Contenu du sommaire
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | Volume 63, janvier-mars 2010 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Denis Bonnecase p. 3-5
Articles
- The Voice of the Child: Language and Desire in Blake's Songs and The Book of Urizen - Christian La Cassagnère p. 6-17 Cette étude voudrait explorer la signification et la dynamique de la mythologie des « Figures géantes » telles qu'elles émergent dans The Book of Urizen. Elle montre que l'élaboration mythique est pour Blake le moyen d'articuler un problème fondamental: la béance qui s'instaure, au cœur du sujet, entre le langage et la réalité non-symbolisable du désir. Blake, à vrai dire, affronte déjà le problème dans les Chants en mettant en jeu les vicissitudes de son Enfant mythique: de l'Infans d'Innocence dont la voix nue, non-signifiante, refuse le Nom-du-Père, au sens lacanien du terme, au nouveau-né d'Expérience capable d'inscrire l'accomplissement de son désir dans le langage même qui parle de son « chagrin ». La problématique s'approfondit à travers le mythe d'Urizen, le sujet aliéné dans le « lieu du nord » — le lieu du symbolique, l'ordre du langage —, refoulant l'innommable désir qui fait retour, comme du dehors, en « voix terrifiantes » ; jusqu'à ce que ces voix perdues soient reconnues et perçues comme « voix de l'Enfant », flamboyant « ça parle » interférant dans le « je parle » urizénique en une trangression créatrice qui n'est autre que le poétique. Le mythe blakien construit ainsi, au cœur du « lieu du nord », cet espace paradoxal — exemplifié par le « Livre » même — où les formes signifiantes se font inscriptions de l'insignifiable désir.This study intends to explore the significance and dynamics of the mythology of “Giant forms” as they emerge in The Book of Urizen. It argues that Blake's myth-making is his way of articulating a fundamental human problem: that of the gap ‘within the self,' between language and the reality of desire that cannot be symbolised. Blake, as a matter of fact, addresses the problem as early as the Songs by bringing into play the vicissitudes of his mythic Child: from the Infans of Innocence whose naked, non-signifying voice declines what we may call, in Lacanian terms, the Name-of-the-Father, to the new-born Child of Experience able to inscribe the fulfilment of his desire in the very language that speaks of his “Sorrow.” The problem is further explored in the myth of Urizen, the subject alienated in the “place in the north”—the symbolic site, the order of language—, repressing unnameable desire that returns in uncanny “voices of terror”; until those voices are finally recognized and perceived as the “voice of the Child,” a flamboyant “it speaks” interfering within the Urizenic “I speak” in a creative transgression which is none other than the poetic. The Blakean myth thus constructs in the very “place in the north” that paradoxical locus—exemplified by the “Book” itself—where signifying forms can turn into inscriptions of unsignifiable desire.
- Wordsworth, a Wandering Poet: Walking and Poetic Creation - Florence Gaillet-De Chezelles p. 18-33 Présentant Wordsworth comme un poète marcheur ayant composé de nombreux vers en marchant, cet article souligne aussi les liens étroits qui existent entre promenades, émerveillement et poésie. Prélude à la création poétique, la marche était pour Wordsworth une forme d'activité poétique puisque les marcheurs les plus réceptifs étaient à ses yeux des poètes silencieux. Facilitant en outre la remémoration et la réconciliation, la marche calmait ses angoisses concernant son passé et la continuité de son être ; elle servait même de principe directeur à son écriture, sous-tendant la dynamique particulière du Prélude.In presenting Wordsworth as a poet who composed verse as he walked, this paper also highlights the close links between wandering, wondering and poetry. For Wordsworth, walking, as a form of poetic activity, was a prelude to poetic creation since he saw highly receptive walkers as silent poets. Furthermore, through its recollective and reconciling dimensions, walking soothed the anxieties of his past and confirmed the continuity of his being. It was also a guiding principle for his writing, accounting for the specific dynamics of The Prelude.
