Contenu du sommaire : La démogéographie en question.

En France, depuis un siècle, la géographie de la population a connu trois périodes dans son développement. Elle apparaît avec E. Levasseur, mais l'orientation sociale qu'il lui avait donnée est déviée par P. Vidal de la Blache dont les préoccupations étaient essentiellement écologistes. Dans l'entre-deux-guerres les travaux des géographes demeurent consacrés à l'écologie humaine et non à la géographie de la population à proprement parler. C'est sous l'impulsion de P. George, à partir de 1950, que reprend le développement des études géographiques sur la population, avec un très net enrichissement des méthodes et une orientation démographique, qui aboutit depuis les années 70 à une multiplication des recherches et à un changement plus radical des méthodes.

La cartographie des phénomènes démographiques a longtemps été retardée par les difficultés à forger un symbolisme qui intègre sur la représentation de la surface terrestre les variations spatiales de données quantitatives. Les premiers essais sont l'œuvre de statisticiens ou de techniciens et restent assez formalistes. Le langage graphique de la démogéographie s'est progressivement constitué avec l'apparition des premières œuvres des géographes de la population.

Un grand nombre de problèmes soulevés à l'heure actuelle en géographie humaine l'avaient été aussi par la morphologie sociale. Le refus évident du débat de la part des géographes vidaliens fait donc problème dans l'histoire de la discipline. Le modèle positif a continué à dominer en géographie tandis que les autres sciences sociales se constituaient en disciplines critiques. Ne faut-il pas exposer la géographie humaine aux critiques des autres sciences sociales pour qu'elle parvienne enfin au statut de science sociale à part entière ?

La recherche française en géographie de la population offre une double singularité : d'une part des publications nombreuses, plus diversifiées que franchement novatrices, bien qu'émergent de nouvelles approches et un souci d'aborder les questions que pose la démographie au temps présent, d'autre part une faible cohésion d'ensemble à laquelle s'ajoutent une grande dispersion des individus et la grande inégalité des moyens dont ils disposent. Un effort de rationalisation et de concertation pourrait être très fructueux.

Les auteurs dressent un tableau de l'enseignement universitaire de la géographie de la population en France à partir d'une enquête à laquelle ont répondu 39 unités d'enseignement et de recherche ou de départements de géographie. La géographie de la population est enseignée à peu près partout en 1er cycle où elle est considérée comme un enseignement de base, souvent assez étroitement associé à une formation en démographie. La poursuite de cet enseignement en 2e et 3e cycles ne concerne que quelques centres peu nombreux.

L'auteur dresse un tableau international de la vitalité de cette discipline et des séries d'influences récentes qui la traversent. La diversité des types de recherches tient surtout à la disponibilité des données, à la formation des géographes de la population, à la diffusion de la géographie appliquée et à l'intérêt porté aux phénomènes culturels.

D. Noin propose, d'après la lecture des ouvrages parus au cours de ces quinze dernières années, une délimitation du « champ d'études de la démogéographie ». En fonction des thèmes étudiés par les différents auteurs, on découvre tantôt une conception large, tantôt étroite de la géographie de la population. Toutefois, en dépassant le niveau du discours, on peut dans la pratique définir un noyau dur de l'analyse démogéographique, formé essentiellement des migrations, des structures démographiques, de la dynamique démographique et de la distribution spatiale de la population. Néanmoins, selon D. Noin, ce qui est peut-être encore plus important que la réflexion sur le champ d'études, c'est l'approfondissement des travaux dans le domaine méthodologique et sur les questions d'actualité.

La géographie de la population se doit tout à la fois d'être conduite suivant l'analyse géographique à propos d'espaces démographiques. Mais il est nécessaire d'intégrer également la dimension sociale des phénomènes de population.

Au sein des sciences humaines, le partage semble particulièrement délicat entre la démogéographie, la géographie sociale et la sociologie. La démarcation ne peut être que partielle tant au niveau des objets que des méthodes bien que l'on s'accorde à reconnaître à la démogéographie l'étude de la répartition des hommes et de leurs rapports à l'espace.

