Contenu du sommaire : Regards croisés sur l'Europe et les voisins européens
Revue | Germanica |
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Numéro | no 56, 2015 |
Titre du numéro | Regards croisés sur l'Europe et les voisins européens |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Andrée Lerousseau p. 7-13
- Auf der Suche nach dem letzten Europäer in Judith Katzirs Roman Matisse hat die Sonne im Bauch – Eine israelische (Neben)Figur aus einer Welt von Gestern - Judith Müller p. 15-26 L'autobiographie de Stefan Zweig Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen a jusqu'à aujourd'hui un impact considérable sur notre vision du monde ou, plus précisément, de l'Europe du XIXe siècle. Malgré tout, c'est une image très positive et pleine de nostalgie. L'article propose une lecture du roman Matisse has the Sun in his Belly (hébreu ; trad. française La mer est là, ouverte) de l'auteur israélienne Judith Katzir sur fond de l'autobiographie de Zweig. Une attention particulière est portée au personnage du libraire Shimshon Golden comme figure du « dernier Européen » dans la littérature hébraïque moderne. Après une brève analyse des articles de Steven Beller, Robert S. Wistrich et Mark H. Gelber sur les problèmes de l'authenticité historique de l'autobiographie de Zweig, nous examinerons les parallèles et les différences entre l'Européen de Zweig et Golden, concernant en particulier l'amour du théâtre, le modernisme européen et la nostalgie. Représentant l'Europe de la manière la plus authentique, Shimshon Golden est aussi le résultat d'une perception très utopique et nostalgique de l'Europe.Stefan Zweig's autobiography The World of Yesterday has had a considerable impact on our world-view, or, more precisely on how we perceive the Europe of the 19th century. Despite everything it is a very positive image, and one that is full of nostalgia. This article will be devoted to the novel entitled Matisse has the Sun in his Belly by Israeli writer Judith Katzir. It will be studied in light of Zweig's autobiography. I have chosen to comment on the character of the bookshop owner Shimshon Golden in order to analyse a „last European“ in modern Hebrew literature. After a short discussion of articles by Steven Beller, Robert S. Wistrich and Mark H. Gelber about the historical authenticity of Zweig's autobiography, I would like to examine parallels and differences between the European of Stefan Zweig and Judith Katzir's Golden, taking into consideration their love for the theatre, European modernism and nostalgia. This article argues that Golden is indeed the one character in this novel that represents „the European“ in the most authentic way. Nevertheless, he is the product of a highly utopian and nostalgic perception of Europe.
- Der hessische Landbote von Büchner und Der europäische Landbote von Menasse – Eine Parallele - Julie Anne Demel p. 27-40 L'article trace un parallèle entre Der europäische Landbote (Un messager pour l'Europe) de Robert Menasse et Der hessische Landbote (Le messager hessois) de Georg Büchner. Le pamphlet de Büchner, considéré comme un des textes les plus importants de la période du Vormärz, est un appel pour la liberté d'expression et contre la censure. Ce n'est pas un hasard si Robert Menasse a ajouté comme sous-titre La Colère des citoyens et la paix de l'Europe. Il se propose d'analyser le malaise du citoyen européen d'aujourd'hui. Celui-ci n'éprouve que ressentiment envers l'Europe et ne peut s'expliquer pourquoi. C'est la raison pour laquelle Robert Menasse a observé de près les « eurocrates » qui règnent à Bruxelles et a tenté d'expliquer pourquoi l'Union européenne actuelle souffre d'un déficit démocratique. L'UE se définit elle-même comme « l'Europe des citoyens » et comme projet de paix. Même si les États sont aujourd'hui économiquement étroitement liés et finissent par ne faire qu'un, la montée du sentiment national menace de faire éclater le tout. Menasse tente de dégager des alternatives afin de lutter contre cela et de définir le rôle qui incombe au citoyen européen.This article compares Robert Menasse's essay entitled The European Courier and The Hessian Messenger by Büchner. The latter is considered to be a call for freedom of speech and against censorship. It is also said to be one of the most important texts to have emerged from the Vormärz. It is therefore no accident if Menasse added „The anger of the citizens and the peace of Europe” as a subtitle to this essay. He seeks to analyse the uncomfortable feeling experienced by present day European citizens. The only feeling they seem able to express is resentment against the EU, even though they find it difficult to explain why. In order to investigate the democratic deficit induced by the current system, Robert Menasse analysed the practices of Brüssels eurocracy. The European Union sees itself as the „Europe of the citizens“ and as a peace project. However, in spite of close economic links and common financial interests, the European project is hindered and its survival is threatened by national feelings. Menasse tries to address this issue and define a way forward that might involve a citizen participation programme.
