Contenu du sommaire : Pierre le Grand et ses images de Rome

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 51, no 1, janvier-mars 2010
Titre du numéro Pierre le Grand et ses images de Rome
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Les sociétés juridiques dans l'Empire russe au tournant du xxe siècle : Professionnalisation des juristes et culture juridique - Michel Tissier p. 5-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les premières sociétés juridiques, sociétés savantes rassemblant les spécialistes du droit dans l'Empire russe, furent un héritage de la période des grandes réformes des années 1860. À la fin du XIXe siècle commença une seconde vague de fondations, qui concerna à la fois des sociétés juridiques universitaires et des sociétés non universitaires, dans des villes de moindre importance. Au moment où les professions gagnaient en visibilité et en cohérence, les sociétés juridiques s'efforçaient d'œuvrer à unifier les juristes de l'Empire. De plus, l'engouement pour ce mode d'organisation a pu être rapporté au contexte politique et intellectuel du tournant du XXe siècle, avec l'essor d'un mouvement constitutionnaliste attaché à la promotion d'un droit protecteur des libertés individuelles et dans lequel les juristes jouèrent un rôle important. Cependant, la comparaison entre la situation des sociétés juridiques les plus importantes et les autres, l'étude de leurs instruments d'influence, revues et autres publications, l'examen de leurs activités internes et de leurs relations extérieures conduisent à réviser à la baisse leur contribution au projet de professionnalisation des juristes. Ils permettent aussi de nuancer la vision de sociétés uniformément acquises à la culture juridique libérale et à la critique de la culture juridique officielle.
      Legal societies in the Russian Empire at the turn of the twentieth century
      The first legal societies were learned societies whose members were law specialists. They were founded throughout the Russian empire in the wake of the so-called great reforms of the 1860s. The end of the nineteenth century saw a second wave of society founding, both in and outside universities – the latter in smaller towns. At a time when professions in general gained visibility and coherence, these legal societies tried to unify the Empire's lawyers. The keen interest for this kind of organization has been attributed to the political and intellectual context of the turn of the century, when a constitutional movement seeking to advance the legal protection of civil rights developed thanks to the decisive participation of many law professionals. However, the comparison between the larger legal societies and the smaller, the study of their means of influence – journals and other publications –, the examination of their internal activities and public relations, show their contribution to the professionalization of lawyers to be less significant than has been thought. This study also shows that these legal societies should not be considered as uniformly adhering to the liberal legal culture that opposed the official one.
    • Une société amputée : Les retours des invalides russes de la Grande Guerre, 1914-1929 - Alexandre Sumpf p. 35-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Une amputation ou la perte de la capacité de travail fait du combattant un invalide qui, à l'exception des détenus en camp, quitte la guerre. Mais le souvenir du combat reste vif, alors que la société est, elle, hypnotisée par l'effort de guerre. Le retour d'individus impropres au combat et inaptes à subvenir à leurs besoins contrarie le pouvoir civil qui doit organiser leur réadaptation, les autorités militaires qui voient en eux des contre-exemples, et les familles forcées de supporter ce poids psychologique et financier. Les œuvres de charité auxquelles participe l'invalide ne brisent pas sa marginalité ; leurs produits dérisoires récompensent mal un sacrifice involontaire et ressenti comme injuste. Les invalides participent donc activement à l'explosion démocratique et aux controverses politiques de l'année 1917. Leur apprentissage de l'action commune prend fin avec le début de la guerre civile et l'éparpillement des anciens combattants. En dépit du regain de l'activisme social permis par la NEP, on ne reconnaît ni la spécificité de l'invalidité de guerre, ni les mêmes droits aux victimes du premier conflit mondial qu'aux vétérans de l'Armée rouge.
      A crippled society
      Permanently disabled, a fighter left the war, except for those detained in camps. But after the fight had ceased, the veteran still felt its burn and lived in this memory among men and women that the war effort made insensitive. Invalids came back unable to fight and to provide for themselves. This fact displeased civil authorities in charge of their rehabilitation, military authorities intending to mobilize new recruits and pretending to the final victory, and families forced to bear such a financial and psychological burden with so little official assistance. Invalids took sometimes part in charity events, but these hardly impeded a process of marginalization, and the minimal profits did not compensate for a non-voluntary sacrifice that veterans considered unfair. It explains why invalids actively participated in the democratic outburst of 1917. But the learning of politics and collective action quickly stopped when civil war began and disabled veterans scattered. Under the New Economic Policy, an all-RSFSR union fought for invalids' rights, but ultimately failed to obtain the distinction of war invalidity from civil disability. Moreover, Bolsheviks rewarded former Red Army soldiers better and longer than Great War's veterans.
