Contenu du sommaire : Requêtes identitaires
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 165-166, 3e et 4e trimestre 2007 |
Titre du numéro | Requêtes identitaires |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial : Sociologie et philosophie - Michel Kail p. 5-9
- Vers un nouvel horizon indépassable ? : Identités et Territoires au XXIe siècle - Margaret Manale p. 11-15
- Figures territoriales de l'Europe et crises de l'identification politique - Jacques Beauchard p. 17-28 Europe quel territoire ? Ou plutôt quel assemblage territorial ? Chacun des États associés s'inscrit dans un territoire qui relève de sa constitution, d'où une diversité territoriale qui s'intègre plus ou moins pour produire le territoire européen. Tandis que l'économie, les marchés, les villes et la mobilité générale déconstruisent tous les territoires. Dès lors, des recompositions sont à l'œuvre : nous cherchons à rendre compte de leurs figures caractéristiques. Ce qui interroge l'unité de la mosaïque européenne et ses frontières, et interpelle l'œuvre politique.« Territorial Representations of Europe and the Crisis of Political Identification »Europe which territory ? Or rather which territorial assembly ? Each of the associated states is a territory under its own constitution, creating a diversity of territories which integrate more or less to produce the European territory ; whereas the economy, the markets, the cities and the general mobility dismantle all the territories. Re-compositions are at work : we are seeking to give an account of their characteristic representations ; which questions the unity of the European mosaic and its frontiers and challenges the political works.
- Travail, territoire, identité dans l'ex-Allemagne de l'Est - Margaret Manale p. 29-43 La RFA a été longtemps fidèle à un schéma de développement industriel qui, par le passé, avait amené une partie des territoires hétéroclites et divisés de culture germanique vers l'unité nationale et procuré un niveau élevé de bien-être matériel à sa population. Or, une fois achevée la « réunification », les gestionnaires de la nouvelle « République de Berlin » n'estiment plus opportun de maintenir un modèle économique si contraignant pour l'entreprise privée transnationale, dans un contexte mondial de concurrence exacerbée. Actuellement, les régions de l'Est de l'Allemagne sont marquées par un dépeuplement et une pénurie de travail chronique : la chute du Mur a entraîné l'implosion des structures (im-)productives et surannées de la RDA et le travail qui les soutenait. Au-delà de la déconstruction de la RDA, la recomposition électronique du monde n'est-elle pas en train de remettre en cause dans ses fondements économiques et territoriaux toute la construction identitaire qui avait conféré aux populations allemandes une certaine solidarité ?« Labour, Territory, Identity in Former East Germany »Since the Second World War, the German Federal Republic has demonstrated long-term loyalty to a model of industrial development which in the past had brought part of the heteroclite and divided German territories to national unity and procured them a high level of material well-being. Once « reunification » was attained, however, the managers of the new « Berlin Republic » no longer felt it timely, given the worldwide context of intense economic competition, to maintain a mode of functioning which proves so manifestly restrictive for the trans-national private enterprise. In East Germany, the collapse of the Berlin Wall let to the implosion of its unproductive and outdated industrial structures and the related labour system. These regions are presently marked by a severe decline in demography and a chronic job shortage. Is indeed the electronic recomposition of the globe, over and beyond that deconstruction of the GDR, threatening the economic and territorial foundations of that very identity construct which had once conveyed a certain feeling of solidarity to the populations of German territories ?
- Une valeur foncière d'avenir : l'identité : Le cas du centre historique de Palma (Mallorca, Espagne) - Jaume Franquesa p. 45-64 Cet article s'attache à analyser un aspect largement négligé dans la littérature spécialisée : le rôle joué dans les processus de gentrification par les associations locales. À partir d'un quartier situé dans le centre historique de Palma (Mallorca, Espagne), l'auteur met en lumière les mécanismes qui permettent à une association de quartier (Associació de veins) de gérer, et de rendre possible, cette gentrification. Comment l'association mobilise-t-elle stratégiquement des marqueurs identitaires pour accomplir cet objectif ? De cette étude de cas éthnographique, l'auteur tire quelques conclusions théoriques et méthodologiques autour du concept de gentrification.« Landed Value with Promise : Identity in the Historic Centre of Palma (Mallorca, Spain) »This paper discusses the role played by local associations in smoothing gentrification processes, an aspect largely neglected by the specialized literature. On the basis of a case study in the historic centre of Palma (Majorca, Spain), the author focuses attention on the mechanisms through which a specific Neighbourhood Association (Associació de veins) enables and manages the gentrification of its area. How does it strategically mobilize identity markers to achieve this goal ? Using this ethnographic material, the author draws some theoretical and methodological conclusions around the concept of gentrification.
