Contenu du sommaire : Actualités du droit musulman : genre, filiation et bioéthique
Revue | Droit et cultures |
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Numéro | no 59, juin 2010 |
Titre du numéro | Actualités du droit musulman : genre, filiation et bioéthique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le droit musulman en pratique : genre, filiation et bioéthique - Corinne Fortier p. 15-40 Les modifications récentes des Codes de statut personnel ou pénal de certains pays musulmans qui touchent en particulier au mariage, au divorce, à l'adultère et aux crimes d'honneur réinterrogent les notions fondamentales que sont la dot, le lien conjugal, l'autorité des hommes, le contrôle de la sexualité des femmes. De plus, les réformes législatives liées à « l'adoption », aux procréations médicalement assistées, au désaveu et à la reconnaissance de paternité, à l'usage de tests ADN, font apparaître le rapport du biologique et du social dans la détermination de la filiation en islam. Par ailleurs, les nouvelles questions de bioéthique comme la contraception, l'avortement, ou encore le don d'organes, ont amené les juristes musulmans à émettre des avis juridiques (fatâwâ) sur ces questions inédites en puisant leurs réponses dans l'esprit des textes de droit musulman classique. Le droit musulman (fiqh) loin d'être intangible et immuable, comme on a tendance à le penser, se situe dans une dynamique pragmatique et évolutive permanente ainsi que le montre la diversité des avis juridiques produits par les juristes musulmans sur des questions sans cesse renouvelées.Recent modifications of personal status and of penal codes in some Muslim countries question fundamental patriarchal ideas and practices about marriage such as bridewealth, conjugal relations, male authority and sexual control of women. These modifications specifically concern weddings, divorce, adultery, and honor crimes. Furthermore, legislative reforms connected to «adoption», medically assistedprocreation, denial or recognition of paternity, use of genetic tests, illustrate the relation of biological and social in the determination of filiation in Islam. Besides, new questions of bioethics such as contraception, abortion, or organ donation, have led Muslim jurists to express legal opinions (fatâwâ) on these new questions while referring their interpretations to classic Islamic texts of jurisprudence. Islamic jurisprudence (fiqh) far from being inviolable and unchanging as is often assumedis continually undergoing changes, as a pragmatic response to contemporary challenges. This is made evident by thediversity of legal opinions produced by Muslim jurists on issues that are ceaselessly re-emerging before the scene.
Divorces au masculin et au féminin
- Le mariage et le divorce dans le Code marocain de la famille. Le nouveau droit à l'égalité entre l'homme et la femme - Edwige Rude-Antoine p. 43-57 L'auteur se propose de faire une analyse de la dernière réforme du Code marocain de la famille. Elle rappelle que le droit familial marocain est lié aux textes sacrés et porte une attention plus particulière aux nouvelles dispositions relatives au mariage et au divorce. Elle s'interroge sur la volonté d'instaurer un droit familial plus égalitaire entre l'homme et la femme.The author proposes to analyze the most recent reform of Morocco's family Code. She reminds us that Moroccan family law relies on sacred texts. She gives particular attention to new rulings regarding marriage and divorce, examining the prospects for a family law that is more egalitarian with respect to men and women.
