Contenu du sommaire : L'artiste, un chercheur pas comme les autres
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
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Numéro | no 72, 2015/2 |
Titre du numéro | L'artiste, un chercheur pas comme les autres |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Dominique Wolton p. 11-13
- Introduction générale - Franck Renucci, Jean-Marc Réol p. 14-17
- Points de repère - p. 18-19
- Sélection bibliographique - p. 20-21
I. La recherche par l'art : une clarification critique
- Introduction - p. 23-25
- L'artiste et le singe savant - Pierre Alferi, Dominique Figarella, Catherine Perret, Paul Sztulman p. 27-32 Cet article rappelle la différence fondatrice qui situe l'art en dehors du savoir, comme un excès irréductible et une recherche non utilitaire. Mais que pourrait être une recherche qui ne vise pas le savoir ? Pour répondre à cette question, il convient d'abandonner le modèle académique qui voudrait transformer le chercheur en art en docte proférant des commentaires pédagogiques et historiques, en virtuose des nouvelles technologies et des réseaux, ou en zélote de la culture du projet. Face à ces impasses, les institutions à venir de la recherche en arts doivent donner lieu à des formes de transmission fidèles à la singularité de l'expérience artistique. Parmi elles : « l'œuvre-mémoire ».Does artistic research mean aping scholarship?
This article reminds us of the fundamental distinction that places art outside knowledge, an irreducible kind of superfluity involving research with no utilitarian purpose. But what is research if the aim is not knowledge ? To answer this question, we need to abandon the academic model that seeks to turn artistic research into the scholarly production of pedagogical and historical commentaries, and artists into virtuoso performers with new technologies and networks, or zealots of the “project” cult. To find a way out of the impasse, future artistic research institutions must develop ways of transmitting knowledge that keep faith with the singularity of the artistic experience. One of these ways is the production of artwork as a “memoir”. - Des scènes de recherche pour l'art vivant - Pierre Alferi, Dominique Figarella, Catherine Perret, Paul Sztulman p. 33-40 Cet article rappelle en quoi l'organisation de la recherche est indissociable de celle de la production. À l'encontre de cette acception, il souligne que la pratique artistique, qui est moins une production d'œuvres qu'un projet de vie, est mue par la nécessité de ne pas délier l'activité de recherche du travail social et socialisant de l'art. En témoigne la pédagogie des écoles d'art où les rapports de force de la scène de l'art vivant se rejouent, mais à l'état latent et sans autre enjeu qu'artistique. Sur cette scène pédagogique et néanmoins artistique, ce n'est pas la production d'un savoir qui prime mais les jugements esthétiques pris dans un dispositif commun de perception et d'inscription.Setting stages for research on live art
This article discusses how the organisation of artistic research is inseparable from the organisation of artistic production. The author takes a dissenting view by stressing that artistic practice, which is not merely a matter of producing artwork but a lifetime project, is driven by the necessity of not dissociating research activity from the social and socialising work that art performs. Reflecting this are the educational methods applied in art schools, which bring the power struggles of live art performances into play but in latent form, and with no issue at stake other than art itself. In staging these educational but also artistic productions, what counts is not the production of knowledge but the aesthetic judgments made within a common scheme of perception and inscription. - Que cherchons-nous ? - Pierre Alferi, Dominique Figarella, Catherine Perret, Paul Sztulman p. 41-48 Cet article interroge l'impératif à faire de la recherche comme un symptôme dans la mutation en cours de l'organisation sociale. Dans cette perspective, il apparaît, sous son angle idéologique, comme un des discours qui structurent les échanges sociaux sous l'égide de la knowledge economy. Gommant la séparation entre les institutions et les activités, l'assimilation de la recherche et de l'innovation dévitalise les pratiques et désapproprie les communautés tant universitaires qu'artistiques. Face à ce danger, il convient d'imaginer de nouvelles formes de collectifs s'incarnant dans un concept inédit de laboratoire dont une esquisse est ici tentée.What are we (re)searching for?
