Contenu du sommaire : Postconflit : entre guerre et paix ?
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 158, 3ème trimestre 2015 |
Titre du numéro | Postconflit : entre guerre et paix ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Édito - Béatrice Giblin p. 3-5
- Postconflit : entre guerre et paix ? - Amaël Cattaruzza, Elisabeth Dorier p. 6-15 La notion de « postconflit », définie par les Nations unies, désigne un modèle idéal de transition après une guerre, impliquant institutions internationales, États et acteurs civils, privés et associatifs pour surmonter ensemble les tensions et (re)construire une paix durable (peace-building dans le jargon international). La terminologie internationale du postconflit définit une norme d'intervention impliquant une série d'actions standardisées : urgence humanitaire, post-urgence, transition, state-building, processus de réconciliation, reconstruction et développement, etc. Cependant, les discours institutionnels présentant l'intervention postconflit comme une technique neutre sont contestables car ils évacuent les enjeux politiques, les rivalités de pouvoir et les impacts indésirables du processus lui-même. L'objectif de ce numéro est de rassembler différents éclairages territoriaux montrant les décalages entre idéal et réalité, ainsi que les points communs à des programmes internationaux engagés de manière similaire dans des contextes différents. Il contribue aussi à un positionnement de la géographie comme outil de lecture spécifique, les contributions proposant des analyses à différentes échelles des jeux d'acteurs et dynamiques territoriales entre guerre et paix.The notion of post conflict, as defined by the United Nations, designates an ideal postwar transition model. It includes international institutions, States and civil, private and non-profit actors to overcome together the tensions and promote peace building. The international post conflict terminology defines rules for intervention and a series of standardized actions: humanitarian emergency, post-emergency, transition, state-building, reconciliation process, rebuilding and development... However, institutional narratives presenting post conflict intervention as a neutral technic may be disputed because they leave behind political stakes, power rivalries and undesirable impacts of the process itself. It justifies the aim of this issue to assemble different territorial perspectives showing the discrepancy between an ideal and the reality, as well as the common points with international programs engaged in similar ways in different contexts. This issue also contributes to position geography as a specific analysis tool with contributions offering different analyses of stakeholders and territorial dynamics between war and peace.
- Conflit et représentations du conflit au Pays basque : la fin de l'ETA - Barbara Loyer p. 16-38 Le 20 octobre 2011, ETA annonçait la suspension de la lutte armée après des années de tractations au sein du Mouvement de libération nationale basque (MLNV) où une forte rivalité opposait les tenants de l'usage du meurtre pour devenir indépendants et ceux qui voyaient dans le bulletin de vote une arme plus efficace. Aujourd'hui l'ETA poursuit sa communication médiatique sur la gestion d'une situation de transition qualifiée de « postconflit » par une « commission internationale de vérification » composée d'étrangers prestigieux, censée mettre en œuvre des interventions selon un phasage modélisé : négociations secrètes, conférence de paix, désarmement, comme si le Pays basque sortait d'une guerre. Pourquoi les terroristes basques ont-ils besoin de se conformer à ce modèle international de sortie de conflit, alors qu'il n'y a pas de régions dévastées, pas de réfugiés, pas de normalisation institutionnelle ni de state-building à mettre en œuvre ? De fait, deux représentations s'opposent sur l'interprétation des actions passées de l'ETA : d'un côté, les nationalistes basques essaient d'imposer un récit du conflit qui légitime le terrorisme au nom de la liberté du peuple basque contre un régime oppresseur, de l'autre, des groupes politiques ou civils luttent pour que l'ETA entre dans l'histoire comme une organisation totalitaire et terroriste défaite par une société démocratique.The 20th of October 2011, ETA announced the suspension of the armed struggle after negotiations within the Basque National Liberation Movement (MLNV) where a strong rivalry opposed on one hand, the proponents of the use of murder to become independent and, on the other hand, those who thought that the ballot would be a more effective weapon. Today ETA continues its communication on the management of a qualified transition situation of “postconflict” with “an international verification commission” composed of prestigious foreigners, supposed to implement interventions in a modeled phasing: secret negotiations, peace conference, disarmament, as if the Basque country were emerging from a war. Why do Basque terrorists need to comply with the international post-conflict model, when there is no disaster areas, no refugees, no institutional normalization nor state building to implement? In fact, two points of view are confronted on the interpretation of ETA actions: on one side, the Basque nationalists are trying to impose a narrative of the conflict that legitimizes terrorism in the name of freedom of the Basque people against an oppressive regime, on the other side, political groups or civilians are fighting to obtain that ETA enters history as a terrorist organization and totalitarian defeated by a democratic society.
