Contenu du sommaire : Colombia, tierra de pelea: le(s) conflit(s) au cœur de la société
Revue | Cahiers des Amériques Latines |
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Numéro | no 71, 2012/3 |
Titre du numéro | Colombia, tierra de pelea: le(s) conflit(s) au cœur de la société |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique
- L'émergence : souveraineté, classes moyennes et interdépendance. Réflexions à partir de l'exemple brésilien - Yves Saint-Geours p. 7-13
Dossier
- Colombia, tierra de pelea: le(s) conflit(s) au cœur de la société - Nadège Mazars, Marie-Laure Guilland p. 17-32 L'objectif de ce dossier est de proposer une approche de la Colombie dépassant les problématiques directement liées au conflit armé. Notre volonté n'est pas seulement d'analyser le conflit au travers de ses aspects immédiatement perceptibles (acteurs armés, situations de violence, etc.) mais aussi de considérer les conflits que la société colombienne connaît et qui sont à la fois facteurs et symptômes de la persistance de l'état de guerre dans le pays. Plus de vingt ans après l'adoption d'une nouvelle constitution et la refonte du contrat politique national, quelles sont les raisons de l'échec d'une paix intégrale, en dépit d'un cadre constitutionnel qui l'encourageait? Si des mécanismes de protection d'un certain nombre de droits sociaux et humains ont pu être encouragés, il subsiste dans la société colombienne de profondes situations d'injustice sociale et d'impunité bornant le champ d'exercice de la démocratie colombienne.Pour tenter de répondre à ces questionnements, le dossier s'appuie sur des études de cas concrètes et s'organise autour de quatre axes: l'articulation entre droits constitutionnels et transformation du social; les politiques publiques et leur pratique dans le contexte post-constitutionnel; les enjeux autour de l'exploitation des ressources naturelles, matérielles et immatérielles, du pays; un retour sur le conflit armé sous forme de bilan et perspectives.The purpose of this special issue is to approach Colombia exceeding problematics directly connected to armed conflict. We don't want to analyze the conflict only through these immediately perceptible aspects (armed actors, facts of violence, etc.). We want to consider the conflicts crossing the Colombian society that are both factors and symptoms of a war's state persistence in the country. More than twenty years after a new constitution was adopted and with it the reshaping of politic contract, what are the reasons of the failure of an unabridged peace despite of a constitutional context which encourage it? Number of social and human rights are now protected but many deep situations of social injustice and impunity persist in the Colombian society restricting the sphere of activity for Colombian democracy. This special issue is based on concrete case's studies in order to answer this question. four areas organize it: the structure between constitutional rights and transformation of the social; public policies and their practice in the post-constitutional context; the stakes around the exploitation of country's natural resources, material or immaterial; the armed conflict, state of affairs and perspectives.
- Constitución de 1991, justicia constitucional y cambio democrático: un balance dos décadas después - Rodrigo Uprimny Yepes, Luz María Sánchez Duque p. 33-53 Le présent article dresse un bilan contrasté de la transformation sociale à double voie entreprise par la constitution colombienne de 1991. D'une part, cette constitution fait le pari d'un constitutionalisme fort grâce à la création de la Cour constitutionnelle et de mécanismes juridiques pour la protection des droits. D'autre part le renforcement de la démocratie est également promu à travers l'ouverture du système politique et la consécration de mécanismes de participation. L'article évalue les résultats de ce double pari et montre comment la promesse de transformation s'est parfaitement engagée dans la voie judiciaire, alors que la consolidation de la démocratie est encore une tâche inachevée. Ce texte revient sur l'idée trop souvent énoncée que l'intervention judiciaire affaiblit et restreint la voie de la démocratie. À partir de quatre études de cas emblématiques, il illustre la manière dont la judiciarisation a joué en Colombie et dans de nombreux cas, en faveur et non contre la démocratie. Enfin, après avoir fait ressortir les relations de complémentarité au niveau théorique entre constitutionalisme et démocratie, cet article met en garde contre les risques de voir le projet de transformation constitutionnel retomber fondamentalement dans la voie judiciaire.This article presents an overview of the two-track path towards social transformation undertaken by the Colombian Constitution of 1991. On one hand, this Constitution aimed at a strong constitutionalism through the creation of the Constitutional Court and legal mechanisms for the protection of rights. On the other hand, it proposed a strengthening of democracy through the opening of the political system and the establishment of participation mechanisms. The article evaluates the results of this double aim and shows that the transformative promise was principally carried out by the courts, whereas the consolidation of democracy remains unaccomplished. following this finding, the paper questions the idea that judicial intervention weakens and restricts the path of democracy, based on of four representative cases that illustrate the way the judicialization has played for and not against democratization. However, at the end of the article, the risks posed by the fact that the project of constitutional transformation rests primarily on the courts are pointed out.
