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Revue | Droit et société |
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Numéro | no 2, janvier 1986 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation - p. 3-4
Dossier : Ronald Dworkin (2e partie)
- L'impact de Dworkin sur la philosophie du droit anglo-américaine - Anthony Carty p. 7-14 L'œuvre de Dworkin a suscité de nombreuses critiques, qui tiennent à l'importance des questions qu'il soulève : le pouvoir discrétionnaire des juges, l'existence de droits individuels. A.C. évoque les arguments échangés à propos de ces questions par les principaux protagonistes : Dworkin lui-même, J. Raz, MacCormick, Sandel. Il souligne le refus par Dworkin de toute métaphysique, mais conclut qu'il lui faut préciser ce qu'est la personne humaine, dont il entend sauvegarder la liberté.Dworkin's work has provoked a number of criticisms, centering around two important issues with which he is concerned : the nature of judicial discretion, and the nature and existence of individual rights. Carty considers the exchanges that have taken place on these questions between some principal Anglo-American theorists : Dworkin himself, Joseph Raz, Neil MacCormick and Michael Sandel. Carty emphasises Dworkin's refusal to deal with the metaphysical aspects of these issues, and argues that he must make clear his conception of the human agent whose freedom he is so concerned to protect.
- Théorie et Ontologie du Droit chez Dworkin - Riccardo Guastini p. 15-22 La doctrine de Dworkin n'est au fond qu'une illustration du principe de légalité, puisqu'il soutient que le droit en vigueur est complet et permet au juge de trouver une solution juste pour chacun des litiges. Il est complet parce que, à côté des règles, il contient des principes implicites, que le juge doit découvrir et énoncer. La faiblesse de cette thèse est qu'il n'y a aucune norme préexistant aux énoncés sur les principes. Ceux-ci ne peuvent donc être ni vrais ni faux. Ils sont le fruit de la libre création du droit par les juges.Dworkin's theory is basically an expression of the rule of law doctrine, since it holds that the existing body of laws is complete, so allowing the judge to find the right answer to a question of law in each case. The System is complete because, along with the rules, it includes implicit principles which the judge must discover and pronounce. The weakness in this thesis lies in the fact that there is no rule which pre-exists this pronouncement of principles. Such pronouncements can therefore be neither true nor false. They are the fruit of the free creation of law by the judge.
- Le juge, la politique et la neutralité. A propos des travaux de Ronald Dworkin - Sheldon Leader p. 23-40 L'auteur examine dans cet essai l'œuvre de Ronald Dworkin à la lumière des débats actuels sur le rôle des tribunaux dans la vie politique en Angleterre et aux Etats-Unis. Il débute, à l'intention des lecteurs français, par un aperçu de l'état actuel des discussions sur le rôle du judiciaire dans la politique. Il présente les arguments pour et contre l'idée que les tribunaux peuvent être neutres en matière de politique, et considère le lien entre cette question et le débat concernant celle des rôles respectifs de création et de découverte joués par les tribunaux dans les interprétations qu'ils donnent au corpus juridique. Cet article propose un cadre conceptuel permettant l'analyse des principaux arguments de Dworkin sur ces problèmes de neutralité et de création juridiques. Sont suggérées ensuite quelques pistes possibles pour le développement futur de cette théorie, et indiqués les pièges que l'on peut alors rencontrer. Deux obstacles potentiels sont visés ici : le risque possible d'une circularité de la théorie, et celui d'occultation du rôle de l'idéologie dans le droit. Enfin, l'auteur indique une manière d'éviter ces deux dangers.This essay examines the work of Ronald Dworkin against the background of current debates about the role of courts in England and America. It begins by providing for a French readership an account of the current state of discussion about the role of the judiciary in politics. It considers arguments for and against the notion that the courts can be neutral in political issues, and connects this issue with debates about whether or not courts properly make law or should confine themselves to finding out what it already is. The essay offers a framework of concepts within which Dworkin's leading arguments relevant to these issues can be analysed. It then suggests directions in which the theory might be developed, as well as indicating the pitfalls it faces. Here it focuses on two potential obstacles : the possibility of circularity in the theory, and the danger of obscuring the role of ideology in the law. A way of avoiding these two problems it then suggested.