- Le droit au divorce des femmes (khul‘) en islam : pratiques différentielles en Mauritanie et en Égypte - Corinne Fortier p. 59-83 Le droit au divorce des femmes ou khul‘, bien que généralement moins connu et moins pratiqué par les sociétés musulmanes que la répudiation, figure dans les textes législatifs islamiques. Dans le droit musulman, l'épouse peut racheter la liberté qu'elle a aliénée à son époux en échange de la compensation matrimoniale, ce qui témoigne en creux du rôle de la dot qui autorise socialement et légalement l'homme à prendre possession du corps féminin. Connu et pratiqué depuis des siècles dans la société maure, qui se réfère dans sa pratique juridique aux traités de droit malékite anciens et récemment au Code de statut personnel de 2001, le divorce féminin n'a pas la connotation subversive qu'il a en Égypte depuis que le nouveau Code de statut personnel de 2000 donne aux femmes le droit de divorcer sans que l'accord de leur mari ne soit nécessaire. Cette recherche comparée du divorce féminin en Mauritanie et en Égypte montre que chaque société fait un usage différentiel du droit musulman, usage qui s'explique, entre autres, par le degré de connaissance de ce corpus juridique ainsi que par la configuration spécifique des rapports sociaux de sexe et de parenté.The right to divorce available through women's own initiatives, or khul‘, although generally less known and less practiced by Muslim societies than repudiation, is clearly elaborated in Islamic jurisprudence. By khul‘, the wife can regain the freedom which she had surrendered to her husband's authority by reimbursing his marital compensation of gifts given to her and her family at the time of betrothal and wedding. This legal process for divorce testifies implicitly to the role of bridewealth as that which secures the man with social, legal and symbolic authority to possess the female body. Women's divorce has been known and practiced for centuries in Moorish society of Mauritania which refers in its legal practice to treaties of ancient maliki jurisprudence and recently to the Code of personal status of 2001. Therefore, women's divorce does not have the subversive connotation that it has recently acquired in Egypt since the new Code of personal status of 2000 gave women the right to divorce without the agreement of her husband. This comparative research about women's divorce in Mauritania and in Egypt shows that each society makes differential usage of Islamic jurisprudence. This usage can be explained by many factors, especially, by the degree of knowledge of this Sunni legal corpus, as well as the specific kinship and gender relations of each society.
- Le mariage et le divorce dans le Code marocain de la famille. Le nouveau droit à l'égalité entre l'homme et la femme - Edwige Rude-Antoine p. 43-57
Pluralisme religieux
- Contexte de la réforme du Code de la famille au Sénégal - Penda Mbow p. 87-96 Durant les années 1990, un groupe d'intellectuels sénégalais a proposé la promotion d'un Code de statut personnel et l'abrogation du Code de la famille voté en 1973. L'objectif des membres de ce groupe était de subvertir l'orientation politique du Sénégal en utilisant le débat sur le Code de la famille et sur le statut des femmes. On ne peut comprendre ce phénomène sans explorer la relation entre islam et politique sur le long terme, et en particulier la question de la démocratie dans les sociétés musulmanes et dans la pensée politique islamique. Il est aussi important de comprendre les droits et le statut des femmes du point de vue du discours islamique.During the 1990's, a group of Senegalese intellectuals proposed a new Code of the Status of the Person and the abrogation of the Family Code that had been in effect since 1973. The group's objective was to change the political direction of Senegal by means of a debate over the Family Code and the status of women. Understanding this situation calls for examination of the relationship between Islam and politics over the longer term – and especially the relationship between the democracy question in Muslim countries and in Muslim political thought. It is also important to understand women's rights and the status of women as constituted in Islamic discourse.
- Secular States, Muslim Law and Islamic Religious Culture: Gender Implications of Legal Struggles in Hybrid Legal Systems in Contemporary West Africa - Barbara M. Cooper p. 97-120 Cet article expose les différentes approches de trois États ouest-africains que sont le Niger, le Sénégal et le Nigeria en vue de concilier les divers systèmes juridiques (islamique, occidental, militaire) dont ils ont hérité en tant qu'États ostensiblement laïques dans des régions majoritairement musulmanes. Si le Sénégal a adopté un Code de la famille qui paraît modifier et réglementer les dites injustices du droit musulman dans la vie de famille, un certain nombre d'États du Nigéria sont allés en sens inverse, en élargissant le droit islamique au-delà du droit de la famille en l'étendant au domaine pénal. Au Niger, d'autre part, plusieurs systèmes de droit coexistent de manière précaire, sans hiérarchie réelle et sans aboutir à la résolution définitive des conflits juridiques. Dans les trois cas, l'État n'a ni la capacité d'appliquer efficacement un système juridique unitaire et cohérent, ni ne réussit à contrôler la « justice » qui a lieu si souvent dans des milieux extra-légaux. Partout en Afrique de l'Ouest, les partisans des réformes juridiques affrontent deux épreuves : la faible capacité de l'État à imposer un système juridique unitaire, et la coercition des groupes de pression qui maîtrisent mal la tradition juridique islamique dans une atmosphère chargée d'un discours sur le retour à une certaine « pureté islamique ».This article sets out the differing approaches of three West African states (Niger, Senegal, and Nigeria) towards reconciling the multiple legal systems (Islamic, western, military) they have inherited as ostensibly secular states in regions with prominent Muslim populations. While Senegal has adopted a Family Code that appears to modify and regulate some of the perceived injustices of Islamic law in family life, a number of states within Nigeria have gone in the opposite direction, expanding Islamic law beyond family law into the criminal domain. In Niger, on the other hand, multiple systems of law co-exist uneasily, without any effective hierarchy or definitive conclusion to legal disputes carried into different legal domains. In all three cases the state does not have the capacity to effectively enforce a single coherent legal system, nor does it succeed in controlling the «justice» that so commonly occurs in extra-legal settings. Throughout West Africa legal reform must contend with the dual problems of weak state capacity to impose a unified legal system and of the vigilantism of pressure groups that may have limited mastery of the Islamic juridical tradition in an atmosphere that is nevertheless heavy with the rhetoric of a return to Islamic purity.