  • Dossier : Pierre le Grand et ses images de Rome

    • La référence romaine dans la bibliothèque de Pierre le Grand - Olga Medvedkova p. 65-70 accès libre
    • Les études antiquaires dans la bibliothèque de Pierre le Grand - Daniela Gallo p. 71-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En visitant les pays de l'Europe occidentale, Pierre le Grand avait bien senti que l'Antiquité gréco-romaine était le terreau commun de la culture européenne, tant du point de vue de l'histoire que des lettres et des arts. Il emprunta ce nouveau langage aussi bien aux artistes venus d'Occident, qu'aux œuvres et livres acquis par ses agents. Moins étudiée que sa Kunstkammer, sa bibliothèque – et en particulier le choix des livres sur les antiques – nous a permis de mieux évaluer l'intérêt du tsar pour cette culture antique. Si nous y trouvons de grands classiques des études antiquaires des XVIe et XVIIe siècles, nous n'en sommes pas moins frappés, au stade actuel de nos connaissances, par les lacunes.
      Antiquarian studies from Peter the Great's library
      Peter the Great's visits to Western European countries clearly showed him that Greco-Roman antiquity was the common basis of European culture in respect to both history and the arts. He borrowed this new language from artists coming from the West as well as works and books acquired by his agents. Less studied than his Kunstkammer, his library – and especially its collection of books about antiquities – has enabled us to give a better evaluation of the tsar's interest in that ancient culture. If we find major sixteenth- and seventeenth-century classics of antiquarian studies, we are also struck – at the present state of our knowledge – by the fact that works are missing.
    • Les guides de la Rome antique dans la bibliothèque de Pierre le Grand - Philippe Sénéchal p. 87-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le repérage, à la bibliothèque de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, des guides de la Rome antique ayant fait partie de la bibliothèque de Pierre le Grand, laisse apparaître des lacunes troublantes. Des titres fondamentaux sont absents, ce qui peut être dû à de multiples facteurs. En revanche, trois ouvrages importants ont été retrouvés, dont le plus notable est Beschryving van Oud en Nieuw Rome de François Deseine, in-folio publié à Amsterdam en 1704 et orné de superbes planches. Deux d'entre elles représentent, de façon théâtrale et sans rapport avec la réalité, la colonne Antonine et la colonne Trajane vues à travers un arc de triomphe, ce qui a pu constituer une source pour la mise en scène par Karl Ivanovič Rossi de la colonne Alexandre érigée en 1834 devant le Palais d'Hiver.
      Guides of ancient Rome from Peter the Great's library
      When trying to locate the guides of ancient Rome that had been part of Peter the Great's library in the collection of the Academy of Sciences in Saint-Petersburg, one encounters some puzzling gaps. Basic titles are absent, which may be due to many reasons. On the other hand, three major works have been retrieved, the most important being François Deseine's Beschryving van Oud en Nieuw Rome, a folio published in Amsterdam in 1704 and adorned with splendid plates. Two of these plates represent, in a theatrical way by no means true to reality, the Antonine and Trajan Columns seen through a triumphal arch. This setting may have inspired Karl Ivanovich Rossi's mise en scene of Alexander's Column in front of the Winter Palace.
    • Dve knigi o rimskih drevnostjah Bartoli-Bellori i ih perevody na russkij jazyk iz biblioteki Petra Velikogo - Irina V. Hmelevskih p. 101-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article s'intéresse aux conditions dans lesquelles ont pu voir le jour à l'époque pétrovienne deux traductions des livres de Bartoli-Bellori, Veteres arcus Augustorum et Admiranda romanorum antiquitatum. L'auteur émet l'hypothèse que ces traductions ont été réalisées dans les cercles de lettrés employés par l'Imprimerie de Moscou, en lien direct avec l'érection, à Moscou en 1709-1710, d'arcs de triomphe commémorant la victoire de Poltava. Les sujets et l'iconographie contenus aussi bien dans les textes que dans les gravures de ces livres ont été largement utilisés pour la mise en scène de cérémonies de triomphe et la création d'une littérature panégyrique à l'époque de Pierre le Grand : ils apparaissent ainsi comme une composante substantielle de l'idéologie des réformes pétroviennes.