- Reflections on the Life of Samuel Taylor Coleridge - Joanny Moulin p. 34-48 L'histoire de la vie de Coleridge n'a que fort peu favorisé la réception de son œuvre, de son vivant comme aux yeux de la postérité. Trop souvent, ceux qui écrivent sur Coleridge cèdent à la tentation de dénigrer son caractère, puis tombent dans le regrettable travers d'une certaine condescendance, aussi infime soit-elle, à l'égard de ce qu'il a accompli. Cet article ne prétend pas être hagiographique, et encore moins entreprendre une défense évidemment superflue de Coleridge. Certes, l'homme n'était pas sans défauts. Mais Biographia Literaria fut à bien des égards une tentative réussie de se sauver par la littérature. Le génie particulier de Coleridge était avant tout d'une nature oratoire, qui devait beaucoup à la tradition britannique des prédicateurs laïques dissidents. Sa principale contribution à la littérature, outre un certain nombre de grands poèmes canoniques composés avec le talent éclairé d'un amateur au plus noble sens du terme, ne fut pas simplement une vulgarisation de la philosophie idéaliste allemande, mais consista délibérément en une réconciliation idéologique de la philosophie avec la religion, qui exerça une influence décisive sur l'histoire des idées.Coleridge's life story has done little to serve the reception of his work, whether in his own lifetime or in the eyes of posterity. It has even become a regrettably usual defect of too many authors writing about Coleridge to fall prey to the temptation of disparaging his character, and hence into the trap of sounding ever so slightly condescending with regard to his high achievements. This article has no hagiographic pretension, nor does it undertake an obviously superfluous attempt to defend Coleridge. True, the man had his own failings. But Biographia Literaria was arguably a successful attempt to redeem himself through literature. Coleridge's particular genius was primarily of an oratorical nature, very much in the British dissenters' tradition of lay sermons. His major contribution to literature, apart from a number of great canonical poems composed with the superior talent of an amateur in the noblest sense of the term, was not merely a popularisation of German idealist philosophy, but consisted in a deliberate ideological reconciliation of philosophy with religion, which exerted a decisive influence on the history of ideas.
- Southey's Ballads Revisited - Jean Raimond p. 49-60 Cet article tente de réexaminer le statut poétique de Southey, figure du romantisme anglais dont on a longtemps fait trop peu de cas, en procédant à une réévaluation de ses ballades. L'attrait de ces poèmes « mineurs » repose, entre autres, sur la diversité des thèmes et des sujets traités. Préoccupations humanitaires, surnaturel et macabre, humour et comique sont les composantes de récits versifiés remarquables par le talent avec lequel l'auteur y relate des histoires simples qui révèlent de belles qualités en matière d'expression et de métrique. L'« inconscient du texte » mérite d'être exploré pour l'éclairage qu'il jette sur le psychisme de l'écrivain comme sur le rôle de l'imagination du poète dans le processus de création.This essay intends to reconsider Southey the poet, a chronically underestimated figure of English Romanticism, through a reassessment of his ballads. The appeal of such “minor” poems is based, among other things, on the variety of themes and subjects treated. Humanitarian concerns, the supernatural and the gruesome, comedy and humour are the ingredients of metrical tales noteworthy for their author's skill at recounting simple stories in which no common powers of language and versification can be traced. The “unconscious of the text” is worth probing into for the light that it throws on the writer's psyche as well as on the part played by the poet's imagination in the creative process.
- Byron's Nomadic Muse - Denis Bonnecase p. 61-72 L'objet de cet article est d'interroger ce que l'on appellera ici la modalité nomadique de l'écriture poétique de Byron dans Don Juan. La parole aventureuse et prolifique du narrateur trahit certes une angoisse aussi fondamentale que tenace devant l'inanité de l'existence, la vanité de toute vérité et le caractère diffus et motile de l'identité. Mais non seulement cette parole les sublime et les compense, surtout elle ouvre l'espace moderne (donc, potentiellement non-romantique) de la composition poétique comme pur plaisir, de la textualité du poème soumis au jeu du hasard dans la mesure où sa dynamique, aussi ondoyante qu'interminable, est celle de l'éros.The object of this paper is to address the nomadic mode of poetic writing in Byron's Don Juan. The poet's prolific and adventurous speech betrays a fundamental anxiety at the emptiness of existence, the vanity of any kind of truth and the diffuse as well as mobile nature of identity. Yet this speech does more than sublimate such anxiety and compensate for it, it simultaneously opens up the modern (and potentially unromantic) space of poetic composition as pure pleasure, of the textuality of the poem submitted to chance and its occurrences, for its inner dynamic (as fluctuating as it is interminable) is that of eros.
