Contenu du sommaire : Cinématographie du politique Vol. 2
Revue | Raisons Politiques |
---|---|
Numéro | no 39, août 2001 |
Titre du numéro | Cinématographie du politique Vol. 2 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Editorial
- Editorial - p. 5-7
Dossier
- Scénariser le « social » pour le filmer. : La mise en scène cinématographique des classes populaires entre art et politique - Audrey Mariette p. 9-27 En partant de la catégorie floue et mal définie de « cinéma social », nous abordons la question des liens entre art et politique à l'aune de la mise en scène cinématographique des classes populaires en France dans les années 1990-2000. En alliant analyse interne et externe des films, il s'agit ici d'étudier l'« engagement par les oeuvres ». Cet article prend plus particulièrement pour objet les scénarios de ces films et les manières dont ils ont été écrits. L'écriture n'est, au cinéma, que la première étape de la réalisation d'un film : la mise en récit précède et anticipe la mise en images et en sons (le tournage). Elle ne concerne pas seulement le sujet du film : elle est déterminante pour l'esthétique cinématographique adoptée. L'étude des scénarios d'un corpus de films étiquetés « sociaux » permet d'observer qu'ils participent à une vision globalement pessimiste du « populaire ». Cette vision, celle d'un monde en déclin, s'explique par le fait que les « auteurs » de scénarios ont pour point commun de faire appel non à des membres des classes populaires mais à des personnes qui ont pour caractéristique d'être dans une position d'« encadrant » de ces dernières. Pour autant, ces scénarios et les manières dont ils ont été écrits sont loin d'être homogènes en cela, le « cinéma social » ne constitue pas un genre cinématographique. Deux modes d'écriture qui correspondent à deux pôles schématiques sont alors analysés : le recours à la fable (à partir du cas des films de Robert Guédiguian) et le recours à un fort « effet de réel » (à partir du cas du premier long métrage de Laurent Cantet). Différentes, ces formes de politisation des oeuvres se comprennent au regard des trajectoires et des ressources dont disposent les réalisateurs pour écrire leurs scénarios, ainsi qu'au regard des « règles de l'art ».
- La mue des « gaspilleurs de pellicule ». : Ou comment les cinéastes militants ont réhabilité la notion d'auteur (1968-1981) - Romain Lecler p. 29-61 Le cinéma militant a rejeté en Mai 68 la notion d'auteur élaborée par la génération de la Nouvelle Vague. Ils l'ont assimilée à la notion d'autorité. Novices, les cinéastes militants ont repris les techniques du cinéma direct des années 1960. Jeunes, ils se sont ainsi initiés au cinéma. Militants, ils ont couvert les mouvements sociaux des années 1970. Ce rejet de l'auteur a néanmoins été ambivalent. Que ce soit les critiques, les auteurs tentés par le cinéma militant comme Chris. Marker ou Godard, ou peu à peu les cinéastes militants, tous ont participé de la réhabilitation de l'auteur. Celle-ci a été rendue possible grâce à un détour par la mise-en-scène et la fiction, et a permis la mise en place du genre documentaire dans les années 1980. Seuls les plus dotés des cinéastes militants ont alors réussi à se reconvertir dans le documentaire, les autres demeurant invisibles.
- Cinéma et politique colombiens : l'évanescence de la mort - Stephen Launay p. 63-77 Le cinéma colombien est longtemps resté en friche, en particulier dans son rapport au politique. Obnubilé par la violence, il s'est concentré sur le trépas sans prendre à bras-le-corps la mise en scène de la mort, sauf exceptions. Celles-ci ont pu réussir non seulement en s'appuyant sur un certain sentiment esthétique, mais aussi sur la tradition civiliste colombienne.The Colombian cinema remained a piece of fallow land during a long time, specifically in its relation with the political (medium, world, etc...). The obsession with violence led it to concentrate on the fact of passing away without tackling the staging of death head on, notwithstanding the exceptions. These exceptions have proved successful not only because they relied on a kind of esthetic feeling, but also on the Colombian civilist tradition.