- Actualités du statut personnel des communautés musulmanes au Liban - Alexa Moukarzel Héchaime p. 121-164 Les musulmans du Liban, appartenant à trois courants de l'islam, sunnite, shiite et druze, appliquent au mariage et à ses effets, notamment le divorce, la filiation, l'adoption, et les successions, des solutions du droit musulman dégagées par des tribunaux communautaires propres à chacune des communautés. Le droit musulman dont les sources se retrouvent principalement, mais pas seulement, dans le Coran, reçoit en matière de statut personnel des applications diverses selon les différentes écoles de l'islam. Mis à l'épreuve de la cohabitation avec des lois d'origine séculière et du contrôle d'un État religieusement neutre, le droit musulman tel qu'appliqué aujourd'hui au Liban a-t-il subi une transformation qui prenne en compte les acquis sociaux actuels, notamment quand il s'agit du statut de la femme et de la filiation ?Lebanese Muslims belong one of three branches of Islam (Sunni, Shi'a and Druze). Tribunals apply Islamic law according to their respective community associations with regard to marriage and related questions (notably divorce, filiation, adoption, and succession). The sources of Islamic law are found mainly but not exclusively in the Q'uran; with regard to matters of personal status, Islamic law also draws on diverse applications from the various schools of Islam. Tested by living alongside laws of secular origin and the authority of a religiously neutral state, has Islamic law – as currently applied in Lebanon – undergone a transformation that takes into account social gains, particularly regarding the status of women and issues of filiation?
- Contexte de la réforme du Code de la famille au Sénégal - Penda Mbow p. 87-96
Peines d'adultères (zinâ)
- Régulation juridique et sociale de la criminalité liée à « l'honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés - Nisrin Abu Amara p. 167-190 La question de la criminalité faite aux femmes, objet d'une attention médiatique internationale accrue depuis la fin du XXe siècle, suscite un débat juridique, social et médiatique au Moyen-Orient. Dans cet article est proposée une analyse du débat politique actuel sur ce sujet en Jordanie et dans les territoires palestiniens. Nous verrons que ces évolutions provoquent des polémiques dans lesquelles s'affrontent les activistes en faveur des droits des femmes et les membres conservateurs, généralement hostiles à cette cause. Les différentes initiatives, aidées par une solidarité régionale grandissante et des financements de l'étranger, ont mené à de véritables changements dans ce domaine, par exemple, la loi pour la prévention des violences familiales votée en janvier 2008 par le Parlement jordanien. Néanmoins, la régulation juridique discriminatoire de la sexualité et de la criminalité faite aux femmes continue à privilégier une vision inégalitaire des rapports hommes-femmes au sein du couple et de la famille.The question of crimes against women – the focus of international media attention since the end of the twentieth century – has given rise to legal, social and media debate across the Middle East. This article offers an analysis of the current political debate on this subject in Jordan and in the Palestinian territories. We shall see that these developments have provoked polemics – pitting activists in support of women's rights against conservatives, who are generally hostile on this question. Various initiatives, aided by growing regional solidarity and foreign funding, have yielded real changes – for example, Jordan's law for the prevention of family violence, passed by the parliament in January, 2008. Nevertheless, discriminatory regulation of sexuality and of crimes against women continues to privilege a vision of inequality with regard to relationships between men and women as couples and within the family.