- Les juges pris au sérieux ou la théorie du droit selon Dworkin - Michel Troper p. 41-56 On peut faire apparaître dans l'œuvre de Dworkin une conception cachée de la théorie du droit (ou une métathéorie), qui se distingue de la théorie positiviste par deux aspects : d'une part, elle refuse de distinguer entre la théorie et l'objet de cette théorie, entre droit et morale, entre prescription et description ; d'autre part, elle énonce que la théorie comporte des propositions de droit, mais que celles-ci ont seulement pour objet de justifier des pratiques existantes. Cette métathéorie est critiquable sur ces deux points. Son véritable objet est de justifier le discours par lequel les juges dissimulent leur pouvoir de création du droit.One can bring out in Dworkin's work a hidden conception of a theory of law (or a metatheory), which can be distinguished from a positivist theory in two ways : on the one hand it rejects distinctions between theory and the object of theory, between law and morality, and between description and prescription. On the other hand it daims that a theory contains propositions of law, but that these have as their role object the justification of existing practices. This metatheory can be criticized on both of these grounds. Its true aim is to justify the discourse by which judges conceal their power to create law.
- L'impact de Dworkin sur la philosophie du droit anglo-américaine - Anthony Carty p. 7-14
Dossier : Sociologie du droit
- La recherche de l'efficacité de la loi. Réflexions sur l'étude de la mise en œuvre (le concept "d'implementation") - Erhard Blankenburg p. 59-75 Quand les politologues distinguent l'« élaboration d'une politique » de sa « mise en œuvre », les termes de cette différenciation évoquent celle qu'établit le droit positif entre fonctions « législatives » et fonctions « executives ». Mais c'est dans une intention normative que le droit positif fait reposer la responsabilité des décisions légitimantes sur certains processus politiques, dispensant ainsi de s'auto-légitimer les agents chargés de l'application. Cette distinction normative est volontairement conçue en négligeant le fait que, dans la réalité, les deux phases du processus sont interdépendantes. En effet, les législateurs prennent en considération les facteurs agissant sur les probabilités d'observance de leurs décisions, et ceux qui les appliquent, lorsqu'ils usent de leur marge d'appréciation, sont mis en demeure de légitimer la manière dont ils « exécutent » la loi. Pour les sciences politiques, l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique s'inscrivent dans un processus continu en une succession indifférenciée de points de décision. Cette analyse s'appuie sur des exemples empruntés à des domaines relevant de conceptions différentes des fonctions de la loi : politiques traditionnelles, comme le droit pénal et la mobilisation des tribunaux pour les affaires de droit privé, aussi bien que régulatrices, comme la protection de l'environnement, et incitatives, comme la politique de l'emploi.If political scientists differentiate « policy formulation » from « implementation », their terminology appears like the distinction in jurisprudence between « legislative » functions and « executive » ones. But jurisprudence has a normative purpose in mind by putting the burden of legitimizing decisions on certain policy processes, thus relieving administrators from legitimation on their own. Their normative distinction is purposively designed to overlook that in actual processs both are interrelated : legislators consider the factors influencing the likelihood of compliance to their decisions, and administrators when using discretion are challenged to legitimize the way they « execute » law. The explanatory power of policy sciences which look at policy formulation and implementation as a continuous process with an undifferentiated series of decision points is exemplified by reference to policy areas with different patterns of the use of law : traditional policy areas like penal law, mobilizing courts for private law cases, as well as regulatory policies like environmental protection, and stimulating ones like labour market policies.
- Le rapprochement entre la méthodologie marxiste et la méthodologie féministe est-il possible ? (Et est-ce important pour la sociologie du droit ?) - Maureen Cain p. 77-90 Dans cet article, l'auteur commence par soutenir que marxisme et féminisme dépendent tous deux d'une ontologie réaliste, et par considérer dans ce cadre la possibilité d'une position spécifiquement féministe à partir de laquelle la connaissance puisse être constituée. Sont examinées ensuite les implications techniques de ce point de vue pour la recherche en sciences humaines. Les techniques déclarées féministes dans les écrits sur le sujet font l'objet de deux interrogations : cette technique est-elle compatible avec une approche marxiste ? Est-ce une position nécessaire, ou seulement possible, pour le féminisme ? Les caractéristiques affirmées spécifiques de la recherche féministe sont : 1) la qualité relationnelle, 2) l'accent mis sur l'expérience, 3) l'engagement politique, 4) l'anti-hiérarchie, 5) l'antidualisme, 6) la faculté pour ceux qui sont analysés de rester des sujets et 7) la réflexivité tant personnelle que théorique. L'auteur démontre que les différences entre marxisme et féminisme dans leur relation à ces caractéristiques sont complexes et non-unitaires. En particulier, elle soutient que, si sur le plan politique, les alliances sont certainement possibles, sur le plan épistémologique, il est impossible d'être simultanément et féministe et marxiste. Puis est développée l'idée que la sociologie du droit est restée systématiquement silencieuse à propos des femmes et du genre, sauf dans les domaines comme la famille et le droit de la famille, où l'on considère traditionnellement que les femmes ont une place. De ce point de vue, la sociologie du droit a renforcé les idéologies existantes.The paper first argues that both marxism and feminism depend on a realist ontology, and within this the possibility of a specifically feminist standpoint from which knowledge may be constructed is considered. The technical implications of this for researchers in the human sciences are then explored. Techniques claimed in the literature to be feminist are addressed with the two questions of : is this technique consistent with a marxist approach ? and is this a necessary, or only a possible, position for feminism ? The characteristics claimed for feminist research are 1) a relational quality, 2) an emphasis on expérience, 3) political commitment, 4) anti-hierarchy, 5) antidualism, 6) allowing those investigated to remain subjects, and 7) Personal as well as theoretical reflexivity. The differential relation to these characteristics by feminism and marxism is shown to be complex and non-unitary. In particular, it is argued that while political alliances are certainly possible, epistemologically it is not possible to be simultaneously both feminist and marxist. It is further argued that sociology of law has been systematically silent about women and gender, except in areas where women have traditionally been considered to have a place, such as the family and family law. In this sense sociology of law has reinforced existing ideologies.