- Kracauer et les images du politique - Patrick Vassort p. 79-95 Le travail sur le cinéma est significatif des orientations et de la pensée de Siegfried Kracauer, marquées par la période crépusculaire du pré-nazisme ou du nazisme. Son analyse est à contextualiser dans l'observation du développement technique, scientifique et urbain de l'avant Seconde Guerre mondiale mais, plus généralement, du capitalisme. C'est pourquoi le lieu d'observation privilégié de Kracauer est la ville avec ses flux, ses spectacles ou ses « ornements », ses dominations, dont le film est l'un des analyseurs. Il ne s'agit pas pour l'auteur de voir dans le développement cinématographique le reflet de la société, de ses peurs, de ses idéologies mais de le concevoir en tant qu'idéologie s'adaptant aux besoins de la clientèle et la modelant. De la société ornementale, liée au « culte de la distraction », à la technique cinématographique comme analyseur de la forme politique, voilà l'ambitieux projet analytique de Kracauer.Working on cinema is significant about Siegfried Kracauer's orientations and way of thinking, marked by the fading era of pre-Nazism and Nazism. His analysis is to be contextualized as the observation of technical, scientific and urban development before World War II but also of capitalism as a whole. That is why Kracauer's privileged focus is the city with all its influx, its spectacles or "adornments" and its dominations, of which movies are one type of analyzers. The concept is not for the author to see in movie development the reflection of society, of its fears and ideologies, but to consider it as an ideology adapting to the needs of its clients and molding them in the meanwhile. From the ornamental society, linked to the "cult of entertainment" to the movie technique as an analyzer of political forms, here lies Kracauer's ambitious analytical project.
- Écritures de lumière Der Prozess The Trial - Michaël Löwy p. 97-113 Littérature et cinéma constituent deux langages distincts, irréductibles. Leur grammaire, leur lexique, leur syntaxe sont radicalement différents. Toute image, et a fortiori toute succession d'images est nécessairement, inévitablement, « infidèle » au texte. Dans son film The Trial Orson Welles s'est approprié du roman de Kafka Le Procès pour le récréer dans ses propres termes. Le roman n'exprime pas un message politique ou doctrinaire, mais plutôt un certain état d'esprit anti-autoritaire. On retrouve, sous une autre forme, et avec d'autres moyens esthétiques, ce même état d'esprit dans le film.
- Cinématographie du rapport à la Loi dans The Trial d'Orson Welles : L'hypothèse du système de correspondances entre le roman et le film - David Smadja p. 115-125 Dans le prolongement de l'article de Michael Löwy publié dans ce volume de Raisons politiques, et afin de montrer la spécificité du cinématographe comme écriture du politique comme images-mouvement, cet article vise à expliquer comment, par ses ressources spécifiques, le filmage d'Orson Welles dans The Trial parvient à restituer la critique kafkaïenne de l'État et de l'administration. Il s'inspire en cela d'une perspective construite par André Bazin qui privilégie « les partis pris formels » pour saisir la signification des films. Ainsi, l'article met en évidence trois modalités du rapport à la Loi : l'hésitation, le franchissement et la panique, auxquels correspondent, entre autre, les moyens cinématographiques propres au cadrage et aux mouvements de caméra.
- Scénariser le « social » pour le filmer. : La mise en scène cinématographique des classes populaires entre art et politique - Audrey Mariette p. 9-27
Varia
- Les justifications de la règle de majorité en démocratie moderne - Didier Mineur p. 127-149 Cet article porte sur les fondements de la légitimité de la règle majoritaire en démocratie. Les différents principes de la légitimité formulés par les philosophies des Lumières se conjuguent avec l'unanimité plutôt qu'avec la majorité : l'idéal selon lequel la raison est créatrice de ses normes plutôt qu'elle ne les découvre dans l'ordre des choses, l'idéal de l'autonomie de chacun et l'idéal du peuple souverain. On dégage donc de l'histoire des idées politiques modernes trois types de légitimations du principe majoritaire, chacune d'entre elles faisant du principe majoritaire une approximation de la raison, de l'autonomie et de l'unité. On fait par ailleurs l'hypothèse que ces justifications sous-tendent la pratique du vote en démocratie, ce que l'on tente de montrer en évoquant les débats tenus lors de deux référendums contemporains, exceptionnels en ce qu'ils ont été l'occasion d'une mise en uvre explicite de ces justifications ordinairement implicites, le référendum national de ratification du TCE du 29 mai 2005, et le référendum interne au Parti socialiste de décembre 2004.
- Les justifications de la règle de majorité en démocratie moderne - Didier Mineur p. 127-149
Lectures critiques
- Une sociologie de l'émancipation est-elle possible ? : À propos de De la critique de Luc Boltanski - Olivier Alexandre p. 151-161