Contenu du sommaire : La souveraineté éclatée : les nouveaux cadres de l'action publique - Actes du Quatrième Colloque International Bruxelles - 1 1/12 octobre 1990 - (Deuxième partie) - Mutation des espaces : marché, logiques locales, négociation sociale.
Revue | Politiques et management public |
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Numéro | vol. 9, no 3, septembre 1991 |
Titre du numéro | La souveraineté éclatée : les nouveaux cadres de l'action publique - Actes du Quatrième Colloque International Bruxelles - 1 1/12 octobre 1990 - (Deuxième partie) - Mutation des espaces : marché, logiques locales, négociation sociale. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation générale - Romain Laufer p. 1-2
Articles
I - Le marché
- Les professionnels des affaires et la régulation internationale du marché des entreprises - Yves Dezalay p. 7-50 En même temps qu'elle bouleverse profondément le paysage économique européen, la multiplication des OPA transnationales, à l'approche de 1992, remet en cause des prérogatives que les pouvoirs publics considéraient comme essentielles à la mise en œuvre de leur politique économique : la tutelle et la régulation du marché des fusions et acquisitions d'entreprises. Selon les pays, celle-ci s'opérait par des procédures d'agrément plus ou moins discrétionnaires, ou au travers de règles et d'institutions ayant pour objet de préserver la concurrence et d'encadrer le marché financier. Chacun de ces modes de régulation exprimait une conception particulière de l'entreprise et de ses rapports avec l'Etat ; il cristallisait aussi des configurations de rapports de pouvoir entre l'Etat, les financiers et les industriels, façonnées par des histoires nationales. Dans ces conditions, l'émergence de règles communautaires en matière de contrôle de la concentration et d'harmonisation des procédures en matière d'OPA représente un enjeu de pouvoir considérable : chacun des groupes en présence s'efforce d'améliorer ou, du moins, de préserver sur le nouvel échiquier européen les positions que les règles nationales lui garantissaient jusque là. En suivant les stratégies des professionnels du droit des affaires - des clercs qui sont dans la position privilégiée d'être simultanément des marchands et des conseillers du prince et qui contribuent ainsi à la redéfinition des règles sur le marché des M & A où ils vendent leurs conseils- on dispose d'une piste qui permet d'y voir un peu plus clair dans cet emmêlement d'intérêts concurrents qui ne se réduit pas à une lutte d'influence entre pays. Cette piste de recherche offre aussi l'avantage d'éviter les pièges de l'idéalisme ou de l'économisme en soulignant que, si ces experts se font les porte-parole des intérêts de leurs clients, ils oublient d'autant moins les leurs que les deux se confondent souvent. La logique des affrontements professionnels pourrait ainsi se révéler fructueuse pour qui cherche à analyser les rapports entre le droit, l'Etat et le marché, en s'attachant plus particulièrement au processus social et politique de redéfinition des règles du marché dans le nouvel environnement international. La constitution d'un marché -et d'un Etat- supranational passe par l'émergence d'une communauté -et d'un marché- international de clercs.
- Décomposition, recomposition des souverainetés : les politiques de concurrence en Europe - Alain Jeunemaître, Hervé Dumez p. 51-62 Depuis 1945, deux effets parallèles ont entraîné une recomposition de la souveraineté dans le domaine des politiques de concurrence. Le premier a vu un retrait de la sphère proprement politique au profit de l'organisation d'un débat public technique, fondé sur le droit et l'économie. Des institutions indépendantes, au carrefour de l'administration et de la justice, ont reçu mission de traiter les problèmes posés par certains comportements ou certaines structures de marché. La souveraineté s'est trouvée morcelée entre le politique, pas complètement absent, et ces institutions qui, au fil du temps, ont affirmé leur légitimité. Parallèlement, les autorités communautaires, Commission et Cour Européenne de Justice, ont affirmé leur pouvoir en matière de politique de concurrence. Les pouvoirs publics nationaux se sont trouvés contraints par les décisions de Bruxelles, et dessaisis en partie des dossiers les plus importants. La souveraineté s'est déplacée au niveau transnational. L'éclairage donné conduit à s'interroger sur les évolutions futures : le processus de décomposition/recomposition de la souveraineté n'est en effet pas achevé.