- Stratégies violentes et non-violentes pour le contrôle de l'espace communautaire républicain de Belfast - Guilhem Marotte p. 39-57 La signature du traité de paix de 1998 marque le début d'une certaine « normalisation » de la situation nord-irlandaise. Dans cette situation de postconflit armé, la violence liée aux affrontements entre groupes paramilitaires et forces de sécurité britanniques a très largement diminué. Cependant, de petits groupes paramilitaires républicains s'opposent toujours au traité de paix et considèrent la lutte armée comme un moyen légitime de parvenir à l'unification irlandaise. La violence qu'ils mettent en œuvre s'inscrit dans une stratégie de contre-normalisation et de contrôle du territoire communautaire visant à renforcer l'efficacité de leur lutte contre les forces britanniques. Toutefois, leur influence reste faible, car elle est en partie limitée par le Sinn Féin, acteur issu du même milieu républicain, mais qui a, quant à lui, choisi d'abandonner la violence. Pour le parti, l'unification l'île s'effectue à travers une prise du pouvoir progressive, en Irlande du Nord et en République d'Irlande, grâce aux succès électoraux construits par l'importante implication des activistes du Sinn Féin dans les communautés locales.In Northern Ireland, the 1998 peace treaty marks the beginning of a sort of “normalization”. In this armed post-conflict situation, violence linked to clashes between paramilitaries and British security forces has dramatically decreased. However, small paramilitary republican groups are opposed to the peace treaty and still consider the armed struggle as a legitimate means for achieving Irish unification. They use the violence as a strategy of anti-normalization and community space control, which allow them to strengthen their fight against British forces. However, their influence remains low, partly because of Sinn Fein's existence. Indeed, the political wing of the IRA comes from the same political and socio economic background than these paramilitary republican groups but has made the choice to abandon the armed struggle. Henceforth the party only seeks the reunification by democratic means and the gradual seizure of power in Northern Ireland and Republic of Ireland, thanks to its electoral successes built by the involvement of Sinn Fein activists in local communities.
- Créer une frontière dans le postconflit : le cas du Nord-Kosovo et de Mitrovica - Amaël Cattaruzza, Jean-Arnault Dérens p. 58-75 Seize ans après le conflit, Mitrovica et le Kosovo se trouvent plongés dans une logique de partition durable, à l'instar de Nicosie et de Chypre. Dans la ville de Mitrovica/ Mitrovicë, la rivière Ibar sépare deux espaces que tout divise. Au Kosovo, une partition de facto est apparue dans l'immédiat postconflit entre le Nord, quasi intégralement peuplé de Serbes et tourné vers la Serbie, et le reste du pays majoritairement albanais, centré sur Pristina. Nous étudions ici le processus qui a amené à la création de cette frontière officieuse et inédite du territoire du Kosovo, en montrant le rôle joué par l'ensemble des acteurs du postconflit, Serbes, Albanais et internationaux.Sixteen years after the war, Mitrovica and the Kosovo are sustainably divided, like Nicosia and Cyprus. In the town of Mitrovica/Mitrovicë, the Ibar River divides two opposite places. On the Kosovo territory, a de facto partition appeared in the first months of the post-conflict period, between the North, mainly populated by Serbs and turned towards Serbia, and the rest of the country, with a prevalently Albanian population, turned towards Pristina. We study the process which led to this new and non-official division and we describe the implication of all post-conflict actors, Serbs, Albanians and International organizations.
