Contenu du sommaire : Formation et enseignement

« L'Empire du Management » bannit l'équivoque et l'obscur des sociétés humaines. Comment faire entendre auprès d'étudiants en gestion ce qui échappe à l'empire du positive thinking ? Enseignant à l'Université catholique de Louvain, l'auteur relate quelques situations où il a fait l'expérience dans ses cours d'une « négativité fade », qui ne se manifeste qu'à bas bruit, dans l'esquive, la fatigue, la défaite. L'hypothèse qui l'oriente est que la fadeur doit se pimenter pour qu'une rencontre ait lieu. Dans ce mouvement, l'esquive peut devenir risque d'altération, la fatigue pesante a une chance d'éclore en fatigue d'œuvre, la défaite se vit dans le décalage et la découverte de nouvelles forces d'exploration. L'article interroge les manières de procéder de façon oblique pour éprouver le négatif et accompagner ses transformations silencieuses.

Psychanalyste, travaillant dans la formation d'enseignants et l'animation de groupes Balint-Éducation, l'auteur présente les avantages qu'il y a à prendre en compte, dans la formation, la complexité humaine, sa duplicité, les résistances, les sentiments négatifs et les problèmes narcissiques, afin de favoriser le contact avec les émotions et leur reconnaissance, considéré comme la première étape vers une compétence essentielle pour toute entreprise éducative, pour un système de pensée de l'autre. Dans cet article, l'auteur s'interroge sur les conditions, les attitudes et le cadre qui semblent être en mesure de fournir cette ouverture, ainsi que sur les caractéristiques des formateurs/enseignants/cliniciens qui semblent y être associés. La question du contre-transfert apparaît comme fondamentale pour ce processus d'intégration, de croissance et de liaison intrapsychique.

Ce texte aborde quelques enjeux cliniques de la relation de formation en tant que lien institué. À partir d'une étude de cas tirée d'une pratique relevant de la formation à l'enseignement spécialisé est proposée une analyse des contradictions inhérentes à la relation de formation. L'analyse se fonde sur la notion d'embarras comme figure de la transgression sociale (Phillips, 2009), et le concept de contrat narcissique comme prescription idéale (Kaës, 1987 ; Dujarier, 2006). Sous l'angle de la notion d'embarras, la relation de formation est appréhendée comme un échange symbolique basé sur une dialectique de la dette et du don, et dont la transgression interroge le sens même de la relation de formation. Le principe d'une formation fondée sur un référentiel de compétences y est interrogé dans sa dimension de prescription idéale, à partir d'une observation de terrain.

En considérant dans l'après coup ses expériences cliniques d'accompagnement groupal de professionnels qui souhaitent analyser leur pratique et d'accompagnement d'apprentis chercheurs (ou de chercheurs) qui souhaitent produire des écrits de recherche, l'auteur examine l'un des traits caractéristiques de sa posture psychique d'accompagnante. Elle a recours à la notion de capacité négative introduite par Wilfred Ruprecht Bion pour décrire cette disposition psychique congruente avec la forme de travail psychique qu'elle impulse pour les participants de ces groupes. Puis elle avance l'hypothèse d'un lien entre la mise en œuvre de sa propre capacité négative pendant l'animation de ces groupes d'accompagnement et l'émergence (ainsi que leur développement) d'insights créateurs chez les accompagné-es. Cette posture serait à même de favoriser leur potentiel de création dans la mesure où leurs modalités narcissiques leur permettraient de tolérer en eux la survenue de sentiments liés à ce que Bion nomme le changement catastrophique.

Dans cette contribution, nous soutenons que la dimension du négatif est intrinsèquement nouée à une forme d'affirmation augurale. Tant au sein de la démarche clinique que de la pratique de l'enseignement, il s'agit de soutenir un acte préservant ses racines d'ombre, tel une affirmation à partir de l'étrange ou une fleur se déployant depuis l'écart. Se nouent ainsi ensemble la figure du négatif et la valeur affirmative d'un acte, la plénitude d'une présence et l'intensité d'un éprouvé. Une telle posture se garde d'un double écueil : celui d'une positivité arrogante qui prétendrait combler le rien, la faille, l'écart entre les existants ; et celui de la résignation à une insuffisance, une lâcheté, une impuissance. Afin de déployer ces enjeux, le poète sera notre guide, ouvrant la voie d'une orée du sens.