- Marché intérieur et mutations structurelles. Rôle de l'acteur public - Fabienne Ilzkovitz p. 63-82 Cette étude montre tout d'abord que les enjeux de 1992 sont de nature différente pour les pays du Nord, plus industrialisés, et les pays du Sud, les moins développés de la CE ; ensuite, elle décrit quelles actions publiques permettent de favoriser certains types d'évolution structurelle dans ces deux ensembles de pays. Pour les pays du Nord, l'impact du marché intérieur dépendra essentiellement des réactions stratégiques des entreprises et, pour favoriser une véritable européanisât ion de celles-ci, il importe à la fois de renforcer la politique de concurrence et de lever les obstacles fiscaux et sociaux subsistant encore aux opérations transfrontalières. Pour les pays du Sud, la levée des barrières non-tarifaires implique davantage des choix de spécialisation sectorielle. Ici, la politique commerciale extérieure influencera les efforts d'ajustement, les fonds structurels en réduiront les coûts et la politique de formation assurera l'adaptation nécessaire de la main d'œuvre à ces ajustements.
- L'option de la communauté européenne en matière culturelle : le cas de la directive relative à l'audiovisuel du 3 octobre 1989 - Corinne Gobin, Pascal Delwit p. 83-112 L'adoption le 3 octobre 1989 par le Conseil des "Affaires Générales" de la directive "Télévision sans frontière" met un terme provisoire au processus institutionnel qui a amené la Commission à entamer un processus législatif en cette matière. Celui-ci débutera par la publication du "livre vert" en 1984 et débouchera sur une proposition de directive en 1986 discutée et amendée durant plus de deux ans. Néanmoins, l'opposition conjuguée des Etats-Unis et de certains Etats membres obligera la Commission de la C.E. à diluer le contenu du texte dans une seconde proposition qui se réfère explicitement à la "Convention sur les programmes télévisuels" adoptée par le Conseil de l'Europe et qui fait fi, notamment, de l'imposition de quotas contraignants dans la diffusion d'oeuvres "communautaires" ou "européennes". A cet égard, la Commission européenne passera outre aux amendements votés par le Parlement européen en mai 1989. Cette situation crée trois échelons de référence -Etat, Conseil de l'Europe, Communauté européenne-entretenant la confusion quant aux lieux de décision et de pouvoir. Elle favorise ainsi simultanément l'immobilisme de l'action publique et l'éclatement de sa souveraineté.
II - Les logiques locales
- Pouvoir local en France : le management mayoral à l'assaut du clientélisme - Alain Faure p. 115-132 Le maire possède en France une position privilégiée sur le plan de la médiation qu'il instaure quotidiennement entre le local et le global, le public et le privé, le sectoriel et le territorial, l'administratif et l'économique, le politique et le civil, etc... Sa vision du monde transparait dans ses positions, et par là-même transparaissent les valeurs dominantes qui régissent le système politique local. Or, depuis une quinzaine d'années, une conception managériale de la dualité public-privé semble parfois supplanter le traditionnel clientélisme notabiliaire des élus locaux pour prendre simultanément la mesure du mouvement de décentralisation et du renouveau du libéralisme. A partir de l'étude d'initiatives soutenues par des maires sur le développement socio-économique et sur la modernisation des services publics, il est possible de distinguer certaines méthodes de gestion (partenariat, gestion de l'offre et de la demande, communication) et valeurs politiques (professionnalisme, administrations d'état-major, citoyenneté politico-économique) qui inscrivent l'intervention publique locale dans de nouveaux espaces de médiation.
- L'action publique urbaine moderniste - Jean-Gustave Padioleau p. 133-143 Cette note de réflexion s'interroge sur l'essor d'un mouvement moderniste du gouvernement des collectivités territoriales : la promotion et la mise en place de démarches stratégiques pour favoriser le développement local et urbain. Ce mouvement de rationalisation promeut de nouvelles catégories de penser et d'agir. Il n'est pas sans soulever des interrogations : la montée d'un pouvoir oligarchique urbain inédit, la tentation de l'évasion institutionnelle. Ces nouveaux phénomènes suggèrent un profond renouveau de l'analyse des politiques publiques.
