Contenu du sommaire : Micropolitiques du boom minier
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 131, octobre 2013 |
Titre du numéro | Micropolitiques du boom minier |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le dossier : Micropolitiques du boom minier
- Les sociétés africaines face aux investissements miniers - Benjamin Rubbers p. 5-25
- « Entrepreneurs de la frontière » : le rôle des comptoirs privés dans les sites d'extraction artisanale de l'or au Burkina Faso - Luigi Arnaldi di Balme, Cristiano Lanzano p. 27-49 Au Burkina Faso, le secteur aurifère est en plein essor et les sites d'extraction artisanale en sont une composante importante. Si l'exploitation artisanale échappe en large partie aux tentatives de contrôle par la législation formelle, des formes variées de gouvernance réelle se mettent en place pour assurer la régulation de la vie et du travail dans les sites d'orpaillage. Dans le cas présenté ici, un rôle central est assumé par les représentants locaux d'une société privée de commercialisation de l'or, « entrepreneurs de la frontière » qui se posent en médiateurs entre différents registres normatifs et niveaux d'autorité dans un environnement institutionnel en construction.The Frontiersmen of Gold : Private Trading Companies and Artisanal Gold Mining in Burkina Faso
In Burkina Faso, gold mining is rapidly growing and artisanal sites constitute an important share of the sector. While non-industrial production mostly escapes attempts of control through formal legislation, different forms of everyday governance ensure the regulation of daily life and work in small-scale sites. In this paper we present a case study showing the central role assumed by the local representatives of a gold trading private company : these “frontier entrepreneurs” act as mediators between different normative spheres and levels of authority, in a constantly evolving institutional environment. - Abjects retraités, jeunesse piégée : récits du déclin et d'une temporalité multiple parmi les générations de la « Copperbelt » congolaise - Timothy Makori, Jean-Nicolas Bach p. 51-73 Cet article se penche sur les récits du déclin économique que portent deux générations de mineurs au Katanga, en République démocratique du Congo : les retraités du géant industriel minier Gécamines et les jeunes creuseurs artisanaux. Sont analysées les « structures de sentiment » (Raymond Williams) qui caractérisent chacune de ces générations, toutes deux confrontées aux effets matériels et sociaux du déclin industriel et de la libéralisation du secteur minier qui s'en est suivie. Par ces sentiments partagés du déclin contemporain, on voit comment chaque génération vit son positionnement social et son enchevêtrement « dans le temps naissant » (Achille Mbembe). Basé sur les récits des mineurs interrogés quant à leur marginalisation dans ce contexte de libéralisation du secteur, ce travail vient brouiller les périodisations académiques qui privilégient les ruptures au détriment des continuités, entre ères précoloniale, coloniale et postcoloniale.Abject Pensioners and Entrapped Youth : Narratives of Decline and the Multiplicity of Times among Generations in the Congo Copperbelt. This article looks at narratives of economic decline among two generations of mineworkers in Katanga province, DR Congo : the pensioners of the industrial mining giant, Gécamines, and creuseurs, young men working as artisanal diggers. The author analyzes the “structures of feeling” informing the lives of individuals in these two generations of mineworkers as each deals with the material and social effects of industrial decline and the subsequent liberalization of the mining sector in Congo. He shows that the shared thoughts and sentiments of contemporary decline reflect how individuals in each mineworker generation experience their social emplacement and “entanglement in time” (Achille Mbembe). Based on his informants'narratives of marginalization that come in the wake of the liberalization of mining sector, the author argues that social decline in Congo confounds the strict scholarly framings of periodicity that foreground rupture – rather than continuity – between the pre-colonial, colonial, and post-colonial eras.
- Force et faiblesse de l'organisation syndicale : le cas du National Union of Mineworkers sud-africain - Raphaël Botiveau p. 75-99 Les mouvements sociaux qui agitent les mines sud-africaines depuis le début de l'année 2012 ont notamment été marqués par la remise en cause de la légitimité du syndicat historique des mineurs noirs, le National Union of Mineworkers (NUM). Ces grèves massives sont souvent expliquées par l'absence ou la lenteur de la transformation post-apartheid du secteur minier et par la bureaucratisation croissante des syndicats sud-africains depuis 1994. Centré sur le NUM en tant qu'organisation plus que sur la crise encore à l'œuvre dans les mines, cet article prend le parti de replonger dans l'histoire du syndicat et montre que ses tendances centralisatrices, légalistes et bureaucratiques sont plus anciennes qu'il n'y paraît. C'est sur la base de ces orientations initiales que le NUM a, à partir des années 1990, adopté une culture de plus en plus calquée sur l'administration des entreprises qu'il combattait et de plus en plus éloignée de la militance toujours souhaitée par une majorité de ses adhérents.Strength and Weakness of Trade Union Organisation : the Case of South Africa's National Union of Mineworkers. The social movements that have been shaking South Africa's mines since the start of 2012 have been marked by the rejection of the legitimacy of the historical representative of black mineworkers, namely the National Union of Mineworkers (NUM). Such massive strikes are often approached as a result of both the slow pace in – or lack of – transformation of South Africa's post-apartheid mining sector, and the increasing bureaucratisation of South African trade unions at work since 1994. Focused on the case of the NUM as an organisation more than on the ongoing crisis in the mines, this article goes back to the history of the trade union and argues that its inclination towards centralisation, legalism and bureaucracy is in fact older than it seems at first sight. It is based on such orientations that the NUM then became increasingly influenced, since the early 1990s, by the administration of the very companies it was fighting, further away from the militancy that is still desired by a majority of its members.
