Contenu du sommaire : Vérité historique, vérité judiciaire.

Revue Droit et société Mir@bel
Numéro no 38, janvier 1998
Titre du numéro Vérité historique, vérité judiciaire.
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Vérité historique, vérité judiciaire

    • Présentation - Jean-Clément Martin, Jean-Pierre Le Crom p. 9-11 accès libre
    • La démarche historique face à la vérité judiciaire. Juges et historiens - Jean-Clément Martin p. 13-20 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les procès qui mettent en jeu la compréhension et l'interprétation du passé récent donnent l'occasion de chercher les spécificités mais aussi les analogies qui caractérisent les métiers de l'historien et du juge. L'un et l'autre sont confrontés à la demande sociale, engagent l'avenir de leur communauté, acceptent de dépendre des critères de jugement de leur époque. Si les vérités tirées de leur pratique ne sont pas équivalentes, elles relèvent des mêmes contraintes et des mêmes horizons.
      The Historical Approach versus the Judicial Truth : Judges and Historians. Recent trials involved in historical cases give the opportunity to establish the main characteristics of historical workshop and justice practices and to seek their analogies. Both historians and judges are confronted with social demands and are both responsible for the future of their communities, their criteria of judgement being dependent on the values of those communities. Even if their "truths" can not be delivered in the same way, they sustain the same sort of constraints and are inscribed within the same horizons.
    • La recherche de la vérité dans le procès civil - Jean-Marc Le Masson p. 21-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La vérité appréhendée par le procès civil, à travers le syllogisme judiciaire, se différencie de celle recherchée dans les autres domaines, notamment par l'Histoire, en ce qu'elle suppose l'application d'une règle de droit à des faits litigieux. Les textes de procédure civile contemporains ont entendu combattre la conception traditionnelle d'une vérité judiciaire relative, en donnant au juge un pouvoir d'intervention dans l'établissement de la matière litigieuse tout en confortant son rôle prépondérant dans la qualification des faits. Pourtant, fidèle aux principes ancestraux, le juge se refuse encore trop souvent à tenir compte de l'évolution de sa mission, utilise avec parcimonie ses prérogatives relativement à la preuve, et se dénie toute obligation d'avoir à rechercher la règle de droit applicable aux faits.
      The Search for Truth in the Civil Trial. The truth apprehended by the civil trial through judicial syllogism is different from the one sought out in other fields, especially regarding History, as it implies the application of a rule of law to contentious facts. Contemporary civil proceeding texts were meant to fight against the traditional notion of a relative judicial truth by conferring on the judge the power to intercede in establishing the contentious subject while also reinforcing his major role in the qualification of the facts. Nevertheless, faithful to ancestral principles, the judge too often refuses to take into account the development of his task. He uses sparingly his prerogative with regard to the proof, and thus denies any obligation to seek out the rule of law applicable to the facts.
    • Juger l'histoire - Jean-Pierre Le Crom p. 33-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De la défense de la lignée à celle de contemporains mêlés aux événements dramatiques du XXe siècle, puis à celle des communautés martyres des totalitarismes modernes, l'histoire est devenue objet de droit. Cette évolution s'est accomplie par une interprétation élargie de la notion de faute et par la création d'une série d'incriminations nouvelles, destinées à réprimer les atteintes au devoir de mémoire après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Si les historiens « de métier » ont longtemps été exonérés de responsabilité, sauf cas de malveillance ou absence manifeste de rigueur méthodologique, à l'inverse les non-professionnels n'ont pas échappé à la rigueur des textes. Cette distinction apparaît aujourd'hui remise en cause, l'impératif social, dont le juge est le gardien, l'emportant sur la liberté d'expression de l'historien. La mémoire devrait y gagner, mais l'histoire ?
      Judging History. From the defense of descendents to the defense of contemporaries caught up in the dramatic events of the 20th century and those tortured under modem totalitarian governments, history has become a subject of law. This evolution came about as a result of a widening of the interpretation of the concept of fault and by the creation of many new incriminations designed to suppress attacks on memory's duty after the Second World War's atrocities. If "professional" historians have long been exempt from responsibility, except in cases of crirninal intent or the obvious lack of a rigorous methodology, non professionals have, on the contrary, not escaped prosecution. This discrimination now seems to be questioned, social necessity, of which the judge is guardian, overriding the freedom of expression of the historian. Memory is perhaps the winner, but what about history ?
