Contenu du sommaire : Déconnexions
Revue | Réseaux (communication - technologie - société) |
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Numéro | vol. 32, no 186, 2014 |
Titre du numéro | Déconnexions |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Présentation
- Présentation - Francis Jauréguiberry p. 9-13
Dossier : Déconnexions
- La déconnexion aux technologies de communication - Francis Jauréguiberry p. 15-49 Les conduites de déconnexion apparaissent comme une volonté de maîtrise des technologies de communication. Elles sont toujours ponctuelles et la plupart du temps partielles. Il s'agit de ne pas se laisser envahir par trop d'informations non désirées, d'échapper à un mode d'interpellations incessantes, à l'urgence et à la pression managériale, au contrôle hiérarchique ou à l'impression d'être surveillé. La déconnexion équivaut alors à reprendre souffle et distance, à retrouver son rythme et un temps à soi. Mais elle est aussi parfaitement révélatrice de la figure de l'homme hyper-moderne qui ne se contente pas de suivre l'accélération du mouvement moderne (capacité instrumentale à agir rationnellement sur le réel et soif d'inédit et de changement), mais l'interroge au contraire par une réflexivité accrue sur ses choix et dans l'inquiétude qui en résulte.Disconnecting from communication technology
Disconnection behaviours always seem to reveal a wish to control communication technology. They are always ad hoc, and usually partial. They are driven by the desire not to be invaded by excessive unwanted information, and to escape constant prompting, urgency and managerial pressure, hierarchical control and the impression of being watched. Disconnection thus amounts to taking a breather and distancing oneself, finding one's rhythm and time for oneself again. But it also perfectly reveals the figure of the hyper-modern human who does not simply follow the acceleration of the modern movement (the instrumental capacity to act rationally on reality and the thirst for novelty and change) but, on the contrary, challenges it through increased reflexivity on his or her choices, with the worrying that ensues. - De la déconnexion partielle en voyage : l'émergence du voyageur hypermoderne - Jocelyn Lachance p. 51-76 Les TIC se sont progressivement immiscées dans l'univers du voyageur contemporain, mais peu de recherches ont essayé de comprendre comment elles participent de la transformation de l'expérience du voyage. Cet article rend compte d'une vaste enquête de terrain menée auprès de voyageurs d'aventure tentant désespérément de se déconnecter des TIC. Cherchant à réaliser un voyage moderne, notamment caractérisé par une coupure provisoire avec leur quotidien, les enquêtés révèlent la difficulté d'échapper à leur rôle et à leur statut dans un monde où s'impose l'injonction de connexion. Fortement interpellés par leurs proches, les voyageurs rencontrés portent l'espoir d'une déconnexion totale, mais optent finalement pour une déconnexion partielle présentée comme un compromis qui témoigne de l'émergence d'une nouvelle expérience hypermoderne du voyage.Partial disconnection while travelling: the emergence of the hypermodern traveller
While ICTs have gradually made their way into the world of the contemporary traveller, little research has sought to understand how they have contributed to transforming the experience of travelling. This article describes extensive fieldwork carried out with adventure travellers desperately trying to disconnect from ICTs. The respondents, who sought to experience modern travelling with, in particular, a temporary break from everyday life, revealed the difficulty of escaping their role and status in a world where the connection imperative prevails. Persistently solicited by their families, the travellers interviewed had hoped for total disconnection, but ultimately opted for partial disconnection as a compromise that attests to the emergence of a new hypermodern travelling experience. - Formes de déconnexion volontaire et temporalités de Twitter - Jean-Claude Domenget p. 77-103 Les professionnels de la visibilité ont pour mission de rendre le plus présents possible leurs clients sur les moteurs de recherche et les médias sociaux. Compte tenu des enjeux professionnels liés à leur présence en ligne sur Twitter, notamment en termes de reconnaissance d'expertise, d'e-réputation ou encore d'employabilité, leurs formes de déconnexion volontaire ne peuvent être que partielles, ponctuelles, provisoires, voire dissimulées. En analysant ces pratiques sous l'angle des temporalités en jeu, il apparaît que, face aux fortes tensions qui existent entre des cadres temporels rigides, une culture temporelle marquée par le « culte de l'urgence » et une capacité à réussir son équation temporelle personnelle (préserver un temps à soi), seules les formes de déconnexion repérées permettent de s'en prémunir et d'atteindre un idéal de milieu temporel souple, changeant et modifiable. Dans ce cadre, trois figures d'usagers sont distinguées en fonction de leur manière de résoudre leur équation temporelle personnelle et des formes de déconnexion volontaire qu'elles privilégient.Twitter: voluntary forms of disconnection and temporalities