- The Protection of Women (Criminal Laws Amendment) Act, 2006 in Pakistan - Rubya Mehdi p. 191-206 L'article traite des lois pénales sur le viol, l'adultère et la fornication édictées en 1979 au Pakistan. Cependant, un changement a été apporté inversant le processus dit « d'islamisation de la loi pénale » par la loi dite de « protection des femmes » de 2006. Cette législation ne s'est attachée qu'à quelques aspects de l'injustice et de la discrimination subie par les femmes. Une analyse critique de « la loi de protection des femmes » montre que de nombreuses réformes furent écartées dans le compromis opéré entre les partis religieux et les partis politiques conservateurs au Pakistan.This article addresses the 1979 criminal law of Pakistan dealing with rape, adultery and fornication. In 2006, the “law for the protection of women” [amending the 1979 law] was said to invert the process known as “the islamization of penal law”; however, this legislation bears on only certain aspects of injustices and discrimination suffered by women. A critical analysis of “the law for the protection of women” shows that numerous reforms were set aside in the compromise effected between Pakistan's religious parties and the conservative political parties.
- Régulation juridique et sociale de la criminalité liée à « l'honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés - Nisrin Abu Amara p. 167-190
Conflits de lois en France
- Le sort des répudiations musulmanes dans l'ordre juridique français. Droit et idéologie(s) - Marie-Claude Najm p. 209-229 Mode de dissolution du mariage exclusivement tributaire de la volonté unilatérale du mari, la répudiation islamique heurte le principe d'égalité des époux qui fait partie des valeurs fondamentales du droit français. Quel est alors le sort réservé, dans l'ordre juridique français, aux répudiations prononcées à l'étranger en application du droit musulman ? À cet égard, l'évolution de la jurisprudence française au cours des trente dernières années révèle un durcissement des exigences de l'ordre public, au terme d'un parcours erratique oscillant entre la reconnaissance et le rejet. Cette évolution en dents de scie qui semble aujourd'hui stabilisée n'est pas réellement surprenante, tant les impératifs en jeu sont délicats à mettre en œuvre. En effet, l'accueil réservé à la répudiation de droit musulman en France dévoile, au-delà de la technique juridique, un double conflit de valeurs. Sur le terrain du droit international privé, il met en lumière le tiraillement entre deux impératifs : celui de préserver la cohésion et les valeurs de l'ordre juridique français d'une part, celui de favoriser l'harmonie internationale des solutions d'autre part. Ensuite et surtout, sur un terrain proprement idéologique, la question touche à la conception même que l'on se fait des droits de l'homme dans les relations entre systèmes juridiques de traditions culturelles différentes ; elle oppose alors les tenants du relativisme culturel à ceux qui prônent la vocation des droits de l'homme à l'universalité.A form of marriage dissolution initiated exclusively and unilaterally by the husband, Islamic repudiation tests the principle of equality between spouses that figures among the fundamental values of French law. What status does French law accord repudiations pronounced abroad under Islamic law? The development of French jurisprudence on this question over the past thirty years shows a consolidation around the exigencies of public policy, following an erratic course of pendulum swings between recognition and rejection. That the jurisprudence has apparently now stabilized in this way is not surprising, even if intricate questions remain from a practical standpoint. Beyond legal technicalities, the reception accorded Muslim repudiation in France reveals a double conflict of values. In the field of private international law, it illuminates the tension between two priorities: on the one hand, the cohesion and values of French law, and on the other hand, the international harmonization of legal outcomes. In ideological terms, the question touches on the very concept of human rights and its status between different legal systems and cultural traditions – accordingly, dividing advocates of cultural relativism from those who defend human rights as universal.
