Contenu du sommaire : Père institué, Père questionné
Revue | Extrême-Orient, Extrême-Occident |
---|---|
Numéro | Hors-série no 2, 2012 |
Titre du numéro | Père institué, Père questionné |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction. Founding Fathers, Foundering Fathers - Romain Graziani p. 5
Le Père de la Loi
- Sympathy and Severity - Keith Knapp p. 113-136 Ces dernières années, des savants du Japon, de Taiwan et des États-Unis ont produit une recherche de qualité pour évaluer l'importance émotionnelle, sociale et symbolique du lien mère-fils dans la Chine ancienne et médiévale. Cependant, ces études ont tendance à tenir pour acquises les caractéristiques de la relation père-fils, et à sous-estimer sa signification émotionnelle. En examinant de près les histoires de piété filiale et leurs représentations iconographiques, le présent article soutient l'idée que durant le haut Moyen Âge (100-600 apr. J.-C.) le lien père-fils était d'une importance sentimentale considérable.Cette contribution prend en compte trois types d'histoires axées sur le père : des histoires dans lesquelles le fils prodigue une attention respectueuse au père, mettant en œuvre une diligence qui exalte le statut du récipiendaire ; des histoires dans lesquelles le fils « régurgite» la nourriture, autrement dit retourne ce dont il a bénéficié étant enfant ; des histoires dans lesquelles un « mauvais» père persécute son fils. Les contes des deux premiers types montrent des fils porteurs d'une dette importante à l'égard de pères pour les soins reçus dans l'enfance. Ces histoires laissent entendre que ces pères ont été des nourrisseurs actifs de leurs jeunes fils. Et dès lors que les « mauvais» pères se tournent en bons quand ils s'aperçoivent que leurs fils ont été calomniés, on peut dire que ces contes montrent que les hommes du haut Moyen Âge considéraient la relation père-fils comme naturellement bonne – les fils ne s'aliénant les pères que par suite de manigances féminines.Ceci nous montre que si les mères savaient toucher les sentiments des fils, les pères n'avaient pas moins de droits à l'affection de ces derniers. Bien que les mères aient apporté aux fils des nutriments pour leur bien-être émotionnel, les pères leur donnaient les moyens de s'établir comme hommes.In recent years, scholars from Japan, Taiwan, and the United States have produced first rate scholarship that delineates the emotional, social, and symbolic importance of the mother-son tie in early and medieval China. Nevertheless, these studies often take for granted the contours of the father-son relationship and slight its emotional significance. By closely examining filial piety stories and their pictorial representations, this paper argues that during the early medieval era (A.D. 100-600) the father-son tie was of tremendous sentimental importance. In this paper I look at three types of stories that focus on fathers: ones in which sons provide reverent care, i.e. nurturing that exalts the recipient's status; ones in which sons “return regurgitation;” that is they pay back the care they received as children; and ones in which “bad” fathers persecute their sons. Tales with the first two motifs indicate that sons felt strongly indebted to their fathers for the care they received from them as children. These stories also suggest that fathers were active nurturers of their young sons. Since “bad” fathers turn into good ones once they realize their sons have been slandered, these tales demonstrate that early medieval men assumed that the father-son relationship was naturally good: sons only became alienated from fathers because of conniving women. Consequently, even though mothers pulled at the heartstrings of their sons, fathers too laid a significant claim on sons' affections. Although mothers nourished their sons' emotional well-being, fathers gave their sons the means to establish themselves as men.