This article discusses the compulsion to consider research as a symptom of the transformations taking place in the organisation of society. From this point of view, this appears, ideologically speaking, to be akin to the discourse that is currently structu ring society in the name of the “knowledge economy”. By blurring the distinction between institutions and activities, the conflation of research and innovation is devitalising practice and disem powering communities, both academic and artistic. This is a danger that must be faced by inventing new collective forms of research, embodied in a novel laboratory concept that we outline in this article. - La recherche dans les différents arts - Jehanne Dautrey p. 49-52
- Le temps présent de la recherche en art - Bernhard Rüdiger p. 53-61 La recherche en art se fonde sur une longue tradition, une activité qui, sous des formes et des associations diverses, a toujours été pratiquée dans ce qu'on appelle l'art moderne. Cette connivence entre recherche et production est due à la spécificité de l'approche esthétique des métiers de création. La qualité sensible occupe une place fondamentale chez tout artiste. Les études en art ne sont pas structurées à partir d'un savoir disciplinaire : le jeune créateur apprend à partir de son propre appareil perceptif et se confronte donc au savoir non pas par l'assimilation des connaissances, mais à partir du questionnement contemporain de ce savoir. La recherche en art se structure à partir de la mise en tension de cette temporalité du présent. Les écoles d'art ont développé une recherche spécifique et proposent aujourd'hui des formations par la recherche et un diplôme supérieur de recherche en art.Artistic research in the present tense
Artistic research has a long tradition that dates back, under different forms and with different associations, to what is known as the modern art movement. The connivance between research and output is the result of an aesthetic approach which is specific to the creative arts. A sense of quality is fundamental to all artists. Arts studies are not built up from disciplinary knowledge : young creative artists learn through their own systems of perception, and they encounter knowledge not by assimilation but through contemporary questioning of that knowledge. Artistic research builds up by bringing tension into the present. Art schools have developed specific forms of research and now offer training through research as well as a higher education diploma in artistic research. - Le temps perdu de la recherche : pour l'école (d'art) de demain - Frank Madlener p. 62-67 Recherche de l'art, recherche en art, recherche académique : le rapprochement ou la confusion entre ces concepts, ces pratiques et ces mondes, hâté par le processus européen de Bologne, n'a pas aboli la défiance entre les protagonistes d'une scène « recherche » dont le périmètre reste flou. Un tel débat indique un enjeu plus vaste, historique et politique, celui de la rencontre entre le sensible et l'intelligible au XXIe siècle, et, partant, celui de l'éducation esthétique de l'homme. Pour ouvrir cette perspective, notre étude part d'une configuration rare et fertile réunissant des artistes et des scientifiques autour des notions de prototype, de technique et d'essai, qui bouleversent tout à la fois l'atelier et le laboratoire, le monde universitaire et celui de la culture.Catching up for lost time in research: proposals for the (arts) school of tomorrow
Arts research, artistic research, academic research : the conflation between these different concepts, how they are applied and in what environments – now being accelerated by the European Bologna Process – has in no way resolved the climate of mistrust between players on a “research scene” whose contours are still ill-defined. The Bologna debate suggests that a much broader historical and political issue is at stake : the meeting of the sensible and the intelligible in the 21st century and, therefore, the issue of people's aesthetic education. With this perspective in mind, our study developed from a rare and fertile configuration in which artists and scientists worked together on the concepts of prototype, technique and testing, and through which workshop and laboratory, academia and the world of culture were turned inside out. - Le Fresnoy : la recherche en acte - Alain Fleischer p. 68-72
- Godard n'a pas de doctorat ! - Thierry Paquot p. 73-74
- Les défis de la recherche en art et en design en Suisse. Un cas d'école : la HEAD – Genève - Jean-Pierre Greff, Lysianne Léchot Hirt, Anne-Catherine Sutermeister p. 75-84 En Suisse, la recherche dans les écoles d'art s'est développée dans le cadre des accords de Bologne. La mise en place d'un cadre légal précis, exigeant que les écoles d'art fassent de la recherche au même titre que les universités et les autres hautes écoles spécialisées (ingénierie, santé, social, économie) a fait de nécessité vertu. Les sept écoles d'art et de design suisses ont très vite développé des discours permettant de fonder une épistémologie de la recherche artistique et design originale. La HEAD s'est positionnée dans ce champ en explorant un éventail de formes de recherche large, allant de la recherche-création et recherche-projet à des formes plus analytiques de recherche, et mêlant recherche fondamentale et recherche appliquée. Une attention toute particulière est consacrée aux activités de diffusion, à la production d'expositions, d'ouvrages et d'œuvres artistiques et de design intégrant les connaissances et les savoirs à travers des formes visuelles.Challenges of arts and design research in Switzerland: a case study on the HEAD in Geneva