- Conflits sans fin à la frontière gréco-albanaise ? - Pierre Sintès p. 76-92 Dans son histoire récente, la région de Thesprotie (nord-ouest du territoire grec)a été le théâtre de violences interreligieuses entre communautés chrétienne orthodoxe et musulmane sur fond de contentieux frontalier entre Grèce et Albanie. Ces tensions se sont achevées à la fin des années 1940 avec le départ des musulmans et l'avènement de la guerre froide qui a positionné ces deux pays de part et d'autre du rideau de fer. Un demi-siècle plus tard, à partir de 1990, la nouvelle situation de contact entre les sociétés grecque et albanaise procédant de l'ouverture de la frontière semble avoir conduit localement à une réactualisation de la mémoire de ce contentieux et des violences qu'il a occasionnées il y a plusieurs décennies. Cette nouvelle dynamique prend place dans un ensemble de processus qui touche cette province périphérique du territoire grec et questionne les interprétations que peuvent avoir ses habitants de cepassé comme de leur identité.In its recent history, Thesprotia (Northwest part of Greece) was the scene of inter-religious tension between Christian Orthodoxs and Muslims amid border dispute between Greece and Albania. These tensions ended in the late 1940s with the disappearance of the latter and by the advent of the Cold War that set the two countries on either side of the Iron Curtain. Fifty years later, from 1990 onwards, new relationships between Greeks and Albanians that proceed from the opening of the border seems to have lead to refreshing local memory of this litigation and violence. This new dynamic takes place in a set of processes that affects this peripheral province of Greece and questions the understanding that its inhabitants can have of their past and their identity.
- Projets, arrangements et controverses sur la ligne de démarcation à Beyrouth - Jihad Farah p. 93-111 Les lignes de démarcation maintiennent une place structurante dans les représentations et donc la pratique et les stratégies des acteurs de villes postconflit. Dans cet article, à la lumière de plusieurs années d'observations in situ, nous proposons une analyse de projets urbains envisagés ou implantés depuis la guerre sur cette ligne. Nous y prêtons attention aux arrangements et controverses entre acteurs des différents projets. Cette lecture à partir de l'action nous a permis de remettre en question la conception monolithique de la ligne de démarcation comme espace « miroitant » la polarisation communautaire. Le panorama des projets, arrangements et controverses invite à être sensible aux temporalités et aux cadres de gouvernance existants pour saisir des dynamiques de territorialisation en construction à l'échelle métropolitaine. Les arrangements localisés autour d'éléments physiques et cognitifs semblent porter souvent leurs fruits. Reste qu'ils peuvent être assez fragiles et instables dans un contexte connaissant d'importants changements dynamiques comme celui de la reconstruction. Le communautarisme n'est qu'un levier parmi d'autres, mobilisé parfois par certains acteurs pour assurer des arrangements ou les briser. La ligne de démarcation n'est pas un espace qu'on peut transcender en l'oubliant ou le déniant. Elle est peut-être, comme le suggèrent certains, l'espace de la « guerre à venir », mais elle est certainement un espace laboratoire où on peut observer les dynamiques de la « ville à venir ».War demarcation lines have a structural place in urban representations, practices and strategies of actors in post-war cities. In this article, based on many years of in situ observation, we propose an analysis of urban projects envisioned or implemented on Beirut's demarcation line since the end of the war. We give particular attention to arrangements and controversies between actors of different projects. This analytical approach through action allows us to question the monolithic conception of the demarcation line as a space “mirroring” communitarian polarization. The panorama of projects, arrangements and controversies invites us to be more sensitive to temporalities and existing frames of governance to understand ongoing territorialization dynamics at the metropolitan level. Localized arrangements around physical and cognitive elements often seem to bear fruit. However, these arrangements may remain fragile and unstable in a context of important dynamic changes like that of urban reconstruction. Communitarianism is one of different levers sometimes mobilized by some actors to insure arrangements or break them. Forgetting or denying it could not help transcend this demarcation line. It might be as some authors suggest the space of the “war yet to come”, however, we believe it is first and foremost a laboratory space where we can observe the dynamics of the “city yet to come”.