- Europa als Labyrinth des Abendlandes : Michael Köhlmeiers Neu-Lektüre und Neu-Erzählung des Mythos - Maria Behre p. 41-55 Trouver un récit qui constituerait un mythe fondateur pour l'Europe, telle est la tâche définie par Joachim Gauck, Président de la République Fédérale d'Allemagne. La question qui se pose alors est de savoir si l'on peut retenir le mythe d'Europe et du taureau et s'il peut faire aujourd'hui l'objet d'une narration permettant l'avènement d'une culture du vivre ensemble. En 1952, le poète de Berlin-Est, Johannes Bobrowski, a montré de manière exemplaire à travers deux poèmes la dialectique inhérente à ce mythe, entre violence et consentement. En 1995, l'auteur autrichien Michael Köhlmeier proposait de l'interpréter comme une histoire d'amour, apportant ainsi un démenti aux cyniques. Hannah Arendt plaide quant à elle pour une théorie de la politique narrative basée sur la mythologie et le récit littéraire dont l'épisode d'Ulysse à la cour des Phéaciens fournit une illustration. On peut d'ailleurs établir des parallèles entre la vie de Arendt et celle de ces deux femmes célèbres, et pourtant incomprises, que furent Edith Stein et Emmy Noether, dont les destins se croisent dans le roman Abendland de Köhlmeier, paru en 2007. La philosophe et la mathématicienne rejettent l'une comme l'autre le cynisme et le nihilisme de leur entourage universitaire et leurs œuvres expriment la quête d'une harmonie et d'un équilibre dans une prise en compte lucide du caractère fragmentaire et inachevé de toute entreprise. Le récit de leur vie au sein d'une épopée européenne offre un modèle de cheminement dans une Europe du futur.In the context of the search for a valid foundation myth for Europe, which has recently been encouraged by the President of the Federal Republic Mr Gauck, we have to ask ourselves whether we can still choose the old story of Europe and the bull and retell it in such a way that it can inspire a communitarian culture. In two poems of 1952 about Europe and her seducer, the East Berlin poet Johannes Bobrowski puts to the fore the dialectics of freedom and violence. The Austrian writer Michael Köhlmeier reads the myth as an amorous tale thereby contradicting the cynics. In her narrativist conception of politics, Hannah Arendt emphasizes the importance of mythology and storytelling. In a community of storytellers such as that we come across at the court of the Phaiakians in Homer's Odyssee, storytelling can initiate action. There are parallels between Arendt's life and the lives of two famous, but barely understood women of truly European stature who appear in Köhlmeier's novel Abendland (2007): Edith Stein and Emmy Noether. Both the philosopher and the mathematician react to cynical or nihilistic tendencies in their own academic culture and create works that reveal a search for harmony and unity without denying fragmentation. Their storis, embedded in a European narrative, may lead readers towards new perspectives for a future Europe.
- Es darf, nein, es muss weiter geträumt werden. Europäische Utopien und Dystopien in der deutschen Gegenwart(sliteratur) - Alexandra Ludewig p. 57-72 L'article propose la mise en relation de trois romans sensiblement différents consacrés à l'Europe: Der einzige Mann auf dem Kontinent (2009) de Terézia Mora, Ich werde hier sein im Sonnenschein und im Schatten (2008) de Christian Kracht, et Wie der Soldat das Grammofon repariert (2006) de Saša Stanišić. Si, dans les trois romans, l'action se déroule au cœur de l'Europe, c'est toutefois à partir des marges (une multinationale, la Suisse, les Balkans) qu'ils jettent un regard sur le continent et montrent combien l'idée d'Europe a du mal à s'enraciner dans les cœurs et dans les esprits. Toujours en cours d'édification et dans un même temps en voie de disparition, l'Europe comme domicile se trouve dans les limbes dans le roman de Mora, apparaît chez Kracht comme dystopie et chez Stanišić comme une utopie, un projet inabouti. Les trois narrateurs jonglent avec les fictions et les visions et, considérant le malaise croissant éprouvé en Europe et à propos de l'Europe, ils imaginent, dans une sorte de complicité, un monde qui serait « plus beau ». Que non seulement une littérature majeure, mais également un enthousiasme nouveau pour une Europe où l'on se sentirait chez soi, émergent d'une telle entreprise, c'est ce que s'attache à montrer cette contribution qui s'appuie sur une analyse socioculturelle des textes.In my contribution I will examine three very different novels about Europe: Terézia Mora‘s Der einzige Mann auf dem Kontinent (2009), Christian Kracht's Ich werde hier sein im Sonnenschein und im Schatten (2008), and Saša Stanišić's Wie der Soldat das Grammofon repariert (2006). All three novels are set in the heart of Europe, but examine it's everyday realities from the margins (a multinational firm, Switzerland and the Balkans), in order to throw into sharp relief how difficult it is to reconcile people with the idea of Europe and to feel at home in Europe. In all three novels the sense of home is perpetually emerging and dissolving. It is in limbo in Mora's Text; it is an utter dystopia in Kracht's; as for Stanišić, he sees it as a utopia, an unfinished work in progress. The three narrator figures play with fiction and visions. Fully aware as they are of Europeans' unease about Europe, they are complicit in inventing a Europe that is „too good to be true“. This results in more than just great literature, in fact in a new enthusiasm for a European Heimat as will be shown in the following socioliterary analysis.
