Contenu du sommaire : Varia et comptes rendus
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 52, no 4, octobre-décembre 2011 |
Titre du numéro | Varia et comptes rendus |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Le voyageur et l'émigré : Le motif de la sortie d'Égypte dans la littérature russe des années 1920-1930 - Boris Czerny p. 529-553 La même année, en 1917, le peuple juif vit se concrétiser ses espoirs de la fondation d'un foyer juif en Palestine et de la création d'une société égalitaire en Russie. Pour les sionistes ou pour les juifs engagés dans la construction d'un nouveau pays, deux territoires, Eretz Israël et l'URSS, incarnèrent la réalisation des espérances messianiques. Dans la littérature des années 1920, un certain nombre de textes reprirent et développèrent le motif de l'Exode pour illustrer le retour sur la terre promise ou l'installation des juifs dans des colonies agricoles en Ukraine. Mais si dans les œuvres rédigées tout de suite après la révolution les deux paysages, juif et russe, cohabitent, par la suite, la thématique biblique fut reprise à des fins idéologiques pour illustrer la victoire de la pensée sioniste ou, au contraire, de l'idéologie soviétique. Ainsi, à la fin de leur périple à travers le « désert égyptien », les juifs se retrouvèrent dans le désert du Néguev ou dans la steppe ukrainienne.La radicalisation de la société soviétique à partir du Grand Tournant de 1929 se concrétisa en particulier par la fermeture de toutes les organisations juives et une intensification de la lutte contre le sionisme. Quelques œuvres de la littérature soviétique furent consacrées à la description de l'échec de l'« expérience sioniste » sur la Terre promise et le retour des « pionniers » en URSS. La fin de leur périple les conduisit au Birobidžan qui est présenté comme la dernière étape d'un voyage menant hors d'Égypte, vers la liberté.The Exodus motif in Russian literature of the 1920s and 1930s
In 1917, the Jewish people's dream of a Jewish settlement in Palestine and desire for a more equal society in Russia came true. For Zionists or Jews involved in the building of a new country, two territories, Eretz Israel and the USSR, embodied the fulfillment of their respective messianic hopes. Several literary works of the 1920s developed the Exodus motif to illustrate the return to the Promised Land or the settling of Jews in agricultural colonies in Ukraine.However, if the jewish and Russian landscapes coexisted in the works written just after the Revolution, the biblical theme was later used for ideological purposes to illustrate the victory of Zionist thought or, on the contrary, of Soviet ideology. Thus, at the end of their journey in the Egyptian desert, the Jews found themselves in the Negev desert or in the Ukrainian steppe. The radicalization of Soviet society from 1929 resulted in the closing of all Jewish organizations and an intensification of the struggle against Zionism. Some Soviet works were devoted to the description of the failure of the Zionist experience in Eretz Israel and the return of the pioneers to the Soviet Union. The journey led them to Birobidzhan, which these works depicted as the last stop of a journey from Egypt toward freedom. - Le Comité du coton et les autres : Secteur cotonnier et pouvoir économique en Ouzbékistan, 1922-1927 - Beatrice Pénati p. 555-589 Cet article étudie le rôle du Comité central et des comités républicains du coton avant et après la délimitation nationale et territoriale en Asie centrale. Il examine aussi l'activité des banques régionales et de la banque centrale, leur rivalité, leur implication dans le secteur cotonnier et leur imbrication dans la vie politique à Moscou et à Taškent. Des réseaux similaires se mobilisent dans la lutte pour le contrôle des approvisionnements en céréales des paysans et en vue de la recapitalisation de l'organisation commerciale de la république. La position centrale du coton dans l'économie locale et la faiblesse des pouvoirs locaux précipitent la confrontation directe entre le Comité central du coton et le bureau d'Asie centrale du parti. Cette analyse amène à une critique du paradigme interprétatif opposant « centralisation » et « décolonisation » dans l'histoire de l'Asie centrale au début de l'époque soviétique et, en général, à une reconsidération du rôle des acteurs économiques semi-autonomes pendant la NEP.The Khlopkom and the others: Cotton sector and economic power in Uzbekistan, 1922-1927This article explores the role of the Central and national Cotton Committees before and after the national and territorial delimitation. Second, it discusses the competition between regional banks and Gosbank, their involvement in the cotton sector, and their entanglement with politics in Moscow and Tashkent. Similar networks were mobilised in the struggle to control grain supply to the peasantry and in the recapitalisation of the Uzbek trade organisation. The centrality of cotton in the local economy and the weakness of local power agencies triggered a direct confrontation between the Central Cotton Committee and the Party's Central Asian Bureau. This leads to a critique of the interpretive paradigm opposing “centralisation” to “decolonisation” in the history of early Soviet Central Asia and, more generally, to a reappraisal of the role of semiautonomous economic actors during the NEP.