Professionals of visibility are tasked with making their clients as visible as possible on search engines and social media. Given the professional stakes linked to their presence on Twitter, particularly in terms of recognition of their expertise, e-reputation and employability, their forms of voluntary disconnection can only be partial, occasional, temporary or even concealed. Analysing these practices from the angle of the temporalities involved shows that, given the strong tensions between rigid timeframes, a time culture characterized by the “cult of urgency”, and the ability to achieve a work/life balance (preserving personal time), only the forms of disconnection identified allow individuals to guard against them and to reach the ideal of a flexible, changing and modifiable time environment. In view of this, three types of users are identified, according to their way of managing their work/life balance and the forms of voluntary disconnection they opt for. - Moduler sa connexion : les enseignants-chercheurs aux prises avec leur courriel - Johann Chaulet, Caroline Datchary p. 105-140 Cet article se propose d'appréhender la façon dont les enseignants-chercheurs tentent de résister à la norme de connexion permanente, en prêtant attention aux dispositifs qui équipent l'activité, en particulier la messagerie électronique. Si l'outil n'est pas jugé négativement par tous, il est malgré tout possible de dire que, dans la quasi-totalité des situations investiguées, le courriel pose problème dans le sens où il génère au mieux un questionnement, au pire une situation douloureuse. Nous questionnons ici la tension permanente entre, d'un côté, la maîtrise et le sentiment de liberté que renforce cet outil, et de l'autre, la perte de contrôle, voire l'aliénation dont il semble responsable. Dans les faits, les usagers oscillent alors entre deux modalités de gestion de leur connexion : le cloisonnement équipé et l'hyperconnexion maîtrisée. Les résultats de cette enquête permettent de fournir des bases à une réflexion sur les formes contemporaines d'entretien du lien et les modulations de connexions toujours plus nombreuses et présentes.Adjusting one's connection: Academic researchers grappling with their email
This article considers the way in which academic researchers try to resist the norm of constant connection. By looking at the devices that equip this activity, particularly email, it shows that not all researchers perceive this tool negatively. It can nevertheless be said that in virtually all situations studied, email is problematic insofar as it raises questions, at best, and gives rise to an uncomfortable situation, at worst. The authors examine the constant tension between the control and sense of freedom reinforced by this tool, on the one hand, and the loss of control or even alienation which it seems to cause, on the other. In fact, users oscillate between two ways of managing their connection: equipped compartmentalization and controlled hyper-connection. The findings of this research provide foundations to reflect on the contemporary ways of fostering ties and the modulations of increasingly present and numerous connections. - La déconnexion aux technologies de géolocalisation : Une épreuve qui n'est pas à la portée de tous - Yann Bruna p. 141-161 L'enquête ici présentée et menée auprès d'étudiants se servant de smartphones a permis de mesurer un double écart. Le premier écart réside entre, d'une part, l'utilité, la dimension pratique et la facilité des applications utilisant la géolocalisation et, d'autre part, la crainte diffuse que cette même géolocalisation suscite en matière de confidentialité et de préservation de la vie privée. Si la quasi-totalité des étudiants interrogés trouvent ces applications utiles et pratiques, les trois quarts d'entre eux pensent que la géolocalisation présente des risques, le sentiment d'être « pisté et surveillé » venant très majoritairement en premier. Le second écart renvoie à la distance entre, d'une part, l'auto-évaluation par les utilisateurs de leurs capacités à maîtriser les fonctions de géolocalisation et, d'autre part, l'effectivité de ces mêmes capacités. Le constat est que, pour certaines applications, cet écart est très important. Si la crainte de laisser des traces privées via la géolocalisation existe bien et se double de la croyance qu'une maîtrise est toujours possible, les capacités pratiques et le savoir-faire concret des utilisateurs ne sont en rien à la hauteur de cette croyance.Disconnecting from location-based services
The research presented here was carried out with students using smartphones, and measures two disparities. The first is between the usefulness, practicality and ease of use of location-based applications, on the one hand, and the diffuse fear that those services threaten confidentiality and privacy, on the other. While virtually all the students interviewed found these applications useful and practical, three quarters of them thought that location-based services (LBS) presented risks, with an overwhelming majority feeling “tracked and watched”. The second disparity is between users' self-assessment of their ability to use LBS skilfully, and their actual ability to do so. For certain applications, this difference proves considerable. While the fear of leaving private traces through LBS is very real and is coupled with the belief that control is always possible, users' practical capabilities and concrete know-how in no way support this belief.