In Switzerland, research in art schools has developed under the Bologna Accords framework. The introduction of a specific legal framework requiring art schools to conduct research as do universities and other specialised schools of higher education (engineering, health, social affairs, economics, etc.) has made a virtue out of necessity. The seven Swiss schools of art soon developed a discourse on which they founded an original epistemology of arts and design research. The HEAD developed its position in this area by exploring a wide variety of research patterns, ranging from creative and project research to more analytical forms, and combining fundamental and applied research. Particular attention was given to distribution, producing exhibitions, books, artworks and designs that integrate different kinds of knowledge through visual forms. - L'intranquillité de la recherche architecturale - Chris Younès p. 85-90 La recherche en architecture, impliquant à la fois les sciences de l'observation et, avec le projet, celles de la transformation, participe de l'invention de dynamiques épistémiques disciplinaires et indisciplinaires d'un autre type, engageant le poïétique et le politique.From thesis to project: disquiet in the world of architectural research
Architectural research, which involves the science of observation and, for projects, transformation, is contributing to the invention of a different kind of disciplinary – and “indisciplinary” – epistemic dynamics that bring in both poiesis and politics. - Inventer le diplôme supérieur de recherche en art - Stéphane Sauzedde p. 91-97 L'École supérieure d'art de l'agglomération d'Annecy a lancé en 2009-2010 le premier dispositif diplômant de troisième cycle porté par une école d'art française : le diplôme supérieur de recherche en art. Cela exigeait un ensemble de mutations dans toute l'école – pour la pédagogie en général, pour les étudiants de premier et deuxième cycle, les enseignants, la recherche en art, les modèles économiques de l'activité, les rapports de partenariats, pour ce qu'être artiste sortant d'une école veut dire, etc. Et cela a donc produit un puissant effet sur l'ensemble de l'établissement. Quelques six années après le début de ce travail à la fois institutionnel et artistique, cet article revient sur cette expérience, en décrit le dispositif et en pointe les réussites et les limites.Inventing a higher education diploma in artistic research
In 2009-2010, the Annecy Higher School of Art launched the first doctoral diploma offered by a French art school : the higher education diploma in artistic research. The move required a series of changes across the entire school – in teaching methods in general, for first and second degree students, for the teachers, the artistic research conducted, the economic models applied, the partnerships in place, for what it means to be an art school graduate, and so on, thus producing a powerful effect on the entire school. Six years on, this article looks into the experience, from the institutional as well as the artistic perspective, describes the procedures introduced and discusses their successes and limitations. - Grasping gestures. Practice-based research - Gretchen Schiller p. 98-102
- Le street art, entre institutionalisation et altérité - Christian Gerini p. 103-112 Il est ici question du street art et de l'incongruité qu'il y aurait, malgré sa récupération par le marché de l'art et les institutions, à faire entrer ses acteurs dans un cadre formel et rationnel, en particulier celui de la formation via des cursus standardisés par lesquels justement ne passent pas nécessairement les artistes du genre, ce qui altèrerait le sens-même de l'acte premier, à savoir celui d'un geste spontané, illégal, libre, et pour lequel la nature du support in situ est souvent aussi importante que ce qui y est porté. Nous aborderons de ce fait la question de l'opposition entre l'expression d'une « norme » et celle d'une altérité – d'altérités, pour être plus précis, puisque il est question en matière d'art urbain des différences entre origines, classes sociales et d'âges, genres et techniques, types de messages, lieux d'expression et formes de communication, intentions, etc.Street art, between institutionalisation and difference
This article looks into street art and the incongruousness, despite its institutionalisation and capture by the art market, of trying to fit street artists into formal and rational systems, and especially into training through standardised curricula that are not necessarily relevant to the genre since they alter the very meaning of a street artist's initial act, which is spontaneous, illegal and free, and where the medium in situ is often as important as what is inscribed on it. We therefore discuss the contrast between the expression of a “norm” and of a “difference” – or differences, to be exact, since urban art is precisely about differences in origins, social classes and ages, genres and techniques, types of messages, places where they are expressed, forms of communication, intentions, etc. - Synthèse des travaux du Rescam - Monique Martinez, Catherine Naugrette p. 113