- Espace de l'entre-deux ou comment la mobilité des immigrés recrée du territoire - Roselyne de Villanova p. 65-83
- Processus d'identification territorialisés : Des compétences situationnelles face aux épreuves - Jérôme Boissonade p. 85 L'occupation des espaces communs par les regroupements de jeunes relève-t-elle de l'affirmation d'identités, signe d'un trouble du lien social ? S'intéresser à l'acte de se rassembler (et se disperser), plus qu'à l'état de groupe cristallisé, permet de voir des rassemblements traversés, d'un côté, par des processus situationnels — qui produisent de l'attachement (et du détachement) — et, de l'autre, par toutes sortes de dénis de reconnaissance et d'épreuves liés aux mouvements qui les animent. Face à ces épreuves, les jeunes s'engagent dans des processus d'identification territorialisés. Les qualités expressives propres à chaque rassemblement façonnent en effet des configurations identitaires et territoriales spécifiques. Ces configurations procurent des compétences situationnelles permettant aux jeunes de ces rassemblements d'affronter les situations d'épreuve. La dynamique des rassemblements repose alors sur des processus dialectiques entre « motif » (rapports expressifs entre jeunes et configurations) et « environnement » (rapports du rassemblement avec son contexte) identitaires. Autant de « transcendances relatives » qui permettent à ces rassemblements d'être en prise avec les situations qui les traversent.« Process of Territorialized Identification » Is the occupation of common spaces by youth groupings an expression of the assertion of identities, sign of a disorder of the social link ? To be interested in the act of gathering (and scattering), more than in the state of crystallized group, enables to see the gatherings permeated on one side by situational processe — which produce attachment (and detachment) — and on the other side by all kinds of recognition denials and of ordeals connected to the movements which drive them. Faced with these ordeals young people get involved in processes of territorial identification. The expressive qualities appropriate to every gathering actually shape specific identifying and territorial configurations. These configurations lead to situational skills enabling the young people of these gatherings to confront ordeal situations. The dynamic of the gatherings is then based on dialectical processes between « identifying motive » (expressive relationships between young people and configurations) and « identifying environment » (relations of the gathering with its context). So many « relative transcendences » which enable these gatherings to be in grip with the situations which permeate them.
- Jeunes des cités : culture de territoire et rupture de l'identité politique - Françoise Moncomble p. 103-116 Il est montré ici que la territorialité de la « cité » et particulièrement cette sociabilité des seuils, cette pratique de la palabre du bas des tours et des halls, ordinairement rabattue sur la « culture de territoire », révèle en fait une prise de terre ambiguë et incertaine aussi violente et défensive que les impasses de l'identité immigrée — c'est-à-dire de la transmission — qu'elle traduit.Territorialités de l'incrustation, ces sociabilités de l'appartenance, du lieu et de la parole signent la rupture/déliaison première d'avec une sociabilité générale de la mobilité ou se rejoue l'accès quotidien (ou son échec) à la société et à l'espace public. Si la cité, en effet, n'est pas sans loi ni hors la loi, elle façonne, notamment, par le biais de ses groupes de palabre, une loi propre qui défait, a priori, la Loi.Cette réflexion invite ainsi à penser les diverses territorialités qui composent le territoire politique de la Nation et ré-interrogent du coup, le concept même d'intégration.Abstract « The Territory of Dispute and the Dislocation of Political Identity »This article focuses on the concept of territoriality as a form of sociability distinctive of French « cités » — economically deprived suburban enclaves. Here, territoriality is tackled as a specific real and symbolic focal locus. The group talks commonly confined to the halls of high-rises and usually reduced to the « culture of the turf », actually discloses an ambiguous and uncertain capture as violent and defensive as the deadlock figure of the immigrant identity, i.e. the transmission it conveys.In this inlaid turf, the sociability of allegiance, of the locus, of words and utterances, definitely marks the original disengagement from a general form of sociability of mobility in which daily access (or failure) to the larger society and public space is at stake. The « cité » does not constitute an outlaw territory and its group talks actually delineate a specific organization that a priori takes apart and challenges the Law. This contribution thus aims at revising the various territorialities of the Nation's political field and eventually questions the very concept of integration.