- La sociologie du droit est-elle vraiment une science ? - Lawrence M. Friedman p. 91-100 Poser la question de la scientificité de la sociologie du droit renvoie inévitablement à la définition de cette discipline, à la manière dont elle se situe par rapport aux théories générales du droit et aux théories de la société, à la délimitation de son objet. Une des difficultés que rencontre la sociologie du droit par rapport aux sciences naturelles mais aussi à d'autres secteurs de la sociologie réside dans la difficulté à cerner la matière du droit en raison de ses frontières incertaines et de ses fluctuations culturelles. L'auteur estime qu'il n'y a pas de sociologie du droit universelle, que celle-ci ne peut être qu'« une science de découvertes petites et moyennes et de théories moyennes, au moins à court terme ». Il propose un cadre général de la sociologie du droit dans les pays occidentaux, comprenant trois orientations : l'analyse des forces sociales qui produisent ou influencent le système juridique, l'analyse du fonctionnement du système juridique, l'analyse de son impact.To ask oneself whether sociology of law is really a science leads unavoidably to the following questions : what is the definition of this discipline, what place is assigned to sociology of law within the general theories of law and of society, and what are the limits of its object. One of the main difficulties of sociology of law, when compared to natural sciences or even when compared to other sections of sociology, is a matter of definition of the object of the study of law because of its uncertain boundaries and of cultural fluctuations. According to the author, there is no general, universal sociology of law ; sociology of law can only be « a science of small and middling findings, and of middle range theories at least in the short run ». He proposes a general framework for the social study of law in Western countries and groups the contents of the discipline under three main headings : the analysis of social forces which produce or influence the legal system, the analysis of the operation of the legal system itself and the analysis of the impact of law.
- Théories et pratiques de l'effectivité du droit - Evelyne Serverin, Pierre Lascoumes p. 101-124 La notion d'efficacité est aujourd'hui très souvent utilisée pour mesurer l'impact du droit sur les pratiques sociales. On désigne alors l'absence ou l'existence d'un écart, plus ou moins grand, entre l'un et l'autre. Cette question peut cependant être posée de façons différentes selon que l'on raisonne en termes de lacunes du droit (positives ou négatives), de comportement des acteurs sociaux ou de recherche d'une efficacité sociale. Les auteurs dégagent ainsi trois façons de conceptualiser le rapport droit-société.Nowadays, the notion of effectivity is often used to assess the impact of Law on social practices. Thus the existence (or the non-existence) of a more or less important distance between both is determined. However, the ways of laying this problem are different whether it is argued in terms of (positive or negative) deficiences of Law, in terms of social actors behavior or in terms of social efficacy. Three ways to conceptualize Law/Society interrelations are drawn out by the authors.
- La recherche de l'efficacité de la loi. Réflexions sur l'étude de la mise en œuvre (le concept "d'implementation") - Erhard Blankenburg p. 59-75
Nouvelles du Monde / Bibliographie
- Sociologie et nomologie juridiques cercle de cordialité - p. 127
- Nouvelles du Monde - p. 128-133
Chronique bibliographique
A propos de...
Pour ou contre?
- Défense et illustration d'une distinction, par François Ost - François Ost p. 137-139
- La valeur heuristique de la distinction interne/externe comme grande dichotomie pour la connaissance du droit : éléments d'une démystification, par André-Jean Arnaud - André-Jean Arnaud p. 139-141
Lu pour vous...