A. Jagielski évalue les conséquences épistémologiques du développement de l'analyse systémique sur l'étude géographique de la population. L'idée de système a profondément influencé le concept de population qui n'est pas conçue comme un agrégat d'individus distincts mais comme une structure complexe engagée dans un processus continu d'équilibrage et d'ajustement mutuel de tous les éléments de l'ensemble considéré

J.P. Renard dégage quelques enseignements d'une dizaine d'années de pratique du traitement quantitatif des données, et de nombreuses lectures faites à ce propos. La question fondamentale qu'il propose à la réflexion de tous les participants au colloque est la suivante : le traitement statistique et informatique des données a-t-il permis au géographe et au démogéographe de progresser nettement dans le domaine méthodologique ? Les analyses factorielle et typologique qui furent le plus souvent utilisées depuis 1970, en France, ont-elles aidé le chercheur à se dégager de la tentation monographique ? Quelle que puisse être la position de chacun à l'égard de ces outils de travail, un fait doit s'imposer à notre jugement : l'utilisation de la statistique et des mathématiques nous a obligés à assurer un va-et-vient constant entre le terrain et les données abstraites. Cet exercice nous a peut-être formés à rechercher un nouvel équilibre entre le cas concret observable et la réflexion théorique qui apparaît de plus en plus indispensable.

P. J. Thumerelle regrette que le géographe français hésite encore à situer ses recherches par rapport aux autres travaux et disciplines, à abandonner même partiellement l'accumulation idiographique et à associer à la pratique du terrain une certaine réflexion théorique. Quels avantages peut-on tirer d'un effort de théorisation ? L'auteur propose un ensemble de remarques et de suggestions : l'explicitation des démarches, l'évaluation de la pertinence des méthodes quant à leur objet, le dépassement de l'empirisme, la généralisation, l'introduction de « l'influence différentielle du milieu selon l'échelle et l'épaisseur temporelle », le développement de l'analyse systémique et de la modélisation, en rappelant que le gros problème est de ne pas substituer une spéculation intellectuelle à la description de la réalité et à sa compréhension...

E. Kolodny fait partager son expérience personnelle de chercheur, ayant travaillé déjà depuis de nombreuses années dans le monde méditerranéen. L'auteur pose les problèmes de l'accès aux sources d'information, parfois défaillantes, voire même absentes ou incomplètes, de leur collecte, puis de leur utilisation. Selon lui, il est quelque peu paradoxal de mettre au point des outils et des techniques de traitement statistique et informatique très sophistiqués alors que nous n'avons souvent aucune garantie de fiabilité du chiffre. Enfin il rappelle à notre attention un fait que l'on serait tenté d'oublier à cause de la « sirène » informatique, c'est-à-dire l'inquantifiable qui fait toujours partie de la vie de l'homme.

Présentation méthodologique d'une recherche de géographie sociale sur la mobilité d'une génération de Parisiens arrivés à la retraite au début des années soixante dix. Les thèmes successivement abordés sont ceux du départ de la province, de l'arrivée à Paris et des comportements de ces migrants à l'âge de la retraite.

Les comportements démographiques de l'immigration étrangère doivent être interprétés en tenant compte de l'origine culturelle, des caractéristiques socio-économiques et de l'ancienneté d'implantation en France des populations immigrées. L'approche géographique de l'immigration doit également saisir avec précision les modalités de répartition et d'insertion sociale des étrangers dans les milieux d'accueil afin d'apprécier de façon critique les notions de seuil de tolérance, de ségrégation ou d'intégration.

Présentation des sources statistiques et de leur traitement cartographique à propos d'une recherche menée dans le département du Maine-et-Loire sur les rapports entre la taille des familles et leur composition sociale. L'examen des répartitions spatiales appelle des recherches plus approfondies sur les structures socio-professionnelles des populations ainsi que sur leurs comportements démographiques.