Contenu du sommaire : Histoire de la vergogne
Revue |
Rives méditerranéennes Titre à cette date : Rives nord-méditerranéennes |
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Numéro | no 31, 2008/3 |
Titre du numéro | Histoire de la vergogne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : La vergogne historique : éthique d'une émotion sociale - p. 7-16
- La vergogne dans la légende de Lucrèce de l'Antiquité à la Renaissance - Guillemette Bolens p. 17-39 La vergogne désigne une catégorie d'émotions qui inhibent des impulsions dommageables pour les liens sociaux. Les formes spécifiques de ces inhibiteurs d'impulsions relèvent des codes sociaux et des systèmes de valeurs en vigueur dans le groupe auquel appartient la personne. La personne est censée avoir intériorisé ces codes et ces valeurs, et exprime leur force par l'inhibition d'impulsions que le système social cherche à canaliser. La légende de Lucrèce, reprise de l'Antiquité jusqu'à la Renaissance, permet d'observer les modulations de cette problématique en fonction du système conceptuel actif dans chacune des œuvres qui sont abordées, soit les différentes versions de la légende de Lucrèce par Tite-Live, Ovide, saint Augustin, John Gower, Geoffrey Chaucer et William Shakespeare.Vergogne refers to a category of emotions that inhibit impulses which are detrimental to social relationships. The specific forms of these impulse inhibitors pertain to the social codes and value systems active in a social group. Such codes and values are expected to be internalized by social members and to express their force by effectively channelling the impulses to be controlled. The Legend of Lucrece, reinterpreted from the Antiquity to the Renaissance, evinces such a problematic through the modulations of the different conceptual systems used within the various versions of the Legend under study, written by Livy, Ovid, Saint Augustine, John Gower, Geoffrey Chaucer and William Shakespeare.
- Les hontes mérovingiennes : essai de méthodologie et cas de figure - Nira Pancer p. 41-56 Longtemps ignorée, voire occultée, la honte médiévale, et plus particulièrement les hontes mérovingiennes, n'ont pas encore fait l'objet d'une étude systématique. Cette carence n'étonnera pas. Sentiment caché et polymorphe par essence, la honte ne se laisse pas aisément décrypter. Eu égard à cette difficulté, une mise au point méthodologique s'impose. Partant d'une critique de l'approche linguistique, qui consiste à rechercher et étudier les mots exprimant la notion de honte, cet article présente un premier travail de réflexion méthodologique fondé sur quelques cas de figure. Diverses méthodes, telles l'introspection et la contextualisation par le biais de la notion de script émotionnel, susceptibles à la fois de détecter la honte lorsqu'elle est tue ou de lui donner un sens lorsque les termes l'exprimant sont trop imprécis, seront expérimentées dans le contexte du corpus mérovingien.Long ignored, even hidden, medieval shame, and “Merovingian shames” in particular, have not yet been systematically examined. This lack of interest is not surprising. Usually veil, polymorphous by nature, shame is not easily decipherable. With regard to this difficulty, a methodological discussion is needed. Beginning with a critical assertion of the traditional lexical approach, which consists in searching for and analyzing emotion words, this article constitutes an attempt to provide a methodological framework, applied here to a number of case studies. Several methods, such as introspection and contextualization by means of emotional scripts, liable to detect shame when it is not actually expressed or to make sense of it when it is too vague, will be experimented in the Merovingian corpus.
- La course des amants adultères. Honte, pudeur et justice dans l'Europe méridionale du XIIIe siècle - Laure Verdon p. 57-72 Les recueils de coutumes des cités méridionales contiennent un article qui établit la peine infligée par l'autorité judiciaire urbaine aux personnes reconnues coupables d'adultère : elles doivent se soumettre à un rituel infamant, qui consiste à courir nu à travers la ville, exposé de la sorte aux quolibets de la foule. La condamnation de l'adultère se trouve dans le droit romain dès l'époque républicaine, ainsi que dans les codes de lois germaniques du haut Moyen Age. Il s'agissait alors de punir et venger un acte considéré comme impudique par le désordre social qu'il pouvait engendrer. La vision cléricale de la femme, considérée comme indécente et tentatrice par nature, véhiculée et popularisée par les sermons dès le XIIe siècle, influence par la suite l'évolution du droit civil et de la procédure pénale.The traditions' compendiums of southern cities hold an article introducing the sentence inflicted by urban judicial authority to people recognized guilty of adultery: they have to present to an infamous ritual which consists in running naked across the city, exposed to every kind of gibes from the crowd. Adultery condemnation is present in Roman law as soon as Republican period, as well as in the Germanic law codes of the High Middle Ages. It was in question to punish and avenge an act, considered as indecent by the social disorder that he might create. The clerical vision of woman, considered as inherently indecent and temptress, transmited and popularized by sermons as soon as the XIIth century, influences the evolution of the civil law and criminal proceedings afterwards.