- Du succès du cessez-le-feu à l'échec de la paix, l'expérience des monts Nouba au Soudan (2002-2005) - Marc Lavergne p. 112-131 L'expérience de la mise en œuvre d'un cessez-le-feu dans les monts Nouba au Soudan en 2002, après quinze ans de guerre, est exemplaire à plus d'un titre : elle a été gérée par une mission militaire internationale, la Joint Military Commission, hors de tout cadre institutionnel préexistant, et elle a associé les deux parties en conflit et une mission internationale d'observateurs venus de différents pays occidentaux. Cette approche originale a été la clef d'un succès inattendu, tant auprès des combattants que de la population. Elle a permis d'initier des projets de reconstruction et de développement, dans la perspective d'un retour durable à la paix. Mais les initiatives locales de ce type sont in fine soumises à des intérêts supérieurs à différentes échelles. La signature d'un accord de paix global en 2005 entre le gouvernement soudanais et le Sudan People's Liberation Movement (Mouvement de libération du peuple du Soudan), en donnant au Sud-Soudan l'accès à l'indépendance, a entraîné mécaniquement une reprise des combats dans les monts Nouba, qui dure jusqu'à aujourd'hui avec une violence inégalée.The implementation of a cease-fire agreement in the Nuba Mountains in Sudan, in 2002, after fifteen years of fighting, has been an exemplary experiment, from various points of view: it has been achieved by an international military body (the Joint Military Commission), far from any institutional existing frame, and it associated both Parties in conflict and an international team of monitors from various western countries. This original approach was to be the key to an unexpected success, among the fighters as well as among the civilians. It opened the way to reconstruction and development projects, in the prospect of a lasting return to peace. But locally confined initiatives of this kind are finally submitted to superior interests at different scales. The signing of a Comprehensive Peace Agreement in 2005 between the Government of Sudan and the Sudan People's Liberation Movement, while granting Southern Sudan a chance to gain independence, mechanically led to a new start of warfare in the Nuba mountains, from 2011 until today, with a degree of violence unreached before.
- Dynamiques territoriales du postconflit et de la reconstruction au Congo-Brazzaville - Elisabeth Dorier, Hubert Mazurek p. 132-159 Le sud du Congo-Brazzaville fut pendant les années 1990 marqué par les conflits entre armée nationale et milices. Cependant, ce n'est qu'en 2007 que les dernières poches d'instabilité dans le Pool seront supprimées. Depuis, le pays connaît une stabilisation politique et sécuritaire. Les revenus pétroliers permettent à l'État dirigé par Denis Sassou Nguesso d'investir dans les infrastructures et de mettre en œuvre la décentralisation. Mais cela ne concerne que les régions les plus stratégiques (Pointe-Noire, Brazzaville et la région environnante). En revanche, d'autres régions restent très peu investies par l'État. Les institutions internationales essaient de pallier son absence avec des programmes plus ou moins adaptés aux situations locales. Enfin, il y a les zones délaissées – bien qu'ayant été très touchées par les conflits – qui ne connaissent une amélioration que par la volonté et l'ingéniosité des populations. Seule une enquête de terrain conduite sur plusieurs années a pu permettre de présenter cette première synthèse sur les situations postconflit de la République du Congo-Brazzaville.For most of the 1990s, conflicts between the National army and militias existed in the south of Congo Brazzaville. However, it's not before 2007 that the last pockets of instability in the Pool were suppressed. Since, the country knows a political and security stabilization. The oil produced revenue allows the State headed by Sassou Nguesso to invest in infrastructures and to develop decentralization. But these only concern the most strategic regions (Pointe Noire, Brazzaville and its surroundings), while other regions remain very poorly invested in by the State. International organizations try to remediate the absence of investment with programs more or less well-fitted to the local situations. Finally, there are some abandoned zones that while heavily damaged by the conflict only improve thanks to the will and creativity of the populations. Only a several years-long field study allowed to present this first synthesis on post-conflict situations in the Republic of Congo Brazzaville.