- La réception en droit français des institutions familiales de droit musulman : vertus et faiblesses d'un compromis - Laurence Brunet p. 231-251 Le propos de cette étude est de tenter de dégager le degré d'accueil du droit français à l'égard de pratiques et de normes musulmanes stigmatisées dans la société française. Le sort en France de quatre institutions familiales est ici envisagé : le mariage polygamique, la répudiation, l'interdiction de l'établissement forcé de la filiation hors mariage, l'interdiction de l'adoption. Le problème se pose devant les tribunaux français lorsqu'il s'agit de faire reconnaître en France une situation constituée à l'étranger. Ainsi du mariage polygamique, célébré dans un pays musulman, d'un homme qui ensuite a vécu et est décédé en France, ou encore de la répudiation prononcée au Maroc ou en Algérie d'une femme musulmane qui vit en France. La question est similaire lorsqu'il s'agit de faire établir la filiation d'un enfant qui, en vertu des règles de son statut de droit musulman, ne peut faire établir sa paternité hors mariage en justice ou être adopté par un individu français. Au stade de la réception de ces institutions musulmanes en France, c'est la question de leur conformité à l'ordre public international français qui est déterminante. En effet le mécanisme de l'ordre public international français fixe le seuil à partir duquel l'institution étrangère est rejetée. La position des juges est marquée par le souci de n'écarter l'application des règles étrangères qu'aux situations qui ont des liens étroits avec le territoire français. Cette conception « proximiste » de l'ordre public milite en faveur d'une approche relativiste des divergences entre les systèmes juridiques. Le compromis ainsi atteint présente l'avantage de la modération mais il peut aussi aboutir à un traitement discriminatoire de certains enfants laissés sans filiation. L'enfant abandonné dans un pays musulman et recueilli par un couple français ne peut en effet bénéficier d'un statut familial protecteur en France.The aim of this study is to assess the extent to which French law recognizes Muslim norms and practices that are widely stigmatized in French society. The article focuses on four family institutions and their reception in France: polygamous marriage, repudiation, the ban on establishing filiation outside of marriage, and the ban on adoption. The problem arises for French tribunals when they are confronted with situations that originated abroad. For example, a man may have married polygamously in a Muslim country, subsequently living and dying in France. Or a Muslim woman living in France may have been repudiated in Morocco or in Algeria. Similarly, a matter may involve a child who, by virtue of the rules affecting his or her status under Islamic law, may not establish filiation outside of a legal marriage, or be eligible for adoption by a French person. The criterion for the reception of these Islamic institutions in France is their conformity with French international public policy. In effect this policy sets the threshold for accepting or rejecting foreign institutions. The position of judges is marked by their concern to limit the rejection of foreign rules to those situations in which there are direct ties to French territory. This “proximist” concept of public policy militates in favor of a relativistic approach to differences between legal systems. The compromise attained in this way offers the advantage of moderation but it may also result in the discriminatory treatment of certain children left without filiation. A child left without parents in a Muslim country and taken into guardianship by a French couple cannot currently benefit from the full protective status of the family under French law.
- Le sort des répudiations musulmanes dans l'ordre juridique français. Droit et idéologie(s) - Marie-Claude Najm p. 209-229
Une forme d'adoption sans filiation : la kafâla
- La filiation légitime à l'épreuve des mutations sociales au Maghreb - Émilie Barraud p. 255-282 Dans un contexte de globalisation, où se diffusent et s'imposent des normes et des valeurs définies comme occidentales, le droit de la famille dans les pays d'Afrique du Nord, bien qu'apparaissant être le domaine le moins affecté par le processus de normalisation juridique, a connu ces dernières années d'importantes révisions. Cet article propose un examen de quelques-unes de ces récentes modifications législatives qui répondent à de nouvelles nécessités sociales tout en remettant en question les visions traditionnelles de la filiation, posant la question d'une redéfinition sociale et juridique de celle-ci. Dans un premier temps, l'intérêt est porté sur les choix des législateurs algériens, marocains et tunisiens concernant les techniques scientifiques pour établir ou contester la filiation, également en matière de procréation médicalement assistée et de filiation adoptive. Dans un deuxième temps, il s'agit de porter un éclairage sur le traitement politico-social de l'enfance illégitime et abandonnée, sur les efforts législatifs consentis par les autorités algériennes et marocaines, contraintes, par l'ampleur du phénomène, de reconnaître cette catégorie sociale, jusqu'ici invisible et frappée d'ostracisme, sans toutefois porter atteinte au système admis et à la morale.In the context of globalization – which diffuses and imposes norms and values defined as western – family law in North African countries might seem to be the domain least affected by the process of judicial normalization, but in fact this is an area that has seen important revisions in recent years. This article examines some recent legislative changes that respond to new social needs while also calling into question traditional understandings of filiation – raising the question of a social and legal redefinition of this issue. On one level, this question points to the choices of Algerian, Moroccan and Tunisian legislators with regard to scientific techniques for establishing or contesting filiation, as well as in relation to medically assisted procreation and adoption. On another level, it sheds light on the politico-social treatment of illegitimate and abandoned children, on legislative efforts supported by Algerian and Moroccan authorities – who are constrained by the extent of the phenomenon to recognize this social category (until now invisible and hindered by ostracism) yet without addressing the underlying legal and moral issues.