- Dieu-Père/Dao-Mère : dualismes occidentaux et chinois - John Lagerwey p. 137-158 Cet essai comporte trois parties, correspondant à trois thèses : 1) le dualisme est à la fois universel et particulier (culturel) ; 2) l'opposition Dieu-Père/Dao-Mère résume au mieux les différences entre dualismes occidentaux et chinois ; 3) l'Histoire peut se comprendre comme une rationalisation patriarcale aux contours déterminés par le « pli » particulier à une culture donnée. En contraste avec les a priori temporels de la pensée occidentale (l'Idée platonicienne comme le Dieu des Hébreux sont éternels), le parti pris spatial de la Chine – et là les plis sont au moins en partie déterminés par les systèmes d'écriture respectifs – l'a conduite à concevoir la dualité corps/esprit comme esprit dans le corps, et à donner ainsi une priorité religieuse aux « techniques du corps » (par opposition au salut de l'âme), au rituel (vs le discours) et au féminin. En raison de la négativité platonicienne à l'égard du corps et du féminin, laquelle contraste avec la complémentarité masculin/féminin présentée par le judaïsme, toute entreprise d'appréhension de la culture chinoise en termes qui nous soient familiers doit commencer avec les catégories bibliques, et non avec celles de Platon. De là la nécessité de comparer Dieu le Père avec Dao la Mère.This essay is composed of three parts, corresponding to three theses: 1) dualism is at once universal and particular (cultural); 2) the opposition between God the Father and Dao the Mother is the most apt rendering of the differences between Western and Chinese dualisms; 3) History may be understood as an ongoing patriarchal rationalization whose contours are determined by the particular “bent” of a given culture. By contrast with the temporal preconceptions of Western thought (Plato's Ideas and the Hebrew God are both “eternal”), China's spatial bias – both “bents” are at least partly determined by respective writing systems – led it to conceive the body/soul duality as souls within the body, and so to give religious priority to “body technology” (as opposed to salvation of souls), ritual (as opposed to discourse), and the feminine. Because of Platonic negativity with regard to the body and the feminine, by contrast with male/female complementarity in Judaism, our attempt to understand Chinese culture in terms which are familiar to us must begin with Biblical, not Platonic categories – whence the necessity of comparing God the Father and Dao the Mother.
- Polygyny, Bound Feet, and Perversion - Keith Mcmahon p. 159-188 Ces dernières années, des savants du Japon, de Taiwan et des États-Unis ont produit une recherche de qualité pour évaluer l'importance émotionnelle, sociale et symbolique du lien mère-fils dans la Chine ancienne et médiévale. Cependant, ces études ont tendance à tenir pour acquises les caractéristiques de la relation père-fils, et à sous-estimer sa signification émotionnelle. En examinant de près les histoires de piété filiale et leurs représentations iconographiques, le présent article soutient l'idée que durant le haut Moyen Âge (100-600 apr. J.-C.) le lien père-fils était d'une importance sentimentale considérable.Cette contribution prend en compte trois types d'histoires axées sur le père : des histoires dans lesquelles le fils prodigue une attention respectueuse au père, mettant en œuvre une diligence qui exalte le statut du récipiendaire ; des histoires dans lesquelles le fils « régurgite» la nourriture, autrement dit retourne ce dont il a bénéficié étant enfant ; des histoires dans lesquelles un « mauvais» père persécute son fils. Les contes des deux premiers types montrent des fils porteurs d'une dette importante à l'égard de pères pour les soins reçus dans l'enfance. Ces histoires laissent entendre que ces pères ont été des nourrisseurs actifs de leurs jeunes fils. Et dès lors que les « mauvais» pères se tournent en bons quand ils s'aperçoivent que leurs fils ont été calomniés, on peut dire que ces contes montrent que les hommes du haut Moyen Âge considéraient la relation père-fils comme naturellement bonne – les fils ne s'aliénant les pères que par suite de manigances féminines.Ceci nous montre que si les mères savaient toucher les sentiments des fils, les pères n'avaient pas moins de droits à l'affection de ces derniers. Bien que les mères aient apporté aux fils des nutriments pour leur bien-être émotionnel, les pères leur donnaient les moyens de s'établir comme hommes.The practices of polygyny and bound feet, now extinct in China, once held in common an underlying structure of perversion. In novels of the Qing dynasty, the man was perverse when he acted as if having multiple wives was not something he desired or initiated, but was something that arrived to him because of external conditions. In particular, women were the agents of polygynous marriage, not the passive participants, because they allowed and encouraged the man to take other wives. I call this form of marriage passive polygyny, where the man passively accepts polygyny. The underlying link between passive polygyny and bound feet has to do with the same logic by which the dominant subject appears to hand the production of a situation – polygyny or bound feet – to the ones who are dominated or, in the case of bound feet, mutilated. Women mutilated themselves and their daughters, but they did so of their own will, by their own methods, and on their own schedule. In households across China from the Song dynasty to the early Republic, mothers initiated and managed the binding of their daughters' feet. With a bit of modification, the psychoanalytic definition of perversion describes the deep structure of both polygyny and footbinding, and does so in powerful and compelling terms that no one has yet begun to unravel.