- Enjeux et conflits autour de la terre urbaine. Politiques foncières et planification urbaine en Colombie - Alice Beuf p. 55-74 La Colombie a adopté une des législations foncières et de développement urbain les plus innovantes et régulationnistes en Amérique latine – la loi dite de « réforme urbaine ». Perçue comme très ambitieuse dans ses objectifs et dans les outils de planification, de gestion foncière et de financement du développement urbain qu'elle met à disposition des municipalités, la loi 388 de 1997 constitue une déclinaison de la Constitution de 1991 dans le champ urbain. Mais l'application de cette loi rencontre d'importantes résistances, en partie liées aux divergences de conception du droit de propriété. Nous proposons ici d'analyser la mise en œuvre de nouveaux modèles d'aménagements urbains, leurs effets sur les grandes villes colombiennes, ainsi que les évolutions de l'utilisation des instruments prévus par la loi, en relation avec les intérêts conflictuels des acteurs urbains : gouvernement national, municipalités, agents formels et informels de production des espaces urbains, comités de résidents.Colombia adopted one of the law of land and urban development – law of “urban renewal” – the most innovative and regulationists in Latin America. Perceived as ambitious in its goals and planning and land management tools that in its grants municipalities, the Law 388 of 1997 is a decline of the 1991 Constitution in the urban field. But the application of this law is facing strong resistance, in part related to divergent conceptions of property right. The article analyses the implementation of this new model of urban planning and management of urban land, its effects in big Colombian cities, as well as developments in the application of the statutory instruments relating to the conflicting interests of urban actors: national government, municipalities, formal and informal agents of production of urban spaces, residents committees.
- Cultures en conflit(s) ? Peuples indigènes et politiques publiques en Colombie, vingt ans de réflexions - Virginie Laurent p. 75-94 Dans un contexte qui atteste de rapports souvent conflictuels entre État et organisations indigènes en Colombie, les principes ratifiés par la Constitution de 1991 en faveur d'une nation multiethnique et pluriculturelle sont, depuis vingt ans, à l'épreuve de leur traduction en politiques publiques. Cet article propose d'aborder les négociations qui se tissent à cette fin, à partir de deux dimensions : d'une part, la voie institutionnelle ; d'autre part, celle de la mobilisation sociale animée par la contestation.In a context that frequently proves the difficult relationship between the State and the Indigenous organizations in Colombia, the principles in favor of a multiethnic and multicultural nation ratified by the Constitution of 1991 are testing their conversion in public policies for twenty years. This paper proposes an approach to the negotiations led for this purpose by two different dimensions : on the one hand, the institutional way ; and on the other hand, the social mobilization motivated by protest.
