing the latter as common nouns whose meaning is understood by speakers from a determinate region and which evidence the existence of speakers of a forgotten language in the past. The Essay on the Origin of the French (1715) appears to apply those principles to a classical and much debated question.
Bibliographie
- Lectures critiques - p. 401-419