- Sympathy and Severity - Keith Knapp p. 113-136
Le père comme nom et comme fonction
- Le père insuffisant. Remarques sur la phraséologie politique en Chine ancienne - Jean Levi p. 51-82 Cet article traite d'un phénomène qui pourrait s'appeler « le père insuffisant » : il s'agit d'une tentative d'analyse de la métaphore politique du souverain comme « père-et-mère » du peuple. Pourquoi, alors que la phraséologie lettrée dès les Printemps et Automnes établit une stricte équivalence entre la relation souverain-sujet et père-fils, tous les textes confucéens des Royaumes combattants et des Han désignent-ils le souverain non seulement comme père, mais aussi comme mère du peuple ? Comme si les auteurs avaient le sentiment d'une carence, d'une déficience des seules vertus paternelles dans le domaine qui constitue pourtant sa sphère d'élection : le gouvernement des hommes et l'administration des choses.This article treats of a phenomenon that could be called “the insufficient father”. It is an attempt to analyze the political metaphor of the sovereign as “father-and-mother” of the people. Given the fact that standard rhetoric of the Spring and Autumn period establishes a strict equivalence between the subject/sovereign and father/son relationship, why do they refer to the sovereign not only as father but also as mother of the people? It is as though authors had the feeling that something was missing, something deficient in exclusively paternal virtues wihin the very sphere in which they were most at home: the government of men and the administration of things.
- La marque du père : Sur une notation de Pu Songling à propos de sa naissance - Rainier Lanselle p. 83 Pour la théorie psychanalytique, le père n'est pas qu'une personne réelle. C'est d'abord une place, une fonction, qui ouvre au sujet l'accès au domaine du symbolique. Opérateur clé dans l'ordre du langage, il est ce par quoi s'effectuent la nomination et l'avènement de l'Autre, subjectif et sexuel. Son nom est partie prenante du désir de la mère et de la manière dont le sujet y répond, en en passant par ce processus de perte d'un objet imaginaire qui a pour nom castration. À cause de son rôle qui en fait l'agent du manque, la présence du père, dans cette acception, n'est pas toujours facile à repérer – c'est qu'elle relève du signifiant plus que d'un acteur réel. Elle n'en est pas moins opérante. Le Liaozhai zhiyi de Pu Songling (1640-1715), avec sa fantasmatique de femmes toutes-puissantes et « phalliques », d'horreur et d'innommable, ne cesse d'évoquer la défaillance possible de ce nom. Faute de se rappeler l'inscription en filigrane de ce dernier, bien des contes de la collection restent incompréhensibles. L'importance de cette inscription n'est pas le fruit d'une imagination post-moderne : elle est très expressément portée à notre connaissance par Pu Songling lui-même, qui nous dit qu'il porte sur son corps cette marque du manque, qui est la marque du père.For psychoanalytical theory, the father is not a real person only. He is, first of all, a place, a function, by means of which the subject is given access to the realm of the symbolic. As a key operator in the order of language, the father is what brings about naming and the advent of the subjective and sexual Other. His name is involved in the desire for the mother and in the way the subject is to deal with it, passing through a process of loss of an imaginary object called castration. Because of his role as an agent of loss, the father's presence, in this understanding, is not always easy to spot, as it is more of a linguistic signifier than a true person. It exists and acts nonetheless. Pu Songling's (1640-1715) Liaozhai zhiyi, with its fantasies of all-powerful and “phallic” women, of horror and of the unspeakable, never stops evoking the possible failure of the father's name. If one does not recall the implicit presence of its inscription, many stories in the collection are incomprehensible. The importance of this inscription is not due to some post-modern imagination: it is explicitly evoked by Pu Songling himself, who tells us how he bears on his own body this mark of the lack, which is the mark of the father.
