Contenu du sommaire : Polyphonies du rap
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 141, 2016/1 |
Titre du numéro | Polyphonies du rap |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le dossier : Polyphonies du rap
- Cherchez le politique… Polyphonies, agencéité et stratégies du rap en Afrique - Alice Aterianus-Owanga, Sophie Moulard p. 5-25
- « On n'est pas à vendre ». L'économie politique du rap dans la Tunisie post-révolution - Elham Golpushnezad, Stefano Barone, Alioune Dia p. 27-51 Cet article questionne les liens entre la scène rap et l'environnement politique post-révolution en Tunisie. Il montre comment le politique, sous des formes multiples, pénètre l'économie de la scène rap et lui impose une certaine discipline, à travers plusieurs mécanismes d'inclusion et de répression. Cette économie politique du rap illustre bien, dans le contexte musical, les logiques de domination que Béatrice Hibou avait auparavant identifies dans la Tunisie d'avant la révolution. Elle déclenche des conflits de légitimité tant politique qu'artistique entre rappeurs, qui ne cessent de restructurer la scène musicale.The paper reconstructs the links between the rap scene and the post-revolutionary political environment in Tunisia. It shows how politics, in different forms, penetrated the scene economy and disciplined it through several mechanisms of inclusion and repression. Such a political economy of rap realised, in the musical context, the logics of domination that Béatrice Hibou had individuated in pre-revolutionary Tunisia. In so doing, it unleashed conflicts of political/artistic legitimacy between rappers, which constantly restructured the scene itself.
- L'hégémonie politique à l'épreuve des musiques urbaines à Luanda, Angola - Chloé Buire p. 53-76 Fondé sur un travail d'immersion ethnographique à Luanda et sur une analyse de la culture populaire urbaine, cet article interroge la réception des musiques actuelles par la jeunesse luandaise. Il part d'un fait d'actualité : en juin 2015, quinze jeunes activistes qui débattaient des principes de résistance pacifique ont été arrêtés et accusés de préparer un coup d'État. L'article défend l'idée que ces arrestations sont emblématiques des mécanismes de domination du parti au pouvoir et surtout de leur ambivalence. Sans annoncer la fin du régime autoritaire en Angola, l'émergence d'une scène musicale underground, depuis la fin de la guerre civile, illustre en effet les contradictions d'un système hégémonique qui, pour entretenir le consentement populaire, ouvre malgré lui des espaces de contestation qui redéfinissent l'espace public angolais depuis la chute des prix du pétrole en 2014.Based on ethnographic fieldwork in Luanda and on an analysis of urban culture, this paper questions the reception of popular music amongst Luanda's youth nowadays. It starts off from a recent piece of news : in June 2015, fifteen young activists were arrested and accused of preparing a coup against the president after debating principles of pacific resistance. The paper suggests that these arrests are symptomatic of the mechanisms of domination used by the ruling party and above all of their ambivalence. Without predicting the end of Angola's authoritarian regime, the emergence of a musical underground since the end of the civil war illustrates the contradictions of an hegemonic system, which, in order to maintain popular consent, opens new spaces of contestation that are reshaping the Angolan public sphere, especially since the drop in oil prices that started in 2014.
- « L'entrepreneur de lui-même » et les polyphonies politiques du rap kenyan - Daniel Künzler, Sandrine Perrot p. 77-97 Au Kenya, les rappeurs énoncent des contre-discours et défient la légitimité des dirigeants politiques mais développent également une convivialité quelque peu contradictoire avec les cercles politiques. Pourtant, l'approche restrictive de la littérature sur ces deux perspectives occulte le fait que tous les artistes que nous évoquons ont également recours à une grande variété de stratégies, suggérant un assujettissement interne de nombreux rappeurs kenyans vis-à-vis de la gouvernementalité néolibérale africaine. Ceci cependant ne se limite pas à la musique rap, dont le caractère distinctif est moins marqué que la littérature ne le suggère.In the Kenyan context, there is evidence of rappers formulating counter-discourses and challenging the legitimacy of political rulers, but also a somewhat contradictory conviviality between rappers and rulers. However, the narrow focus in the literature on these two perspectives obscures the fact that all the artists discussed also refer to a variety of strategies suggesting an internal subjugation of many Kenyan rappers to African neoliberal governmentality. This however is not limited to rap music which might be less distinctive than the literature suggests.
- « Qui cuisine, qui mange ? » : les artistes, courtiers culturels des campagnes électorales en Ouganda - Nanna Schneidermann, Rozenn Diallo p. 99-121 Généralement, l'agencéité politique des musiciens en Afrique a été analysée en termes de patronage, comme une forme de soutien ou de protestation envers les leaders politiques. Pourtant, l'implication des jeunes musiciens ougandais dans les campagnes électorales de 2011 et 2016 ne peut être qualifiée ni d'activisme politique, ni de clientélisme ou de relations commerciales. Pour comprendre cette agencéité politique ambiguë, je propose la notion de courtage culturel afin de souligner les stratégies plurielles et les actions non déterminées de mes interlocuteurs sur la scène politique.Conventionally the political agency of musicians in Africa has been analyzed in terms of patronage, as either praising or protesting political leaders. However, young Ugandan musicians engaged in the general elections campaigns in Uganda in 2011 and 2016 in ways that can neither be characterized as relations of political activism, patronage nor market relations. To understand this ambiguous political agency, I offer the notion of cultural brokerage as a way of approaching the plural strategies and indeterminate actions of my interlocutors on the political scene.
