Contenu du sommaire : Hérédités, héritages

Revue Rives méditerranéennes Mir@bel
Titre à cette date : Rives nord-méditerranéennes
Numéro no 24, 2006/2
Titre du numéro Hérédités, héritages
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Anne Carol, Martine Lapied p. 1 accès libre
  • Hérédités

    • La télégonie, ou les nuances de l'hérédité féminine - Anne Carol p. 2 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La télégonie est la croyance selon laquelle une femme, fécondée ou déflorée par un premier homme, produit ensuite des enfants à sa ressemblance quel que soit le géniteur. Cette croyance, portée par la zootechnie, connaît une certaine diffusion dans la littérature médicale et romanesque du XIXe siècle, quoique ne reposant pas sur les textes anciens, avant de disparaître dans l'entre-deux-guerres. Les explications et les représentations des mécanismes de cette forme d'hérédité particulière montrent la prégnance de représentations du corps de la femme comme un support, malléable et inachevé, et la façon dont ces représentations composent, malgré tout, avec la construction du savoir scientifique moderne.
      Telegony is the belief according to which a woman, made pregnant or deflowered by a first man, will have her next children resembling that first man whoever fathers them. Such a belief, induced by zootechny, had some diffusion in 19th century's fiction or medical literature, even though old texts remain silent on the subject, then it disappeared during the interwar period. Explanations and representations of the mechanisms governing that form of heredity show the vividness of some received ideas about the female body, considered to be a flexible and unfinished carrier, and how such representations may, in spite of all, compromise with a modern scientific knowledge in the making.
    • Penser et gérer l'hérédité des caractères discriminants dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes - Jean-Luc Bonniol p. 3 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes, marquées par un contraste phénotypique lié à la couleur de la peau, qui a servi de légitimation à la domination sociale, la perception visuelle de l'apparence physique des individus s'articule à des conceptions concernant la transmission des caractères de génération en génération et à des représentations implicites de l'hérédité. La gestion sociale de cette transmission héréditaire a instrumentalisé la rémanence du biologique par rapport aux évolutions sociales : exercée grâce à la stricte surveillance du choix du partenaire reproducteur, elle a permis de canaliser le cheminement des gènes d'une génération à l'autre et de façonner, au niveau biologique, les structures de population, dans des limites telles que ces structures puissent rester porteuses de contrastes et que l'idée de race continue à y trouver un fondement perceptif.
      In slavery times and even after slavery, societies in which phenotypic contrasts linked to skin colour had been used to legitimize social dominance, the visual perception of physical appearance in individuals was associated with conceptions about the transmission of hereditary characters from generation to generation and with implicit representations of heredity. The social management of that hereditary transmission exploited the remanence of the biological in opposition to social evolutions: keeping a close watch on the choice of sexual partners has allowed the slave societies to confine the gene pool from one generation to the next, and to shape population structures, with such restrictions as to allow the structures to be carriers of contrasts so that the race concept may continue to find in them a perceptive justification.
    • Le mythe de la femme sauvage : Autour du livre de Clarissa Pinkola Estés : Femmes qui courent avec les loups - Jean-Noël Pelen p. 4 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le livre de Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups. Histoires et mythes de l'archétype de la femme sauvage (Paris, 1996, e. o. 1992), connaît, depuis sa parution, un véritable succès mondial. Son objet est de « faire recouvrer à la femme la beauté de ses formes psychiques naturelles ». Le chemin pour y parvenir est longuement décrit à partir d'une analyse jungienne de quatorze récits de tradition orale (contes, mythes, légendes) qui renfermeraient les secrets des « anciens mystères féminins » autour de l'« archétype de la Femme Sauvage », laquelle est définie comme le « soi instinctuel », métaphorisé dans l'image de la louve. L'approche critique du livre souligne les faiblesses d'une démonstration inexistante et d'un appareil scientifique absent. C'est donc ici le succès qui interroge. Celui-ci se comprend par la simplicité et la centralité du thème abordé – l'identité féminine « naturelle » –, ainsi que par les qualités et le savoir-faire littéraires de l'auteure. Celle-ci assemble en un même lieu d'énonciation les positions de documentaliste, d'analyste, d'héritière et de profératrice d'un récit dont elle incarne, littéralement, la corporéité. S'adressant à chaque femme et à toutes les femmes comme « tribu », le Grand Récit de la féminité mis en place résonne aussi dans l'invocation, récurrente dans les Grands Récits contemporaines, d'une déesse originelle, une déité féminine dont chaque femme est une hiérophanie.
      Clarissa Pinkola Estés's book “Women who run with the wolves. Myths and Stories of the Wild Woman Archetype” (Paris, 1996, 1st published in 1992) has been all the way since its publishing a global success story. The book's purpose is “to have the woman regain the beauty of her natural psychic shapes”. We find a long description of the way to achieve that goal on the basis of fourteen Jungian oral stories (tales, myths, legends) supposed to contain the secrets of the “old feminine mysteries” around the “archetypal wild woman” who is defined as the “instinctual self” metaphorized in a she-wolf. A critical approach underlines the weaknesses of a non-demonstration in a nonexistent scientific protocol. Therefore we wonder about the success. It can be explained by the simplicity and centrality of the theme being treated – “natural” female identity – and by the author's literary qualities and expertise. She brings together in one and the same place the positions of a librarian, a psychoanalyst, an heiress and a storyteller embodying her tale in a literal sense. Speaking both to each woman and to all women as a “tribe”, the Big Tale of femininity staged here reverberates in the invocation, often to be found in contemporary Big Tales, to an original goddess, a female deity of which every woman is a hierophany.
  • Héritages