II. Écrits et savoirs
- Introduction - p. 115-116
- Faire laboratoire : art, université, recherche - Bruno Tackels p. 117-124 Comment définir la recherche en art ? Quelle est sa part dans le processus créatif d'un artiste ? Comment permettre aux artistes de ménager cette autre temporalité, qui suspend le rythme dominant de la production/diffusion ? Ces questions se passent notamment à l'enseignement supérieur culture, où les écoles d'art ont défriché le terrain depuis une dizaine d'années. D'où l'hypothèse, mise à l'épreuve dans diverses écoles, d'un doctorat création, qui assume pleinement la double exigence de l'art et de l'université. La mission recherche de la direction de la création artistique va relever ces multiples défis que pose la recherche en arts, en proposant différents outils et dispositifs de développement.Research in the arts, the world's oldest profession
How should one define research in the arts ? How does it fit into the creative process ? How can artists be helped to handle the temporality of research, which suspends the dominant tempo of production and distribution ? These questions arise especially in higher education in the sphere of culture, where art schools have been breaking new ground for some ten years. Hence the idea, tested now in various schools, of a creative arts doctorate that would cater fully for the demands of both academia and art. The research task force of the creative arts directorate will be addressing the many challenges that arise in research in the arts to put forward different development schemes and tools. - Le doctorat en art européen - Philippe Hardy p. 125-131 La mise en place de doctorats en art de par le monde existe depuis de nombreuses années et est exponentielle. Les différences culturelles laissent apparaître des clivages importants entre les écoles d'art du nord de l'Europe et du sud. D'autres expériences sont également menées en Amérique et en Asie. Une question qui reste fondamentale est celle concernant la définition plus précise de ce qu'est la recherche en art. Un artiste plasticien, homme de théâtre, de cinéma, de musique, etc. est-il chercheur dans la réalisation de son œuvre ? De cette question centrale découle une réflexion sur le bien-fondé de la mise en place d'un doctorat en art basé principalement sur l'œuvre d'art en soi. Diverses expériences seront rapportées dans cet article et notamment l'expérimentation qui est en train de se mettre en place entre des écoles d'art néerlandaise, anglaise, écossaise et française.A European creative arts doctorate
Creative arts doctorates have existed for many years across the world and are now developing exponentially. Cultural differences have produced clear distinctions between art schools in northern and southern Europe. Experiments are also under way in the Americas and Asia. A fundamental and so far unresolved question is how to provide an exact definition of artistic research. Are painters, sculptors, musicians, directors and actors in theatre and film also researchers when they produce their work ? This crucial question is the starting point for a discussion on the advisability of introducing an arts doctorate primarily based on art work itself. We report on a range of experiences, and especially on the experiments being launched in arts schools in Holland, England, Scotland and France. - Art, science et psychanalyse : trois modes de relation à l'impossible - François Ansermet p. 132-138 Art, science et psychanalyse convergent par le fait de vouloir saisir ce qui toujours les dépasse, pour aller au-delà de l'impossible sur lequel chacun des ces domaines vient à buter. C'est ainsi qu'art, science et psychanalyse se constituent comme trois modes différents de relation à l'impossible. Cette butée sur l'impossible facilite paradoxalement leur rencontre, les ouvrant à de nouvelles explorations. Reste à inventer une méthode qui leur permette de s'enseigner réciproquement, selon un rapport de nécessité, condition d'une possible articulation : la psychanalyse joue un rôle entre art et science, en proposant un maniement nouveau de l'impossible auquel leurs explorations les confronte.Art, science and psychoanalysis: three ways of relating to the impossible
A common denominator between art, science and psychoanalysis is their attempt to grasp what is always out of reach, to seek the impossible in each of these fields. Art, science and psychoanalysis therefore represent three different ways of rela ting to the impossible. Yet paradoxically, it is by reaching for the impossible that the three converge as they open up new horizons for exploration. But what needs to be invented is a method to enable mutual teaching, via the necessity that alone can guarantee reciprocity : psychoanalysis has a role to play between art and science, by proposing new ways of handling the impossible they are confronted with in their explorations. - Le théâtre et la recherche scientifique : Entretien - Jean-François Peyret p. 139-142
- Comprendre le discours musical : Entretien - Francis Wolff p. 143-149