- La Kafâla ou recueil légal des mineurs en droit musulman : une adoption sans filiation - Marie-Christine Le Boursicot p. 283-302 1La kafâla ou recueil légal d'un mineur abandonné ou orphelin, mesure de protection de l'enfant reconnue par les conventions internationales, est réglementée dans certains pays de droit musulman, notamment l'Algérie et le Maroc, qui par ailleurs interdisent l'adoption en vertu de la sharia. De nombreuses familles françaises qui ont leurs origines dans ces deux pays y recueillent en toute légalité des enfants en kafâla. Mais la kafâla ne crée pas de lien de filiation au contraire de l'adoption, de sorte que l'enfant au regard du droit français ne fait pas partie de la famille qui l'a accueilli, d'où des difficultés administratives à la fois lors de l'entrée en France de ces enfants, mais également lors de leur séjour. En outre, le Parlement français a voté en 2001 une loi interdisant aux juges de prononcer l'adoption des enfants étrangers nés dans les pays où l'adoption est interdite : il en résulte que les enfants recueillis en kafâla issus pour la plupart de ces pays ne peuvent pas être adoptés par ceux qui les élèvent, en tout cas pas avant d'avoir acquis la nationalité française et pas avant cinq années.The kafâla, or legal guardianship of a minor who has been abandoned or orphaned, and a means of child protection recognized by international conventions, is regulated in certain Muslim law countries – notably Algeria and Morocco, which also prohibit adoption by virtue of sharia law. Many French families from these two countries take children into custody under the law (through kafâla). But unlike adoption, kafâla does not create a paternal tie, such that under French law the child is not part of his or her new family – giving rise to administrative problems at the point of the child's entry into France, and also in the course of their residence. Moreover, in 2001, the French parliament passed a law prohibiting judges from granting adoptions to foreign children born in countries where adoption is forbidden – with the result that children sheltered in kafâla arrangements, most of whom come from such countries, may not be adopted by those who raise them unless they acquire French nationality, and in any case not before they reach the age of five.
- La filiation légitime à l'épreuve des mutations sociales au Maghreb - Émilie Barraud p. 255-282
Avis juridiques (fatâwâ) et pratiques bioéthiques
- Aspects of the Management of the Rising Life Comparing Islamic Law and the Laws of Modern Muslim States - Dariusch Atighetchi p. 305-329 Sont présentées les principales positions musulmanes sur les thèmes relatifs à la contraception, l'avortement, la procréation artificielle, le clonage et les cellules souches. Cet article met ainsi en évidence la complexité et l'hétérogénéité des opinions énoncées par le droit musulman «classique» et par les opinions juridiques contemporaines. Il aborde également les conséquences sociales de l'utilisation des nouvelles technologies de procréation. Les différentes positions juridiques entre les États musulmans constituent des expressions dérivées d'un background juridique qui est en soi très riche et duquel peuvent se développer des législations très diverses relativement au sujet de la contraception, de l'avortement.…The author presents leading Muslim positions on issues of contraception, abortion, medically assisted reproduction, cloning and stem cells. This article demonstrates the complexity and heterogeneity of the rulings of “classical” Islamic law as well as those of contemporary judges. It deals as well with the social consequences of the new reproductive technologies. The diversity of the legal positions taken by different Muslim states derives from a rich legal tradition, from which may yet develop very diverse legislative approaches to matters related to reproduction.