III - La négociation sociale
- Les syndicats face à la désétatisation dans l'armement - Jeanne Siwek-Pouydesseau p. 147-157 Le régime des monopoles en régie directe était le creuset d'une culture ouvrière d'Etat, telle qu'elle s'est développée dans la Fédération des Travailleurs de l'Etat depuis le début du siècle. Le statut d'Etat était pour eux le garant le plus sûr des droits acquis grâce à l'efficacité de leurs "luttes". A vrai dire, ces avantages furent aussi le fruit de négociations parlementaires ou de circonstances politiques favorables. D'où une idéologie défensive très rigide sur le refus de toute compromission avec la liberté de la concurrence, assimilée aux profits illicites, tout particulièrement immoraux dans l'armement.
- Néo-corporatisme et concertation sociale en Belgique - Bérengère Marques-Pereira, Etienne Arcq p. 159-179 L'étude commence par situer les principaux théoriciens du courant corporatiste par rapport au courant pluraliste, dont ils entendent renouveler la problématique. Les rapports entre l'Etat et les groupes d'intérêt sont redéfinis à la lumière du concept d'échange politique. Deux auteurs belges ayant utilisé les concepts du néo-corporatisme sont analysés, VAN DEN BRANDE reste malgré tout empreint de la vue classique des clivages de STEIN ROKKAN. Selon lui, la Belgique ne connaîtrait un système de pouvoir néo-corporatiste que depuis 1968, même si ses fondements institutionnels ont été mis en place beaucoup plus tôt VANDERSTRAETEN place au premier plan le rôle actif de l'Etat dans l'organisatbn de l'intermediation des intérêts. Il met en lumière, d'une part, les contradictions entre la multiplicité des intérêts à représenter et le monopole de représentation de quelques grands groupes centralisés et, d'autre part, le degré relativement peu élevé d'institutionnalisation de la concertation tripartite. Un réexamen de la succession des différents consensus sociaux basés sur le compromis social-démocrate et à l'œuvre depuis la guerre est ensuite proposé. L'accent est mis sur l'ambiguïté fondamentale de ces consensus et sur la fonction remplie par cette ambiguïté.
- Les acteurs collectifs européens du social à la veille de 1993 : poids et mesures - Janine Goetschy p. 181-196 Alors que l'échéance du grand marché européen se rapproche et que se déroulent les délicates négociations de la conférence inter-gouvemementale sur l'Union économique et monétaire et les réformes institutionnelles, où en sont les acteurs collectifs européens du social ? Nous dressons ici une cartographie des acteurs à la fois politiques (instances communautaires) et sociaux (syndicats, patronats) qui confectionnent les règles sociales au plan européen, en cherchant à dégager leurs forces et faiblesses respectives, la qualité de leurs inter-relations effectives et les stratégies d'alliance en œuvre. L'enjeu social européen a pour particularité de mobiliser des acteurs collectifs multiples aux légitimités fort diverses (citoyenneté démocratique, intérêts nationaux, intérêts corporatistes...), de relever de modes de régulation -lois versus négociation- à la fois complémentaires et rivaux, et surtout d'être sur la sellette des avocats de la subsidiarité. Il ressort de façon globale que des acteurs européens jusque-là peu structurés, ayant peu de pouvoir, se heurtant au refus du transfert de compétences de la part des instances nationales, ont su partiellement transformer certaines de leurs faiblesses en atouts au moyen de jeux d'alliance et à la faveur de l'existence d'un milieu européen. La structuration de ces acteurs, la prise de conscience de leur force et de leurs limites s'ébauchent progressivement et de manière peu spectaculaire à l'occasion du processus complexe, et souvent lent, de production de règles (telles par exemple les directives européennes ou les avis communs du dialogue social). Au-delà de ces ajustements internes à la marge, l'accélération de la construction d'acteurs collectifs européens dépend maintenant étroitement des résultats de la conférence intergouvernementale qui fixeront les nouveaux cadres de l'action.
IV - Table ronde
- Y a-t-il mutation des fondements de l'action publique ? - Françoise Thys-Clement, Jacques Lesourne, Alexis Jacquemin, François Bourricaud p. 199-219
- Note aux auteurs - p. 221-223