- De la proximité comme analyseur - Gérard Baudin p. 117-132 Comme le montre une recherche réalisée dans la ville de Rouen, les registres convoqués — spatial, social, temporel — voire l'usage de cette notion dans le discours politique se retrouvent dans deux figures souvent évoquées par des citadins pour désigner un lieu accueillant et familier offrant de multiples ressources : le village et le quartier. À partir des caractéristiques de ces lieux livrées par des habitants et de leurs représentations, cette contribution dégage quelques ressorts de la construction d'un territoire considéré comme idéal et naturel. Plus généralement, c'est aussi des rapports entre cadre spatial et vie sociale ainsi que des relations entre proximité, mobilité et lien social dont il s'agit.
- Quêtes identitaires et réancrage territorial : quelles perspectives ? - Roselyne de Villanova p. 133-139
- La construction sociale des espaces sportifs ouverts dans la ville : Enjeux politiques et liens sociaux en question - Gilles Vieille Marchiset p. 141-159
- Appartements communautaires à Moscou : un territoire partagé - Katerina Azarova p. 161-175 Entre 1918 et 1922, la « Réforme du logement » ou la « redistribution rationnelle des surfaces habitables » dans les grandes villes de la jeune Union Soviétique, rassemble des habitants d'origine et de condition sociale très diverses dans des grands appartements bourgeois en « communauté de voisins », composée de plusieurs familles. Ce voisinage ne se transforme pas en communauté proclamée, mais évolue toutefois selon quelques principes de collectivisme. Ce système de fonctionnement se base sur des règles inédites qui se développent au cours de l'histoire depuis 1918 jusqu'à la fin du Régime soviétique.Abstract « Community Apartments in Moscow : Shared Territory »Between 1918 and 1922 the « Reform of dwelling » or the « rational redistribution of living spaces » in the big cities of the young Soviet Union brought people of very different origins and social conditions together in large middle class apartments, so-called the « communities of neighbours » consisting of the several families. This proximity does not mute into an outright community, but evolves according to certain principles of collectivism. This system of functioning was based on novel rules that were developed during Soviet history from 1918 until the end of the regime.
- Reterritorialisation et obsession sécuritaire dans la mondialisation - Manola Antonioli, Pierre-Antoine Chardel p. 177-188 À l'heure où les médias, les acteurs économiques et les politiques ne cessent d'affirmer que l'ouverture des marchés et l'universalisation du capitalisme unifient progressivement la planète, les sociétés contemporaines s'avèrent de plus en plus soumises à un double processus de déterritorialisation et de reterritorialisation dont le caractère contradictoire présente de fortes analogies avec l'oscillation entre le libéralisme économique et la demande de sécurité sociale et politique. Plus la mondialisation s'accélère et plus elle tend à réveiller un sentiment de peur ainsi qu'un instinct de repli qui se trouvent amplement exploités par les médias et les hommes politiques. La sécurité paraît dès lors constituer un enjeu primordial pour les classes privilégiées et engendrer une véritable obsession de différenciation.« Reterritorialisation and the Obsession of Security in Globalisation »At the time of globalisation where economical and political actors want to insist on the fact that the opening of the market and the universalisation of capitalism unify little by little the world, contemporary societies undergo more and more a double process of deterritorialisation and reterritorialisation, the contradictory character of which parallels the oscillation between political liberalism and the need for social and political security. The more globalisation is violent, the more the feeling of fear and the logic of identity are exploited by mass media and by the political class. The security seems to become a great stake for certain privileged classes which are characterised by a real obsession with differenciation.