- Europa – Heimat als Groteske - Ulrike Steierwald p. 73-94 L'exposé présente différentes perspectives, littéraires, cinématographiques et théâtrales, qui font apparaître l'expérience qui est faite de ce lieu d'ancrage identitaire (Heimat) qu'est l'Europe sous l'angle du grotesque, dans une tension entre les lieux où s'enracine l'identité propre et l'expérience de l'espace étranger de la grotte au sens littéral du terme. La forme littéraire du grotesque a fait l'objet au siècle dernier des études de Wolfgang Kayser et de Mikhaïl Bakhtine. La compréhension spécifique de l'espace comme catégorie heuristique dans l'esthétique du grotesque que le regard porté par la Renaissance sur l'étranger avait permis d'esquisser, a été toutefois pour une grande part occultée dans ces écrits. L'article puise dans l'art des exemples de la confrontation avec l'identité européenne dans lesquels le jeu avec des cultures fondées sur l'enracinement et le réflexe de l'identification à un espace est poussé jusqu'au franchissement grotesque des frontières. Cette esthétique contemporaine n'est ni une critique de l'Europe sur le mode défensif, ni l'affirmation régressive de ce qui est propre confronté à ce qui est étranger, mais permet de penser au-delà des modèles identitaires étroirement liés aux traditions culturelles qui marquent l'histoire de ce continent. La figure du grotesque ouvre peut-être ainsi à une nouvelle compréhension de l'Europe.This essay introduces literary, cinematic and theatrical perspectives on experiences of a European sense of home as a grotesque figure. It describes the tension between the place-based identity and the Grotto experience of foreignness in the literal sense of the term. The literary form of the grotesque was described in the 20th century classics by Wolfgang Kayser and Michail Bachtin, which had a significant influence on later studies. These works have in large part overshadowed the specific understanding of space as a heuristic device in the aesthetics of the grotesque – an approach uncovered by Renaissance conceptions of foreignness. This article analyses artistic examples that focus on confrontations between culture-based identity and the European identity. In these, the reflex of identifying with a specific space is taken to the extreme of grotesque border-crossings. This contemporary aesthetics is neither defensive of the European standpoint nor of any European superiority over foreign cultures, but it gives the opportunity to think outside the spatial box created by our own culturally-orientated thinking. The figure of the grotesque may thus open up a new, inverse relationship to Europe as a strange self.
- Das neue Europa und seine Nicht(s)-Orte : Gekreuzte Perspektiven in Theatertexten von David Greig, Andrzej Stasiuk und Carles Batlle i Jordà - Elisabeth Tropper p. 95-110 La notion ouverte et incertaine de « nouvelle Europe » fait référence à un grand nombre de conceptions qui sont liées à la transformation de l'espace européen et des États le constituant depuis 1989. L'analyse portera sur trois textes de théâtre, Europe (1994) de David Greig, Transit (2007) de Carles Batlle i Jordà et Warten auf den Türken (2009) de Andrzej Stasiuk, qui abordent, moyennant des constellations dramatiques spécifiques, les implications des modifications de la sémantique de l'espace européen. À travers la superposition ciblée des perspectives, un savoir esthétique complexe se profile qui contribue à la constitution de l'Europe en tant que projet imaginaire collectif se situant entre nationalité et globalité, et en est en même temps le reflet.The open and elusive term „new Europe“ refers to a variety of notions that have accompanied transformations of the European space and its constitutive national states since 1989. Europe (1994) by David Greig, Transit (2007) by Carles Batlle i Jordà and Warten auf den Türken (2009) by Andrzej Stasiuk are three European theatrical texts in which the altered semantics of the European space and their implications are negotiated within specific dramatic constellations. By superimposing their particular perspectives, a complex aesthetic knowledge is made visible that both constitutes and reflects Europe as a collective imaginary concept between nationality and globality.