Cet article vise à explorer, sous l'angle du travail du négatif, les processus psychiques à l'œuvre au sein de la démarche de recherche, considérée comme un processus de création (à la fois d'objets écrits et de soi-même). Dans cette perspective clinique, on découvrira que l'enjeu majeur pour le chercheur consiste à sublimer tout autant la pulsion de mort que la pulsion de vie. Les conséquences en matière d'initiation à la recherche porteront essentiellement sur la manière d'incarner le travail du négatif et de représenter la mère suffisamment bonne, pensante et imaginative quant à la forme de nouveaux repères à construire.

Ce texte décrit deux dispositifs de groupe, en formation et en soin, où la négativité s'est exercée : le premier groupe se centrait sur l'analyse clinique des pratiques de formateurs, professionnels de santé, dans un cadre universitaire ; le second, utilisant une médiation psychodramatique, concernait des enfants en soin. Dans les deux cas, la négativité s'est exercée, sous la forme de l'opposition, du silence, contre le cadre ou le projet de ce groupe. L'animateur ou le couple d'animateurs a dû accepter cette négativité et a dû inventer des réponses pour permettre une reprise créative. Les liens entre destructivité, répétition et création se sont ainsi exercés dans des cadres de groupe spécifiques.

Par le passé, les expériences culturelles ont déjà fait l'objet de beaucoup de travaux. Mais aucun n'a étudié ce type d'expérience en contexte de formation formelle dans l'enseignement supérieur de niveau universitaire. La recherche empirique, référée ici au champ de la clinique d'orientation psychanalytique, met en évidence les caractéristiques relatives à la situation de formation qui a amené un étudiant à vivre ce type d'expérience. L'analyse des résultats obtenus permet de saisir les processus relatifs au jeu et ce qui s'y joue pour l'étudiant. Cette recherche montre à quel point une situation de formation dite positive est frappée du sceau de l'ambivalence parce que conjuguant pour l'étudiant le plaisir et la souffrance, la création et la destruction.

L'auteur, professeur honoraire de l'université de Genève, revient sur son enseignement des dimensions relationnelles et affectives des métiers de l'humain pour comprendre certaines réactions des étudiants lui ayant reproché d'être pessimiste. Elle a en effet tenté de ne jamais disjoindre les contraires – amour/haine, beauté/laideur, force/faiblesse, vulnérabilité/puissance, violence/douceur –, et enjoint de travailler ce qui habituellement est traité de « négatif ». Ce faisant, elle avoue avoir évolué sous les interrogations de ses étudiants, et regrette de n'avoir pas su mieux légitimer, dans les qualités des gestes professionnels, les forces de l'enthousiasme, les illusions créatrices. Elle réfute cependant le qualificatif de « pessimiste » si celui-ci signifie une « valorisation de la destruction ».

Pour élaborer un propos sur le travail du négatif, je commencerai pas témoigner d'un embarras, – qui ferait sourire Adam Phillips (2009) – à l'égard de la qualification de « négatives » des capacités qu'il analyse ou de la « négativité » au centre de cette publication. J'essaierai ensuite de dire quelles sont pour moi les conditions de la pensée qui fondent (je l'espère sans jamais en être certain) mon enseignement et ma recherche. Je terminerai par la critique du crime et de la rationalité pénale moderne (concept emprunté à Alvaro Pires, 1998) qui découle de ces « conditions de la pensée ». Si l'art doit encore figurer dans ma proposition, il interviendra par association dite libre.

Comme d'autres l'ont fait pour la crise des systèmes de santé, le livre analyse comment une politique managériale radicalise la crise éducative. Un premier volet (« souffrance ») étudie notamment l'enseignement des langues et les genres d'un idiome managérial (dont les évaluations) strictement procédural ; on y souligne des enjeux de subjectivation. Puis un second (« théorie »), étudie comment les sciences de la culture, notamment des œuvres et des langues, sont de soi un temps de critique et un organon de propositions (re)fondatrices. Qui entrent en résonance avec des cliniques de la création. Sur les thèmes de l'interprétation et de la transmission.

Dans cet article, les auteurs, s'appuyant sur des définitions psycho dynamiques et ontologiques, proposent un modèle conceptualisé d'une hospitalisation psychiatrique spécifique pour l'Adolescence. Cette mise en forme originale revisite la prise en charge psychique de ces jeunes patients, et articule thérapeutique et scolarité. Mais surtout, ils s'attachent à prévenir le risque d'aliénation supplémentaire à la maladie mentale, inhérent à d'importantes hospitalisations, de par leur exclusion de la vie sociale. L'usage particulier de signifiants civilisateurs, dans cette perspective, situe le Lycée Thérapeutique comme un représentant particulier de ce modèle de soins.