- À l'assaut des théories du développement : regards francophones sur les succès asiatiques - Philippe Régnier p. 189-204 Le décollage des pays d'Asie orientale à partir des années 1960-1970 a ébranlé le concept de Tiers-Monde. Il a aussi remis en cause la perception du sous-développement à l'heure des décolonisations et des indépendances, et au fur et à mesure que le phénomène asiatique s'est étendu jusqu'à nos jours, à une échelle inégalée dans l'histoire de l'humanité. Ce phénomène a été analysé essentiellement par des organisations internationales comme la Banque Mondiale ou l'OCDE, par des chercheurs anglo-saxons, et quelques japonais rarement traduits. La contribution francophone n'est pas restée totalement en marge de cette production scientifique internationale, mais sa reconnaissance des « miracles » asiatiques comme interpellations des théories du développement a été discrète et tardive. Elle s'est orientée autour de quelques auteurs dans une analyse fortement concentrée sur le concept de l'État-développeur et sur une réfutation de la seule prédominance des forces du libre marché. Cette contribution n'a guère trouvé de second souffle à la faveur de la crise financière asiatique de 1997-1998. Alors que s'ouvrait un grand débat international sur les crises possibles de la mondialisation, elle est restée presque muette sur les vertus et les limites des stratégies de « rattrapage » adoptées par les États-développeurs asiatiques durant les « Trente glorieuses » (1960-1990) et sur leurs capacités à redéfinir leurs modes de mobilisation des ressources nationales et de redistribution des fruits d'une croissance graduellement retrouvée à partir de l'an 2000.Si l'obsolescence du concept de Tiers-Monde semble se confirmer définitivement au seuil du XXIe siècle avec la montée en puissance de la Chine et de l'Inde, voire d'autres économies émergentes, une question majeure se pose aussi bien en termes de rétrospective que de prospective de l'histoire du développement. La nouvelle trajectoire des deux géants chinois et indien épousera-t-elle le paradigme d'une industrialisation déjà tracée par l'Occident et le Japon depuis le XIXe siècle, reproduite par les nouveaux pays industrialisés d'Asie orientale à la fin du XXe siècle, ou bien forge-t-elle dès à présent les prémices de nouveaux concepts susceptibles de reconfigurer la mondialisation ?« Revisiting Theories Development : Some Francophone Views on East Asia's Success »The industrial take-off of the East Asian countries, as from the years 1960-1970, shook the concept of « Third World ». This development phenomenon has extended and gained such a scale of global significance, that was hardly seen before in human history. The rise of East Asia has been studied and analysed primarily by international organisations like the World Bank or OECD, by Anglo-Saxon scholars, and also by a number of Japanese scholars, which was rarely been translated. The French-speaking contributions have remained marginalised in terms of international scientific production. Their interpretations of the so-called Asian miracles, questioning development theories, have been discrete and rather late. A small group of francophone authors have focused their attention on the concept of « development states », and have refuted explanatory models based only on the supposed virtues of the free market. This contribution hardly found a second breath in the context of the Asian financial crisis of 1997-1998. Whereas a great international debate opened on the possible crises derived from globalisation, it remained almost deaf, both to the potentials of catch-up strategies adopted by the East Asian development states until the 1990s, and to their capacities for defining post-Asian crisis modes of mobilising domestic resources and of sharing growth wealth from 2000 onward. If the obsolescence of the concept of the « Third World » seems to be confirmed with the early 21st century rise of China and India, it could also contribute to a possible paradigm shift in development history. One can question whether the recent growth trajectory of China and India will illustrate or not the concept of industrial catching-up traced by Japan since the late 19th century, and then reproduced by the newly industrialising East Asian economies during the post-1945 era. If not, the different contributions of emerging economies like China and India in terms of reshaping globalisation could lead to the making of new development concepts.
- L'autonomie enfantine à l'épreuve des « surdoués » : Contribution ethnographique à une approche sociale de l'enfance - Wilfried Lignier p. 205-221 Le sociologue gagne à s'intéresser à l'usage de l'autonomie enfantine plutôt qu'à son degré. On se demande ici, à partir d'éléments ethnographiques, si les investissements faits en propre par des enfants dits « surdoués » (ceux qu'ils font en personne, mais aussi en tant que groupe) s'articulent ou non au contexte général d'affirmation et/ou de construction du type d'excellence culturelle auquel correspond leur labellisation. C'est une relative cohérence des pratiques des enfants et des adultes qui peut être observée. La notion d'autonomie enfantine doit sans doute renvoyer, non pas à une liberté accordée à de jeunes « acteurs », mais à une place des enfants dans une enfance donnée, c'est-à-dire dans un ensemble socialement situé de pratiques, concernant des enfants et des adultes.« Children's Autonomy in the light of the “ Gifted ”. An Ethnographic Contribution to a Social Approach of Childhood »Sociologists would benefit from studying the use — rather than the degree — of child autonomy. Based on ethnographic material, this paper raises the following question : are the specific investments made by « gifted » children (be it personally or collectively) linked to a more general context of assertion or of construction of the type of cultural excellence that corresponds to their labelisation. The result is that children's practices turn out to be relatively consistent with adult's practices. If any, the notion of child autonomy might be better used — rather than « freedom » granted to young actors — to depict a specific space in one given childhood, that is, in a socially grounded ensemble of children's and adult's practices.
- Droit de réponse - p. 223-225
- Revue des revues - Thierry Pouch p. 227-241