- Des patriarches aux pieds d'argile : Notes sur les pères japonais modernes - Emmanuel Lozerand p. 189-218 Le nouvel État-nation japonais a tenté d'instituer à partir des années 1890 une idéologie officielle visant à faire du chef et père de famille la source et le modèle du pouvoir politique.Pourtant, si l'on quitte les discours officiels pour s'engager dans les méandres du code civil de 1898 par exemple, ou plus encore pour prêter l'oreille à ce qu'expriment les écrivains de l'époque, on sera surpris de rencontrer, bien loin de l'idéal figé du patriarche imposant, d'autres pères, souvent tendres et fragiles, quand ils ne sont pas totalement défaillants.La véhémence de l'affirmation patriarcale dans le Japon moderne doit-elle être lue comme l'expression naturelle d'une caractéristique sociale ou culturelle, ou au contraire comme un effort, à certains égards vain et pathétique, pour essayer d'instituer une autorité paternelle qui n'a cessé en réalité de lui faire défaut ?The new Japanese Nation-state tried to establish from 1890s an official ideology to make of the head of family the source and the model of the political power. Nevertheless, if we put aside the official speech and follow the meanders of the Civil code of 1898 for example, or listen to what is expressed by writers of the period, we will be surprised to meet, far from the motionless ideal of the commanding patriarch, different fathers, often soft and fragile, if not totally deficient. Should the the patriarchal vindication in modern Japan be understood as the natural expression of a social or cultural characteristic? Or on the contrary as an effort, in some respects vain and poignant, to try and establish a paternal authority which never ceased to be lacking?
- Le père insuffisant. Remarques sur la phraséologie politique en Chine ancienne - Jean Levi p. 51-82
Le père en famille
- Des patriarches aux pieds d'argile : Notes sur les pères japonais modernes - Emmanuel Lozerand p. 190-218
- La figure du père dans les romans de Jin Yong : Et la littérature populaire contemporaine chinoise - Nicolas Zufferey p. 219-244 La piété filiale, rejetée comme archétypique de l'oppression « féodale» ancienne par les réformateurs du Mouvement pour la Nouvelle Culture (cf. par exemple le roman Famille de Ba Jin), n'a jamais tout à fait disparu du paysage chinois, et ce même aux périodes les plus iconoclastes comme la Révolution culturelle. Elle est très présente dans les romans d'arts martiaux, que ce soit à Hong Kong dans l'œuvre de Jin Yong, ou dans le renouveau de cette littérature en Chine populaire aujourd'hui ; elle est également très présente, sous diverses formes, dans d'autres romans « populaires». L'article se concentrera sur ce type de littérature, en tentant un lien avec la réhabilitation du confucianisme et les efforts pour réconcilier confucianisme et modernité dans les discours récents, notamment en RPC.Filial piety, rejected as the archetype of archaic “feudal” oppression by the reformers of the New Culture Movement (cf. the novel Family of Ba Jin), never quite disappeared from the Chinese landscape, even in the most iconoclastic periods of the Cultural Revolution. It is very much present in martial arts novels, whether it be in Hong Kong in the work of Jin Yong or in the renewal of that literature in China today. It is also present, in diverse forms, in other “popular” novels. This article will focus on such literature, trying to establish a link between the rehabilitation of Confucianism and the attemps to reconcile Confucianism and modernity in recent discourse, especially in the PRC.
- Mothers and Sons in Early Imperial China - Mark Edward Lewis p. 245-276 À partir de certaines preuves, cet article fait le constat d'un déplacement du centre de gravité du pouvoir dans la famille, puis dans le lignage, par lequel s'est réalisée une relative montée en puissance de la mère – ou plutôt des mères, la plupart des grandes maisons ayant des concubines susceptibles d'influer sur leur politique. On montrera ainsi que l'élévation du statut et du pouvoir maternels correspond à une importance accrue de la famille comme « communauté émotionnelle ». Dans celle-ci, les relations et la hiérarchie sont déterminées au moins autant, sinon davantage, par les attaches émotionnelles entre individus que par les relations hiérarchiques commandées par les liens formels constitutifs du lignage. Cette évolution peut être observée à travers les sources textuelles à partir du iie siècle apr. J.-C., et jusqu'au ve siècle. Elle constitue non seulement une importante étape dans le développement de la cellule familiale en Chine, mais elle est aussi un moment significatif de l'histoire chinoise des sentiments.This article will focus on evidence of a shifting balance of power within the household, and secondarily within the lineage, that entailed a relative rise in the position of the mother (or rather mothers, as most elite households had concubines who could play an important role in the politics of the household). As I will elaborate, this rise of maternal status and power took the form of an increasing emphasis on the household as an “emotional community,” in which relations and hierarchy were determined equally or more by the emotional bonds between individuals than by their hierarchical relations as stipulated in the formal ties that constituted the lineage. This development, which can be textually discerned from the second half of the second century A.D. through the fifth century, marked not only an important step in the development of the family unit in China, but also a significant stage in China's history of emotions.