- La privatisation de la politique minière au Cameroun : enclaves minières, rapports de pouvoir trans-locaux et captation de la rente - Victoria Lickert p. 101-119 Depuis le début des années 2000, le Cameroun a engagé une réforme de sa politique économique minière afin de faire du secteur minier le pilier de l'économie camerounaise dans les prochaines décennies. Cette privatisation, au travers notamment de son nouveau code minier promulgué en 2001, prend la forme d'une délégation contrôlée : le pays a choisi de déléguer la mise en valeur de ses ressources minières à des compagnies privées étrangères tout en se gardant le soin de réguler et de centraliser ce gouvernement des mines. Cet article s'attache à démontrer que la privatisation de la politique minière participe de la construction de l'État camerounais au travers notamment de la centralisation des prérogatives auprès de l'Exécutif, de l'usage d'intermédiaires proches du pouvoir ainsi que de l'opacité à la fois de son code minier et des rapports entre le gouvernement camerounais et les compagnies minières étrangères.Privatizing Mining in Cameroon : Mining Enclaves, Global-local Decision-making and Rent Misappropriation. Since the start of the 2000s, Cameroon has initiated a reform of its economic policies in the mining sector. The aim is to turn the sector into a cornerstone of the country's economic growth. With the promulgation of a new mining code in 2001, the privatization of the mining sector has taken the form of a controlled discharge : operating mining has been outsourced to multinational companies, while the Cameroonian government has maintained its regulatory capabilities and stands at the core of the “government” of the mining sector. This article argues that the privatization of mining policies in Cameroon contributes to the strengthening of the state in a particular way. It favors a highly centralized decision-making in the hands of the executive, but also the use of brokers familiar to the political strongmen, and a persistent opacity concerning both the mining code and the negotiations between the Cameroonian government and multinational companies.
- « Les grands poissons mangent les petits » : multiples aspects d'un conflit autour d'une concession minière au Sud-Kivu - Sara Geenen, Francine Iragi Mukotanyi p. 121-141 Le présent article analyse les multiples aspects d'un conflit autour d'une concession minière au Sud-Kivu en République démocratique du Congo. Bien qu'il y ait toute une littérature sur les relations tendues entre communautés locales et entreprises minières transnationales, trop peu de recherches ont été faites sur les complexités du pouvoir à plusieurs niveaux, y compris au niveau local. Partant d'une approche empirique et par le bas, cet article démontre comment les changements occasionnés par l'arrivée de l'entreprise Banro Corporation ont provoqué des résistances, mais aussi une reconfiguration des organes du pouvoir.“Big Fish Eat Little Fish” : Multiple Aspects of a Dispute over a Mining Concession in South Kivu. This article analyzes the various aspects of conflict around mining concession in South Kivu in the Democratic Republic of Congo (DRC). Although there is a whole literature on the strained relations between transnational mining companies and local communities, too little research has been done on the complexities of power at various levels, including at the local level. Starting from an empirical approach “from below”, this article demonstrates how the changes caused by the arrival of the company Banro Corporation provoked resistance, but also a reconfiguration of local and national power and politics.