- El mito de la ausencia del Estado: la incorporación económica de las “zonas de frontera” en Colombia - Margarita Serje p. 95-117 Les formes économiques – fondamentalement extractives et d'enclave – grâce auxquelles s'intègrent les territoires « marginaux » ou « de frontière » à l'économie nationale ne sont rendues possibles qu'à la condition d'un mythe : celui de « l'absence de l'État ». De fait, en Colombie on tend à expliquer l'exclusion, la pauvreté et la violence de ces régions par leur abandon par l'État. On part du postulat que si l'État avait été présent par l'intermédiaire d'institutions et, surtout, à travers des programmes d'intervention et de développement, la situation dans ces zones serait tout autre : il y aurait paix et prospérité. Ce travail a pour objectif de démystifier la notion d'« absence de l'État », en montrant comment l'État a eu une présence continue qui s'exprime par les actions, les omissions, et les interventions de groupes sociaux concrets qui l'ont incarné historiquement. Les catégories, politiques, territoriales et enfin les formes d'ordre social qui ont été privilégiées pour intégrer ces régions au marché global ont transformé ces localités en espaces d'exception – en zones de tolérance – constituant, contrairement à ce qui est perçu par le sens commun, la présence continue de l'État.Frontiers and marginal territories have historically been incorporated into the nation and of the modern world economy through extractive and enclave economies. These economies have as their main condition of possibility, a myth: that of the “absence of the state”. Exclusion, poverty and violence in these areas are explained in Colombia through the argument of their abandonment by the state, assuming if it had been present through its institutions and its investment and development programmes, the situation would bedifferent; there would be peace and prosperity. The aim of this paper is to demystify the notion of the “absence of the state” by showing how the State has actually had a continuous presence that may be traced through the actions and omissions of the specific social groups that have historically incarnated its institutions. The social categories, policies, territories and, in short, the forms of social order that these groups have privileged to incorporate these regions to global markets have transformed them into spaces of exception constituting thus, contrary to what is perceived in common sense, a continuous presence of the State.
- Indígenas “auténticos” y campesinos “verdes”. Los imperativos identitarios del turismo en Colombia - Marie-Laure Guilland, Diana Ojeda Cet article s'attache à étudier les discours et les pratiques liés au récent développement touristique en Colombie. Il est particulièrement question de comprendre comment les impératifs du marché touristique imposent aux communautés locales de nouvelles exigences identitaires et un rôle social déterminé comme unique alternative économique et de reconnaissance politique viable. En suivant les cas de la Sierra Nevada de Santa Marta, du Parc Tayrona et de Tierradentro nous analysons les tensions et les négociations générées par ces exigences à partir de deux cas : le premier analysant la production d'un sujet indigène authentique, gardien de la nature et le deuxième la production de paysans verts et moralement acceptables. Les réflexions finales mettront en avant les limites du développement touristique comme garant d'une véritable prospérité.This paper examines the discourses and practices of tourism in colombia. It seeks to better understand how the imperatives of the tourist market have translated into particular identity requirements for local communities, as they become their only economic and political alternative. Focusing on the tourist destinations of sierra nevada de santa marta, tayrona natural park and tierradentro archeological park, we explore the tensions and negotiations such requirements have implied in two cases: first, in the production of indigenous peoples as environmental stewards and authentic indigenous peoples; and, second, in the production of green and morally acceptable peasants. We provide some thoughts on tourism's limited capacity to bring prosperity to the communities involved.
- Colombia: dos décadas en los movimientos agrarios - Darío Fajardo Montaña p. 145-168 En Colombie, la répartition de la terre et celle du pouvoir politique ont été des facteurs déterminants du conflit armé. Les processus organisationnels des travailleurs des campagnes se sont développés dans le contexte d'une répression directe exercée par l'État et le paramilitarisme, mais aussi face à d'autres facteurs comme par exemple les divisions internes et l'intervention d'agents extérieurs à ces mouvements. La Constitution de 1991 a ouvert des possibilités d'expression politique pour les peuples originaires et les afro-descendants mais les formes historiques de répression politique et d'exclusion économique contre les travailleurs des campagnes et de la ville n'ont pas été modifiés. La violence associée à l'exclusion a donné lieu à la formation d'organisations guérilleras, à partir d'origines sociales et politiques différentes ; leur enracinement