Contenu du sommaire : Jus et le Code civil

Revue Droit et cultures Mir@bel
Numéro no 48, octobre 2004
Titre du numéro Jus et le Code civil
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Jus et le Code civil

    •  Jus ou la cuisine romaine de la norme - Robert Jacob p. 11-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'étymologie du mot latin jus, le droit, est de longtemps un problème controversé et les solutions qui ont été proposées jusqu'ici comportent toutes certaines difficultés. Cette étude explore une voie nouvelle. Le latin comportait un autre mot ius (le jus, la sauce, le bouillon), correspondant à une désignation des jus de cuisson commune à tout l'espace indo-européen. Nous avançons que le ius1 des dictionnaires (le droit) s'est en réalité formé sur le ius2 (le jus) par une métaphore caractéristique de la pensée symbolique. Le développement de cette thèse repose d'une part sur l'anthropologie de la parole normative, d'autre part sur l'analyse des correspondances entre deux systèmes symboliques : celui de l'ordre juridique et celui du sacrifice. Il conduit à jeter un regard neuf sur les origines du droit romain, le ius quiritium apparaissant comme le produit d'un serment collectif lié à la commensalité sacrificielle de la communauté des jureurs.
      The etymology of the Latin word jus (law) has long been controversial, and no satisfactory solution has yet been proposed. A new approach is explored herein. Latin had another word ius referring to cooking (juice, sauce), a common term in Indo‑European languages. The ius (law) in dictionaries was, it is argued, formed out of the second ius through a metaphor characteristic of symbolic thought. This argument is based on the anthropology of normative language and on an analysis of correspondences between two symbolic systems – the legal and sacrificial. It sheds new light on the origins of Roman law; ius quiritium is seen as deriving from the swearing of a collective oath in the context of a sacrifice.
    • Portalis et la prohibition de l'inceste - Gérard Courtois p. 63-75 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1803, dans son discours de présentation des articles 161 à 164 du futur Code civil, Portalis justifie sur le plan théorique la prohibition de l'inceste. Ses raisons viennent pour l'essentiel de l'Ecole du droit naturel moderne et tout particulièrement de Grotius et Puffendorf. A la différence de Lévi-Strauss la prohibition lui paraît répondre à une nécessité interne à la famille. L'article suit l'argumentation de Portalis en l'éclairant par les théories anthropologiques actuelles.
      In 1803, during a speech presenting articles 161-164 of France's future Civil Code, Portalis theoretically justified the incest taboo. He drew his arguments mainly from the modern school of natural law, in particular Grotius and Pufendorf. Unlike in Lévi‑Strauss's thought, this prohibition was seen as a necessity within the family. Portalis' argumentation is set in the light of current anthropological theories.
    • « Laissons à l'homme les défauts qui tiennent à sa nature… ». Retour sur l'anthropologie des rédacteurs du Code civil des Français - Jean-François Niort p. 77-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir souligné la dimension fondamentalement politique de l'anthropologie des rédacteurs du Code civil de 1804, bâtie sur une idéologie orientée vers le traditionalisme et le monarchisme, mais qui ne revient pas pour autant sur tous les principes de 1789, on étudie l'anthropologie de l'homo civilis selon les codificateurs, empreinte de réaction à la fois contre l'optimisme des Lumières sur ce plan et contre le matérialisme philosophique, mais non exempte de libéralisme, bien que l'anthropologie juridique des principaux rédacteurs soit différente de la vision qu'en offrent les interprétations dominantes actuelles.