- Une autre facette de la malédiction des ressources ? Chevauchements entre usages différents de l'espace et conflits au Cameroun - Samuel Nguiffo, Freddy Mbianda p. 143-162 Trois ONG actives au Cameroun – le Worldwide Fund for Nature, le Réseau de lutte contre la faim et le Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) – ont établi une cartographie des politiques d'aménagement du territoire et des concessions successivement attribuées à différents secteurs d'activité industrielle (agroalimentaire, bois, mines) par les autorités du pays. Ce travail rend visible les multiples chevauchements existant entre les récentes concessions minières (pour l'exploration notamment) et des concessions antérieures (forestières et agricoles), voire des espaces protégés. Il pointe ainsi les contradictions qui traversent ces politiques d'attribution des concessions au regard des objectifs officiels prônant une gestion durable des ressources du pays, et le fort potentiel conflictuel qu'elles recèlent. Dans le cadre de ce dossier, Politique africaine a demandé à Samuel Nguiffo et Freddy Mbianda, du CED, de présenter les conclusions alarmistes de ce travail cartographique. Trois cartes et leur légende accompagnent le propos, en fin d'article.Another Facet of the Resources'Curse ? Overlaps between Different Uses of Space and Conflicts in CameroonIn Cameroon, three NGOs – the Worldwide Fund for Nature, the Network Fighting Hunger and the Centre for the Environment and for Development (CED) – have mapped the concessions on land granted by the authorities to the various industrial companies involved in the country (agribusiness, logging, mines). Their work reveals how recent concessions to the mining sector (notably for exploration) often overlap concessions previously given to other sectors, and even protected areas, and how they contradict official commitments to a sustainable management of natural resources. It raises concern over the social, potentially violent, conflicts such incoherent management of land concessions is prone to spark if nothing changes. For this special issue, Politique africaine has invited Samuel Nguiffo and Freddy Mbianda, from the CED, to present this study and its alarming conclusion. The article is followed by three maps and their legend.
Recherches
- Les occupations de fermes au Zimbabwe : entre légalité, confrontation et engagement, les expériences des fermiers blancs - Léa Kalaora p. 163-186 Lancé en 2000, au Zimbabwe, le Fast-Track Land Reform Programme a conduit à des occupations de fermes convoitées par les autorités du pays. Cet article analyse les pratiques à l'œuvre lors de ces occupations et leur réception par les fermiers blancs. Il montre que le but de ces occupations n'est pas seulement l'accès aux ressources et le renforcement du pouvoir en place, mais aussi la confrontation, l'humiliation et la destruction matérielle. Ce qui est interprété comme une nouvelle phase de la Chimurenga (la rébellion, la lutte pour l'Indépendance) de la part des acteurs de ces occupations ouvre un temps très particulier, celui des Jambanja, de la « discussion violente ». En travaillant les processus de subjectivation à l'œuvre parmi les fermiers blancs et leurs familles, ce texte rend compte des formes intimes de cette confrontation, qu'on qualifiera de « guérilla domestique ».Farms Occupations in Zimbabwe : Between Legality, Confrontation and Engagement, the Experiences of White Farmers. Launched in 2000, in Zimbabwe, the Fast-Track Land Reform Programme has taken the shape of coveted farms'occupations. This article analyzes the practices involved in those occupations and their reception by white farmers. It shows that the goal of these occupations is not only access to resources and strengthening the political strongmen, but also confrontation, humiliation and material destruction. What is interpreted as the third wave of the Chimurenga (uprising, the struggle for Independence) has driven the actors of the occupation into a particular time, a time of Jambanja (violent argument). The paper explores how the white farmers suffering from these occupations experience this particular, intimate, form of contention, which can be labeled a “domestic guerilla”.
- Tensions et protestations dans un régime semi-autoritaire : croissance des révoltes populaires et maintien du pouvoir au Burkina Faso - Mathieu Hilgers, Augustin Loada p. 187-208 En 2011, peu après la quatrième élection consécutive de Blaise Compaoré, le Burkina Faso a connu une vague de contestation sans précédent. Comment expliquer l'ampleur de ces protestations et, malgré celle-ci, le maintien du pouvoir en place ? Afin de mieux appréhender les lignes de forces et les clivages qui structurent l'espace social et politique du pays, dans un contexte de protestations populaires croissantes et de faiblesse simultanée de l'opposition politique, cet article commence par analyser le rôle des principaux acteurs de la crise : l'armée, le principal parti, la chefferie, l'opposition politique et les associations de la société civile. Dans un second temps, le texte esquisse une sociologie du politique, d'abord en pointant une série de tensions liées au caractère semi-autoritaire du régime, ensuite en identifiant deux lignes de clivages qui expliquent les résultats relativement mitigés des protestations.Tensions and Protests in a Semi-Authoritarian Regime : Growing Popular Uprisings and the Endurance of the Regime in Burkina FasoIn 2011, after the election of Compaoré for the fourth time in a row, Burkina Faso was hit by an unprecedented wave of protests. How can one explain both the magnitude of these uprisings and the staying power of the regime ? In order to address this apparently paradoxical growth of popular protests and simultaneous weakness of the political opposition, the paper first explores some key elements and social divisions that structure the political and social space in the country. This exploration covers the role of the main actors of the crisis : the army, the ruling party, the chieftaincy, the political opposition and the civil society associations. The second part of the article outlines a political sociology of Burkina Faso. To do so, it first underlines a set of tensions related to the semi-authoritarian nature of the regime. It then highlights the two main dividing lines that explain the mixed results of the protests.
- Les occupations de fermes au Zimbabwe : entre légalité, confrontation et engagement, les expériences des fermiers blancs - Léa Kalaora p. 163-186
Lectures