- Des usages éthiques du droit islamique : une réponse aux enjeux posés par la reproduction médicalement assistée - Sandra Houot p. 331-355 La reproduction médicale assistée, à l'instar de la fécondation in-vitro, constitue la pointe saillante de la réflexion bioéthique. Au-delà de sa dimension normative, attachée à la pratique médicale proprement dite, le champ de la jurisprudence islamique (fiqh) intéresse également la réflexion éthique et les enjeux anthropologiques. Deux directions seront ainsi privilégiées. La première, qui repose sur les instruments auxiliaires du fiqh, pointe une éthique dynamique au regard des situations de « nécessité », que la reproduction médicale induit. En retour, la pratique jurisprudentielle est mise à l'épreuve par l'expérience bioéthique. La seconde direction, qui s'organise autour de cas d'espèce attachés au statut de l'embryon, témoigne d'enjeux anthropologiques. Notre présent objectif est de montrer la manière dont la reproduction médicale participe d'une dynamique du fiqh islamique et de son adaptation à l'ici et le maintenant.Since the development of in vitro fertilization, medically assisted reproduction has constituted the cutting edge of bioethical reflection. Beyond its normative dimension, and related to medical practice as such, the field of Islamic jurisprudence (fiqh) is interesting equally for its ethical reflections and its anthropological implications. This article takes two main tacks. The first, which involves the auxiliary tools of fiqh, points to a dynamic ethics with regard to situations “of necessity” such as medical reproduction involves. At the same time, jurisprudential practice is put to the test of bioethical experience. The second direction, involving the question of the categorical status of the embryo, has implications for anthropology. Our objective in this article is to show the way in which medically assisted reproduction is involved in a dynamic fiqh and in its adaptation to the here and now.
- The Organ Transplant Debate in Egypt: a Social Anthropological Analysis - Sherine Hamdy p. 357-365 Cet article traite du débat sensible sur l'éthique de la greffe d'organe en Égypte et s'interroge sur la question du pourquoi l'Égypte est le seul pays musulman dans le monde qui a, durant ces trois décennies, été incapable de faire passer une législation pour un programme de transplantation nationale. Pourquoi les patients et même les médecins formulent-ils leur antipathie à la transplantation d'organes en termes d'« islam » quand la plupart des érudits musulmans ont établi que le don d'organe était possible ? Je soutiens qu'on ne peut réduire la question de l'éthique du don d'organe en Égypte à des catégories juridiques islamiques abstraites comme le licite (mubâh) ou l'illicite (harâm) – ainsi que le font des analyses provenant à la fois de l'intérieur et de l'extérieur du monde musulman. Ce faisant, on néglige le problème majeur des inégalités sociales qui persistent dans le système médical égyptien. Dans un contexte de dépenses de santé déficitaires, les Égyptiens hésitent beaucoup face aux demandes des institutions médicales à utiliser des parties de leur corps pour l'intérêt commun.In this paper, I take the heated debate about the ethics of organ transplantation in Egypt, to ask why Egypt is the only Muslim country in the world that has, for the past three decades, been unable to pass legislation for a national organ transplant program. Why is it that patients and even physicians articulate their antipathy to organ transplantation in terms of “Islam” when most Muslim scholars of Islamic law have argued that the donation of organs is permissible? I argue that we cannot reduce the question of the ethics of organ donation in Egypt to abstract Islamic legal categories (permissible (mubâh) or impermissible (harâm) – as analysts both within and outside the Muslim world are apt to do. Doing so overlooks the pervasive problem of social inequalities that persist in the Egyptian medical system. In the context of vast discrepancies in health status and health care delivery, ordinary Egyptians are wary of medical institutions' claims of re-using body parts for the common good.
- Aspects of the Management of the Rising Life Comparing Islamic Law and the Laws of Modern Muslim States - Dariusch Atighetchi p. 305-329