- Comment mettre en scène l'Europe pour l'expérimenter autrement : Trois stratégies théâtrales - Éliane Beaufils p. 111-124 Comment représenter une réalité aussi complexe que celle de l'Union Européenne ? Mieux, comment sensibiliser des spectateurs très souvent blasés par les informations médiatiques et les discussions politiques ? Certaines entreprises théâtrales ont vu le jour ces dernières années pour tenter d'éveiller l'intérêt des spectateurs citoyens et de leur montrer que la politique européenne est non seulement de leur ressort mais à leur portée. Il est frappant d'observer qu'elles ne sont pas simplement critiques, mais qu'elles n'hésitent pas à recourir à l'humour, rendant ainsi sans aucun idéalisme les enjeux européens attachants. Il convient donc d'étudier plus précisément les voies de cette sensibilisation par l'humour.How may one represent such a complex reality as that of the European Union? What's more, how may one raise the awareness of audiences, who are very often dulled by media news and political debates? In the past few years some theatre projects have been experienced in order to try and arouse the interest of citizen audiences and to show that not only is European politics their responsibility, but that it is within their reach. They are both stunningly critical and humorous, and they succeed in making European issues appealing, even though no idealism is involved. This article will analyse how humour may contribute to raising awareness on political issues.
- Performing Lampedusa – Über europäische Grenz- und Migrationspolitik in Elfriede Jelineks Die Schutzbefohlenen, Hans-Werner Kroesingers FRONTex security und BBMs Po.W.E.R. - Simon Hagemann p. 125-140 Depuis les accords de Schengen, la politique de sécurité des frontières et de l'immigration s'est davantage européanisée. Mais, après certains accidents maritimes en Méditerranée, cette politique est constamment mise au banc d'essai. En outre, la réaction aux événements qui se déroulent sur les frontières extérieures de l'Europe ainsi que la situation de l'accueil des migrants ne sont pas sans influence sur l'identité et l'image d'une région du monde où le discours sur les droits de l'homme a traditionnellement une grande importance. Ces deux dernières années, trois travaux émanant de protagonistes de la scène artistique théâtrale de l'espace germanophone ont été présentés au public avec cette problématique : le texte théâtral Die Schutzbefohlenen (2013) d'Elfriede Jelinek, le travail de théâtre documentaire de Hans-Werner Kroesinger FRONTex security (2013), ainsi que la pièce Po.W.E.R. (2014) d'Olaf Arndt de BBM (Beobachter der Bediener von Maschinen). L'article analyse la façon dont ces trois travaux, qui se caractérisent par des recherches approfondies et une grande intertextualité, mettent à l'épreuve de manière assez différente la politique européenne des frontières et des migrations, et interrogent l'écart entre utopie européenne et Realpolitik. Pour cela, à côté des textes d'Arndt, Kroesinger et Jelinek, leurs mises en scène par Kroesinger, BBM et Nicolas Stemann sont également prises en compte dans l'analyse.Since the Schengen Agreement, the politics of border security and immigration have become increasingly Europeanized. But these policies have been put to the test again and again after naval incidents in the Mediterranean Sea. Events at the EU's external borders as well as the reception of immigrants have had a bearing on the identity and image of a region where the discourse on human rights traditionally has great significance. In the past two years, three works which deal with this issue have been published by protagonists of the German-speaking performance art scene: Elfriede Jelinek's theatre text Die Schutzbefohlenen (2013), the documentary theatre work by Hans-Werner Kroesinger FRONTex security (2013), as well as the piece Po.W.E.R. (2014) by Olaf Arndt from BBM (Beobachter der Bediener von Maschinen). These free works are characterized by in-depth research and high intertextuality. This article investigates in which different ways they put to the test European border and immigration politics, and how they evoke the discrepancy between a European utopia and real politics. With that end in mind, the analysis of Arndt's, Kroesinger's and Jelinek's texts is complemented by that of Kroesinger's, BBM's and Nicolas Stemann's staging of comparable plays.
- Entretien avec Robert Menasse : Robert MENASSE „Wir leben in einem ‘nicht mehr- noch nicht'- Zustand“ - Julie Anne Demel p. 141-146