dans un environnement rural qui abrite des ressources pour l'agriculture et l'exploitation minière les a converti en objectifs militaires répondant aux intérêts stratégiques des États-Unis, à partir de l'argument de la participation du pays à l'économie du narcotrafic. L'agriculture exportatrice a été le principal cadre de développement des organisations syndicales agraires ; cependant, face aux difficultés d'insertion de la production nationale dans ces marchés, l'État et les entrepreneurs ont appuyés la détérioration des conditions de travail, à travers l'affaiblissement des organisations de travailleurs. La renaissance des peuples originaires s'est produite dans le cadre de la résistance contre la dépossession de la terre et une bonne partie d'entre eux a établi des alliances avec d'autres organisations autochtones et avec des mouvements paysans, renouvelant et développant leurs discussions avec des organisations syndicales de travailleurs agricoles.Land distribution and political power in Colombia have been central factors of war and the organizational processes of the agricultural workers have developed under direct state repression, affected by internal divisions and by the intervention of external agents. The 1991 Constitution opened possibilities of political expression to indigenous and Afro Colombian peoples but factors of conflict have had no substantial changes. The violence resulted in the formation of guerrilla organizations and by their roots in rural areas that house resources for agriculture and mining become the military objectives within the strategic interests of the United States, arguing the country's participation in the drug economy. Trade unions have developed into export agriculture, but given the difficulty of inserting domestic production in these markets the state and employers have pushed the deterioration of working conditions through the weakening of workers´ organizations. The resistance against spoils brought the revival of indigenous peoples and most of them have established and reinforced alliances with other communities and peasant movements, renewing and broadening its dialogue with unions.
- Situación actual y perspectivas de la guerra interna - Jaime Zuluaga Nieto Depuis soixante ans la Colombie est confrontée à une guerre interne. À la fin du xxe siècle cette guerre s'empire, sa nature et sa dynamique sont affectées par l'expansion et la consolidation de l'économie des organisations criminelles internationales du narcotrafic, par le renforcement du paramilitarisme et par les changements de modèle de développement et de la nouvelle Constitution de 1991. À la fin de ce siècle les guérillas sont à l'offensive, fortifiées militairement mais affaiblies politiquement. Le narcotrafic et le pararmilitarisme ont partiellement coopté l'État et participé à la reconfiguration des pouvoirs économiques et politiques municipaux et départementaux. Au début du siècle suivant le gouvernement, avec l'appui des États-Unis, a restructuré les forces militaires, avancé sur le champ de bataille par de nombreuses initiatives et retourné en sa faveur le rapport de force. Ces avancées ont un coût : une grave crise humanitaire et des droits de l'homme et un traitement inadéquat du paramilitairisme. La guerre se déplace vers les zones marginales et frontières et le gouvernement après avoir mis l'accent sur la sécurité passe à l'économie. C'est dans ce contexte que s'ouvrent les discussions pour la paix avec les Farc-EP dans la perspective d'un accord qui mettrait fin au conflit.Colombia faces a civil war since the sixties. In the late twentieth century war escalated and degraded and its nature and dynamics were affected by the expansion and consolidation of the economy and international drug criminal organizations, strengthening of paramilitary, and changes in the development model and the new Constitution Policy 1991. At the end of the century, guerrilla groups were on the offensive, strengthened militarily but politically weakened, drug trafficking and paramilitary partially co-opted the State and affected the reconfiguration of economic and political power municipal and departmental. Earlier this century the government, with U.S. support, restructured military forces gained the initiative in the field of battle and changed in their favor the balance of power at the cost of a major humanitarian crisis, human rights and inadequate treatment of the paramilitaries. The war displaced marginal and frontier areas and the government changed the emphasis on security to the economy. Under these conditions began peace talks with the Farc-ep in the perspective of an agreement to end the conflict.
- Colombia, tierra de pelea: le(s) conflit(s) au cœur de la société - Nadège Mazars, Marie-Laure Guilland p. 17-32
Lectures
- Capucine Boidin, Guerre et métissage au Paraguay, 2001-1767 - Guillaume Boccara p. 195-201
- Verónica Giménez Béliveau et Silvia Montenegro (dir.), La Triple frontera. Dinámicas culturales y procesos transnacionales - Élodie Brun p. 201-204
- Luis Fernando Angosto Ferrández et Sabine Kradolfer (éd.), Everlasting Countdowns. Race, Ethnicity and National Censuses in Latin American States - Elisabeth Cunin p. 204-207