    • Les femmes, la famille et le devoir de mémoire : les Trissino aux xvie et xviie siècles - Lucien Faggion p. 5 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'héritage peut être saisi dans l'étude d'une puissante famille noble de la Terre Ferme vénitienne (Vicence) : les Trissino connaissent au XVIe siècle des dissensions qui menacent et ruinent la stabilité de la Maison, ainsi que les équilibres intra- et interfamiliaux. Ces conflits rendent perceptibles les rivalités surgies pour l'héritage. Les vengeances affectent cette famille de l'aristocratie, dès les années 1540, mais prennent une ampleur spectaculaire dans le dernier tiers du XVIe siècle, ne laissant personne indifférent. Au-delà de ces règlements de compte parfois violents, les femmes jouent un rôle important, appelées à être à la fois gestionnaires des biens, en tant que veuves ou célibataires, et gardiennes de la mémoire familiale.
      Heritage can be illustrated by our study of a powerful noble family from the Venetian Terra Firma (Vicenza): the Trissinos experienced infighting during the 16th century to the point of threatening and eventually ruining their House's stability, as well as the intra- or inter-familial balance. Such conflicts are a showpiece of the rivalries induced by inheritance. Revenge affairs had been a hallmark of that aristocratic family since the 1540's, but they increased dramatically in the last three decades of the 16th century, leaving no one unconcerned. Beyond the sometimes violent settling of scores, women played an important part, as they were assigned to be both estate managers, as widows or single persons, and curators of the familial memory.
    • ?Ici nous sommes réunis? : le tombeau de famille dans la France moderne et contemporaine - Régis Bertrand p. 6 accès libre
  • Transmission et création

    • De Mère en filles et de la plume au pinceau : Le Journal de La Présidente (1883/1899) - Chantal Guyot p. 7 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      « Le Journal de La Présidente » est une chronique estivale, tenue de 1883 à 1899, à la bastide La Présidente (sur le plateau de Puyricard) par Madame Thérèse de Giraud d'Agaÿ et ses filles, Suzanne et Madeleine, dite Chichon. On précise d'abord en quoi l'écriture féminine est à l'unisson. On s'attache ensuite à en montrer les variations. Thérèse d'Agaÿ peut donner à la chronique un côté tout autant intime que mondain ; L'aînée, « Suzy » en 1889 et 1890 décrit avec son humour propre, certains « rites » de la société. Puis Chichon prend le relais, mais sa plume est plus caustique. Elle revendique un regard différent. Enfin, de 1895 à 1899, c'est le duo de Chichon avec son cousin Damien de Castelet qui donne toute son originalité au « Journal », les deux amis ayant entrepris de le relire et avec talent, de l'illustrer à quatre mains. Nous montrons les mécanismes de la transmission familiale et sociale. Ce « Journal » est un bon exemple d'héritage matrimonial qui témoigne du crédit accordé à l'écriture et à l'art.
      “The Diary of La Présidente” is a summer chronicle, written from 1883 down to 1899 in the bastide (or country house) named La Présidente on the Puyricard plateau (near Aix-en-Provence) by Mrs. Thérèse Giraud d'Agaÿ and her daughters, Suzanne and Madeleine, also known as Chichon. First we evaluate to what extent the different female writing styles come into line with each other. Then we try to pinpoint their variations. Thérèse d'Agaÿ may give the chronicle an intimate or fashionable touch; the elder daughter “Suzy” in 1889 and 1890 describes with her own sense of humour certain “rites” of society. Then Chichon takes over, but her style is more caustic. She displays a different point of view. Finally from 1895 to 1899, both Chichon and her cousin Damien de Castelet give the “Diary” a complete originality: the two friends embark upon a rereading of the diary and try to illustrate it four-handed with a great deal of talent. We try to point out the mechanisms of familial and social transmission. This “Diary” is a good example of matrimonial heritage which reveals the importance given to writing and art.
    • La modernité en héritage : Le CIAM9 d'Aix-en-Provence et la crise générationnelle du Mouvement Moderne - Jean-Lucien Bonillo p. 8 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le neuvième Congrès International d'Architecture Moderne (CIAM 9) qui se tient à Aix en Provence en 1953 tient une place quasi mythique dans l'historiographie du Mouvement Moderne alors même qu'il est le théâtre d'un échec consécutif à une crise interne. Réunis pour formaliser une Charte sur l'habitat en pendant de la fameuse Charte d'Athènes, doctrine d'urbanisme officielle du mouvement, les participants ne parviennent pas à un accord. Porteuse des nouvelles idées et sensibilités d'après-guerre : spécificités et différences culturelles, sociabilité et convivialité, mobilité et changement… la jeune génération, bientôt réunie sous l'appellation TEAM TEN pour préparer le dixième congrès s'attelle à la critique du credo fonctionnaliste que symbolise la fameuse grille CIAM.
      The 9th International Congress of Modern Architecture (CIAM9) that took place in Aix en Provence in 1953 is of the highest importance for the Modern Movement and there is an almost mythical aura about it, even though it experienced a failure due to inner crisis. Gathered to formalize a Charter on housing as a counterpart of the famous Athens Charter, the participants could not reach an agreement. As a carrier of the post-war new ideas and tendencies – cultural differences and specificities, sociability and friendliness, mobility and change, etc. – the young generation that was soon to be known as TEAM TEN gathered to prepare the 10th Congress and embarked upon a critic of the functionalist creed symbolized by the famous CIAM grid.