- L'art, permetteur d'une tierce connaissance - Ian Simms p. 150-156 La désactivation de la fonction esthétique de l'art peut l'ouvrir à d'autres fonctions. Dans cet article, il s'agira d'explorer la fonction épistémique de l'art et la manière dont l'art peut permettre l'émergence de ce que nous nommons une tierce connaissance. Partant du principe que toute œuvre emmène avec elle sa propre théorisation en acte, nous analysons le film Nous d'Artavazd Pelechian et l'installation vidéo Schnittstelle de Harun Farocki en tant qu'exemples de notre postulat. En résonnance avec le tiers état de l'abbé Sieyès ou le tiers paysage de Gilles Clément, la tierce connaissance dessine un espace épistémique potentiel, résistant à la fois à l'académisation accompagnant les savoirs constitués et à l'instrumentalisation inhérente aux savoirs produits par le capitalisme cognitif, un espace hétérogène, liminal, inventant une économie de la connaissance – avec ses outils théoriques, ses formes produites et ses régimes de visibilité – en perpétuel renouvellement.Art as an enabler of “knowledge of the third kind”Deactivating the aesthetic function of art can open it up to other functions. In this article, we explore the epistemic function of art and how art can enable the emergence of what we refer to as “knowledge of the third kind”. Starting from the principle that any work of art encapsulates its own theorisation in action, we analyse the Artavazd Peleshian's film Nous and Harun Farocki's video installation entitled Schnittstelle as examples illustrating our premise. Resonating with the “third estate” defined by Abbé Sieyès and the “third landscape” of Gilles Clément, the concept of “knowledge of the third kind” outlines a potential epistemic space that resists both the academisation of established knowledge and the instrumentalisation inherent in knowledge produced by cognitive capitalism, a space which is heterogeneous and liminal and which perpetually reinvents its own knowledge economy, along with its own theoretical tools, forms of production and means of achieving visibility.
- Violoniste et chercheuse : à propos du doctorat de musique « Recherche et pratique » - Cécile Kubik p. 157-163
- L'enseignement de la pratique musicale en France et au Japon - Kazuko Narita, Hisako Hashiguchi p. 164-167
- L'écriture du danseur : un déplacement reptilien - Jean-Christophe Paré p. 168-175 La question de la rationalisation rapprochée du champ de la création en danse est ici posée d'emblée sur le registre d'une énergétique de l'écriture chorégraphique. Pour deux raisons : le contexte est celui d'une pratique corporelle, et aussi d'un art, dit de l'éphémère, qui pourtant se joue plus souvent qu'on ne le croit sur le terrain des écritures. Entre danse et écrit s'invente une mise en tension entre penser sa danse comme écriture et penser l'écrit de cette écriture. Quelques aspects de l'interprétation créative sont retracés au travers d'expériences pédagogiques menées notamment avec des élèves hors et dans les lieux du Conservatoire de Paris. L'avancée sinueuse sur le chemin d'écriture est un véritable déplacement de type reptilien. Le régime énergétique et la temporalité de l'artiste au travail sont fait d'incertitudes également observées chez les élèves. Se pose la question de l'auto-évaluation. Comment avoir confiance en soi ? Comment apprendre à apprendre, à pouvoir opérer des relecture de soi ? Comment construire son raisonnement personnel et autocritique ? Se dégage une méthodologie de l'intermédiaire entre actes et écrits. Elle ouvre la porte au développement de dispositifs et modes de fonctionnement spécifiques qui permettraient d'envisager une véritable préparation à la rencontre avec la recherche en troisième cycle. C'est au cours du deuxième cycle, au cœur des projets artistiques créés, qu'une appétence pour le fait d'aller au-delà de son art, par des registres croisés de mises en écriture, prendrait tout son sens.The snakelike progress of writing dance
The question of close rationalisation in the field of dance creation is discussed here from the starting point of energetics in choreography. This for two reasons : the context is one of movement of the body, but also of a form of art, which though described as ephemeral is played out more often than we might think through writing. Between dance and writing a tension emerges between the thinking of one's dance as writing and the thinking of how that writing is written. We retrace certain aspects of creative interpretation through educational experiences, in particular those of pupils at the Conservatoire de Paris, within and without its walls. The sinuous progress of writing dance appears truly snake like. The energy regime and temporality of an artist at work is also observed among the pupils. The question of self-assessment arises : how do we find trust in ourselves ? How do we learn how to learn, how to rewrite our own selves ? How do we build up our own reasoning and self-criticism ? A methodology emerges of intermediation between action and writing, which opens out to the development of specific systems and patterns of functioning that could lead to real possibilities for encounters with postgraduate research. It is during their graduate studies, at the heart of their artistic projects, that students' appetite for reaching beyond their own art, as they combine different registers of writing, comes into full bloom.