    • L'office du juge et l'histoire - Bernard Edelman p. 47-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le juge ne peut se prononcer sur l'histoire, sous peine de cautionner une « histoire officielle ». Il est tenu à un devoir de neutralité qui constitue son « office ». Tout au plus peut-il juger la méthode qu'un historien utilise. Dès lors, le jugement sur l'histoire se résout à la seule question de savoir ce qu'est une « bonne » méthode. C'est, diront les tribunaux, la méthode du débat contradictoire, ce qui exclut tout aussi bien l'ignorance, le raisonnement purement spéculatif et, pis encore, le doute absolu, qui rejette toute thèse adverse dans le néant des mythes. Les juges conçoivent la méthode historique sur le modèle du débat démocratique, dont le débat judiciaire est la meilleure expression.
      The Judge's « Office » and History. A judge who gives his opinion about history will be seen as supporting an "official history". His duty as a judge is to remain neutral. This duty represents his "office". At the most he may judge the method utilized by the historian. Consequently, opinion on history is soley based on knowing what constitutes a "good" method. Courts maintain it lies in the method of open debate which implies that ignorance, purely speculative arguments and morever, absolute doubt, which dismisses as legend all reasoning from opposing parties, are incompatible. Judges see the historical method as being based on the model of démocratie debate of which the judicial debate is the best expression.
    • Justice, histoire et mémoire. De Nuremberg à Jérusalem - Annette Wieviorka p. 59-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le nazisme présente la singularité d'être le seul régime au monde à s'être abîmé en provoquant une vaste série de procès. Ces procès intéressent l'historien à plusieurs titres. Ils sont d'abord en eux-mêmes des événements. Ils ont fourni ensuite une masse de documents qui ont servi à l'écriture de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont enfin ouvert une ère nouvelle : celle où, dans une large fraction de l'opinion publique, s'est établi un lien indissoluble entre justice, mémoire et histoire.
      Justice, History and Memory. From Nuremberg to Jerusalem. Nazism attracts attention because it is the only form of government in the world which damaged itself by instigating a lot of huge trials. These trials interest the historical researcher on many levels. Firstly, they are seen as events in themselves ; they then provided a vast number of documentary information which was subsequently used to write the history of the second world war. Finally they have opened a new era in which, for the majority of public opinion, justice, memory and history are definitively linked.
  • Études

    • L'indépendance du ministère public et le principe de la responsabilité en Italie : l'analyse d'un cas déviant d'un point de vue comparé - Giuseppe Di Federico p. 71-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite du rôle du ministère public et de la nécessité de combiner au niveau opérationnel deux exigences fonctionnelles difficiles à concilier : a) assurer l'indépendance du ministère public ; b) s'assurer que ses pouvoirs discrétionnaires sont assujettis au principe démocratique de responsabilité. Alors que dans plusieurs pays on peut observer une tendance à rééquilibrer ces deux impératifs en faveur de l'indépendance, l'auteur se réfère au cas italien pour souligner l'exigence de sauvegarder aussi le principe de responsabilité. Il montre qu'en Italie, où l'impératif de responsabiliser les pouvoirs discrétionnaires du ministère public a été négligé, on a de fait délégué à des magistrats du parquet complètement indépendants la définition d'une bonne partie des politiques pénales. Il montre ensuite les nombreuses conséquences négatives qui en résultent sur le plan de l'efficacité de la répression des phénomènes criminels et de la protection des droits civils.
      Prosecutorial Independence and the Democratic Requirement of Accountability in Italy : Analysis of a Deviant Case in a Comparative Perspective. This article deals with the role of public prosecution and the necessity of combining at the operational level two functional needs that are difficult to balance : a) to insure prosecutorial independence ; b) to insure that prosecutorial discretion be subject to the democratic principle of accountability. While a trend to redress the balance in favor of prosecutorial independence seems to gain momentum in several countries, the author uses the Italian case to suggest that the need for prosecutorial accountability be anyway protected. In particular he shows that Italy by totally ignoring the need to render prosecutorial discretion accountable has de facto delegated to a totally independent prosecutor the definition of a good part of its criminal policies. The manifold dysfunctional consequences for the efficient repression of criminal phenomena and for the effective and equal protection of civil rights are outlined.