- Alain Mignot, La terre et le pouvoir chez les Guin du Sud-Est Togo, 1985 - Louis Assier-Andrieu p. 142
- François X. Ribordy, Les avocats de Sudbury, 1891-1981, 1983 - Mireille Damé-Castelli p. 143-144
Repères
- AA.VV., Artificial Intelligence and Legal Information Systems, 1982 - p. 144
- AA.VV., La pensée juridique de Paul Foriers, 2 vol., 1982 - p. 144
- AA.VV., Law, Biology and Culture. The Evolution of Law, Margaret Gruter et Paul Bohannan edit., 1983 - p. 145
- AA.VV., La « cultura » delle riviste giuridiche italiane, 1984 - p. 145
- AA.VV., La prison, le bagne et l'histoire, sous la dir. de J.G. Petit, 1984 - p. 145
- AA.VV., Science et conscience de la complexité, Echanges avec E. Morin, coordination C. Atias et J.L. Le Moigne, 1984 - p. 145
- AA.VV., Enseignement et recherche en philosophie du droit, sous la dir. de Michel Troper, 1985 - p. 145
- AA.VV., Juristische Logik, Rationalität und Irrationalität im Recht, hrsg. André- Jean Arnaud, 1985 - p. 146
- AA.VV., Psychologie et science administrative, 1985 - p. 146
- AA.VV., Les sciences humaines et les droits de l'homme, sous la dir. de Raymond Bruyer, 1985 - p. 146
- AA.VV., Semiotics, Law and Social Science, éd. by Domenico Carzo et Bernard S. Jackson, 1985 - p. 146
- Christian Atlas, Epistémologie juridique, (coll. « Droit fondamental »), 1985 - p. 146
- Denis Bertrand, L'espace et le sens. Germinal d'Emile Zola. Essai de sémiotique discursive, 1985 (coll. « Actes sémiotiques ») - p. 146-147
- Antonio Carlo, Studi sulla crisi della società industriale, 1984 - p. 147
- Jacques Commaille, Familles sans justice ?, Le droit et la justice face aux transformations de la famille, 1982 (Coll. « Justice Humaine ») - p. 147
- J. Commaille, P. Festy, P. Guibentif, J. Keller- hals, J.F. Perrin, L. Roussel, Le divorce en Europe occidentale. La Loi et le Nombre, 1983 - p. 147
- J.D. Delley, R. Derivaz, L. Mader, C.A. Morand, D. Schneider, Le droit en action. Etude de mise en œuvre de la loi Furgler, 1982 - p. 147
- L'Egalité, publ. du Centre de philosophie du droit de l'Université Libre de Bruxelles ; vol. VII, 1982 - p. 147
- François Ewald, L'accident nous attend au coin de la rue. Les accidents de la circulation : histoire d'un problème, Etude de sociologie juridique, 1982 - p. 147-148
- Jean-Marie Floch, Petites mythologies de l'œil et de l'esprit. Pour une sémiotique plastique, 1985 (Coll. « Actes sémiotiques ») - p. 148
- Jean-Jacques Gleizal, Le désordre policier, 1985 - p. 148
- A. Guépin et B. Bonamy, Nantes au XIXe siècle. Statistique topographique, industrielle et morale, 1835, 1981 - p. 148
- Gunter Hörmann, Konsumentenkredit uns Schuldbeitreibung — Consumer Credit and Debt Recovery, 1984 - p. 148-149
- Bernard S. Jackson, Semiotics and Légal Theory, 1985 - p. 149
- Georges Kalinowski, Sémiotique et philosophie, 1985 (Coll. « Actes sémiotiques ») - p. 149
- J. Kellerhals, J.F. Perrin, G. Steinauer-Cresson, L. Voneche, G. Wirth, Mariages au quotidien, inégalités sociales, tensions culturelles et organisation familiale, 1982 (Coll. « Regard sociologique ») - p. 149
- Luzius Mader, L'évaluation législative : pour une analyse empirique des effets de la législation, préf. de C.A. Morand, 1985 (Collection juridique romande) - p. 149-150
- J.F. Perrin, Comparaison pour la réforme du droit matrimonial, 1985 (Coll. juridique romande. Etudes et pratiques) - p. 150
- J.P. Royer, R. Martinage, P. Lecocq, Juges et notables au XIXe siècle, 1982 - p. 150
- Evelyne Serverin, De la jurisprudence en droit privé, théorie d'une pratique, 1985 - p. 150
- Società, Norme e Valori. Studi in onore di Renato Trêves, a cura di U. Scarpelli e V. Tomeo, 1984, - p. 150-151
- Mark Van Hoecke, What is Légal Theory ?, 1985 - p. 151
- Vittorio Villa, Teorie della scienza giuridica e teorie delle scienze naturalli. Modelli ed analogie, 1984 - p. 151
- Carlo Violi, Norberto Bobbio. A Bibliography, 1984 - p. 151
- Au fil des revues... - p. 151-157
- Reçu au bureau de la rédaction - p. 158-160