III. Expériences collaboratives
- Introduction - p. 177-178
- La recherche doctorale en art face aux changements. Étude du cas de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Bernard Darras p. 179-186 Dans le monde académique, le doctorat est en général considéré comme le diplôme de plus haut rang. Le parcours de recherche initié par le ou la doctorant-e conduit à la rédaction d'une thèse et à une soutenance devant un jury constitué de docteurs le plus souvent habilités à diriger des recherches. Dans la pratique, ce modèle canonique hérité du Moyen Âge connaît des variations importantes en fonction des disciplines. C'est dans ce contexte de grande hétérogénéité et diversité que le doctorat connaît de nouvelles variations, notamment en Europe depuis la mise en œuvre du processus de construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur. Le doctorat de création ou en création et le doctorat basé sur la pratique en sont deux exemples. Dans cet article, nous étudierons particulièrement le cas du doctorat en « arts et sciences de l'art » de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne qui fut l'un des premiers en France (et dans le monde) à être habilité dans le domaine de la recherche en création contemporaine.The changing environment of doctoral research in the arts
In the academic world, the doctorate is generally considered to be the highest ranking diploma. A doctoral student taking up a line of research produce a thesis that will be presented to a jury of PhD holders who are usually accredited research directors. In practice, this ancient model inherited from Mediaeval times has come to vary considerably in different disciplines. In an already heterogeneous and diverse context, doctoral studies are now seeing further changes, especially in Europe with the process of building up a European sphere of higher education. Two examples of this are the doctorate in creative arts and the doctorate based on arts practice. In this article, we focus in particular on the doctorate in “arts and arts sciences” offered by the University of Paris 1 Pantheon-Sorbonne, which was one of the first in France (and worldwide) to receive accreditation in the field of research on contemporary creative arts. - Recherche, ingénierie, création artistique : processus, prototypes, productions - Serge Bouchardon, Clarisse Bardiot, Hélène Caubel p. 187-197 Dans cet article, nous abordons la question de la démarche recherche et création dans les collaborations artistes-chercheurs-ingénieurs. La perspective est double, reposant sur l'histoire (sont évoquées les collaborations protéiformes entre artistes, chercheurs et ingénieurs depuis 1950) et sur une étude de cas (le partenariat entre la compagnie de spectacle ALIS et l'université de technologie de Compiègne). Ces collaborations invitent à réordonner les ordres de priorité, en valorisant le processus plutôt que le résultat, mais aussi en mettant en lumière le rôle du prototype comme objet commun aux artistes, aux chercheurs et aux ingénieurs. Apparaît également comme crucial le rôle du traducteur ou intermédiaire entre les différents mondes. Nous proposons une première modélisation à valeur heuristique du cadre et des enjeux de ces collaborations afin de mieux appréhender celles-ci.Research, engineering and artistic creation: processes, prototypes and production
This article discusses the approach to research and creation in collaborative projects between artists, researchers and engineers, from two different perspectives. One is historical (we discuss the protean collaborative work undertaken between artists, researchers and engineers since 1950) and the other starts from a case study (the partnership between the ALIS theatre company and the technological university of Compiègne). These examples of collaborative work suggest a need to rearrange priorities so that the process is highlighted rather than the result, but also the role of the prototype as an object common to artists, researchers and engineers alike. The role of the translator, or intermediary, between these different worlds also emerges as crucial. We offer an initial heuristic model of the framework and the issues addressed by these collaborative projects, the better to grasp their significance. - Réflexions sur les possibilités d'une « recherche-création » désinstrumentalisée - Alexandra Saemmer p. 198-205 Depuis quelques années, les discours catastrophistes prédisant une domination de l'humanité par le numérique se multiplient. Pour emprunter à Roland Barthes sa formule célèbre, le numérique est-il alors fasciste, comme la langue ? Il est tentant de le penser, et il peut donc paraître foncièrement contradictoire de relier les termes « art » et « numérique ». L'artiste numérique se trouve en effet tiraillé entre la nécessité sociale et politique d'investir le numérique comme terrain d'expérimentation, l'envie d'explorer les potentiels esthétiques effectivement ouverts, et l'impossibilité d'échapper aux lois du marché qui régissent le hardware et le software des supports comme l'ordinateur, la tablette ou le téléphone portable, que l'artiste est bien obligé d'investir dès qu'il veut faire de l'art numérique. Une démarche de « recherche-création » mobilisant les dispositifs numériques peut-elle néanmoins trouver des voies pour échapper à la rationalisation normative ? Quels seraient les contours et démarches possibles d'un art numérique désinstrumentalisé, repolitisé ?Reflections on possibilities for de-instrumentalised “creative research”The last few years have seen a proliferation of doom-laden predictions of the conquest of humanity by digital technology. To borrow Roland Barthes' well-known phrase, does this mean that digital technology is fascist, as is language? It is a tempting idea, which would make the link between “art” and “digital” a contradiction in terms. Digital artists are torn between the social and political need to enter the world of the digital as a field of experimentation, the desire to explore the aesthetic potential it offers, and the impossibility of escaping from the market forces that govern the necessary hardware and software for the computers, tablets and mobile phones that artists have to use if they want to do digital art. Could a “creative research” approach involving digital systems still find a means of escaping normative rationalisation? What could be the contours and the possible approaches for a new kind of de-instrumentalised and re-politicised creative art?