Tuer le père
- Du meurtre symbolique du père : Et de l'aspect insaisissable du présent - Brigitte Baptandier p. 277-312 À partir des règles canoniques anciennes de la Chine quant à la parenté et au deuil, nous nous interrogerons sur la place du père et de son nom dans l'espace rituel des générations, telle qu'elle est conçue, aujourd'hui encore, dans le contexte de la société moderne. Nous exposerons la crainte manifeste qu'un réseau féminin antigénéalogique ne mette en danger l'arborescence patrilinéaire, prédominante dans les règles de la parenté chinoise. Nous aborderons le thème du destin particulier d'un enfant mettant son père en danger de mort par la position astrologique du temps de sa naissance. Nous en viendrons aux procédés de sublimation et aux « remèdes empoisonnés» qui sont alors employés. Nous conclurons sur la génération actuelle et sur la situation nouvelle qui lui est imposée de n'engendrer qu'un seul enfant pour prendre en charge, en dépit de tout, l'ancestralité.Starting from the ancient canonical Chinese rules about kinship and mourning, we examine the place of the father and of his name in the ritual space of generations, as it is yet conceived today, in modern society. We shall introduce the manifest fear that a female anti-genealogical network should jeopardise the patrilineal arborescence, prevailing in the Chinese kinship rules. We shall get onto the theme of the particular destiny of a child to put his (her) father's life at risk because of the time of his (her) birth. We shall expose the sublimation process and the “poisonous remedies” that are used then. We shall conclude on the present generation and on the new situation imposed on it to give birth to a single child and to assume, all the same, it's duties towards ancestors.
- Lapsus de Laïus : Entre régicide et parricide, l'introuvable meurtre du père - Jérôme Bourgon p. 313-339 Ayant à traduire le terme « complexe d'Œdipe», les psychanalystes chinois ont oublié le meurtre du père pour ne conserver que le désir pour la mère. Ce lapsus pourrait être l'indice de ce que le meurtre du père n'a jamais eu en Chine l'importance qu'il revêt dans la tradition occidentale. La comparaison des doctrines du droit romain et du confucianisme en matière de parricide montre qu'en Chine, le meurtre du père disparaît derrière celui du souverain, le parricide n'étant considéré que comme régicide ; ou bien, dans les lois pénales en vigueur depuis les Tang jusqu'à la fin des Qing, le meurtre du père n'est pas considéré comme plus grave, ou n'est pas plus gravement puni, que le meurtre d'autres membres de la famille lorsque ces derniers étaient plus âgés que le coupable. De là découlent certaines considérations sur la nature de la parenté et de l'autorité dans la civilisation chinoise.In their translation of the term “Œdipus complex”, Chinese psychoanalysts overlooked the murder of the father to focus only on the desire for the mother. This lapsus may serve as an insight for the fact that the killing of one's own father in China was conferred a different meaning than in the West. The comparison of Roman law and the Confucianism in the matter of parricide shows that in ancient China the murder of the father was viewed in close connection with the murder of the sovereign, the significance of parricide being eclipsed by that of the regicide. In Chinese laws in force from the Tang through the late Qing, killing one's father was considered to be no more serious a crime, and the child no more grievously punished, than the killing of another member of the clan as long as the victim was older than the perpetrator. This leads to some inferences upon the nature of kinship and authority in Chinese civilization.
- Une structure passante ? - Philippe Porret p. 341-346
- Du meurtre symbolique du père : Et de l'aspect insaisissable du présent - Brigitte Baptandier p. 277-312