- The Anatomy of Light: Astronomy, Optics and Wave Dynamics in Percy B. Shelley's Epipsychidion and The Triumph of Life - Sophie Laniel p. 73-87 Confrontés à l'emprise grandissante du discours scientifique sur les esprits, les poètes romantiques britanniques n'ont souvent vu que les dangers d'une défiguration de la beauté du monde naturel par l'analyse et le raisonnement. Percy B. Shelley cherche justement à exploiter cette tendance à des fins poétiques. L'optique et l'astronomie symbolisent pour lui les limitations du point de vue de l'homme, qui l'empêchent d'appréhender pleinement la beauté absolue. Dans Epipsychidion (1821), il s'inspire de l'astronomie de son temps, selon laquelle seule une faible lueur de lumière stellaire parvient jusqu'à la Terre. Dans The Triumph of Life (1822), ce rayon est ensuite confiné dans les tissus et les humeurs obscurs de l'œil où, en accord avec les théories de Newton, il est brisé par réfraction. Shelley pousse cette appropriation jusqu'à faire de la déperdition de la lumière au contact des corps opaques le symbole de l'écriture poétique. Dans Epipsychidion, le poème devient une lumière dérivée qui éclipse la clarté qu'elle tente de révéler. Dans The Triumph of Life, la théorie ondulatoire de la lumière, formulée par Thomas Young, vient mettre en doute, sous la plume de Shelley, la notion même de référence poétique, faisant de son poème un espace d'interférences.Faced with the growing cultural impact of science, the Romantic poets tended to consider scientific analysis and reasoning as a disfigurement of the beauty of the natural world. Percy B. Shelley used this very tendency to serve poetic ends. For him, optics and astronomy stand for the limitations of man's point of view and for his inability to apprehend absolute beauty. In Epipsychidion (1821), Shelley refers to astronomy, because it has established that only a feeble glimmer of stellar light actually reaches the Earth. In The Triumph of Life (1822), the glimmer is then confined to the obscure tissues and humours of the eye, where, in accordance with Newton's optics, it is broken up by refraction. Shelley even chooses the fate of light when it comes into contact with opaque bodies as a metaphor for the writing process. In Epipsychidion, the poem appears as a substitute light eclipsing the radiance it is trying to reveal, while in The Triumph of Life, Shelley resorts to Thomas Young's wave theory of light to question the workings of poetic reference, turning his poem into an interference field.
- 'Empty spaces' and the poetics of silence in the poetry of John Keats - Jean-Marie Fournier p. 88-98 Dans une biographie récente de John Keats, Christian La Cassagnère analyse le poète comme un sujet mélancolique, partagé entre périodes d'aphasie et périodes d'inspiration exceptionnelle. En partant de cette prémice, l'auteur de l'article voudrait suggérer d'autres lectures possibles de la relation du poète au silence, en montrant que Keats, particulièrement dans les odes du printemps 1819, en vint à considérer l'utilisation d'images, et partant de topoi, comme artificielle, rejetant avec force cette pratique à la fin de « Ode to a Nightingale » et « Ode on Indolence ». Keats s'ouvrait ainsi à la problématique du son poétique, pris comme antidote des « visions voluptueuses » pour lesquelles il éprouvait une certaine prédilection au début de sa carrière, tout en ayant conscience de la dimension de silence par laquelle le son est hanté, de la même façon que l'expérience s'ouvre à de mystérieux « points obscurs » qui échappent à toute représentation. Les derniers textes de Keats montrent que le poète essayait de trouver une manière poétique appropriée de rester fidèle à son intuition, préparant ainsi le chemin qui devait conduire à une conception moderne de la poésie.Christian La Cassagnère's recent biography of John Keats analyses the poet as a melancholy subject suffering from periods of aphasia as well as periods of extraordinary inspiration. This article would like to suggest other possible readings of the poet's relation to silence in his work by showing that Keats, particularly in the Spring odes, came to consider imagery and consequently topoi as artificial, rejecting them with force at the end of his “Ode to a Nightingale” and “Ode on Indolence.” Keats thus welcomed the spectrum of poetic sound, as an antidote to the “voluptuous visions” he favoured at the beginning of his career, aware all the while that sound is haunted by silence, just as experience is hollowed out by mysterious “dark spots” which elude representation. Keats's last texts show evidence of the poet's attempt to follow this intuition, thus paving the way for a very modern conception of poetry.
- The Voice of the Child: Language and Desire in Blake's Songs and The Book of Urizen - Christian La Cassagnère p. 6-17
Selected Bibliography
- Selected Bibliography - Denis Bonnecase p. 99-107
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 108-128