- La raison sensible - Hervé Fischer p. 206-213 L'émergence des arts numériques, qui explorent les rapports entre art et science et créent une idéologie d'artistes-chercheurs, favorise l'insertion des formations artistiques dans les universités, alors que la tradition subjectiviste et individualiste des beaux-arts, encore dominante, réclame le maintien de l'autonomie des écoles d'art, sanctuaires du droit à la divergence. L'idée de « beaux-arts numériques » invite à se méfier autant de l'intégration des uns que de l'isolement des autres. Il faut réformer les écoles d'art en y introduisant de solides formations en sciences exactes et humaines pour les remettre dans l'actualité du XXIe siècle.Reason through the senses
Because they explore the relationships between art and science and are building up an ideology of the artist-researcher, the emerging digital arts have promoted the integration of arts curricula in universities even as the subjectivist and individualist tradition of the fine arts, which continues to be dominant, demands that art schools remain independent as sanctuaries protecting the right of divergence. The idea of “digital fine arts” suggests a need for caution as regards both integration on the one hand and isolation on the other. We conclude that art schools need to be reformed to bring them in line with 21st century reality, by introducing robust learning programmes in both exact sciences and humanities. - Enseignement, recherche et création - Gérard Leblanc p. 214-216
- Pour une recherche combinatoire : Enjeux de la recherche en art : le doctorat SACRe comme cas d'étude - Emmanuel Mahé p. 217-225 Le débat sur la recherche en art et en design déborde largement du cadre strict des écoles d'art et même du monde de l'art : de nouvelles communautés de pairs vont émerger, de nouveaux acteurs aussi. Cet article prend pour exemple le doctorat Sciences arts création et recherche mis en place à partir de 2012 au sein de PSL Paris Research University. À travers ses modalités de fonctionnement et des exemples de travaux doctorants, trois questions sont abordées : celle de la mise en place d'un troisième cycle dans les écoles d'art, celle de ses différents modes de valorisation (arts, sciences, industries) et, enfin, celle de la recherche en art comme opportunité pour inventer de nouvelles formes artistiques mais aussi organisationnelles et institutionnelles. L'hypothèse proposée est que la recherche en art doit être débattue dans sa richesse combinatoire et pas seulement du seul point de vue d'un modèle contre un autre.On the need for combinatory research
The debate on art and design research reaches far beyond the world of art schools and even beyond the world of art : new peer communities will be emerging, and also new players. This article takes the example of the Science, Arts, Creation and Research doctorate offered since 2012 at the PSL Paris Research University. Through its functional processes and examples of thesis work, we address three questions : the introduction of doctoral studies in art schools, their different applications (in the arts, sciences and industry) and, finally, artistic research as an opportunity for inventing new forms of art but also new organisational and institutional patterns. Our hypothesis is that artistic research should be discussed in terms of its combinatory richness, and not only as one research model compared to another. - L'architecture, un art qui embrasse la science - Joseph Moukarzel p. 226-231 L'architecture est le premier des arts, mais nous ne pouvons l'y confiner exclusivement car elle se distingue des autres arts essentiellement par ses paradigmes pluridisciplinaires, son gigantisme, sa fonctionnalité et d'autres facteurs scientifiques que l'architecte Louis Kahn appelle « ordres ». Par sa symbolique, son iconicité et la communication qu'elle induit, l'architecture s'est retrouvée au cœur de la globalisation, voire même au carrefour des conflits des civilisations. Elle est devenue un pourvoyeur d'images mondialisées et un transmetteur de messages interculturels et, par ce fait, elle ne peut plus être tributaire uniquement de la simple impulsion créative ou de l'ego des « archistars » internationaux. D'où le besoin de régulation, de remise en question permanente et de questionnements autour de problématiques pluridisciplinaires que seule la recherche scientifique peut apporter. Pour ce qui est de l'intégration de cette discipline dans le cadre du système LMD, la non-communication empêche le rapprochement des concepts entre la rigidité des « gestionnaires des systèmes » et les hantises des responsables de l'enseignement artistique.Architecture, an art that encompasses science