- Déplacés de guerre et dynamiques territoriales postconflit au Mozambique - Jeanne Vivet p. 160-181 Cet article analyse à plusieurs échelles des dynamiques territoriales postconflit liées à l'urbanisation accélérée du Mozambique et de sa capitale, Maputo, pendant la guerre civile (1976-1992) qui opposait la Renamo (Résistance nationale du Mozambique) au Frelimo (Front de libération du Mozambique). Les mobilités forcées transforment et recomposent les liens des hommes à leur territoire d'origine et à leur territoire de refuge et génèrent des dynamiques territoriales spécifiques. Des centaines de milliers de déplacés se sont installés dans ces villes « refuges », y construisant des maisons en matériaux précaires. Leur présence en ville a alors été tolérée, mais considérée comme temporaire. Malgré le souhait des autorités et de la communauté internationale que ces déplacés reviennent dans leurs zones d'origine, la majorité de ceux qui avaient trouvé refuge à Maputo s'y est installée durablement, produisant de nouveaux territoires dans des espaces délaissés de Maputo (zones inconstructibles ou inondables, décharges, etc.). Depuis la fin de la guerre, la libéralisation économique et l'ouverture aux capitaux étrangers, Maputo concentre les investissements étrangers dans un contexte de forte croissance économique. Les terrains urbanisés pendant la guerre, situés à proximité du bord de mer, sont devenus très attractifs pour les promoteurs immobiliers qui souhaitent développer de nouveaux quartiers à destination des élites. Les anciens déplacés redeviennent alors, dans ce nouveau contexte, des populations indésirables et se retrouvent relégués en périphérie.This paper analyzes at different scales territorial post-conflict dynamics related to accelerated urbanization that occurred during the civil war (1976-1992) in Mozambique and especially in Maputo, the capital city. Forced migrations transform and recompose men's links to their homeland and their land of refuge and thus generate specific territorial dynamics. Hundreds of thousands of displaced people settled in these “refuge” cities to build their houses in precarious materials. Their presence in the city was then tolerated but considered as temporary. Despite the will of the local authorities and the international community that displaced people return to their area of origin, the majority of the IDP settled in Maputo stay permanently and produced new urban territories in neglected areas of Maputo (non-constructible areas, floodplain, landfills, etc.). Since the end of the war and the economic liberalization, Maputo concentrates foreign investments in a context of strong economic growth. The urbanized lands during the war, located near the sea, have become very attractive to developers who wish to develop new neighborhoods to the elites. The displaced people have to move again to the periphery of the city and have become again undesirable populations in this new context.
- Femmes du Sud-Kivu, victimes et actrices en situation de conflit et postconflit - Justin Sheria Nfundiko p. 182-199 Les femmes ont été victimes mais aussi actrices directes et indirectes des conflits à travers leur recrutement par les groupes armés. Certaines sont aussi impliquées dans l'organisation de la sortie de crise, à travers des actions de lobbying et un engagement associatif leur permettant une entrée sur la scène politique. Partant d'une approche « par le bas », la posture et le rôle des femmes dans la reconstruction postconflit sont étudiés avec les conséquences des violences subies sur leur capacité à entrer dans un processus de résilience : impacts sur leur statut, destruction de leur capital social et économique, possibilités de mobiliser leurs ressources dans le « relèvement des communautés » engagé par les instances internationales. Cette analyse s'intéresse ensuite aux réactions des femmes encore victimes de sévices et viols dans un contexte demeurant troublé avec la question pour elles de la démobilisation, du désarmement et de la réintégration dans la vie civile. Ces deux approches sont traitées en lien avec l'analyse critique d'interventions d'organisations en faveur des femmes. L'activisme féminin s'est manifesté à plusieurs occasions, surtout lors du processus de paix où elles ont joué un rôle de lobbying et de sensibilisation auprès des parties prenantes aux négociations intercongolaises. La posture des femmes engagées dans une participation aux activités de reconstruction postconflit et leur capacité à s'organiser en collectifs ont transcendé leur statut de victime et d'actrice. Elles les ont positionnées davantage dans des rôles assumés d'intervention aussi bien dans le processus de normalisation politique que dans celui de la consolidation de la paix. Au-delà des conséquences négatives des conflits sur les femmes, ces derniers auront permis leur ascension politique avec le soutien des organisations citoyennes et internationales.Women were victims but also direct and indirect participants of armed conflict through their recruitment by armed groups. Some are also involved in the organization of crisis recovery, through lobbying and civic engagement to enter the political scene. Starting from a “bottom-up” approach, posture and role of women in post-conflict reconstruction are studied with the consequences of violence on women's ability to enter into a process of resilience, the impacts on their status, the destruction of their social and economic capital and how they can mobilize resources in the process of “community rehabilitation” committed by international bodies. Then, this analysis focuses on the process of resilience of women victims of abuse and rape in a context that remains troubled. The issue of demobilization, disarmament and reintegration into civilian life of women involved in the violence is also reviewed. Both approaches are supported by critical analysis of organizations for women interventions. The women's activism was manifested on many occasions and especially during the peace process when they played several roles between different lobbying and sensitization of various stakeholders in the “inter Congolese negotiations”. The posture of women involved in participation in post-conflict reconstruction activities and their ability to organize into collectives has transcended the status of victims and actresses positioning themselves more on roles of both the political normalization process in that of peace. Apart from the negative impact of conflict on women, they have thus allowed a political ascent of women supported by civic and international organizations.