- « Devenir rappeur engagé » : l'émergence controversée du rap dans l'espace public camerounais - Patrick Awondo, Jean-Marcellin Manga p. 123-145 Cet article tente d'apporter une intelligibilité du rap camerounais à partir d'une double lecture : d'une part, en interrogeant son historicité au Cameroun, c'est-à-dire son émergence et son enracinement dans le milieu artistique et culturel, d'autre part, en suivant les rappeurs eux-mêmes ainsi qu'une partie de la critique médiatique dans l'analyse qu'ils font du rap. En privilégiant cette entrée, deux faits majeurs retiennent l'attention : d'abord, une forte mise en concurrence du rap dès son arrivée dans l'espace camerounais avec d'autres styles musicaux. Cette concurrence fut forte, y compris sur la dimension d'engagement critique attendue comme un trait identitaire du rap, l'obligeant ainsi à se légitimer tout en cherchant une identité. Ensuite, les rappeurs camerounais font face à un double procès ; l'un, de la part d'une opinion médiatique soupçonnant leurs accointances avec des autorités au pouvoir vues comme corrompues ; l'autre, de la part desdites autorités frileuses vis-à-vis de la parole critique dans l'espace public.This article attempts to provide an intelligibility of the cameroonian rap from a double reading : on the one hand, by questioning its historicity, that is, its emergence and its roots in the arts and culture ; on the other hand, by following the rappers themselves and part of the media criticism in their analysis of rap. This reflection reveals two facts : first, a strong competitive tendering rap on its arrival in Cameroon space by other musical styles. This competition was strong even regarding the expected dimension of critical engagement as an identifying feature of rap, forcing it to legitimize while seeking an identity. Then the Cameroonian rappers face a double process ; one from a media opinion suspecting their dealings with the authorities in power viewed as corrupt ; the other by the authorities cautious vis-à-vis the critical discourse in public space.
Recherches
- Pourquoi aller au tribunal si l'on n'exécute pas la décision du juge ? Conflits d'héritage et usages du droit à Cotonou - Sophie Andreetta p. 147-168 Ces dernières années, le nombre de conflits d'héritage gérés par le tribunal de première instance de Cotonou a considérablement augmenté. Pourtant, même lorsqu'une décision est rendue, peu de familles exécutent le jugement. Partant de ce constat, cet article vise à comprendre la manière dont les héritiers comprennent et utilisent le droit dans la capitale béninoise. La justice y est mobilisée pour agir sur les hiérarchies familiales et l'accès aux ressources – un objectif qui ne nécessite pas toujours de respecter la décision du juge. Dans le prolongement des récentes réflexions sur la place du droit sur le continent africain, cette contribution s'intéressera aux citoyens ordinaires et à la manière dont ils s'approprient la loi.Over the past few years, the number of inheritance cases handled by the Beninese state courts has drastically increased. However, legal decisions are hardly ever enforced. Based on this observation, this paper discusses how family law litigants understand and use the law in Benin's capital city. State courts are indeed mobilized in order to change family hierarchies and to access resources, which can often be achieved without enforcing the judge's decision. Building on recent contributions on the role of law in postcolonial Africa, this paper focuses on ordinary citizens and on the ways they appropriate the law.
- Le Palipehutu-FNL au Burundi. Dynamiques d'ethnicisation et de « désethnicisation » - Valeria Alfieri p. 169-190 Cet article examine les modalités de la mobilisation politique pratiquées par une formation politico-militaire, le Palipehutu-FNL, depuis sa naissance en clandestinité en 1980 jusqu'à son agrément comme parti politique en 2009. Il se penche en particulier sur le processus d'ethnicisation et de « désethnicisation » qui caractérise sa trajectoire afin de montrer comment la perception de la question ethnique et son usage politique changent en fonction du contexte sociopolitique. Il vise également à faire ressortir les facteurs-clés de l'engagement politique que recouvre le recours au discours ethnique. Pour ce faire, l'article ne se limite pas au moment où s'exerce la violence, il met aussi en évidence les actions politiques qui précèdent et suivent la confrontation armée, évitant ainsi tout déterminisme dans l'analyse des liens entre ethnicité et mobilisation politique.This article examines the modes of political mobilization that have been adopted by the Palipehutu-FNL, a politico-military organization, from its clandestine origins in 1980 to its recognition as political party in 2009. It focusses on the processes of ethnicization/de-ethnicization which characterize its political trajectory, going beyond the violent stages of its existence and giving priority to the political actions taking place before and after episodes of violence. The article demonstrates how the perception of the issue of ethnicity, as well as its political use, evolve over time, as the socio-political context changes, thus showing that there is no determinism in the search for the key determinants of political involvement, between ethnicity and its political use.
- Pourquoi aller au tribunal si l'on n'exécute pas la décision du juge ? Conflits d'héritage et usages du droit à Cotonou - Sophie Andreetta p. 147-168
Lectures
- Revue des livres - p. 191-202