- Komu vodička, a komu vodočka ili čto delajut smotriteli na Svjatom ozere : prazdničnaja kul´tura i religija v sovetskom poslevoennom obščestve - Ulrike Huhn p. 591-618 Le changement brusque, en 1943, dans les relations entre l'État soviétique et l'Église orthodoxe a conduit à une résurgence imprévue des traditions religieuses qui avaient disparu de la sphère publique depuis les années trente. Cet article analyse les formes spécifiques prises par les fêtes rurales depuis l'après-guerre jusqu'au début des années soixante en prenant pour exemple le site du pèlerinage de Svetlojar dans la région de Gor'kij. À Svetlojar, la renaissance du pèlerinage d'été coïncida avec le jour du saint patron local et la fête paroissiale, largement sécularisée, qui lui était dédiée. C'est l'ambivalence de la tradition locale qui a permis même à des représentants de l'État, dont des gardes d'un goulag proche, de prendre part aux festivités alors même que le chevauchement de celles-ci avec le renouveau de la pratique religieuse remettait en question le monopole de l'État sur l'espace public. La démarcation entre le séculaire et le religieux est devenue de plus en plus floue, d'autant que la participation à la fête paroissiale ou au pèlerinage ne se basait pas sur la distinction officiels soviétiques « progressifs » d'une part et pèlerins « arriérés » de l'autre, mais reconnaissait plutôt une répartition genrée. La fête paroissiale à Svetlojar offrait aussi une expérience de la communauté qui, alors, aurait dû être le fait des manifestations de masse soviétiques. Mais les efforts pour mettre en place un calendrier des fêtes soviétique n'avaient pas atteint les campagnes. Ce n'est qu'à la fin des années cinquante, avec les campagnes antireligieuses de Hruščev, que l'on tenta derechef d'introduire de nouvelles fêtes soviétiques pour enfin attirer la population rurale et la convaincre du projet soviétique après des années d'appauvrissement et d'exploitation.To each his kind of water, or “Why are the guards at the Holy Lake?” Festive culture and religion in postwar Soviet society. The turnabout in the relationship between the Soviet State and the orthodox Church in 1943 led to an unexpected resurgence of religious traditions that had vanished from the public sphere in the 1930s. This article analyzes the specific forms taken by rural feasts during the postwar years until the early 1960s and focuses on a pilgrimage site called Svetloiar in Gor'kii region. The reemerging summer pilgrimage of Svetloiar happened to coincide with the local patron saint's day and the related, but largely secularized parish feast. It was this ambivalence in local tradition that enabled even representatives of the state – among them guards of a nearby Gulag camp – to take part in the festivity even though its overlap with the reemerging religious practice challenged the state's monopoly over public space. Yet, boundaries became further blurred by the fact that participation in the pilgrimage and parish feast did not follow the distinction between “progressive” Soviet officials and “backward” pilgrims but rather accepted gender divisions. The parish feast of “Svetloiar” also provided an experience of community that by then should have been the work of Soviet mass celebrations. But the efforts to implement the Soviet festival calendar had not reached the Soviet countryside. It was not until Khrushchev's antireligious campaigns of the late 1950s that a new attempt was made to introduce new Soviet feasts in order to attract the rural population and convince it of the Soviet project after years of impoverishment and exploitation.
- Social´naja ˙energija : ustnaja istorija udarnyh stroek - Mihail Rožanskij p. 619-657 L'auteur étudie le phénomène portant le nom officiel d'« enthousiasme des bâtisseurs du communisme » sur la base d'entretiens biographiques de participants aux « grands chantiers », avant tout de ceux qui ont construit la station hydroélectrique de Bratsk dans la seconde moitié des années 1950. La construction de la station de Bratsk a été le premier chantier sibérien d'importance de la période postgoulag. Au centre des souvenirs, on retrouve l'improvisation de nouvelles relations et de pratiques sociales de ces gens qui étaient venus pour le chantier de choc et sont restés dans la toute nouvelle ville. Le monde des « tentes de Bratsk » (comme après, celui d'Ust?-Ilimsk ou du BAM) concentre tout le « soviétique » et, en même temps, se distancie de la routine soviétique, la récuse. L'article examine comment se forment les solidarités extra-idéologiques, comment se produit la désacralisation du pouvoir et du système idéocratique. L'auteur propose une notion d'« énergie sociale » comme instrument de recherche permettant d'analyser la reproduction et la crise de la conscience et de la civilisation soviétiques.Social energy: An oral history of “shock construction brigades” in megaprojects
Drawing on biographical interviews with former participants in great construction projects, particularly those who built the Bratsk Hydroelectric Power Station in the mid- to late 1950s, the author studies the so-called “enthusiastic builders of communism.” The construction of the Bratsk Hydroelectric Power Station was the first Siberian megaproject of the post-Gulag era. Respondents' recollections focus mainly on how new relationships and social practices were improvised among the workers who came to the construction site and later remained in the newly built city. Even though the Bratsk tent settlement (as well as those of Ust?-Ilimsk and BAM afterwards) concentrated “all things Soviet,” it also dissociated itself and became estranged from Soviet routine. The article examines how solidarity came about regardless of ideological difference, and how the mystique was taken out of political power and ideocracy. The author puts forward the notion of “social energy” as a research tool for the analysis of the reproduction of and crisis in Soviet consciousness and civilization.
- Le voyageur et l'émigré : Le motif de la sortie d'Égypte dans la littérature russe des années 1920-1930 - Boris Czerny p. 529-553
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 659-853