- Christus dilexit verecundiam. La honte admirable d'Angèle de Foligno et la cause des franciscains spirituels - Damien Boquet p. 73-88 Le Livre d'Angèle de Foligno a été édité dans le contexte des débats préparatoires au concile de Vienne (1311-1312) afin de soutenir la cause des franciscains spirituels. Dès lors, il convient d'interroger à nouveaux frais le programme de piété que le texte met en lumière, tout spécialement la question de la verecundia, soit une forme de honte pénitentielle, ardemment recherchée par la Folignate, qui se trouve au cœur de l'imitation du Christ mais aussi dans le droit fil de l'enseignement de François d'Assise. Angèle et le groupe de franciscains qui rapportent son expérience promeuvent une pratique sanctifiante de la honte dont la fonction est d'augmenter la grâce. L'objectif est aussi de légitimer socialement ce nouveau régime émotionnel de la honte religieuse qui n'est plus seulement une affliction subie mais devient une disposition permanente de vie vertueuse.The book of Angèle de Foligno has been edited within the context of preliminary debates of the Vienne council (1311-1312) to support the cause of the spiritual franciscans. Therefore, it should be necessary to question at fresh pains the devotional programme that the text enlightens, and especially the verecundia topic, a kind of punishingly shame, fervently sought by Folignate, and precisely situated at the heart of Christ imitation but also in the core of François d'Assise teaching. Angèle and the franciscan group reporting his experience promote a sanctifying practice of shame which role is to enhance the Grace. The aim is also to socialy legitimate this new emotional regimen of religious shame that is no more only a sustained pain but a standing layout of virtuous life in process.
- Les ambiguïtés de la vergüenza dans l'Espagne des XVIe et XVIIe siècles - Christine Orobitg p. 89-113 Notion clé dans la culture de l'Espagne du Siècle d'Or, la vergüenza fait l'objet de perceptions variées qui peuvent sembler de prime abord contradictoires. Dans le domaine profane, l'éloge de la pudeur et de la modestie n'occulte pas d'autres représentations dans lesquelles la vergogne devient lâcheté devant les opportunités ou les devoirs à accomplir. Dans le domaine sacré, les moralistes soulignent les bienfaits de la vergogne née de la contemplation des péchés mais soulignent les dérives dangereuses d'une mauvaise vergogne (scrupules menant à la paralysie, ou pire, manipulation démoniaque). Enfin, un examen plus attentif montre une vision contrastée de la vergüenza masculine et féminine : si la vergogne masculine est parfois perçue comme condamnable et excessive, aucune limite n'est posée à la vergogne féminine.Essential concept in the culture of Spain's Gold Century, the vergüenza refers to various perceptions that can firstly seems to be contradictory. Within the secular sphere, the praise of reserve and modesty doesn't conceal other representations in which the vergogne becomes cowardice in front of opportunities and duties to fulfil. In the sacred sphere, moralists emphasize the benefits of the vergogne when it's born of sins contemplation but they stress the possible dangerous drifts of a nasty vergogne (scruples leading to paralysis, or even worst, demonic manipulation). Then, a meticulous examination shows a contrasted view of the masculine and feminine vergüenza: if the masculine vergogne is sometimes perceived as condamnable and excessive, there is no limit to the feminine one.
- Le premier écrit scientifique cistercien : le De natura corporis de Guillaume de Saint-Thierry (?1148) - Svenja Gröne p. 115-130 Au début des années 1140, le cistercien Guillaume de Saint-Thierry achève un traité De natura corporis et animae tout à fait singulier dans la production monastique de l'époque. La première partie est en effet une physique du corps qui puise dans le savoir naturaliste accessible grâce à la traduction depuis l'arabe du Liber Pantegni par Constantin l'Africain. Dans cet écrit scientifique sur le corps, Guillaume cherche à concilier un nouvel esprit issu des sciences de l'observation et l'héritage des Pères catholiques. Dans le même temps, il répond au maître de l'école de Chartres, Guillaume de Conches, qu'il accuse de chercher à rendre autonome la scientia naturalis, au mépris des autorités scripturaires et patristiques.At the beginning of the years 1140, the cistercian Guillaume of Saint-Thierry completed one of the most singular treaty in the monastic production of the century, the De natura corporis et animae. The first part is about physics of the body, native to naturalist knowledge and accessible thanks to the translation from arabic language of the Liber Pantegni by Constantine the African. In this scientific work on the body, Guillaume tries to accomodate a new scientific view, born from sighting sciences and the Fathers of the Church. Within the same while, he answers to the Master of the Chartres School, Guillaume of Conches, where he charges him to make a try in a way to give his autonomy to the scientia naturalis, in contempt to scriptural and patristics authorities.
- Le premier écrit scientifique cistercien : le De natura corporis de Guillaume de Saint-Thierry (?1148) - Svenja Gröne p. 116-130