      Though based on an ideology turned toward traditionalism and monarchism, anthropological studies of the authors of the 1804 Civil Code in France did not give up the principles introduced by the French Revolution. After drawing attention to the fundamentally political dimension of these studies, focus shifts to the way these authors saw homo civilis. Their anthropological view of civilized mankind was a reaction to both the optimism of the Enlightenment and philosophical materialism, but it did not lack liberalism. The study from the viewpoint of legal anthropology of the major authors of this Civil Code provides a quite different view than the one coming from prevailing interpretations.
    • La réception mitigée des codifications napoléoniennes en Iran (1911-1935) - Soudabeh Marin p. 107-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le processus de modernisation des institutions judiciaires en Iran durant la première moitié du XXe siècle s'accompagne d'une adaptation des différents « Codes Napoléon » aux nouveaux besoins d'un pays, désormais tiraillé entre tradition et modernité. La tension constante entre les éléments conservateurs et réformistes au sein des différentes commissions chargées d'élaborer successivement les codes, se reflètera non seulement sur les textes et sur l'organisation même de la justice, mais aussi sur la société tout entière.
      The modernization of Iranian legal institutions during the first half of the 20th century involved adapting various new “Napoleonic codes” to the needs of a country torn between tradition and modernity. The constant tensions between conservatives and reformers in the many successive committees working on these law codes had an impact not only on the texts and organization of justice but also on society as a whole.
    • Code et codification : du civil à l'incivil - Geneviève Koubi p. 133-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Code civil n'est plus imprégné du même esprit que celui de 1804 ; la lecture du Code civil de 2004 ne peut plus être guidée par les mêmes principes. La stabilité du Code civil, sa constance et sa permanence qui l'instituaient en modèle sont désormais des mystifications. Marque d'un « régime de droit », aucun code n'est porteur d'innovations fondamentales : un code, par cela même qu'il codifie, fixe le droit, immobilise l'action, arrête le temps. La fonction conservatrice des codes est indispensable à la stabilité du corps politique alors qu'il bride les aspirations de la société civile. Soulignant cette séparation entre vie politique et corps social, l'adjectif « civil » s'éloigne du civisme pour renouer avec la civilité. Et les sentiments s'insinuent dans le discours du droit. Codifier, revient donc à la fois à civiliser, déciviliser, inciviliser…
      Since the spirit of the 2004 French Civil Code differs from the one instituted in 1804, principles for interpreting the new code can no longer be the same. The code's stability, constancy and permanence, which made it a model, are now mystifications. As a signal of the “rule of law”, a law code does not introduce fundamental innovations. Owing to the very fact that it codifies, it lays down the law, freezes actions and stops time. This conservative function is indispensable for the stability of political formations ; and it bridles civil society's aspirations. Emphasizing this separation between politics and society, the adjective “civil” draws closer to civility than the civic spirit. Since feelings creep into legal speech, codifying amounts to civilizing, “decivilizing”, “incivilizing”.
  • Études