- Les tribulations du dispositif Désarmement, démobilisation et réinsertion des miliciens en Côte d'Ivoire (2003-2015) - Magali Chelpi-den Hamer p. 200-218 Cette contribution propose une réflexion sur le dispositif postconflit en appui à la démilitarisation, mis en place en Côte d'Ivoire dans les années 2000, quand le pays était encore coupé en deux, et qui a été ravivé après la crise postélectorale de 2010- 2011. Il y a une certaine tendance à postuler que de tels dispositifs sont imposés « d'en haut » par la diplomatie internationale : le premier document mentionnant la question du DDR dans la crise ivoirienne et proposant une feuille de route a été l'accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 qui réunissait, en France et sur initiative française, les principales parties au conflit. Pourtant, ce qui ressort de manière frappante du cas ivoirien lorsqu'on adopte une approche diachronique est que le modus operandi du processus de démilitarisation, son chronogramme et ses temps de blocage/ déblocage ont largement été décidés par les belligérants principaux, rendant caduc tout postulat de manipulation exclusive « du haut ». Cette contribution apporte ainsi un éclairage sur les tribulations du processus de démilitarisation ivoirien par une attention particulière aux différences éventuelles de traitement observées selon les catégories de combattants.This contribution offers a reflection on the post-conflict demilitarization process that took place in Ivory Coast in the 2000's, at a time when the country was divided, and that was revived by the post-electoral crisis in 2010-2011. Some say that those programs result from a “top-down” approach by the international Diplomacy: Linas Marcoussis Agreement (January 23rd 2003) is the first document to mention the DDR in the Ivorian crisis and suggesting a timeline, and it was a French initiative to organize a meeting between all the stakeholders. However, when using a diachronic approach, it is remarkable that the modus operandi of the demilitarization, its time chart and its blockings/unblockings phases were largely decided by the main belligerents, thus contradicting the “top-down” assumption. This contribution sheds light on the tribulations of the Ivorian demilitarization process by paying a special attention to the differences observed through the categories of fighters.
- Sri Lanka : les séquelles de la guerre - Eric Meyer, Delon Madavan p. 219-237 À Sri Lanka, la fin d'une guerre qui a duré un quart de siècle, jusqu'en mai 2009, ne signifie pas la fin d'un conflit intercommunautaire qui lui est antérieur. Cette guerre, qui a opposé les militants séparatistes tamouls aux troupes du gouvernement de Colombo, a bouleversé la société insulaire, entraînant des déplacements internes massifs de population, une émigration de grande ampleur des Tamouls, un grand nombre de tués et de blessés de part et d'autre. La transformation du conflit en guerre ouverte s'est inscrite dans le contexte de la mondialisation : outre les intérêts géostratégiques des pays voisins, c'est l'action d'une diaspora tamoule nombreuse et la perspective d'une intervention internationale qui ont conditionné le déroulement de la guerre et qui continuent de peser sur la situation d'après guerre. Le système démocratique, qui avait été incapable de gérer le conflit avant guerre, a été gravement atteint par la militarisation de la société, liée à l'affirmation d'un présidentialisme démagogique. Mais il a fait la preuve de sa résilience lors de l'élection présidentielle de 2015 gagnées sur un programme de retour à l'État de droit et de réconciliation nationale ; cependant ce « printemps sri-lankais » reste fragile.In Sri Lanka, the quarter of a century long war is over since May 2009, but the roots of the communal conflict are still there. The war, which pitched the Tamil separatist militants against the armed forces of the government, resulted in extensive social disruption, massive internal displacement and large-scale outmigration of Tamils, heavy casualties on both sides. The conflict was internationalized and became an open war in the context of globalization: the strategic interests of neighboring countries, and moreover the ability of a numerous Diaspora to lobby for international intervention influenced the development of events and still inform the post-war situation. The democratic system, which failed to manage the conflict before the war, became the victim of its effects and gave way to a demagogic regime under Mahinda Rajapaksa. The results of the presidential elections of January 2015, won by Maithripala Sirisena on a program of return to democracy, show the resilience of the democratic principle, but the “Sri Lankan spring” remains fragile.