Although it is the first of the arts, architecture cannot be confined to art alone, because it differs from all other arts essentially in its multidisciplinary paradigms, its vast scale, its functionality and other scientific factors that the architect Louis Kahn refers to as “orders”. Because of its symbolic and iconic value and the communication it prompts, architecture has become a central feature of globalisation and even a focus of clashes between civilisations. It has become a vehicle for globalised imagery and intercultural messages and because of this, it can no longer be purely a function of the creative impulse or of the ego of international “starchitects”. Hence the need for regulation, for constant reappraisals and for investigations into multidisciplinary issues that only scholarly research can address. As regards the integration of architecture into the bachelor-master-doctorate system, this is hampered by the absence of communication between rigid managerial systems and the fears of those responsible for arts teaching. - Entre rigueur et liberté : le prix ArtScience-université - Brigitte Munier p. 232-234
Diagonales
- Comprendre l'évolution des démocraties pluriculturelles : La législation sur les droits civiques de 1964 : un exemple concret de la prise du pouvoir de l'exécutif ? - Éric Agbessi, Éric Dacheux p. 235-242 Cet article, au croisement de la communication politique et de la civilisation américaine, vise à vérifier empiriquement l'hypothèse formulée par Marcel Gauchet sur l'évolution de la démocratie libérale au lendemain de la deuxième guerre mondiale. À travers l'étude d'un cas très concret, la législation américaine sur les droits civiques de 1964, le projet est ici de vérifier si cette analyse confirme l'hypothèse du philosophe sur le basculement du pouvoir démocratique du législatif à l'exécutif.Understanding the evolution of multicultural democracies: the American Civil Rights Act of 1964 as a concrete example of the shift in power from the legislative to the executive? This article reports on a study conducted at the point of intersection between political communication and American civilisation in order to verify Marcel Gauchet's hypothesis on the evolution of liberal democracy after World War II. Our aim was to verify whether our analysis of a very concrete case, the American Civil Rights Act of 1964, confirms the philosopher's hypothesis of a radical shift in democratic power from the legislative to the executive arm.
- Parler comme un conte, ou l'art de transmettre la connaissance en Afrique - Alexis Dembele p. 243-249 Du conteur, il est dit qu'il est un « bon parleur », qu'il parle bien. En Afrique, le conte et la parole en Afrique sont intimement liés. Nous voulons ici visiter les relations qui fondent et motivent ces deux modes d'expressions et de transmission des savoirs dans les sociétés de traditions orales. En nous référant aux communautés Bwa du Mali et du Burkina Faso, nous comprenons les similitudes qui ont cours ailleurs et les questions qui se posent : que signifie parler ? pourquoi conter ? ou encore comment transmettre les connaissances ? Les réponses à ces interrogations intéressent à un haut degré la communication et la manière d'informer son public.Talking like a tale, or the art of passing on knowledge in Africa
Storytellers are described as people who have “a way with words”, people who are good at talking. In Africa, storytelling and talking are closely linked. This article looks into the relationships that underlie and give rise to these two forms of expression and knowledge transmission in societies with an oral tradition. Our investigations of the Bwa communities in Mali and Burkina Faso bring out similarities with patterns elsewhere and raise many questions: What does talking mean? Why tell stories? How is knowledge transmitted? The answers to these questions are highly relevant to communication and ways of bringing information to an audience.
- Comprendre l'évolution des démocraties pluriculturelles : La législation sur les droits civiques de 1964 : un exemple concret de la prise du pouvoir de l'exécutif ? - Éric Agbessi, Éric Dacheux p. 235-242
Hommage
- François Maspero (1932-2015) : Partisan de liberté - Thierry Paquot p. 251-256
Lectures
- Lectures - Brigitte Chapelain p. 257-265
- Le regard des correspondants étrangers d'Hermès : L'Australie et la mort : commémoration, oubli, scandale - Peter Brown p. 266