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Revue | Sciences Sociales et Santé |
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Numéro | vol. 19, no 1, mars 2001 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La crise de la vache folle : une épidémie fantôme ? - Patrick Peretti-Watel p. 5-38 Résumé. La crise de la vache folle a eu de fortes répercussions politiques et économiques. Pourtant ses victimes humaines restent aujourd'hui encore très rares. Cette disproportion apparente entre ses conséquences et ses causes a suscité de nombreux commentaires stigmatisant l'irrationalité des consommateurs, qui auraient cédé à un mouvement de panique et pris au sérieux une « épidémie fantôme ». En analysant le traitement médiatique de cette affaire et en mobilisant deux enquêtes quantitatives réalisées en 1997, il est toutefois possible de mieux comprendre les réactions des consommateurs. Leur appréciation du risque n'est pas réductible à une peur irréfléchie. Elle dépend à la fois de leurs habitudes alimentaires et de la confiance qu'ils accordent aux acteurs de la crise.Mad cow crisis: a ghost epidemic? Mad cow crisis has heavily hit economy and politics. Such a resuit seems out of proportion with the real impact of the disease, because the prion killed very few people. According to many experts, consumers gave way to panic because they took a « ghost epidemic » seriously. This article sets forth a qualitative study of the media coverage of this crisis and a statistical analysis of two French surveys realised in 1997. This investigation leads us to believe that consumers did not react so irrationally. Based on available information, their risk perceptions were rather sensible. Their reactions were depending on whether they trust or mistrust the authorities and the distributors. They also depended on their eating habits.
- Les consommateurs et la « vache folle » : vers de nouvelles analyses (Commentaire) - Claude Gilbert p. 39-43
- Pour une ethno-épidémiologie critique de la détresse psychologique à la Martinique - Raymond Massé p. 45-74 Résumé. S'appuyant sur la conjugaison d'une économie politique de la santé et d'une phénoménologie critique de la souffrance, l'anthropologie médicale anglo-saxonne propose de resituer les contributions de l'anthropologie à l'épidémiologie au niveau de l'étude des causes structurelles, politiques et économiques, de la maladie. Le défi majeur posé à l'anthropologie, pour demeurer utile et crédible, devient alors celui d'un arrimage constructif d'une approche interprétativiste du sens local de la maladie à une analyse des causes structurelles sociétales de la souffrance. À partir des résultats d'une recherche portant sur les causes de la détresse psychologique à la Martinique, nous proposerons qu'une ethno-épidémiologie critique de la détresse est en mesure de relever un tel défi. Pour ce faire, elle se devra d'analyser les lieux d'articulation entre trois paliers de déterminants : celui des structures macrosociétales postcoloniales qui consacrent la sujétion politique et la dépendance économique de la société martiniquaise ; à un niveau intermédiaire, social et local, celui des conditions concrètes d'existence et des modalités de l'organisation sociale (exemple : chômage, difficulté d'intégration du migrant de retour, tensions conjugales et intrafamiliales) induites par les macrostructures ; enfin, au niveau culturel, celui tout autant des stigmates laissés par le colonialisme dans les structures profondes des identités collectives que des anxiétés alimentées par les croyances magico-religieuses associées au quimbois. Redéfinir l'anthropologie comme entreprise d'analyse des modalités d'articulation du microsocial au macrosociétal, du politique au social et au culturel, nous apparaît être la seule avenue qui permettra de contrer les risques appréhendés d'une « médicalisation » de l'anthropologie de la santé.Towards a critical ethnoepidemiology of social suffering in postcolonial Martinique Based on a conjugation of a political economy of health services approach and a critical phenomenology of suffering, American critical medical anthropology suggests to set the contributions of anthropology to epidemiology in the arena of the study of structural, political and economic, causes of illness. In order to keep its credibility, anthropology must take up the challenge of a creative linkage between an interpretativist analysis of illness local meanings and a critical analysis of the asymmetric social and economic relationships that partly explain variations in its prevalence and incidence. Based on data from a research project on the causes of psychological distress and social suffering in Martinique, this paper suggests that a critical ethnoepidemiology of distress should be able to face such a challenge. It means that it will have to study the articulation between three levels of determinants: a) the postcolonial macrosocietal structures that reinforces the political and economical dependency of Martinique; b) at an intermediate level, the daily living conditions (Le. underemployment, intrafamilial conflicts) and c) at the cultural level, the collective identity stigmata caused by colonialism and the anxieties generated by witcheraft practices and « quimbois ». This redefinition of the anthropological endeavour at the crossroads of microsocial and macrosocietal level of analysis is proposed as a means to coun- ter the risk of medicalisation of medical anthropology.
- Le point de vue d'une épidémiologiste de la santé mentale (Commentaire) - Viviane Kovess p. 75-78
- Le long voyage des familles : la relation entre la psychiatrie et la famille au cours du XXe siècle - Normand Carpentier p. 79-106 Résumé. Certains thèmes principaux développés en sociologie de la santé mentale et en psychiatrie sont présentés ici en privilégiant l'angle sous lequel la famille a été perçue au cours du XXe siècle. Historiquement, la famille est d'abord considérée comme la « cause » des problèmes de santé mentale avant de devenir, dans un contexte de désinstitutionnalisation de la psychiatrie, une « solution » pour maintenir la personne dans son milieu. Un changement majeur de paradigme s'effectue dans ce passage d'un modèle pathologique de la famille à un modèle de compétence. Dans une perspective critique, l'auteur présente les étapes qui ont mené à cette transformation. Ce « long voyage des familles » nous conduira aux deux thèmes de recherche les plus fréquemment abordés à l'heure actuelle, notamment les études portant sur la lourde charge de soins et sur les émotions exprimées. Les connaissances sur les familles accueillant un proche aux prises avec des troubles psychiatriques graves s'avèrent toutefois très limitées et la dynamique entre les familles et les professionnels reste caractérisée par une certaine animosité. Bien que considérée comme un élément essentiel dans la politique de maintien du patient dans la communauté, la famille n'est encore que partiellement reconnue comme source d'influence potentiellement positive dans la trajectoire des soins.A long journey for the families. The family in psychiatry over the 20th century Some of the major themes developed in the sociology of mental health and in psychiatry are presented here specifically from the point of view of how the family has been perceived over the 20th century. Historically, the family was initially considered the « cause » of mental health problems. Today, in the age of psychiatrie desinstitutionalization, it has become a « solution » for keeping patients in their natural living environment. Thus, a major paradigm shift has occurred in going from a pathological model of the family to that of qualified caregiver. With a critical eye, the author presents the stages that have operated this transformation. The family's long journey through the past 100 years will take us to the two topics of research most frequently explored today, namely, caregiver burden and expressed emotion. What we know about families that care for a severely mentally disordered loved one at home remains very limited, however, and the dynamics between families and professionals continue to be characterized by a certain animosity. Even though it is considered a key element in the policy aimed at caring for patients in the community, the family is still only in part recognized as a potentially positive source of influence in the treatment trajectory.
- Vivre hors les murs de l'hôpital psychiatrique : le rôle incontournable de la famille en ce début de siècle (Commentaire) - Martine Bungener p. 107-111
- La rédaction a reçu - p. 113-115
- Comité de lecture des articles soumis à la revue en 2000 - p. 117