- La déconnexion aux technologies de communication - Francis Jauréguiberry p. 15-49
Varia
- Les agendas, outils cognitifs de l'organisation du quotidien : Modes d'appropriation personnelle et pratiques d'écriture ordinaire - Caroline Guillot p. 163-198 En quoi les différents modes d'usage des agendas (papier, électronique, calendrier, post-it...) constituent-ils des révélateurs du travail d'articulation des activités et comment, à travers lui, émerge le souci de séparer les sphères d'appartenance ? Articuler les activités sociales entre elles peut représenter une tâche cognitive complexe, surtout lorsqu'il faut gérer une multiplicité d'activités et faire face à des temporalités hétérogènes et incertaines. La gestion du temps est soutenue par des artefacts cognitifs, comme les agendas qui permettent, entre autres, de réduire l'effort de mémorisation et de programmation. À partir de l'analyse des usages des agendas, nous montrerons dans quelles conditions ces artefacts facilitent ou non l'articulation des activités. En effet, les sphères d'échange et de partage des agendas peuvent peser sur les stratégies d'écriture et ainsi rendre leur utilisation contraignante. Nous verrons également que les utilisateurs cherchent à faire exister une frontière entre les sphères privée et professionnelle pour préserver leur autonomie et leur vie intime.Diaries: cognitive tools for organizing daily life
How do the different ways of using diaries (paper, electronic, calendar, Post-it note, etc.) reveal the work behind the articulation of activities and how, through it, does the concern emerge to separate spheres of belonging? Articulating social activities can be a complex cognitive task, especially when it involves managing a multiplicity of activities and dealing with heterogeneous and uncertain timeframes. Time management is supported by cognitive artefacts such as diaries which, among other things, reduce the effort of memorizing and planning. Based on the analysis of uses of diaries, the author shows the conditions under which these artefacts facilitate the articulation of activities, or not. The spheres of diary exchange and sharing can weigh on writing strategies and thereby make their use restrictive. We also see that users seek to establish a boundary between the private and professional spheres, to preserve their autonomy and personal lives. - Nouvelles relations de travail en régime numérique : Le cas de la photographie professionnelle - Sylvain Maresca p. 199-220 On assimile souvent le numérique à une révolution technologique. Certes, elle a transformé le matériel et affecté profondément les manières de travailler des professionnels de l'image que sont les photographes. Mais elle a eu également des répercussions importantes dans les relations de coopération, les rapports aux commanditaires, et par voie de conséquence l'organisation du travail. Cet article explore cet aspect plus proprement social du passage au numérique à partir des données d'une enquête conduite entre 2010 et 2012 auprès des photographes et de leurs partenaires professionnels. On constate ainsi que l'outil technologique a accentué le pouvoir des donneurs d'ordre sur leurs prestataires, dans le sillage d'une évolution économique initiée dans les années 1990.New work relations in the digital world
The digital revolution is often seen as an essentially technological event. It has indeed transformed the equipment used and has profoundly affected the way in which photographers, as image professionals, work. But it has also had significant repercussions on cooperative relationships, on relations with those who commission the work, and therefore on the organization of work itself. This article explores this more social aspect of the shift to digital, based on data from a survey carried out from 2010 to 2012 on photographers and their professional partners. It shows that technological tools have accentuated the power that principals have over their service providers, in the wake of economic changes initiated in the 1990s.
- Les agendas, outils cognitifs de l'organisation du quotidien : Modes d'appropriation personnelle et pratiques d'écriture ordinaire - Caroline Guillot p. 163-198
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 221-230