      Two Russian translations of Bartoli-Bellori books on Roman antiquities from Peter the Great's library. This article describes how two translations of Bartoli-Bellori books, Veteres arcus Augustorum... and Admiranda romanorum antiquitatum..., dating from the Petrine period, came into existence. The author suggests that these translations were made by Moscow Printing House employees and were related to the construction of triumphal archs in Moscow in 1709-1710 on the occasion of the Poltava victory. Images, topics and iconography from the Bartoli-Bellori texts and engravings were used as models in the arrangement of triumphal festivities and the creation of panegyric literature, and they may therefore be considered as a substantial component of Peter the Great's reform ideology.
    • De Re Militari dans la bibliothèque de Pierre le Grand - Émilie d'Orgeix p. 121-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La composition de la bibliothèque du prince moderne, miroir de ses penchants, de ses aspirations sociales et politiques, de son dilettantisme, de sa volonté de spécialisation, de son intérêt pour l'actualité, trouve un écho particulier dans le choix de ses ouvrages militaires. L'équilibre entre auteurs anciens et modernes, entre poliorcétique antique et architecture bastionnée, révèle plus encore que le goût de leur propriétaire, l'expression de sa modernité. C'est dans cette perspective que cet article se penche sur la composition de la bibliothèque de militaria de Pierre le Grand, Elle permet d'éclairer l'attitude d'un souverain, féru d'art et d'antiquités, envers l'art militaire, de découvrir les lectures qu'il a privilégiées et les guides littéraires qui ont accompagné la construction de la plus grande ville fortifiée ex nihilo du XVIIIe siècle dans un siècle traversé par le grand bouleversement baroque.
      Military science books from Peter the Great's library
      The contents of a modern prince's library reflect his inclinations, social and political aspirations, dilettantism, desire for specialized knowledge, and interest in current events. The prince's choice of military texts is a good illustration of this. The balance between ancient and modern authors, between antique siege warfare and fortifications reveals, beyond the taste of the collector, the expression of his modernity. This constitutes the framework of this article, which focuses on the collection of Militaria in Peter the Great's library and sheds light on the attitude of this lover of art and antiquities towards military arts. The article also presents Peter's favorite texts and the literary models that accompanied the construction ex nihilo of the largest fortified city of the eighteenth century – a century that was marked by the great Baroque upheaval.
    • L'Idea pour Saint-Pétersbourg : Pierre le Grand et Vincenzo Scamozzi - Olga Medvedkova p. 135-165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse un corpus de cinq volumes qui se trouvent dans la bibliothèque de Pierre le Grand. Consacrés à l'architecture moderne de Rome, sortis des éditions romaines de De Rossi, ils sont numérotés et reliés de manière uniforme. La particularité de ce corpus consiste en ce que tous ses volumes sont annotés par une main russe de l'époque comme étant de Vincenzo Scamozzi. Et pourtant aucun de ces livres ne mentionne nulle part le nom de cet architecte et écrivain vénitien (et non romain) du XVIe siècle. Il s'agit donc ici d'une erreur à répétition. Mais quelle en serait la raison ? Y a-t-il, pour ces cinq livres, un dénominateur commun qui aurait conduit les Russes à les « classer » sous le nom de Scamozzi ? L'article tente de répondre à cette question, en nous entraînant dans une réflexion sur l'idée de l'architecture – et, en particulier, de celle de Rome – qui aurait pu être celle de Pierre le Grand au moment de la création de Saint-Pétersbourg.
      The idea of St. Petersburg
      This article deals with a corpus of five volumes belonging to Peter the Great's Library, dedicated to Roman modern architecture, printed by the Roman publisher De Rossi, and with identical binding and numbering. All five were marked by the same anonymous Russian hand as being Vincenzo Scamozzi's work. However, nowhere in these books do we encounter the name of this Venitian (not Roman) architect and writer of the sixteenth century. This is probably a repeated error. And what could have caused it? What is there about these books that induced Russians to classify them under Scamozzi? This article attempts to answer this question, then logically moves on to a new reflexion about what kind of architecture – particularly Roman – Peter the Great had in mind when he created St. Petersburg.