    • Le traitement en temps réel : la Justice confrontée à l'urgence comme moyen habituel de résolution de la crise sociale - Bernard Brunet p. 91-107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le droit positif français connaît depuis 1975 des procédures d'urgence permettant d'accélérer la prise de décision judiciaire à la suite d'une infraction à la loi pénale. L'analyse de l'auteur est que les procédures d'urgence, par leur emploi généralisé, leur modélisation, leur intégration à différents dispositifs d'action publique, participent complètement, aujourd'hui, à une fonction de régulation sociale et associent intimement l'institution judiciaire à cette fonction. Ce constat amène l'auteur à s'interroger sur les conséquences qui en résultent au niveau de la loi, des individus et des magistrats.
      Dealing with Justice in Real Time : Emergency as a Usual Means to Solve the Social Crisis. Since 1975, French positive law has been experiencing emergency procedures which enable the acceleration of the taking of a decision in the case of a violation of criminal law. For the author, these emergency procedures do, through their generalisation, modelling and integration with various devices of public action, participate today in a function of social regulation and closely associate the judicial institution to this function. This statement leads the author to question the consequences entailed at the level of the Law, the individuals, and the judges.
    • La politique de la ville entre médiation et proximité - Abdelhafid Hammouche p. 109-129 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les actions et les dispositifs conçus dans le cadre de la politique de la ville sont souvent renvoyés à une fonction de médiation et à une gestion de proximité. Ces orientations génèrent des évolutions sur les registres de l'organisation et des métiers, ce qui tend à accentuer l'exposition des intervenants dans un contexte marqué par la dégradation sociale. Ces mutations, pour les habitants comme pour les intervenants, se combinent, si l'on peut dire, et compliquent la lecture des dynamiques sociales et la conception de l'action publique. C'est en considérant cette « proximité » qu'on se propose dans cet article d'interroger la notion de médiation et son instrumentalisation, en mettant en relief des processus d'interculturalité (pour les intervenants, pour les habitants). Ce sont alors des transitions pour ces différents acteurs qui imposent, selon l'hypothèse soutenue ici, une forte personnalisation — au sens ou chacun est exposé et que le statut n'advient et ne protège, éventuellement, qu'après une mise à l'épreuve personnelle.
      Urban Politics between Mediation and Proximity. The actions and measures initiated within the context of urban politics are often referred to a function of mediation and a management of proximity. These tendencies generate changes concerning organisations and the nature of jobs which tend to increase the exposure of agents implicated in such a process within a context of social "degradation". These transformations, concerning both inhabitants and agents, combine in such a way that they complicate the understanding of social dynamics and the concept of public action. In this paper, we question the notion of mediation and its uses in relation to this "proximity" and highlight the intercultural processes (from the point of view of both the inhabitants and the agents). According to our hypothesis, these transitions experienced by the different players lead to a greater "personalisation" — in the sense that every one is exposed and that status only gives an eventual protection after they have been personally tested.
    • Quelques réflexions sur l'« affrontement économie-écologie » et son influence sur le droit - Raphaël Romi p. 131-140 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      S'il est certain que « la référence au développement durable ne suffit pas pour déduire un ensemble de prescriptions précises permettant de fonder les différentes politiques de l'environnement », elle est à même de fonder des comportements juridiques et d'orienter des demandes sociales de droit. En la matière, le consensualisme n'est que de façade. Le fait que le droit international ait intégré la notion interdit qu'on fasse sur le plan national l'économie d'un débat, même si celui-ci ne répond qu'en creux aux débats internationaux et européens. L'économie des politiques publiques n'a pourtant pas retenu parmi ses paradigmes la notion de développement « soutenable ». C'est d'ailleurs un peu normal pour une discipline qui considère souvent le droit en tant que « ressource économique » et développe de la notion de réglementation une conception a-juridique et tout à fait floue faute de définition rigoureuse.
      Reflections on the "Economy-Ecology Conflict" and its Influence on Law. Although reference to "sustainable development is certainly not enough to deduce a set of precise measures on which to base various environmental policies", it can shape judicial attitudes and direct the social demands of law. In this matter, consensualism is only apparent. The fact that international law has integrated the notion does not imply that a debate at the national level is unnecessary even if it appears a hollow response to debates at the European and international levels. The economy of public policies has not, however, included the notion of "tenable" development among its paradigms. This is to be expected of a subject that often considers law as an "economic resource" and develops the idea of regulation as a very vague ajudicial concept without rigourous definitions.
  • Chronique bibliographique