    • La vengeance de sang dans un quartier d'Alep : entre justice privée et justice d'Etat - Jacques Hivernel p. 147-166 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article, qui a pour objet les faits de vengeance dans le quartier d'Alep de Bâb al-Nayrab, en Syrie, est l'occasion de revenir sur la problématique vindicatoire. A partir d'un éclairage particulier et local, il tente de dresser un bilan des permanences et des changements qui ont affecté ce phénomène. La société syrienne, où coexistent plusieurs niveaux de droit, se caractérise par une législation croisée. L'étude aborde la place assignée en Syrie à la « justice privée » - officiellement niée – et à ses diverses instances de médiation. Elle examine les rapports entretenus par cette dernière avec l'appareil d'Etat et la justice officielle, analyse le jeu interactif entre ces deux entités et montre comment s'effectue le partage des rôles et des tâches. L'évolution récente du quartier de Bâb al-Nayrab a été marquée par un fort développement d'une économie informelle dont les parcours sont axés sur la mondialité. Les phénomènes de régulation, de médiation et de contrôle rendent possible ces mobilités internationales et préservent l'équilibre fragile du quartier et des « affaires » qui s'y traitent. Pourtant, cet équilibre est menacé sporadiquement par des forces contraires basées sur la compétition pour le contrôle du territoire et du pouvoir, et l'élimination des rivaux. Nous assistons, alors, à un dérèglement du système vindicatoire qui sert de révélateur de l'éclatement des groupes, soigneusement occulté habituellement.
      This study of retaliation in Bâb al-Nayrab, a neighborhood in Aleppo, Syria, provides a view of a local community and assesses the constant and variable factors in the phenomenon of vengeance. In Syrian society, the judicial system has several levels of law characterized by “cross‑legislation”. What place is given to “private” justice, which is officially denied, and its forms of mediation ? The ways this private justice interacts with the state and its judiciary are described ; and the interplay between these two is analyzed so as to shed light on how roles and tasks are distributed between them. Recently, an underground economy turned toward globalization has cropped up in Bâb al-Nayrab. Factors such as regulation, mediation and monitoring have made this international mobility possible, and they safeguard the delicate balance in the neighborhood and in “business” transactions. Competing, adverse forces sporadically threaten this balance as they seek to win territory or power and to eliminate rivals. In this case, the retaliatory system no longer provides regulation ; and groups visibly split – a fact usually carefully concealed.
    • Le droit et la coutume dans l'Afrique contemporaine - Jean-Pierre Magnant p. 167-192 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La coutume n'est pas ethnique : elle est territoriale. L'étranger peut-il connaître la coutume ? Peut-il intervenir sur (améliorer, modifier…) la coutume ? Peut-on remplacer une « mauvaise » coutume locale par du « bon » droit européen, attitude partagée par tous les acteurs impliqués dans les questions de développement ? Quel est l'intérêt de la rédaction des coutumes ? En dehors des questions de développement, l'intérêt est limité : la recherche d'une certaine unité du Droit est incompatible avec la diversité des adaptations de l'homme à son environnement.
       “Customs” must not be confused with “customary law” in Africa. The latter was a European construct for maintaining order in the colonies. It was not at all an ethnological term describing the state of local law. In contrast with the proliferation of customs, “customary law” during the colonial era was often restricted to cases of premeditated assault and battery, theft, and intoxication in a public place. Whereas customary law is usually seen as a subject for history (as the study of ancient, even archaic laws), customs, far from belonging to a long-gone past, are alive, and are being continually adapted and updated. They do not form a closed set of intangible rules known by specialists. Nor do they form a set of speculations about “what would happen if”. Applying a custom means finding the answer to a concrete problem when it crops up. Customs are what are “done” here and now. There are as many aspects to them as there are adaptations to the environment. Customs are not ethnic; they are territorial. Can foreigners know them? Can they make improvements or modifications in them? Can a “bad” local custom be replaced with a “good” European law, as parties working in the field of development think? What is the purpose of setting customs down in writing? The quest for a unity of law is incompatible with the diversity of human adaptations to the environment.
    • Orientaux sans Orient. Une limite du mythe de Croisade - François Billacois p. 193-202 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La fascination volontiers conquérante que les occidentaux éprouvent pour l'Orient (du XIe au XXIe siècle) n'a pas d'équivalent dans les sociétés orientales (ni envers l'Occident ni envers l'Extrême-orient). Les orientaux perçoivent mal et tard les motivations idéologiques des croisades, puis des entreprises coloniales, missionnaires et humanitaires dont ils ont été l'objet. Ils y répondent non par des contre-croisades, mais par un rejet farouchement identitaire. Ennemis nullement « complémentaires », ils s'appuient sur une représentation de l'espace comme irradiant à partir du centre sacré qu'ils occupent, alors que les occidentaux s'appuient sur la représentation d'un espace polarisé, voire écartelé entre points cardinaux opposés.
      The deliberately conquering fascination that Westerners had for the Orient from the 11th to the 19th century had, in Mid-Eastern societies, no equivalent either toward the West or toward the Far East. Mid-Easterners perceived, poorly and belatedly, the ideological motivations underlying the Crusades, colonization and the missionary and humanitarian work conducted in their lands. They reacted not with counter-Crusades but by a rejection based on a very strong sense of identity. Not at all “complementary” enemies, these people understand space as radiating from a sacred center that they occupy, whereas Westerners see space as being polarized, even split, between opposite cardinal points.
  • Positions de thèse

  • Comptes rendus

  • Varia